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L'ordre public pénal et les pouvoirs privés économiques

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par Joseph KAMGA
Université de Nice Sophia Antipolis - Master 2 recherche en droit économique 2008
  

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Section II : Les moyens d'une mise en oeuvre efficace du droit pénal.

C'est de la mise en oeuvre efficace du droit pénal économique à l'encontre des acteurs économiques de l'espace global que dépendra l'équilibre recherché entre le marché et les droits de l'Homme. Le juge devra montrer son indépendance à l'égard des pouvoirs économiques et politiques pour réussir sa mission de régulateur effectif et parer à toute velléité d'instrumentalisation du droit par les acteurs les plus puissants économiquement ainsi qu'en attestent les transactions qui éteignent de facto l'action publique, qui par nature et par définition est d'ordre public. Les efforts déployés par les différents droits nationaux pour mettre un terme à l'impunité des politiques doivent inspirer le juge répressif sollicité pour connaître d'une action contre les acteurs économiques. Toutefois, il semble que la condition d'une mise en oeuvre efficace du droit pénal à l'encontre des agents économiques de la mondialisation est l'harmonisation des règles de fond et le renforcement des entraides judiciaires (§ 1), mais aussi la reconsidération des caractères de l'action publique (§ 2).

161 Voir Rapport Coulon sur la dépénalisation du droit des affaires

§ 1 : La nécessité de l'harmonisation efficiente des règles de fond et le
développement des entraides judiciaires.

Il s'agit d'une nécessité imposée par la globalisation mrme de l'espace économique mondial. Les acteurs économiques de statut mondial, potentiels sujets de droit pénal sont considérés différemment par les droits nationaux, ce qui attenue l'efficacité des actions hardies menées par certains fors pour lutter contre l'impunité. De mrme, la diversité des statuts juridiques des acteurs au regard du droit pénal est un obstacle à une répression efficiente des pouvoirs privés économiques. Certains pays n'admettent toujours pas le principe de la responsabilité pénale pour les personnes morales. Les tendances sont toutefois favorables à la généralisation de cette responsabilité pénale des entreprises comme en attestent les instruments internationaux portant sur les délits réprimés à l'échelle internationale. Cette harmonisation est d'autant plus nécessaire pour le droit pénal économique que les efforts de répression de la délinquance transnationale des entreprises sont mises à mal et brouillés par « l'opacité des liens financiers qui unissent et/ou capitalistiques qui unissent la filiale, opérateur agissant sur place, et la maison-mère, lieu où s'orchestrent les grandes décisions »162.

Des efforts notables ont été déjà faits à cet effet au niveau international par la définition des infractions communes. C'est ainsi que dans le domaine économique et financier, deux formes particulières de criminalité ont été appréhendées : le blanchiment et la corruption163. Mais le domaine des pratiques anticoncurrentielles est toujours à l'appréciation souveraine des différents droits nationaux et pourtant il constitue l'un des points majeurs sur lequel la régulation répressive des pouvoirs privés économiques aurait produit des effets notables. Cela pourrait rtre expliqué par les difficultés qu'éprouvent les États mrme à s'accorder sur un droit mondial ou international de la concurrence. En attendant, les mêmes pratiques continuent de recevoir des traitements différenciés selon qu'on est dans un marché régulé par un droit d'inspiration anglo-saxon ou d'inspiration germano-romaniste164.

162 W . BOURDON, Entreprises multinationales, lois extraterritoriales et droit international des droits de l'homme, op. cit. p. 748

163 Par exemple la Convention des Nations-Unies de 2000 sur la criminalité organisée condamne avec force les deux pratiques

164 Les anglo-saxons privilégient la voie pénale pour réprimer les comportements anticoncurrentiels alors que les pays d'Europe continentale privilégient la voie administrative, para-pénale pour réprimer les mêmes faits.

Un autre domaine sur lequel l'harmonisation devrait être privilégiée est le terrain de la responsabilité pénale de droit commun. Il serait nécessaire que la communauté internationale, sous l'égide des Nations-Unies élabore un instrument dans lequel serait définies les infractions graves pouvant être imputables aux centres de décisions économiques lorsqu'il peut rtre rapporté la preuve qu'elles ont été commises par l'une de ses filiales ou de ses sous- traitants intégrés et coupés du marché. Une telle stigmatisation internationale aurait pour effet de mieux responsabiliser les centres de décisions des groupes. Par exemple, les infractions à la santé et à l'intégrité des populations commis dans le cadre des groupes de sociétés sont généralement réprimées sur la tête des sous-traitants ou des filiales165. Lorsqu'elles ne sont pas réprimées, elles servent de fonds de commerce entre les mains des États du sud pour faire chanter les multinationales et obtenir de l'argent qui ne servira généralement pas à l'amélioration du sort des victimes166. Une harmonisation des règles pénales de fond protégeant la santé, l'intégrité des populations et l'environnement, et en général les Droits de l'Homme même aura à coup sûr pour effet de limiter l'instrumentalisation du droit pénal par les protagonistes du contentieux répressif mettant en cause les pouvoirs privés économiques.

De mrme, l'accent devrait aussi rtre mis sur la coopération et l'entraide judiciaire entre les différents systèmes judiciaires pour une poursuite efficiente des infractions reprochées aux pouvoirs privés économiques. L'existence d'un droit pénal harmonisé ne suffit pas, la difficulté majeure semble se trouver sur le terrain du recueil des preuves dans le contexte des infractions mettant en relation plusieurs fors. L'entraide judiciaire pourrait donc se développer à cet effet tant au niveau international que régional. Mais à l'épreuve de la

165 Par exemple, dans l'affaire Trafigura précité, c'est le sous-traitant local de la firme qui a finalement été condamné à 20 ans d'emprisonnement ferme alors que la maison-mère du groupe Trafigura a acheté son honorabilité à coup de centaines de millions d'euros et a obtenu la libération des cadres incarcérés de sa filiale ivoirienne, Puma, tout juste au lendemain du versement de la rondelette somme et ce, sans aucune autre forme de procès.

166 Par exemple, dans l'affaire des enfants cobayes de Kano, au Nigéria dont les faits sont les suivants : en 1996 ; une épidémie de méningite avait frappé le Nigeria et 10.000 personnes avaient contracté la maladie. Pfizer, une firme pharmaceutique américaine, en aurait profité pour tester sur des enfants, un nouveau médicament, pas encore autorisé. Une dizaine d'enfants ayant participé à cette étude sont morts, d'autres sont devenus sourds, aveugles ou handicapés, mentaux. En 1997, L'État du Nigéria porta plainte contre la firme pharmaceutique comportant 29 chefs d'accusation allant d' « abus de pouvoir », « escroquerie » au « meurtre ». Dans la foulée, l'État fédéré de Kano dans lequel le groupe pharmaceutique a fait des tests meurtriers a aussi porté plainte. Réclamant 2.75 millions de $ selon le quotidien en ligne l' expansion.com (consulté le 05/06/2007), et selon un article publié sur le site de la Radio France Internationale et consultable à l'adresse suivante, http://www.rfi.fr/actufr/articles/112/article_79828.asp, le groupe Pfizer a accepté de verser 75 millions $ à cet État pour clore la procédure pénale qui y était intentée contre elle. Mais l'État fédéral du Nigéria réclame pour sa part 6.5 milliards $ de dommages pour les mêmes faits et l'action publique qu'il a intenté contre le groupe devant le juge répressif nigérian est toujours pendante.

réalité cela risque d'rtre une tk~che ardue. Pourtant, le renforcement des caractères de l'action pour l'application des peines en dépend.

§ 2 : La nécessaire reconsidération des caractères de l'action publique face
aux pouvoirs privés économiques.

Il est réputé que l'action publique ne peut faire l'objet d'une transaction excepté les cas où la loi le prévoit expressément. Le développement de la transaction entre les pouvoirs privés économiques et leurs victimes est révélateur de la crise que connait l'action pour l'application des peines. L'action publique se révèle à l'épreuve des pouvoirs privés économiques comme une action intentée devant un juge répressif cantonné dans le rôle dÇn arbitre et dont les parties conservent la maîtrise de son déroulement, mais surtout celle de son sort. Les affaires qui ont été examinées dans le cadre du présent travail et impliquant ces acteurs ont été réglées par la même voie : la transaction. Ce qui emprche l'émergence d'une jurisprudence répressive propre à cette catégorie de délinquants et par conséquent, la construction d'une économie de droit.

En principe, en dehors de certains cas exceptionnels limitativement prévus par la loi où la poursuite revêt un caractère mixte (moitié répression, moitié réparation), les affaires pénales ne sont pas susceptibles de transaction. Elles doivent être obligatoirement jugées167. L'article 2046 du Code civil ajoute qu'il est possible de transiger sur les intérrts civils qui résultent d'un délit, mais cette transaction si elle intervient entre le délinquant et la victime n'emprche pas la poursuite du ministère public168. La transaction sur l'action publique est donc impossible à l'exception des cas où la mise en oeuvre de cette action dépend de l'attitude de certaines administrations169. Or il apparaît que les restrictions qui atteignent mrme l'action du ministère public sont mises à l'épreuve par les pouvoirs privés économiques. Par exemple, dans l'un des exemples évoqués ici, en l'occurrence l'affaire des enfants cobayes de Kano au Nigéria, on voit comment les grands groupes échappent à la responsabilité pénale pour des infractions graves de droit commun moyennant de l'argent170. Cette situation est moralement

167 Le ministère public ne peut renoncer à une action lorsqu'il est demandeur au procès pénal, il n'est pas propriétaire de l'action publique. Sous réserve des cas prévus par la loi, il ne peut prendre l'engagement de ne pas poursuivre le délinquant, ni transiger avec celui-ci.

168 Crim. 4 juin 1998, Bull. n° 183

169 B. BOULOC, Procédure pénale, Dalloz, 21 ème éd. 2007, p.1 67, n° 198

170 Courrier international - n° 891 - 29 nov. 2007

choquante en ce sens qu'il suffit d'avoir une bonne surface financière pour commettre des crimes en toute impunité.

Il serait souhaitable que le législateur ou les juges lorsqu'ils sont saisis des affaires impliquant cette catégorie de sujet de droit, reconsidèrent les caractères mrme de l'action publique et définissent exactement la portée des transactions intervenues entre la victime et le délinquant au regard de l'action pour l'application des peines qui ne devrait pas être à la disposition des personnes privées. Elle appartient à la société et ne saurait faire l'objet d'une quelconque transaction entre personnes privées. L'habileté de quelques agents économiques et leur surface financière ne doivent en aucun cas désarmer la puissance publique face à une forme de délinquance qui met à l'épreuve les instruments traditionnels de répression de l'État. L'application de la justice pénale aux acteurs économiques de la mondialisation doit être faite dans le respect d'un principe sacré : celui de l'égalité entre les citoyens et son corollaire de l'égalité devant la loi pénale. Les sujets de droit pénal ne devraient pas être traités différemment de façon flagrante. L'objectif mrme de l'action publique étant le bien de la Justice

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