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Le témoignage dans la procédure pénale au Cameroun

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par Jean-Marie TAMNOU DJIPEU
Université de Douala - DEA 2006
  

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Paragraphe II : Les difficultés rencontrées dans la recherche des témoins

Nonobstant les pouvoirs étendus reconnus aux autorités dans la recherche des témoins, la présence de ceux-ci devant nos juridictions est souvent compromise par des considérations de plusieurs ordres (A). De plus certains facteurs non moins négligeables viennent compliquer l'investigation des témoins qui n'est déjà pas facile. (B).

A- Les difficultés imputables aux témoins.

Le témoin ne peut apporter son concours à la justice que s'il est déniché par les autorités compétentes ou s'il s'est volontairement présenté. Mais nombreux sont ceux qui refusent de collaborer avec la justice par peur des représailles (1) mais surtout de l'hostilité des populations (2).

1- La peur des représailles

La mise en oeuvre d'un régime juridique répressif à l'obligation générale de témoigner est quasi impossible. Certaines personnes bien que témoin d'une infraction préfèrent disparaître dans la nature. Ils ne s'empêchent pas de se dérober des contraintes que leur imposerait le rôle de témoin dans une affaire et prétendent parfois n'avoir rien vu.51(*)

D'autres préfèrent se taire par peur de représailles. En effet, les témoins sont constamment menacés et intimidés par les parties surtout le prévenu qui risque d'être enfoncé par leur déposition. De plus l'africain est un être superstitieux. Il se dit toujours que la personne contre qui il est appelé à témoigner peut se retourner contre lui ou sa famille par des moyens occultes.

En outre, l'africain est animé par un sentiment de solidarité excessive qui peut parfois lui jouer des mauvais tours et le témoignage en est un exemple patent. Certains refusent de témoigner pour préserver les bonnes relations et le climat harmonieux qui prévaut dans la société. Par exemple, voilà un habitant qui aperçoit à une heure tardive son voisin avec des objets volés. Apprenant le lendemain qu'un citoyen a été cambriolé, il préfère ne pas dénoncer son voisin et garder de bonnes relations avec lui. Et même s'il le dénonce et témoigne contre lui, l'entourage le verra toujours d'un mauvais oeil en lui demandant à chaque fois ce qu'il aurait profité dans cette affaire.

L'on ne comprend pas toujours que témoigner en justice, c'est apporter son concours à l'édification d'une justice saine et équitable et par là contribuer au développement et à l'efficacité des institutions étatiques.

2- L'hostilité des populations au témoignage

Les particuliers répugnent pour diverses raisons d'apporter leur concours à la justice. 52(*) Cela peut résulter d'une part de l'absence de motivation et d'autre part de la perte de confiance à la justice.

Relativement à l'absence de motivation, certains citoyens ne trouvent pas leur intérêt à venir témoigner en justice en s'abstenant de vaquer à leurs occupations quotidiennes. Ils considèrent que c'est une perte de temps inutile qui ne sera pas rattrapée, un temps précieux qui peut être utilement et rationnellement exploité à d'autres fins. De plus, l'indemnité qui leur était destinée n'est pratiquement plus payée : ce qui n'encourage pas toujours les témoins à se déplacer sur des distances parfois longues en vue d'éclairer les juges.

En ce qui est de la perte de confiance, nombreux sont les camerounais qui pensent que le corps de la justice est parmi les plus corrompus du pays et y partent avec les préjugés.53(*) C'est de cette manière que même étant témoin d'une infraction, ils se disent que les dés sont déjà jetés et ne voient pas comment leurs simples témoignages changeraient le cours d'un procès dont l'issu est connue à l'avance.

En outre dans certaines régions du Cameroun, la population est méfiante à l'égard des agents de force publique et même de toute personne désirant des renseignements. Ces comportements, séquelles des troubles qu'ont vécus ces régions54(*) dans le passé se manifestent par le refus de renseigner. Parfois l'interlocuteur est très étonné alors qu'il peut être un proche parent de celui que l'on recherche si ce n'est pas lui-même.55(*)

De plus la pratique de la justice populaire ne favorise pas toujours la recherche des témoins. En réalité, la population enragée qui veut en finir avec un suspect ne facilite pas toujours la tâche aux forces de l'ordre qui sont souvent contraintes de quitter les lieux sans recueillir aucun témoignage, l'environnement n'étant pas favorable à cette fin.56(*)

Nous sommes tous les jours témoins d'une infraction quelconque mais peu nombreux sont ceux-là qui acceptent de prêter leur concours à la justice.

Pourtant notre collaboration est indispensable pour une administration efficace de la justice. C'est donc pour cette raison que chacun doit sortir de sa léthargie et faire montre d'un civisme exacerbé chaque fois qu'il est régulièrement requis. La justice étant l'affaire de tous, témoigner serait apporter sa pierre dans l'édification d'une justice saine, objective et équitable et contribuer ainsi au développement de l'Etat et à l'efficacité du service public.

B- La difficile investigation des témoins

Force est de constater que la recherche des témoins n'est pas chose aisée. L'expansion galopante de la population et son corollaire l'installation anarchique des populations sont autant de facteurs qui influencent sur la mise en oeuvre efficiente de la preuve testimoniale (1). Les migrations constantes d'une population oisive et désoeuvrée viennent compliquer une tâche déjà difficile (2)

1- L'installation anarchique des populations

Dans des villes qui connaissent une expansion galopante, les populations sont toujours à l'avance sur les plans d'urbanisation. A Douala par exemple exception faite quelques quartiers modernes (Bonamoussadi, Bonapriso ....) ailleurs c'est l'anarchie totale. On s'installe là où l'on peut et comme on peut même dans les marécages, ce qui ne facilite pas toujours la tâche aux huissiers et agents d'exécution dans leurs investigations. Par exemple sur un mandement de citation, on peut lire Monsieur X habitant le quartier "village". L'huissier qui s'y rend ne sait généralement pas par où commencer dans un quartier aussi vaste et aussi peuplé. Ils essayent de rapprocher du chef du quartier qui n'est plus informé que lui. Généralement, ces maisons ne sont même pas répertoriées et numérotées par l'administration compétente. La citation est laissée chez le chef du quartier ou affichée à la mairie. Entre temps l'affaire subit des lenteurs et c'est ainsi qu'on peut perdre un témoignage précieux qui aurait innocenté le prévenu.

C'est fort de ces considérations que nous pensons que l'efficacité de l'action administrative a une conséquence sur la bonne administration du témoignage. Par exemple l'exécution d'un plan d'urbanisme arrêté à l'avance permettra de tracer les quartiers, créer les rues, répertorier et numéroter toutes les maisons. Les huissiers de justice et les agents de force de l'ordre auront la tâche un peu facile dans l'exécution des mandats et des citations à témoin.

De plus la parfaite identification du témoin par l'OPJ pendant les enquêtes de police est à même de favoriser sa recherche à l'information judiciaire et à l'audience. L'on constate souvent sur le PV d'enquête de police les noms incomplets, parfois sans domicile du témoin.

En outre, les chefs de quartiers et des blocs doivent ménager des efforts pour maîtriser leur population et collaborer étroitement avec les autorités judiciaires. Ceci permettra de limiter la pratique des affiches57(*) que l'on observe dans nos tribunaux et nos mairies.

2- Les migrations constantes des populations

L'homme est un être à la recherche permanente du bien être, qui est appelé à se déplacer d'une région à l'autre. Dans un pays pauvre comme le nôtre où le taux de chômage est élevé et l'emploi précaire, de tels mouvements sont réguliers. Mais loin de constituer de simples et normaux phénomènes sociaux, ils ont une incidence sur la bonne administration de la justice et plus singulièrement dans la recherche des témoins.

Par exemple Monsieur X a été témoin d'une infraction et a été entendu par la police qui l'a d'ailleurs mal identifié. Mais entre temps il s'est déplacé pour une destination inconnue. L'huissier de justice mandé pour le faire citer devant les juges se heurte à ce fait puisque le témoin capital parfois unique est introuvable58(*).

De plus rare sont les citoyens qui une fois installé dans un quartier se signalent chez l'auxiliaire de l'administration qu'est le chef du quartier. Peut être à cause de l'absence d'une force contraignante à cette exigence.

Comme on peut le remarquer, la présence des témoins devant les autorités judiciaires n'est pas toujours garantie. Elle est compromise par plusieurs facteurs qui sont de divers ordres et qui constituent à n'en point douter un obstacle à la bonne administration de cette preuve.

Cependant il convient de noter que le témoin une fois devant le autorités bénéficie d'un statut juridique un peu particulier.

* 51 MERLE (R) et VITU (A), op. cit. Page 221

* 52 BOULOC (B), MATSOPOUPLOU (H), op. cit. Page 209.

* 53 En témoigne le dernier classement de "Transparency Internationnal"qui place le Cameroun parmi les pays plus corrompus

* 54 Il s'agit ici des évènements qui ont émaillés l'indépendance, le phénomène le "maqui" par exemple

* 55 NDJERE (E), op. cit. Page 69

* 56 La conséquence directe c'est le juge d'instruction rend un non lieu pour insuffisance ou défaut de charges.

* 57 Pratique qui consiste à afficher la citation ou la convocation du témoin à la mairie lorsque celui-ci est introuvable

* 58 Cela se vérifie dans les grandes villes comme Douala et Yaoundé avec le phénomène des déménagements.

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"Je voudrais vivre pour étudier, non pas étudier pour vivre"   Francis Bacon