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Foncier en Afrique : quelle législation foncière comme outil de cohésion sociale et de développement économique ?

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par W. Paul DABONE
Ecole Nationale des Régies Financières du Burkina - Inspecteur des Impôts 2008
  

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IV- LES DROITS DES DIFFERENTS ACTEURS FONCIERS

Les différents acteurs du développement économique du Burkina recourent très souvent aux services des institutions financières nationales et internationales et à d'autres structures dans le cadre de leurs activités. Celles-ci exigent que les droits fonciers, donnés en guarantie de leurs différentes prestations soient sécurisés afin d'offrir une contrepartie sûre aux ressources qu'elles mettent à leurs dispositions.

Nous essayerons de définir les éléments qui conditionnent la sécurisation juridique des droits des utilisateurs et déterminent le degré de sécurité des investissements. Mais avant, nous proposerons des mesures qui nous paraissent déterminantes dans la lutte contre la pauvreté et la mise en oeuvre d'un véritable développement socio-économique. Car le développement économique de l'ensemble de la société Burkinabé constitue de notre point de vue, l'une des plus importantes garanties des droits fonciers.

IV-I QUELQUES MESURES DE DEVELOPPEMENT ECONOMIQUE

Le développement économique s'entend ici, d'une progression de la situation économique de l'ensemble des couches composant la société burkinabè. Les conclusions des enquêtes menées par l'INSD, révèlent qu'une importante portion de la société burkinabé vit dans une situation économique relativement précaire et tire l'essentiel de ses ressources d'activités liées au foncier. On peut subdiviser la population burkinabè en trois groupes socio-économiques : les pauvres (environ 40% de la population), les moins pauvres (environ 40% de la population) et les riches qui constituent à peu près 20% de la population.

La portion des riches est celle qui dispose de la majeure partie des terres faisant l'objet de titres de possession.

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Quant à la plus grande portion de la population, (80% environ), elle vit dans une situation économique difficile, qui résulte en partie de la précarité de sa situation foncière. En effet, selon la Banque Mondiale, il existe un lien étroit entre la possession foncière, la sécurité des droits et la lutte contre la pauvreté. Elle a publié un rapport qui abonde dans ce sens et affirme qu' « une propriété foncière garantie et l'allègement des contraintes liées à la cession des terres permettent aux pauvres de mieux se prendre en charge, améliorent la gouvernance et produisent des avantages économiques pour tous. 1»

Sur la base des recommandations de ce rapport, nous proposons que la législation foncière favorise l'accès des pauvres et des moins pauvres du Burkina à la terre et facilite les modalités d'acquisition des droits fonciers.

1) Pour ce qui est de l'accès des pauvres à la terre, les mesures tendant d'abord à privilégier les associations paysannes, que nous proposions pour les couches vulnérables pourraient s'étendre à l'ensemble des pauvres et des moins pauvres, pour les terres destinées aux activités agricoles, pastorales et piscicoles. En plus de résoudre le problème de l'accès à la terre, elles pourraient insuffler une nouvelle dynamique de développement économique en résorbant le problème d'emploi des pauvres. Car selon des enquêtes menées par la Direction des Etudes et Programmes du Ministère de l'Agriculture en 1988 et interprétées par Monsieur Djibril TRAORE alors Directeur Général de l'ERPAD (Études et Réalisation de Projets d'Aménagement et de Développement), la propriété collective est plus créative d'emplois que la propriété privée2.

2) La réduction des droits de mutations aura l'avantage de permettre à une part importante de la population de satisfaire aux conditions d'acquisition des titres de possession. Ces mesures pourraient concerner les terres destinées à tous les usages, et principalement celles destinées aux activités précédemment énumérées ainsi qu'à l'habitation et aux activités commerciales dans les zones ordinaires. Puisque ces différents domaines sont ceux où s'investit la majorité de la population. Pour le cas spécifique des mutations des parcelles destinées à l'habitation dans les zones d'habitats ordinaires ainsi que celles destinées aux activités agricoles, pastorales et piscicoles, le droit pourrait être indexé sur la superficie (comme la taxe

1 http://qo.worldbank.org/VYMIQ2R350

2 www.fao.com/ Archives de la FAO. « L'Etat, la tenure communautaire et la participation populaire au Burkina Faso »

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de jouissance), au lieu de porter sur le montant de la transaction (qui inclut la valeur de la parcelle ou celle des investissements réalisés et qui décourage ainsi l'investissement).

La situation foncière du Burkina montre aujourd'hui qu'il y a beaucoup d'utilisateurs qui acquièrent les terres et n'engagent pas ou ne vont pas au bout des formalités de mutation à cause de leurs coûts élevés. Cette portion étant plus importante que la première qui est à mesure de satisfaire aux exigences financières de mutation, l'insuffisance de recettes qui pourrait résulter de la baisse des tarifs sera compensée par les sommes provenant des formalités que cette portion de la population accomplira pour sécuriser ses investissements.

IV- 2 -PROPOSITIONS DE RESOLUTION DE QUELQUES PROBLEMES
IV - 2 -1- Les problèmes des habitats spontanés

Les habitats spontanés constituent de véritables obstacles à la mise en oeuvre des opérations de lotissement et le contrôle de leur installation ainsi que la précision des conditions de leur prise en compte pour les attributions doivent être clarifiés.

Les difficultés causées par les habitats spontanés proviennent aussi bien des dispositions législatives que des pratiques des propriétaires fonciers.

En effet, l'article 155 du décret 97-054/PRES/PM portant modalités d'application de la RAF, permet d'attribuer des parcelles aux autochtones résidant dans les villages englobés par les opérations de lotissement. Quant à l'article 156 il donne la priorité d'attribution aux demandeurs résidents déguerpis. Le manque de précisions de ces deux (2) dispositions et les pratiques des propriétaires fonciers coutumiers créent des difficultés dans les opérations d'attribution des parcelles des zones nouvellement loties. En effet, que renferment exactement les notions de déguerpissement, d'autochtones et de résidence ?

- Les résidents déguerpis. Le droit de la personne déguerpie est-il lié à sa possession d'une maison duquel il est déguerpi ou au fait qu'elle résidait sur les lieux du lotissement ? Car plusieurs personnes peuvent occuper la même maison, avoir l'âge minimum requis pour postuler à la possession d'une parcelle. Par exemple trois (3) personnes adultes peuvent habiter une maison de trois pièces (3 chambres), appartenant à l'une d'entre elles ou même à une tierce personne.

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Chacune d'elles peut occuper une des pièces avec sa femme et même ses enfants. Si ces personnes sont contraintes de quitter la maison à cause de l'opération de lotissement, chaque famille subira le préjudice du déguerpissement. L'article 156 stipule que le demandeur résident déguerpi est prioritaire. Ces trois personnes ne sont-elles pas fondées à demander une parcelle puisqu'elles résidaient toutes sur les lieux avant le lotissement ?

- Les autochtones Comment déterminer l'autochtone ? Car la notion d'autochtone exige des précisions sur les origines des populations qui habitent les villages que les autorités communales ne peuvent définir seules. Face à cette difficulté, les maires et les préfets associent les autorités coutumières, ou laissent cette tâche à leur diligence. Alors que depuis 1984 (date de la première RAF), elles ne sont plus censées participer aux activités foncières. Comment contrôler alors la véracité des listes que celles-ci établissent ?

- La condition de n'avoir jamais été attributaire d'une parcelle dans la même ville. La gestion des attributions est laissée à la seule diligence des autorités communales qui ne disposent pas de moyens logistiques suffisants pour contrôler les attributions (informatisation systématique des listes d'attribution, établissement de banques de données sur les attributions par commune et mise en réseau de ces informations...). En plus, celles-ci n'ont pas ou ne perçoivent pas forcement l'intérêt de mener des contrôles sur les attributions, de nature à rendre effectif le respect de cette condition pour postuler à une parcelle. En effet, pendant les activités de lotissements, certaines autorités communales inscrivent dans leurs priorités, d'attribuer des parcelles à leurs proches (parents et amis politiques qui ne remplissent pas forcement cette condition) ou d'en vendre tout simplement quelques unes, soit pour assurer les frais de lotissement, soit pour se faire un peu d'argent. La règle de l'offre et de la demande, qui détermine les coûts des biens enseigne que plus la demande est importante par rapport à l'offre, plus les prix montent. Le respect de cette condition pour prétendre à une attribution permettrait d'écarter bien de postulants, ce qui diminuerait la demande et partant, amoindrirait les prix auxquels les parcelles peuvent être vendues. Devant un tel calcul, qui s'obligerait à dépenser pour contrôler le respect de cette condition et agir en même temps contre ses propres intérêts ?

Au regard de toutes ces difficultés, il convient de contrôler les installations dans les zones non loties. Pour y parvenir la mise à contribution des autorités

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coutumières et leurs désintéressements conséquents, établis en fonction des espaces à lotir qui leur appartiennent pourraient les amener à conserver leurs terres au lieu de les vendre à moindre prix aux personnes qui construisent les habitats spontanés.

Par ailleurs, les opérations de recensements révèlent de forte densité d'habitants sur les espaces avant les lotissements. Il n'est pas rare par exemple de recenser trois (3), quatre (4) ou même plus de logements sur un espace de deux cents cinquante mètres carrés (250 m2) par exemple; lequel espace correspond tout au plus à une parcelle dans certains lotissements. Cette situation (qui est très fréquente) aboutit des fois à l'établissement de listes de résidents comportant plus de personnes que de parcelles disponibles sur l'ensemble du lotissement. Comment satisfaire toutes ces personnes, ainsi que toutes celles qui ont le droit de postuler, même si elles ne résident pas dans les zones en voie de lotissement ? Face à cette situation, les autorités communales fixent des conditions spécifiques d'attributions pour chaque lotissement. Ces conditions peuvent aussi être subjectives ou servir des intérêts autres que ceux des populations. Face à ces difficultés, il convient :

1) de subordonner la prise en compte des personnes occupant les habitats spontanés par le respect par elles, de conditions d'occupations des zones non loties, qui soient harmonisées sur l'ensemble du territoire.

2) de définir des superficies minimales dont l'occupation peut permettre de recenser une personne comme résidente. La prise en compte du résident pourrait ainsi être indexée à la superficie de l'espace sur lequel il a investi au lieu d'être subordonnée à la seule condition de résidence. Considérons par exemple une zone où les parcelles loties ont des superficies de deux cents cinquante (250) mètres carrés. Si dans cette zone l'on établit que l'occupation de quatre cent (400) ou cinq cents (500) mètres carrés de zone non lotie donne droit à l'inscription d'un nom sur la liste des résidents, les personnes qui installent des maisons sur des superficies de moindre grandeur seront contraintes de s'associer pour pouvoir postuler à une parcelle au risque de perdre. L'espace que chacun doit occuper pour espérer obtenir une parcelle étant supérieure à la superficie d'une parcelle lotie , le risque d'avoir plus de résidents que de parcelles pourrait être quelque peu résorbé.

3) d'impliquer les autorités coutumières et les populations autochtones dans le contrôle des habitats spontanés. Pour y parvenir, il convient d'instituer un titre d'occupation foncière coutumière que celles-ci délivreront aux personnes à qui elles

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cèdent des terres. La délivrance de ce titre ne devra être possible que pour une superficie au moins égale à la superficie minimale dont l'occupation peut permettre de se faire recenser comme résidant dans la zone non lotie. Ainsi, pour la périphérie des villes telles que Ouagadougou et Bobo-Dioulasso où la superficie des parcelles des zones d'habitation traditionnelle peut atteindre 300 ou 400 mètres carrés, les propriétaires fonciers coutumiers ne doivent pouvoir délivrer de titre d'occupation foncière coutumière que pour les terres dont les superficies sont supérieures d'au moins 100 mètres carrés à celles des parcelles loties. La liste des personnes vivant dans les zones non loties et pouvant prétendre à une attribution de parcelle doit être conforme à la situation des personnes détenant les titres d'occupation foncière coutumière. Cela permettra de connaître à tout moment la situation exacte de l'occupation des zones non loties et d'éviter aussi tous les abus qui ont cours dans les opérations de recensement avant les lotissements.

4) d'appliquer le principe de l'égalité de tous devant la loi et de réguler les appétits des autorités coutumières. Celles-ci n'hésitent pas des fois à exiger des centaines de parcelles ou à prétexter l'existence de sites de cultes fictifs sur de grands espaces (de plusieurs hectares) pour en demander l'attribution. La reconnaissance de prérogatives foncières à l'autorité coutumières peut se traduire par l'attribution de quelques parcelles supplémentaires mais doit être régulée pour éviter les abus.

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"La première panacée d'une nation mal gouvernée est l'inflation monétaire, la seconde, c'est la guerre. Tous deux apportent une prospérité temporaire, tous deux apportent une ruine permanente. Mais tous deux sont le refuge des opportunistes politiques et économiques"   Hemingway