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Le témoignage dans la procédure pénale au Cameroun

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par Jean-Marie TAMNOU DJIPEU
Université de Douala - DEA 2006
  

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A- Les conditions liées à la personne du témoin

En principe toutes les personnes peuvent être reçues en témoignage, mais certaines en sont explicitement écartées par la loi pour diverses raisons. D'autres par contre ne sont pas admises à témoigner dans une affaire spécifique à cause des liens ou du rôle qu'ils ont eu à jouer dans l'affaire pour lequel le témoignage est requis. L'étude des incapacités (1) et des incompatibilités (2) nous permettra de mieux appréhender ces raisons.

1-Les incapacités de témoigner.

La notion d'incapacité n'est pas facile à cerner en matière de témoignage. La doctrine en a distingué une diversité qui peut être classée en deux ordres : Les incapacités absolues et les incapacités relatives.

Elles sont absolues quand elles empêchent à la personne concernée d'être entendue. C'est celles-ci que législateur du CPP à visé à son art 322 qui écarte les personnes atteintes d'une incapacité physique ou mentale. C'est le cas d'un fou ou d'un aliéné qui en raison de l'altération des ses facultés psychiques est dépourvu d'une capacité de discernement et est inapte à apporter des réponses cohérentes. C'est également le cas du sourd-muet et de l'aveugle pour les témoignages qui requièrent les sens dont ils en sont dépourvus. Mais nous pensons que ceux-ci ne doivent être écartés que pour les témoignages qui exigeaient ces sens, l'aveugle pouvant par exemple témoigner sur un fait qu'il a entendu. Parallèlement le sourd muet pour un fait visible.

Relativement aux incapacités relatives, elles sont fondées sur des considérations diverses.

C'est d'abord une insuffisance de conscience ou de moralité qui permet d'écarter certains individus qui ont encouru une condamnation pénale37(*). Mais curieusement le CP et même le CPP sont restés muets sur les personnes condamnées à une peine criminelle ou correctionnelle et privées de certains droits civiques énumérés par l'art 30 du CP,37(*) qui ne prescrit d'ailleurs pas le témoignage des personnes condamnées.

De plus, en France où elle est règlementée, elle a été vivement critiquée par la doctrine qui remarquait que le témoignage en justice n'est pas seulement l'expression d'un droit du citoyen mais l'accomplissement d'un devoir ce qui serait absurde de le supprimer37(*).

Ensuite, les incapacités fondées sur une insuffisance intellectuelle permettent de recevoir sans prestation de serment les mineurs de moins de 14 ans.

Une dernière catégorie d'incapacité était celle qui sous l'empire du CIC se justifiait par l'existence d'un intérêt matériel ou affectif ou un lien de parenté.38(*)

A ce sujet, le cadre Juridique a nettement changé avec le CPP qui n'a pas entendu retenir la position qui était celle du CIC. Avant la déposition, le témoin doit tout juste décliner son identité et donner des précisions sur une éventuelle parenté, d'amitié ou lien de subordination avec le prévenu, le civilement responsable ou l'assureur de responsabilité sans pour autant que celle-ci constitue une entrave à sa déposition.

A tout prendre, l'on constate que l'approche des incapacités n'est pas tout à fait exacte. Etre incapable c'est être privé de la jouissance ou de l'exercice d'un droit. Or on se rend compte que le témoignage se rapproche beaucoup plus du devoir que du droit même si pour la personne poursuivie, il s'apparente a un droit en ce sens qu'il peut opter de déposer comme témoin ou non. En plus, les personnes qui étaient concernées par ces incapacités et exception faite de quelques unes39(*) n'étaient pour autant pas interdites de témoigner mais de prêter serment. Le témoignage est-il réduit au serment ? Nous ne le pensons pas puis qu'ils disent ce qu'ils savent des faits et peuvent influer sur la conviction du juge par leurs déclarations.

Le législateur Camerounais en astreignant tout le monde à l'obligation de témoigner a donné un début de solution à cette situation équivoque, réduisant par là des contestations sur certains témoignages et élargissant ainsi la sphère de la recherche de la vérité. L'étude des incompatibilités va dans le même sens.

2-Les incompatibilités de témoigner

L'incompatibilité peut être entendue comme l'impossibilité légale de cumuler certaines fonctions ou qualités.

En matière de témoignage, elle ne dispense pas totalement les personnes visées de l'obligation de témoigner mais les empêchent seulement d'être entendues dans une affaire spécifique avec laquelle ils ont des liens étroits. Le CIC était resté complètement silencieux sur cette question ; le vide juridique n'a pas été explicitement comblé par le CPP. Mais il est indiscutablement admis que les juges, les interprètes et les greffiers ne peuvent être cités comme témoin dans une affaire ou ils sont chargés de juger. C'est d'ailleurs une cause de récusation et le juge cité comme témoin doit être récusé40(*). Ces incompatibilités qui excluent de façon absolue la déposition s'expliquent par le fait que ces personnes étant à la fois juges et parties ne sauraient faire preuve d'une impartialité totale.

La jurisprudence française s'est efforcée d'aménager ces incompatibilités. Elle décide par exemple que la personne qui a servi d'interprète à l'instruction peut être entendue comme témoin à l'audience41(*).Les OPJ qui ont diligenté l'enquête peuvent également l'être42(*)

La situation des coaccusés et coprévenus est un peu complexe. En effet ils peuvent déposer, mais le tribunal ne doit fonder sa conviction sur leurs dépositions que si celles-ci sont corroborées par un autre moyen de preuve.43(*)

Mais si le juge d'instruction ne peut être entendu comme témoin, les membres du ministère public ne doivent ils pas l'être, ceci à cause de leur irrécusabilité ? On peut penser que par ce qu'ils ne jouent aucun rôle dans l'appréciation des preuves qui relèvent du pouvoir souverain des juges, ils peuvent être entendus. Mais techniquement c'est presque impossible avec le CPP puisque ici il est plutôt question d'une incompatibilité et non d'une récusation.

Mais l'interdiction ne joue que pour l'affaire avec laquelle ces personnes ont des liens et ils peuvent valablement être entendus dans une autre affaire dans laquelle ils ne sont pas intervenus, encore faudrait-il qu'ils aient connaissance de l'infraction, condition supplémentaire pour témoigner.

B- L'affermissement des conditions tenant à la qualité du témoin par le CPP

Etre témoin disait GARAUD, c'est attester de la véracité d'un fait dont on a personnellement connaissance soit pour l'avoir vu soit pour l'avoir entendu.44(*) L'admission du témoignage en justice est donc subordonnée à la connaissance des circonstances de l'infraction ou de leurs auteurs. Cette condition supplémentaire n'était pas explicitement prévue par le CIC qui employait d'ailleurs une formule équivoque45(*) propre à élargir inutilement la liste des témoins. Cette imprécision sera élucidée par le CPP qui a restreint l'admission du témoignage (1) même si en fonction des circonstances certains témoignages peuvent être reçus. (2)

1- La restriction de l'admission du témoin : le témoin direct

Quel type de témoin doit-on retenir devant le juge ? La réponse à cette question n'est pas toujours évidente depuis le CIC et dépend de la phase de la procédure à laquelle on se trouve.

A la phase de l'enquête de police, l'OPJ peut sans distinction entendre toute personne dont les déclarations peuvent lui être utiles pour la manifestation de la vérité. Ceci se comprend aisément puisque le formalisme y est réduit et la procédure n'est pas décisive.

A l'instruction, l'étau se resserre et jusque là le juge d'instruction dispose d'un pouvoir discrétionnaire dans le choix des témoins. Le CPP n'a pas tellement modifié cet aspect et le juge d'instruction peut faire citer devant lui tout témoin  direct ou indirect,46(*) les parties ayant la possibilité de les discuter à l'audience en cas d'un éventuel renvoi.

A l'audience par contre, le législateur du CPP n'a pas entendu maintenir la position qui était celle du CIC et qui laissait au juge un large pouvoir d'appréciation des témoignages. L'art 335 du CPP ne retient que le témoignage direct c'est-à-dire qui émane "de celui qui a vu le fait s'il s'agit d'un fait qui pouvait être vu, de celui qui l'a entendu s'il s'agit d'un fait qui pouvait être entendu, de celui qui l'a perçu s'il s'agit d'un fait qui pouvait être perçu".

Le législateur en le faisant a voulu se rapprocher davantage de la vérité. Cette disposition vise juste à écarter le témoignage par oui dire où le témoin dépose non sur ce qu'il a vu ou entendu mais sur ce qu'il tient d'une autre personne. Encore appelé preuve par commune renommée, ce témoignage représente un double danger du fait que la vérité est évanescente lorsqu'elle passe d'une personne à l'autre. De plus la phase de jugement est décisive et décisoire parce qu'elle est sanctionnée par la décision finale qui se prononcera sur la condamnation ou la relaxe du prévenu. C'est donc de bonne cause que le législateur a rejeté le témoignage par ouï-dire pour ne retenir que ceux présumés plus fiables même s'il est exceptionnellement admis que certains témoignages peuvent être reçus.

2- La nécessité d'admettre certains renseignements

L'exigence du témoignage direct à l'audience ne saurait être inébranlable car certaines personnes sans avoir directement vécu les faits peuvent donner de précieuses informations aux juges.

C'est l'exemple d'un citoyen qui rencontre à une heure suspecte un individu à un lieu. Si apprenant le lendemain qu'une infraction a été commise à cet endroit précis et à une heure voisine à laquelle elle est passée, son information sera très précieuse parce qu'elle permettra d'avoir déjà un suspect sous la main. De plus, il peut directement témoigner devant le tribunal si l'affaire est traduite devant celui-ci par la procédure de flagrant délit.

En outre, la preuve pouvant servir à établir aussi bien la responsabilité pénale que l'existence de l'infraction c'est-à-dire le corps du délit, un témoignage bien qu'indirect peut influer sur la qualification. C'est l'exemple de cette personne qui a entendu les mises en garde d'un délinquant qui menaçait de mort une personne. Si peu de temps après une bagarre déclenche entre les deux et se solde par la mort du second, ce témoignage est capital parce qu'il peut transformer la qualification de coups mortels retenue en assassinat puis qu'il permettra d'établir la préméditation.

De plus en cas d'assassinat, de meurtre ou de coups mortels, la loi admet que la déclaration verbale ou écrite de la victime relative à son décès soit exceptionnellement admise en témoignage. 47(*) En vertu de l'art 336 du Cpp, la déposition faite au cours d'une procédure judiciaire par une personne qui ne peut être entendue pour cause de décès, de délai trop court pour obtenir sa comparution, du coût élevé de son déplacement ou de l'impossibilité de le retrouver est admise en témoignage. Même si le danger est que de tels témoignages ne peuvent être confrontés et doivent être reçus avec beaucoup de prudence, nous pensons tout de même que l'exigence du témoignage direct à l'audience ne saurait être absolue, le juge risquant de perdre certaines informations précieuses dans la recherche de la vérité.

Direct ou indirect, le témoignage est fourni aux autorités judiciaires par des personnes dont la recherche n'est pas toujours aisée.

SECTION II : LA MULTIPLICITE DES TECHNIQUES DE RECHERCHE DES TEMOINS

Les témoins ne se présentent pas spontanément devant les autorités. Pour favoriser leurs recherches, le législateur a prévu les moyens pour les faire venir en justice (Paragraphe1). Mais cette recherche n'est vraiment pas évidente puisque les difficultés de plusieurs ordres peuvent se dresser devant les autorités investies du pouvoir de recherche et entravent considérablement à cette mission (Paragraphe2).

* 37 Article 28, CP français

* 38EYIKE (V), note sous cs arrêt n°316/p du 24 aout 1995,juridis périodique n°28 oct-dec 1996 ( voir annexe)

* 37 GARAUD (R) , cité par MERLE (R) et VITU (A) op cit Page 218.

* 38 A l'audience seulement et pas à l'instruction, les parents, alliés, enfants, frères et soeurs, époux n'étaient reçus en témoignage que si aucune partie ne s'y apposait.

* 39 Aveugles, aliénés mentaux, sourds muets

* 40 Article 591 al 2c CPP

* 41 Cass crim 7 Juillet 1949, S.1950 1.9 note Galland

* 42 Article 317 CPP.

* 43 Art 311 CPP

* 44 GARAUD cité par NDJERE (E) op. cit. P 67

* 45 "Toute personne ayant eu connaissance de l'infraction ou de ses circonstances"

* 46 Personne qui dépose sur ce qu'il a entendu dire

* 47 Article 335 al d in fine CPP

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"Enrichissons-nous de nos différences mutuelles "   Paul Valery