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L'ordre public pénal et les pouvoirs privés économiques

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par Joseph KAMGA
Université de Nice Sophia Antipolis - Master 2 recherche en droit économique 2008
  

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Section I : Le recentrage autour des infractions graves.

Il s'agira ici de systématiser les conditions dans lesquelles les puissants agents économiques peuvent être mieux régulés pénalement dans le contexte aussi mouvant de la mondialisation. Dans sa définition générale, « le droit pénal est l'ensemble des normes juridiques qui règlementent le recours de l'État à la sanction pénale »129. On perçoit à travers leurs manifestations que les pouvoirs privés économiques sont des formes de pouvoirs « dangereuses » qu'il faut canaliser et placer sous la tutelle pénale des infractions tant de droit commun (§ 1) qu'économique (§ 2) , afin d'obtenir d'eux un comportement vertueux en tout lieu.

§ 1 : Le recentrage autour des infractions de droit commun.

Il ne s'agira pas de reprendre ou de faire un inventaire des infractions portant atteinte à l'intériJt des destinataires directs ou indirects des acteurs économiques de la mondialisation et susceptibles de leur être imputées. Il sera question ici de s'interroger sur les conditions d'une efficacité réelle du droit pénal contre les abus des entreprises en réseau, notamment les moyens dont dispose le juge répressif pour lutter contre l'impunité des acteurs transnationaux. La généralisation de la responsabilité pénale des personnes morales est la marque de la prise en compte par le législateur du fait que les activités des entreprises mettent en jeu le bien-être de millions de personnes. C'est ainsi que toutes les infractions peuvent leur être reprochées et imputées. Mais à l'analyse, le droit pénal ne s'impose pas à cette catégorie de délinquants comme il s'impose aux infracteurs de droit commun, malgré le fameux principe de l'égalité des tous devant la loi. A dire vrai, le caractère sophistiqué des faits qui leur sont généralement

129 J.-H. ROBERT, Droit pénal général, 5e éd., PUF 2001, p. 50

reprochés désarme le droit pénal, qui est d'après l'article 111-4 du Code pénal, « d'interprétation stricte ». Le fait que tout soit de droit étroit en matière pénale empêche aussi au juge d'avoir une audace qui lui permettrait d'assurer une répression efficace des atteintes graves aux valeurs sociales protégées130. De même, le droit pénal est dévoyé par le fait que ces acteurs ont trouvé une nouvelle parade pour mettre fin aux actions tant publiques que civiles intentées contre eux devant le juge répressif131.

Pour mettre un terme à ces stratégies d'évitement du droit pénal, le juge répressif devrait pouvoir donner un contenu matériel adapté aux infractions reprochées aux pouvoirs économiques dont ils ne sont généralement pas les auteurs directs, mais en sont généralement bénéficiaires. Il en est ainsi de la mise en oeuvre de la complicité définie par l'article 121-7 du Code pénal comme le fait de la personne qui sciemment, par aide ou assistance, a facilité la préparation ou la consommation d'un crime ou d'un délit. Est également complice la personne qui par don, promesse, menace, ordre, abus d'autorité ou de pouvoir aura provoqué à une infraction ou donné des instructions pour la commettre.

La lettre de cette disposition du droit pénal positif est dénuée de toute ambigüité. De portée générale, ce texte s'applique à toutes les infractions à moins qu'un texte spécial n'en ait ordonné autrement132. Or il a été rapporté dans les développements précédents que les multinationales sont généralement accusées de complicité de commission d'infraction de droit commun par leurs partenaires, personnes publiques ou privés133. La lecture de la jurisprudence relative à la répression des faits reprochés à ces acteurs déçoit et donne l'impression d'une justice de classe. La raison peut aussi être trouvée dans le fait que le juge

130 Le juge doit se soumettre aux principes directeurs et doit veiller à leur respect par les autorités de poursuite. Il est le gardien des libertés.

131 Les acteurs transnationaux, sujet de droit pénal selon le principe de la responsabilité des personnes morales, échappent à la répression en transigeant avec les parties poursuivantes, présumés victimes de leurs agissements. L'exemple en a été donné avec l'affaire des présumés travailleurs forcés contre la multinationale Total. Cette dernière a d€~ débourser 5 millions € pour obtenir de ses présumés victimes, la renonciation aux poursuites. L'affaire a été réglée par une ordonnance de non-lieu. Dans une autre espèce aux faits similaires mettant en cause le géant pétrolier Shell, la firme a déboursé 15.5 millions $ pour obtenir de ses accusateurs la renonciation aux poursuites. Voir infra

132 Crim. 24 nov. 1980, Bull. Crim . n° 314

133 Affaire Total précitée et surtout l'affaire Afrimex, accusé de complicité de crimes de Guerre en République Démocratique du Congo. Cette firme est accusée par l'ONG Global Witness de verser des « impôts » aux différents protagonistes du conflit armé qui déstabilise ce pays pour assurer l'exploitation des minerais dont elle est concessionnaire. Les « impôts » qui servent au financement du conflit.

De même, dans l'affaire de la firme anglo-hollandaise Shell, accusée de complicité dans l'élimination par pendaison d'un écrivain et leader écologiste nigérian et le massacre des villageois de l'ethnie Ogoni par le régime du dictateur Sani Abacha en 1995, les exactions ayant abouti au massacre auraient été perpétrées avec le soutien logistique de la filiale nigériane du groupe selon Global Witness.

répressif ne se saisit pas lui-même, il est saisi selon les cas soit concurremment par la ou les victimes et le ministère public soit exclusivement par le ministère public. Celui-ci a le monopôle de poursuites des infractions commises hors du territoire de la République : « dans les cas prévus aux articles 113-6 et 113-7, la poursuite ne peut rtre exercée qu'à la requrte du ministère public Elle doit rtre précédée d'une plainte de la victime ou de ses ayants droit ou d'une dénonciation officielle par l'autorité du pays où le fait a été commis »134. Ce texte confronté à la réalité des faits reprochés aux pouvoirs privés économiques, a tout d'un véritable anachronisme judiciaire en ce sens que le sort du droit dépendrait de la volonté du pouvoir politique auquel le ministère public est hautement subordonné. Le Parquet garde la haute main sur les conditions d'une réelle et efficace répression des délits susceptibles d'r~tre imputés aux acteurs privés de la mondialisation dans la mesure où même une constitution de partie civile ne pourra pas obliger le juge à statuer et dire le droit135. Aussi, le fait que les victimes sont souvent des citoyens anonymes et généralement sans ressources combiné avec l'impossibilité matérielle dans de nombreux cas de dénonciation officielle par l'autorité du pays où le fait a été commis, rend encore plus illusoire la poursuite des faits répréhensibles dont les pouvoirs privés économiques peuvent être auteurs ou complices.

La solution idéale serait de donner la qualité aux Organisations Non Gouvernementales spécialisées de pouvoir mettre en mouvement des actions devant le juge répressif contre les acteurs économiques transnationaux, surtout en matière de droits de l'Homme. Cela nécessite un assouplissement des conditions de recevabilité des actions répressives fondées sur des dispositions à caractère extraterritorial comme les articles 113-6 et 113-7 du Code pénal. Si ces obstacles de procédures pourraient être transcendés, la responsabilité de construire un droit international pénal des multinationales reviendrait au juge de fond. Celui-ci devrait, comme il l'a fait en matière d'encadrement du pouvoir politique, encadrer le pouvoir économique par sa jurisprudence. Il devrait oeuvrer manifestement pour la construction d'une économie de droit comme il a oeuvré en matière de construction de l'Etat de droit. La « raison du marché », tout comme la raison politique autrefois, ne devrait pas prospérer face à la mise en oeuvre sereine et dynamique des dispositions actuelles du Code pénal.

Le droit serait respecté par les multinationales partout de la même manière, dans les pays d'origine ou de siège de la maison-mère comme dans les pays d'accueil des investissements destinés à leurs activités de production plus porteuses de risque et donc de

134 Article 113-8 du Code pénal

135 Crim. 7 avril 1967: Bull. crim. N° 107

commission d'infractions. L'infraction reprochée à la filiale pourrait rtre reprochée directement à la maison mère si le système judiciaire du pays d'accueil des investissements est laxiste et inefficace, mais à condition que la personnalité juridique du groupe soit consacrée. Cette dernière question est le défi auquel est confronté le législateur répressif. Le sort de la répression des atteintes de dimension transnationale aux droits fondamentaux dépend de la volonté et de la capacité du législateur à saisir le phénomène de délocalisation de la criminalité transnationale.

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