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Le témoignage dans la procédure pénale au Cameroun

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par Jean-Marie TAMNOU DJIPEU
Université de Douala - DEA 2006
  

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Paragraphe I : La fragilité de la preuve testimoniale

Les critiques de plusieurs ordres ont été dirigées contre le témoignage par la doctrine. C'est d'abord la science et plus précisément la psychologie118(*) qui étudiant d'une manière approfondie le fonctionnement du cerveau estime que le témoignage oral fondé sur ce que les gens ont vu ou entendu est peu fiable (A). De plus certaines considérations relatives à la personnalité intrinsèque du témoin peuvent influer sur la qualité du témoignage (B).

A- La critique psychologique du témoignage

Le témoignage est une preuve orale et en tant que tel n'existe que dans la pensée du témoin. Ce qu'il a vu ou entendu lui est transmis par ses sens qui généralement ne saisissent pas parfaitement la chose, mais qui sont plus ou moins développés d'une personne à l'autre (1). De plus le témoin qui a vécu un fait doit pouvoir l'enregistrer dans sa mémoire. Sera-t-il encore capable le moment venu de le retransmettre fidèlement sans se tromper quand on sait qu'entre la commission de l'infraction et sa poursuite peut s'écouler un temps relativement long ? (2)

1- L'imperfection des facultés sensorielles du témoin

L'homme est un être conscient qui dispose d'une faculté d'éprouver des impressions que font les objets matériels. Cette faculté lui est conférée par ses sens qui lui permettent d'envoyer des signaux vers le cerveau, lesquels signaux sont enregistrés par notre mémoire. Les études menées par les psychologues ont démontré que les faits extérieurs perçus par nos sens ne sont transmis à la connaissance que sous une forme fragmentaire et détournée surtout lorsque la personne est désintéressée. Les faits vécus par le témoin sont souvent des faits juridiques qui ont généralement un caractère fortuit. (Homicide involontaire, meurtre, vol...) Le témoin qui n'était pas prêt à vivre un tel événement ne peut rendre parfaitement compte de ce qui s'est passé.

De plus, certaines informations ne sont pas toujours reçues par nos sens d'une manière exacte. Le phénomène psychologique d'illusion perceptive qui est un échec spectaculaire de la perception en est un exemple.119(*)Nous voyons Jaune ce qui à quelques longueurs d'onde est du vert.120(*) Les faits juridiques étant parfois caractérisés par leur soudaineté, le témoin a de fortes chances de se tromper.

Et même, le développement et la perfection des sens varient d'un sujet à l'autre. Certains voient, entendent, sentent mieux que d'autres et l'expérience a démontré que de nombreuses personnes ne font même de bonne foi que de mauvais témoins à cause de leur mauvaise qualité d'observateur,121(*) une mémoire, une vue, une ouïe insatisfaisante. 122(*) Difficile dans ces conditions d'avoir un témoignage ne fourmillant pas d'inexactitudes et d'erreurs. C'est à cette conclusion qu'est parvenue la psychologie judiciaire qui pense que le témoignage oral basé sur ce que les gens ont vu ou entendu est extrêmement dangereux et que le témoignage exact est l'exception.

A l'examen de tous ces arguments doctrinaux qui viennent d'être avancés, l'on constate que la preuve testimoniale n'est pas toujours exacte. Au contraire elle peut être erronée et susceptible d'entraîner des erreurs judiciaires. Le constat est le même lorsque l'on s'appesantit sur la mémoire du témoin.

2- Le témoignage et la prescription : la relativité de la mémoire

Le témoignage est une preuve orale qui ne repose que dans la pensée intérieure et impénétrable du témoin. Ce dernier relate ce qu'il a vu ou entendu et pour ce faire, il doit se souvenir dans les moindres détails les faits qu'il a vécus. Sa mémoire lui est donc indispensable pour conserver la chose perçue. Il doit donc avoir une sagacité et une capacité de mémorisation accrues. Mais très souvent, le temps écoulé entre la commission de l'infraction et la poursuite est plus ou moins long et avec le phénomène de la prescription,123(*) peut s'étaler jusqu'à 10 ans.124(*)Or le témoin sera-t-il encore capable après tout ce temps de se souvenir exactement de tout ce qu'il a vécu il y a seulement trois ans ? C'est d'autant plus difficile que pendant ce laps de temps, le témoin peut vivre des évènements de nature à créer en lui un choc émotionnel plus ou moins violant susceptible de bouleverser sa mémoire. En plus chaque individu a ses dispositions innées et acquises qui lui sont propres et qui forment son aspect différentiel.125(*) Certaines personnes sont capables de se souvenir jusqu'aux particularités inutiles de certains événements, sont plus physionomistes, prêts à reconnaître une personne qu'ils n'ont pas vu il y a 10 ans. D'autres par contre sont incapables de se souvenir de ce qu'ils ont vu il y a une semaine.

En outre, PETERSON démontre dans une expérience que les informations simples sont oubliées en quelques secondes. Par exemple nous oublions très rapidement un numéro que nous venons de lire si quelqu'un nous en parle126(*).

L'étude concrète de la mémoire du témoin est donc difficile. En France par exemple, l'on a proposé de soumettre les témoins dans les affaires délicates à des expertises psychologiques permettant d'évaluer les facultés utiles pour un bon témoignage. Mais serait-il suffisant pour éliminer toute erreur et donner crédibilité au témoignage ?127(*)

De plus le niveau intellectuel du témoin n'est pas une assurance pour un témoignage crédible. Parfois même, il peut être un obstacle à la découverte de la vérité car les intellectuels disposent souvent d'une imagination fertile qui est à même de transformer totalement les faits vécus. Par exemple le témoignage d'un spécialiste n'est pas forcement l'idéal et n'a pas plus de poids que celui d'un profane. C'est à ce constat qu'est parvenu Emmanuel NDJERE qui remarquait qu'un mécanicien n'évalue pas plus exactement lors d'un accident la vitesse d'un véhicule que le ferait un simple automobiliste.128(*)

Autant de critiques qui relativisent l'efficacité de ce mode de preuve dont la personnalité intrinsèque du témoin peut jouer sur sa qualité.

B- L'impact de la personnalité intrinsèque du témoin sur sa déposition

Il est presque impossible de détacher le témoignage de la personne du témoin. C'est un individu qui a une personnalité, laquelle personnalité ne manque pas généralement d'influer sur la qualité du témoignage. Sa moralité qui peut être douteuse (1) et son éventuelle partialité sont autant de facteurs qui peuvent agir négativement sur la véracité des déclarations. (2)

1- La moralité douteuse du témoin

Il est presque impossible de scruter la moralité du témoin avant sa déposition pour connaître ses intentions. Certaines personnes ont un respect pour la chose publique, un dévouement exacerbé pour défendre la cause de la patrie. D'autres par contre éprouvent une haine pour les affaires publiques. Ces dernières n'hésitent pas à altérer volontairement la vérité soit délibérément soit en acceptant d'agréer des promesses ou recevoir des dons.129(*). D'autres vont même plus loin en consentant de venir se présenter en Justice comme des témoins alors même qu'elles ne connaissent rien sur les faits objets des poursuites. Généralement c'est une des parties qui le "fabrique" et lui demande de délivrer certaines déclarations qui peuvent jouer en sa faveur.130(*) Il arrive qu'ils réussissent par ses artifices à détourner l'attention du juge et à parvenir ainsi à leur fin, entravant par là la découverte de la vérité.

Ces cas de figure que l'on rencontre fréquemment peuvent fausser la décision du juge s'ils ne sont pas décelés. RENE FLORIOT le constatait à juste titre ; les faux témoignages sont à l'origine de la plus part des erreurs judiciaires131(*)

2- La possible partialité du témoin

L'une des qualités d'un bon témoignage est d'être impartial, c'est-à-dire empreint d'un sentiment d'objectivité, de vérité et donc de justice. Mais il est très souvent difficile pour les témoins de délivrer une déposition neutre. Désirant protéger les relations de famille, de voisinage, d'amitié, de collègues, ceux-ci sont souvent amenés même dans leur réponse à prendre partie. Et avec l'entrée en vigueur du CPP, ce phénomène sera récurrent et pour cause ; le législateur a étendu l'obligation de témoigner à tout le monde : Parents, amis, alliés, collègues, enfants, tous aujourd'hui déposent. Prenons l'exemple d'un parent qui doit être entendu dans une affaire qui implique son fils ou sa femme. Il serait vraiment pénible pour lui de trahir sa famille. Il serait toujours tenté soit de dissimuler les faits, soit d'altérer la vérité en faisant une fausse déposition.

Somme toute, il est évident que le témoignage est un mode de preuve peu fiable ; mais ces critiques peuvent contraster avec l'utilisation sans cesse récurrente de cette preuve en procédure pénale et plus particulièrement en procédure pénale camerounaise où elle semble être irremplaçable.

Paragraphe II : Le témoignage, une preuve irremplaçable en procédure pénale.

Il serait peut être un peu paradoxal de parler de la portée du témoignage après avoir évoqué les critiques et les multiples problèmes que rencontre ce mode de preuve. Pourtant, il occupe une place de choix parmi les différentes preuves en matière pénale et BENTHAM l'avait déjà remarqué dans une formule devenue célèbre en matière de preuve testimoniale : "Les témoins sont les yeux et les oreilles de la justice"132(*). C'était déjà souligner à une époque l'utilité du témoignage en montrant que les témoins voient et entendent pour la justice. Sans eux la justice pénale serait aveugle et sourde incapable de remplir sa mission régalienne. Cette idée est d'autant plus vraie qu'aujourd'hui certaines infractions ne peuvent être prouvées que par témoignage (A) ce qui le hisse partout ailleurs et dans un contexte particulier comme le nôtre au premier rang parmi tous les autres modes de preuves (B).

A- Le témoignage, preuve par excellente pour certaines infractions.

La recherche des preuves en matière pénale se trouve compliquer par le comportement des malfaiteurs surtout les plus habiles et les plus dangereux qui ne sont animés que par le dessein d'égarer les juges. La justice a donc besoin du concours de ceux là qui ont eu connaissance de l'infraction et qui peuvent apporter des éclairages aussi bien sur les responsables que sur l'existence même de l'infraction133(*).

Mais pour certains faits, le témoignage est le seul mode de preuve qui s'offre au juge de sorte qu'en son absence, la lumière ne peut être faite. Le philosophe ARTHUR SHOPENHAEUR, le remarquait déjà : "Il n'y a de parfaitement vrai que ce qui est prouvé et que toute vérité repose sur une preuve".

Prenons l'exemple des injures de l'art 307 du Code pénal. Si les expressions outrageantes ou les invectives ne sont pas corroborées par les déclarations d'un témoin qui était présent au moment précis où cette violence verbale a été commise, le corps du débit ne pourrait être prouvé. Cette infraction étant caractérisée par sa soudaineté et son instantanéité. De plus c'est un délit qui n'exige pas un fait matériel quelconque mais qui n'est constitué que par les paroles outrageantes qui s'envolent aussitôt qu'elles sont prononcées. Le concours d'un tiers qui a entendu les dites paroles est capital pour l'établissement de la culpabilité et de la responsabilité pénale du délinquant. C'est dire que si l'infraction est commise dans un cercle clos (un bureau par exemple) où personne n'était présente, elle ne peut être prouvée.

Sans avoir l'intention d'épuiser la liste de ces infractions, nous voulons ici montrer que pour certains faits surtout ceux qui ne sont pas matérialisés par un acte visible susceptible de renseigner sur la commission d'une infraction (violation de domicile, outrage privé à la pudeur, ...) ou même certains faits matériels (blessures légères, blessures simples ...), le témoignage est le seul mode de preuve qui peut être utilisé, ce qui le place au premier rang parmi les modes de preuve en matière pénale.

B- L'efficacité du témoignage, preuve la plus usitée en procédure pénale camerounaise.

Le magistrat peut se passer d'écrit, d'aveux, d'indices, mais il lui est plus difficile de juger sans des témoins.134(*)Le témoignage s'inscrit au premier rang et dans un contexte de sous développement comme le nôtre, les témoins sont incontournables.

Aux Etats-Unis par exemple, les Cameras de surveillance sont placés dans les grandes surfaces, les banques et même sur les routes et autoroutes. De tels investissements très coûteux sont pourtant très indispensables en matière pénale. Par exemple quand une infraction est commise dans de telles espaces, les premiers renseignements sont fournis par ces cameras.

Aujourd'hui dans les pays développés, divers moyens de recherche des preuves ont été mis en place par la science. On parle aujourd'hui de police scientifique, police formée par des spécialistes dans la recherche indiciaire, dotée des moyens techniques et technologiques qui lui permettent quand une infraction est commise d'exploiter tous les détails possibles (cheveux, empreintes digitales, cameras, ...). Ces informations minutieusement recueillies sont exploitées par le soin des experts en la matière.

Dans ces pays encore, l'expertise s'est tellement développée ces dernières décennies que la preuve testimoniale risque d'être reléguée ou deuxième plan au profit de la preuve scientifique. C'est dire en fait que si le témoignage est la plus usitée en matière pénale au Cameroun, c'est en partie dû à son retard technologique qui rend inexploitable certains indices. Par exemple la dactyloscopie, procédé d'identification des empreintes digitales, branche de l'anthropométrie judiciaire135(*) n'est pas développée au Cameroun. Certaines empreintes trouvées sur les lieux d'un crime par exemple ne serviront à rien parce que nous ne disposons pas d'abord des techniques de les chercher et de les exploiter. En plus, il n'existe pas un fichier informatisé par la police nationale capable d'identifier chacun par ses empreintes. C'est l'une des raisons pour lesquelles nous recourrons fréquemment au témoignage.

En plus, le législateur a explicitement reconnu l'importance de ce mode de preuve. Dans une matière qui reçoit toutes sortes de preuves, le témoignage est la mieux règlementée par le CPP.

Pendant les enquêtes de police,136(*) à l'information judiciaire137(*)comme à l'audience138(*), le législateur a pris le soin de définir les contours du témoignage, les personnes pouvant témoigner, les conditions d'admission, le régime de l'audition des témoins. Sans méconnaître l'existence des autres modes de preuves, la preuve testimoniale a depuis le CIC fait l'objet d'une réglementation particulière. Le CPP tout en le reconnaissant s'est efforcé d'améliorer son efficacité.

La fonction de toute modification législative est entre autres le souci d'adapter la nouvelle loi à l'évolution de la société en prenant en compte les différentes transformations qui ont rendu inadaptée l'ancienne. Mais également elle manifeste la volonté du législateur de prendre en compte les différentes critiques qui ont été portées à l'ancienne loi afin de créer une nouvelle plus efficace et plus adaptée aux besoins de la société. Le législateur du CPP n'a pas failli à cette deuxième exigence et c'est dans ce sillage qu'il a en matière de témoignage et entre autres mesures apporté des innovations pouvant participer efficacement à la recherche de la vérité. En élargissant le cercle des témoins et en spécifiant le type de témoignage pouvant être reçu, 139(*)il a voulu par la impliquer tout le monde dans la recherche des preuves tout en se rapprochant beaucoup plus de la vérité.

De plus l'interrogatoire croisé que subit le témoin démontre la participation des parties dans la recherche des preuves et facilite la tâche aux juges dans le décèlement du faux témoignage. C'est donc fort de ces innovations du code qui on été largement étudiées dans notre travail que nous pensons qu'avec l'application du CPP, l'administration de la preuve par témoignage est à même d'éclairer le juge à la seule condition d'être bien appliqué et bien maîtrisé par la pratique judiciaire et les justiciables.

* 118 Etude des faits psychologiques, des phénomènes de l'esprit, de la pensée.

* 119 LIEURY (A), psychologie générale, cours et exercices, Page 52.

* 120 LIEURY (A), Ibid.

* 121 GARAUD cité par NDJERE (E), op.cit Page 73.

* 122 MERLE (R) et VITU (A), op.cit Page 277.

* 123 Principe selon lequel l'écoulement d'un délai entraîne l'extinction de l'action publique et rend de ce fait toute poursuite impossible

* 124 La prescription est de un an pour la contravention, 3 ans pour les délits et 10 ans pour les crimes

* 125 CITEAU J.P, ENGELHARD BRITAIN B, introduction à la psychologie sociale, concept et étude de cas, Page 54

* 126 PETERSON, cité par CITEAU J.P, ENGLEHARD BRITAIN (B), op.cit Page 103

* 127 NAGY cité par MERLE (R) et VITU (A) op.cit page 277

* 128 NDJERE (E) op.cit page 74

* 129 C'est la subornation de témoin qui est une circonstance aggravante du faux témoignage

* 130 C'est cette que réprime l'art 168 du Cp sous l'infraction de suppression et fabrication des preuves

* 131 FLORIOT(R) cité par DJESSI DJEMBA PRISCILLE, "l'appréciation des erreurs judiciaires en droit pénal Camerounais", mémoire DEA université de Douala 2004 page 34

* 132 BENTHAM cité par PRADEL (J) op.cit Page 347

* 133 L'infraction étant généralement caractérisée par l'imprévisibilité et parfois même son instantanéité

* 134 MERLE (R) et VITU (A) op.cit Page 215.

* 135 Technique d'identification des délinquants fondés sur les mensurations du corps humain et certains signes particuliers / oreilles, nez, pieds, main etc. ...).

* 136 Art 92 et 104 alinéa 2 CPP.

* 137 Art 180 et suivant CPP.

* 138 Art 322 et suivant CPP

* 139 Voir Supra, Ière partie, chapitre1, page 19

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"Il faut répondre au mal par la rectitude, au bien par le bien."   Confucius