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Rapports interethniques et différenciation identitaire en milieu rural : Cas d'Aboudé-Mandéké dans le département d'Agboville.

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par Karamoko KONE
Université Cocody-Abidjan - DEA 2007
  

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CONCLUSION PARTIELLE

La construction sociale de l'autochtonie dans l'espace géographique d'Aboudé-Mandéké s'est réalisée à travers un processus instrumental de construction de la différenciation identitaire.

En effet, utilisant la position sociale ou le statut comme ressource, les autochtones reproduisent des institutions sociales à caractère coercitif. Le fonctionnement de ces institutions contribue à la fabrique d'inclus et d'exclus en prenant pour moule le contexte sociopolitique qui préfigure la disqualification des migrants.

Aussi, le processus de légitimation des revendications des autochtones donne lieu à des styles différents de marquage social de l'espace. C'est un processus d'étiquetage qui prend forme à partir de l'arrière fond culturel pour produire une inégalité interethnique.

Par ailleurs comment l'évolution du cadre institutionnel entraîne- t- elle une modification des rapports interethniques ?

TROISIEME PARTIE : LES DYNAMYQUES INSTITUTIONNELLES ET REPRORODUCTION CONFLICTUELLE DES RAPPORTS INTERETHNIQUES

La deuxième partie de cette étude a été consacrée à l'expression des marquages sociaux comme style de production de la différenciation identitaire. Elle nous a permis de repérer dans l'espace social villageois les outils symboliques de production de la part des autochtones Aboudé d'un «soi collectif'' sur fond de légitimation du droit de propriété sur l'espace.

Autrement dit, la seconde partie a planté le décor de l'expression de la différenciation sociale dans un style de revendication du droit d'autochtonie. La présente partie définit les contextes institutionnels dans lesquels s'extériorisent les sentiments d'inégalité issus des processus de différentiation sociale. Dès lors, il s'agit d'examiner les rapports fonciers et de rendre compte de leurs expressions conflictuelles. Il est question surtout de montrer comment les autochtones expriment leur droit d'autochtonie dans un contexte instrumental d'identification ethnique.

Elle comprend deux chapitres : le premier rend compte de la dynamique des processus d'accès aux ressources foncières à Aboudé-Mandéké. Ramené à notre modèle théorique, il s'agit de comprendre comment, dans un contexte mouvant de jeux (affectifs et idéologiques) interactifs, s'élabore la logique propriétariste des Aboudé, vis-à-vis des migrants de Mandéké.

Le second chapitre met l'accent sur la dimension instrumentale de cette logique. Cette dimension se saisit concrètement à travers les modalités d'expression de la conflictualité (antagonismes) et la production des itinéraires de résolution par les acteurs en présence.

CHAPITRE V : EVOLUTION DES PROCEDURES DE CESSION ET REPERAGE DES LOGIQUES PROPRIETARISTES

Dans les chapitres précédents, nous avons indiqué que dans l'espace villageois, les entités se construisent sur fond de différenciation identitaire. Et que cette différenciation se produit dans un registre de revendication de l'autochtonie et de marginalisation des migrants. A présent il s'agit de savoir comment ce repère sociopolitique est réinvesti dans le foncier. On part du principe que la production des sentiments d'inégalité entre autochtones et migrants se décline en expression de sentiments de marginalisation et d'exclusion sociale.

Partant d'un contexte d'économie morale, comment les sentiments affectifs se déclinent en relations marchandes ?

Dans quels contextes s'expriment les transactions foncières et quels sont les ancrages idéologiques de ces contextes ?

V - 1- La pratique des dons ou logique coutumière d'accès aux ressources foncières.

Les modalités d'appropriation des ressources foncières jouent un rôle important dans la compréhension de la dynamique des rapports entre autochtones et migrants en milieu rural. L'arrivée et l'établissement des premiers migrants à Aboudé Mandéké se sont fait à travers le tutorat dans un contexte d'économie morale, marquée par une logique coutumière de cession des terres.

Le tutorat est une institution agraire et sociale fondée sur une conception morale des droits aux étrangers. C'est un ensemble de règles, normes acceptées et intériorisées par les acteurs, dont le contenu moral repose sur des principes traditionnels d'hospitalité, de fraternité. Il a un caractère bilatéral, et exige des droits et obligations à la fois du tuteur, qui devient comme père, aîné social, bienfaiteur ou patron selon les perceptions des communautés ethniques, et du migrants qui doit manifester des rapports de reconnaissance dont le contenu peut être moral (devoir de subordination rituelle) ou matériel (rente foncière , obligation d'assistance par des dons de diverses formes).

Le tutorat apparaît donc comme un système d'économie morale marqué par un style inégalitaire d'échange d'un bien social (honneur, vertus respect...)49(*). « Avant, ici à Aboudé-Mandéké, quand tu viens et que tu veux définitivement y rester, il suffit d'être gentil avec ton tuteur, et tu te voyais octroyer une portion de forêt.

Tu ne payais rien qu'une ou deux bouteilles de « gin » ou un poulet (...) .Quand tu es beaucoup aimé par ton patron, même quand il doit te demander de l'argent c'est insignifiant. »

« Nos père étaient habités par l'humanisme et la générosité, c'est ça qui les habitait, ils ont donc bradé les terres, ou bien gratuitement pour une bouteille de « gin » ou bien contre une modique somme d'argent (...). »

On le voit l'entame de l'économie de plantation s'est fait dans un contexte de prédominance des liens communautaires comme mode de fonctionnement des sociétés ivoiriennes de l'époque coloniale. Les ressources disponibles dans l'espace social étant conditionnées par ces sentiments affectifs et les acteurs en font usage pour parvenir à leur but.

«  La seule garantie pour s'établir en Côte d'Ivoire, c'est d'être propriétaire de terre. Et les tuteurs eux - mêmes nous encouragent puisqu'ils nous trouvaient assez gentils. » Discours allogène.

V-2 Relations marchandes et redéfinition des rapports de tutorat.

En déclarant le mot d'ordre « la terre appartient à celui qui la met en valeur » dès le début des années 1960, les autorités ivoiriennes ont consacré l'expansion spectaculaire de l'économie de plantation dans un conteste de valorisation des allochtones et des immigrants étrangers comme fer de lance (DOZON J.P.1997). Cette date marque une étape importante dans les relations autochtones migrants. A Aboudé - Mandéké, les allogènes Burkinabé et Maliens ainsi que certains Dioula ivoiriens établis au sein du village se convertissent massivement dans la culture arbustive en achetant ou en bénéficiant des faveurs de terre auprès des autochtones Krobou.

Par ailleurs les allochtones Baoulé, Agni, majoritairement établis dans les campements depuis les années 1950 à la faveur du tutorat cessent de verser des redevances aux Krobou, certains acceptant seulement de donner encore une somme symbolique de 1000 F à 2000 F CFA par an. A partir de cette période, la conquête pour l'exploitation de la terre devient un enjeu majeur entre Aboudé et migrant du terroir villageois. Dès lors les autochtones rompent avec les dons de forêt. Même les prêts destinés aux cultures vivrières autrefois gratuites se transforment en location (indemnités en argent, en nature, ou en prestations de service.). Les ventes de terre deviennent le seul mode d'accès face à l'engagement grandissant des groupes pour la culture de rente devenue une source réelle de richesse. Les prix de vente restent pourtant bas (autour de 5000f à 10.000f par hectare). La saturation foncière s'en suit, les ventes décelèrent et les prix flambent pour atteindre les 100.000f l'hectare vers la fin années 1970. De nos jours le prix d'un hectare de forêt à Aboudé -Mandéké dépend du contrat de négociation entre cédant-acquéreur et tourne autour de 200.000Fcfa. Les cessions de terre par vente restent les seules modalités de cession entre autochtones et migrants même si les ventes restent rarissimes.

Cependant le retour de certains Baoulé et Agni dans l'enceinte villageois a redonné lieu au système « Busan » comme nouveau mode d'accès à la terre. Dans ce système, l'autochtone qui dispose par exemple de 10hectars de forêts, les met à la disposition du migrant, celui-ci les aménage et plante le produit de rente recommandé par l'autochtone (généralement, il s'agit de l'hévéa ou le cacao). Après la récolte, les deux parties se partagent les produits en parts égales. La plantation reste celle de l'autochtone et le système peut durer jusqu'au départ des migrants ou jusqu'à ce que l'autochtone décide de retirer ses plantations. Il y a également de nos jours une présence massive des allochtone Gouro. Ces derniers s'investissent dans le maraîcher dans des bas-fonds loués auprès des autochtones. Puisqu'ils se sont heurtés aux problèmes de manque de terre. Les bas-fonds étant considérés comme impropres à la culture arbustive, leur accès est relativement facilité car les conditions de cession sont relativement non drastiques. Il s'agit simplement pour le Gouro de « manifester sa bonne foi envers son tuteur ».

A l'analyse, l'évolution des modes de cession s'est reflétée sur les représentations des statuts des individus dans le champ social. La « marchandisation » du tutorat s'est opérée à travers la conversion des rapports affectifs en relations marchandes avec son cortège de « contrats informels ». Pour le migrants, l'autochtone, dans ce contexte, n'apparaît plus comme un «tuteur''  puisqu'il achète la terre. Ce qui implique souvent la présence  de plusieurs cédants (tuteurs) pour un seul migrant (le client). Malgré ce contexte clientéliste, les autochtones (Aboudé) estiment qu'il est impératif que subsistent les rapports de reconnaissance, le contexte monétaire des transactions ne purgeant pas la totalité des droits coutumiers. Pour eux « le clientélisme foncier » ne doit pas être un prétexte de d'aliénation de leurs droits :

« On vent la forêt, mais on ne vend pas la terre. Même si tu as cent hectares de cacao, saches que la terre appartient aux Aboudé

En somme, la monétarisation du tutorat a préfiguré une reconstruction conflictuelle des rapports interethniques à Aboudé - Mandéké.

Le degré d'expression des sentiments de disqualification varie selon les rapports de production entre migrants et autochtones. Les Baoulé, Agni et Gouro sont relativement inclus en raison, pour les premiers de la modification de leur stratégie foncière d'isolement et de distanciation en rapports de cohabitation au sein du village.

Pour les Gouro, il y a une absence d'enjeux réels avec les autochtones. L'accès à la terre ne fait pas objet de compétition puisque les bas-fonds sont disponibles et les Aboudé ainsi que les autres groupes de migrants ne font pas de la production maraîchère une source potentielle de revenus.

Au contraire l'ensemble des groupes formant la communauté Dioula font objet de disqualification. Cette situation est moins imputable à la similitude interne de leurs valeurs culturelles et leurs oppositions aux valeurs culturelles des autochtones et des trois précédents groupes de migrants jugés semblables. Cette distanciation est due au contexte global de marginalisation des migrants Burkinabé ainsi que "leurs frères" du Nord par les acteurs politiques. Et cela est relayé au niveau local par les différents acteurs locaux sur fond de conflit foncier ou conflits interethnique.

CHAPITRE VI : CRISE ECONOMIQUE ET PRODUCTION CONFLICTUELLE DES RAPPORTS INTERETHNIQUES

* 49 Koné M, op, cit.

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"Des chercheurs qui cherchent on en trouve, des chercheurs qui trouvent, on en cherche !"   Charles de Gaulle