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L'ordre public pénal et les pouvoirs privés économiques

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par Joseph KAMGA
Université de Nice Sophia Antipolis - Master 2 recherche en droit économique 2008
  

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Chapitre 1 : Le souci d'une meilleure protection de la

structure du marché.

Le droit de la répression des comportements économiques néfastes tire sa légitimité des failles de l'encadrement de la structure concurrentielle du marché par les prescriptions du droit du marché. La répression est donc un instrument de réalisation des fins que le législateur assigne au marché. En effet, le principe de non ingérence de l'Etat dans les affaires, lui-même imposé par l'Union européenne dès le milieu des années 1970 l'empr che d'intervenir a priori. Ne pouvant plus intervenir de manière préventive, l'Etat est en droit de se rabattre sur la sanction pénale a posteriori pour imposer aux échanges commerciaux un minimum de moralité.

Garant de la pérennité de l'économie de marché, l'Etat, émetteur exclusif des normes pénales et détenteur exclusif du monopole de la contrainte et de la violence23 est en devoir de sanctionner, et ce, au moyen du droit pénal, les comportements déviants des opérateurs du marché dont les pouvoirs et la taille ne cessent de croître du fait de la concentration. Ceux d'entre eux qui abusent de la liberté du commerce et de l'industrie en enfreignant les règles de jeu de l'économie de marché (l'auto-ajustement de l'offre et de la demande). La nécessité de la dissuasion pénale est d'autant plus actuelle que le pouvoir des opérateurs économiques est devenu suspect et échappe à l'emprise juridique d'un Etat pris isolément. Disposant de techniques sophistiquées pour organiser l'économie, certains grands acteurs économiques se dissimulent derrière la façade de la personnalité juridique des différentes entités du groupe et des techniques d'intégration économique pour échapper à la répression. Le droit pénal protège les pouvoirs privés économiques en ce que les infractions commises à leurs endroits sont sanctionnées au même titre que celles commises au détriment d'une personne physique. Mais, il s'attache aussi aux infractions commises à leur bénéfice ou commanditées par eux. C'est ainsi que pour protéger la concurrence, le droit pénal réprime les pratiques restrictives de la concurrence et encore plus sévèrement les pratiques anticoncurrentielles. Le déclin de la Loi, et le respect spontané que chacun doit en avoir, est sans doute la cause première d'un recours

23 M. WEBER définit l'État moderne par le monopole de la violence physique légitime. Cela signifie qu'en interdisant l'usage privé de la violence, l'État se réserve l'exclusivité du recours à la violence, ou à la contrainte justifiée, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur de ses frontières, Le Savant et le Politique, 1919, trad. Freund, « 10/18 », 1963, p. 124-126.]

au droit pénal pour protéger la structure du marché. Le marché devient ainsi une valeur sociale protégée au mrme titre que la vie, l'intégrité physique des personnes et des biens. Le droit pénal est donc un moyen, plus efficace que d'autres, pour obtenir des acteurs économiques, rationnels et maximisateurs, le respect de l'ordre public économique et partant les règles du jeu de la libre concurrence.

L'ordre public pénal apparaît donc comme un ordre public subsidiaire à l'ordre public économique en ce qu'il permet de lutter contre les dérives de la macro-spéculation (sect. 1) et les fraudes de toute sorte au détriment de la collectivité publique (sect. 2).

Section I-- La lutte contre la macro-spéculation.

Il est un principe en économie de marché que les prix sont le fruit du rapport entre l'offre et la demande, donc fixés librement. Affirmée solennellement par l'ordonnance du 1 er décembre 198624 en son article 1er , la liberté des prix n'a de sens que dans un marché à structure concurrentielle. Or, le marché est de nos jours contrôlé par les ensembles économiques disséminés en multiples entités juridiquement autonomes, mais obéissant à une même orientation industrielle et économique : celle du centre de décision. Celui-ci peut être la société mère pour ce qui est des filiales dans le cadre des groupes de sociétés ou le pôle intégrateur, pour ce qui est des réseaux commerciaux et de sous-traitance. Autant dire qu'au lieu d'avoir face à face plusieurs concurrents, le marché se caractérise de nos jours par la concentration et la diminution substantielle du nombre des acteurs économiques, ce qui favorise les risques d'ententes délictueuses et d'abus de marchés (abus de position dominante et de dépendance économique). Dépourvus de personnalité juridique nationale et internationale, les pouvoirs privés économiques dont les sociétés transnationales sont l'emblème, jouissent d'une capacité économique leur permettant de contrôler les prix, voire de les imposer tout comme il a été démontré à travers la théorie de la filière inversée que ce sont les entreprises qui imposent les produits aux consommateurs et non l'inverse25 .

24 L'Ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence.

25 J. K. Galbraith, Le Nouvel État industriel, essai sur le système économique américain, Gallimard, 1967, cité par L. BOY, Droit économique, Lyon, L'Hermès, 2002, p.26, n° 35

Pour remédier aux dérives et excès de certains de ces acteurs économiques, le droit doit, et en particulier le droit pénal, sévir contre la pratique des prix illicites (§ 1) et des prix faussés (§ 2).

§1- La répression des prix illicites.

Les prix illicites, objet de l'incrimination de l'article L. 420-1 du Code du commerce, sont à l'ère contemporaine, l'apanage des pouvoirs privés économiques. Par leur capacité à contrôler le marché de la production, des investissements en passant par les débouchés et les sources d'approvisionnement, les pouvoirs privés économiques sont une menace potentielle pour le consommateur et pour les concurrents moins lotis. Les prix illicites sont des prix obtenus par des procédés étrangers au jeu de l'offre et de la demande. Pour anéantir au mieux le concurrent en effet, tous les moyens ou presque sont utilisés. Le législateur ne pouvait évidemment pas rester insensible : le « laisser-faire » étant la pire des politiques. Les entreprises les plus puissantes ayant réussi à éliminer tous les concurrents vont finir par soumettre le marché à leurs diktats. Ce qui met en péril non seulement l'équilibre économique, mais fragilise aussi l'indépendance du pouvoir politique et institutionnel. Afin de parer tout risque d'abus, l'arme pénale serait la meilleure dissuasion possible.

Toutefois, dans un système à dominante libérale, le champ des interdits doit être sérieusement dosé et mesuré. C'est ainsi que le droit répressif français, dans une optique de protection de la libre concurrence au profit des consommateurs, a incriminé la pratique des prix imposés. C'est par l'article 34 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 intégré au Code de commerce sous l'article 442-5 que le législateur punit cette pratique d'une amende de 15 000 € toute personne qui impose, directement ou indirectement, un caractère minimal au prix de revente d'un produit ou d'un bien, au prix d'une prestation de service ou à une marge commerciale. Cette infraction est d'une utilité importante dans un marché à structure de plus en plus oligopolistique, voire monopolistique. Ceci se comprend si on se souvient de l'origine et du fondement de l'incrimination. A la fin de la 2ème Guerre mondiale, de nombreux fabricants ou grossistes imposaient aux détaillants les prix de revente de leurs produits. De ce fait, la concurrence était muselée dans sa détermination des prix, sans compter un frein à toute baisse de ceux-ci.

Malgré la précision de cette incrimination, les pouvoirs privés économiques, centrales d'achats et autres grands distributeurs ont trouvé une autre parade pour imposer les prix aux détaillants. C'est par la pratique des « prix conseillés », non incriminé formellement, que les opérateurs dominants du marché maintiennent artificiellement les prix à un niveau leur assurant une rentabilité maximale. En fait, les prix dits conseillés sont généralement un masque des prix imposés et peuvent dans certaines circonstances constituer de véritables stratégies d'ententes prohibées26.

Les manoeuvres artificielles de maintien de prix sont substantiellement constitutives d'atteintes au bien-être des consommateurs. Le législateur se doit d'r~tre attentif et réactif d'autant plus que le nombre de concurrents a tendance à dégringoler et le marché se concentre à un rythme irréversible27.

Si le droit pénal n'appréhende que les prix imposés sous l'empire des prix illicites, il se déploie beaucoup plus contre les prix faussés.

§2 - La répression des prix faussés.

Toujours dans la logique de protéger le consommateur, maillon terminal de l'échange économique, et de méfiance à l'endroit des opérateurs dominants du marché, le droit pénal est tout aussi sévère quant aux altérations artificielles et spéculatives relatives aux prix. C'est ainsi que toute manoeuvre spéculative destinée à troubler la détermination des prix par le jeu d'un rapport normal entre l'offre et la demande tombe sous le coup de la loi pénale. A cet effet, l'article 52-1 de l'ordonnance de 1986 érige en délit l'altération des prix ou l'action illicite sur le marché

Ainsi qu'il a été démontré à la lumière de la théorie de la filière inversée de l'économiste John Kenneth Galbraith, le résultat du jeu des prix échappe substantiellement au consommateur. Les hausses ou baisses artificielles des prix sont l'apanage exclusif du distributeur, procédant d'une altération des prix intervenant au-dessus ou au-dessous des prix qu'aurait déterminé le résultat du jeu naturel de l'offre et de la demande. De telles manoeuvres constituent des comportements économiques frauduleux et blâmables dont s'est saisi le droit pénal.

26 V. ainsi Crim. 25 nov. 1991, G.P. 1992, 1, somm. 166, obs. Doucet, à propos des prix conseillés sous peine de rétorsions commerciales.

27 Par exemple, dans le secteur des conserves de légumes en France, 185 entreprises se partageaient le marché en 1985 ; cinq ans plus tard elles n'étaient plus que huit.

C'est pour cela que l'article 52- 1 de l'ordonnance de 1986 précitée incrimine quatre types de comportements. Il en va des informations mensongères ou calomnieuses, des offres jetées sur le marché destinées à troubler les cours et ce dans un but spéculatif, des suroffres faites aux prix demandés par les vendeurs. C'est ainsi qu'il avait été jugé que constitue des suroffres punissables le fait pour un laitier d'avoir offert aux producteurs de lait cinq centimes par litre de plus que le prix pratiqué dans sa région et d'avoir ainsi déterminé une hausse nullement demandée par les producteurs28.

Toutefois, les prix peuvent être faussés aussi et surtout par des procédés tels les ententes abusives et les positions dominantes abusives, manoeuvres contre lesquelles le droit pénal se déploie de manière très énergique29. C'est pourquoi l'analyse des enjeux de l'encadrement répressif des pouvoirs privés économiques tenant aux atteintes aux intérêts de la collectivité publique sera utile.

28 Crim. 17 dec.1931, G.P. 1932, 1, 430.

29 Cf. infra

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"Il y a des temps ou l'on doit dispenser son mépris qu'avec économie à cause du grand nombre de nécessiteux"   Chateaubriand