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Lecture de la Lettre sur l´humanisme de Martin Heidegger

( Télécharger le fichier original )
par Olivier-Paul Nirlo
Université de Bourgogne, Dijon - Maîtrise 2006
  

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Partie I : L'expérience de la pensée

I. Le penser (agir)

II. L'Etre, élément de la pensée

III. Le langage, la maison de l'Etre

IV. Science et expérience Partie II: La pensée du monde

V. Ek-sistence, existentia

VI. L'heur et l'infortune de l'existence

VII. Heidegger et l'humanisme

VIII. Propédeutique à la question de l'éthique Partie III : Le destin de la pensée

IX. L'absence de patrie

X. Le néantiser

XI. La grâce et la ruine

Le découpage de la Lettre Sur L'Humanisme serait relativement simple si l'on se basait sur les trois questions posées par Jean Beaufret auxquelles Heidegger répond successivement. Nous ne pouvons conserver le plan tel que les questions de J. Beaufret le présentent, car Heidegger traite abondamment la première au détriment des deux suivantes. « Comment redonner un sens au mot «Humanisme» ? » (§3). C'est là tout le contenu de la Lettre et le titre même qu'elle porte. Heidegger y consacre quarante quatre pages, contre dix pour la deuxième, et deux pour la troisième. Mis à part les deux premiers paragraphes introductifs, Heidegger consacre 65 paragraphes à la première, 28 à la deuxième, 6 à la dernière question, soit en tout 101 paragraphes. La première question est à ce point «encombrante» (nous utilisons ce mot tant pour désigner la place qu'elle occupe par rapport aux autres que pour établir le rapport quasiment gêné que Heidegger entretient avec elle) qu'elle est subdivisée en deux « sous-questions ». Le fait que réabordée 2

la question soit reformulée, , montre -t-il que

le premier abord n'a pas été fructueux (d'ailleurs, Heidegger a-t-il jamais été fructifère ?), ou bien que Heidegger veut s'assurer que le sabordage soit un triomphe? La reprise de la question est l'aveu de l'échec de l'humanisme par lui-même.

Si l'on se conformait au plan ainsi ordonné, la question du rapport entre une ontologie et une éthique constituerait une deuxième partie. « Ce que je cherche à faire, depuis longtemps déjà, c'est préciser le rapport d'une ontologie avec une éthique possible ? » (§67).

De même une troisième partie s'intitulerait: « Comment sauver

1 «Un » ou « une » parmi tant d'autres...

2 Lettre sur l'humanisme, §48.

l'élément d'aventure que comporte toute recherche sans faire de la philosophie une aventurière ? » (§96).

Nous pourrions très bien nous résoudre à ce plan compte tenu de l'intérêt philosophique que chaque question présente indépendamment des autres. De l'humanisme, de l'éthique ou de l'arbitraire nous ne saurions en effet dire quelle question est «la plus importante » car ce qui importe c'est la vérité de l'Etre, et non l'humanisme. Leur indépendance pose justement problème, et nous tâchons d'établir leur unité. Leur compartimentation est l'écueil premier de leur commentaire. Elles pourraient même s'équilibrer si l'on prenait la peine de rassembler par thème les assertions éparses du texte s'y rapportant. Pourquoi Heidegger n'a-t-il pas équilibré son texte ? Pourquoi maintenir ce caractère informel, encore souligné par l'idée qu'un entretient direct aurait été plus commode1 ? Parce que la pensée doit rester mobile. Heidegger sait déjà à quelles questions il va répondre, mais il en choisit une dont la

2

répons e puisse éclairer les autres.La pensée de l'Etre (c'est une tautologie) touche différents thèmes dont la priorité est en tant que telle est indifférente, mais que l'urgence d'une histoire place toujours dans un ordre du jour. Ce qui se pense, ce qui se dit reste dans l'élément de l'Etre, et ses dimensions variées se ramènent toujours à ce qu'il y a de simple en lui. Le but étant de dire ce simple, nous pouvons dire non sans ironie que « tous les chemins mènent à Rome ». La délimitation de chaque concept par des catégories distinctes serait une entorse au projet véritable de Heidegger; qu'est-ce donc qu'une annonce de plan pour un Heidegger d'après die Kehre ?

Toutefois, le plan que nous devons proposer n'est pas étranger à ces trois questions, puisque chacune de ses parties touche de près les questions/réponses que donne Heidegger. Il est en effet demandé: l'humanisme est-il une expérience de la pensée? En second lieu : la pensée du monde donne-t-elle lieu à une éthique? Finalement : Le destin de la pensée est-il arbitraire ? A chaque fois le titre de la partie est insérable dans une question/plan où figure le mot-clef de la question « correspondante » (humanisme, éthique et arbitraire, d'une part, expérience de la pensée, monde et destin, d'autre part). Notre plan n'est pas fondé sur les trois questions de Jean Beaufret, mais s'y ramène comme « par hasard ». Nos parties ne sont pas le commentaire des questions dans l'ordre. Elles répondent à une exigence scolaire bien différente de la pensée en route chez Heidegger, elles ont affaire à des problèmes qui ne sont pas les siens. L'affaire du commentaire n'est pas celle de la pensée. Notre plan ne peut s'inspirer des questions de Jean Beaufret mais son unité repose ailleurs - dans ce que Heidegger dit. Il n'est que la mise en oeuvre d'une méthodologie et de la rigueur, une tentative d'approche de la pensée, non une pensée proprement dite . Cet exercice, parce qu'il est scolaire, ne connaît pas l'économie des mots. Il ne peut, au mieux, que faire preuve de vigilance et de rigueur. C'est pourquoi nous avons cherché autant que faire se peut la méthode systématisante du commentaire pour lui préférer une lecture plus libre.3 Notre expérience est mise à l'é-preuve du texte et de sa lecture.

1Lettre sur l'humanisme, §2.

2Lettre sur l'humanisme, §2 : «L'examen que j'en ferai jettera peut-être quelque lumière sur les autres.»

3 Notre plan n'est ni linéaire ni thématique, ne comporte pas une partie explicative, puis une partie critique, mais évolue petit à petit depuis l'explication linéaire vers la compréhension de ce qui s'y est révélé comme fond. Mais

4. Les mots de Heidegger

Au sujet du mot «Etre»: Bien que les traductions divergent d'une édition à l'autre, nous écrirons «Etre» avec une majuscule conformément à la grammaire allemande qui distingue ainsi le verbe du substantif. Pour autant l'Etre n'est pas un nom propre, et la majuscule n'indique aucune accession, promotion à un rang supérieur. Il ne s'agit que de la transposition d'une règle de grammaire, et non d'une forme de respect philosophique. Heidegger a écrit: Seyn ou Sein pour tâcher d'éviter que l'Etre, par simple effet grammatical, ne soit posé comme sujet, hypostasié et séparé, notamment de l'essence de l'homme, dont l'essence est d'être ouvert à l'Etre par l'Etre même.

Par ailleurs, Rogier Munier fait également le choix de traduire le mot avec une majuscule, «suivant en cela Heidegger lui-même: «Denken ist l'engagement de l'Etre pour l'Etre» » (§1).

La note que Jean Beaufret donne au sujet de sa traduction des Essais et Conférences doit être reproduite ici: « L'infinitif wesen, qui n'appartient plus à la langue parlée, est l'ancien wesan, «être», qui a été plus tard remplacé par sein. Aujourd'hui le verbe wesen se survit à lui-même dans la langue littéraire avec le sens d'être, se présenter ou se comporter de telle manière. Il implique alors une idée de vie, d'activité et de rayonnement qui manque à sein. Wesan ou Wesen, d'ailleurs, ne voulait pas dire seulement «être», mais aussi «demeurer en un lieu, séjourner, habiter». (Cf. le sanscrit vas, «habiter»). Das Wesen, l'être, l'essence, la manière d'être, le comportement (cf. p. 41) semble avoir désigné originellement le séjour, la demeure, l'habitation. Or, l'habitation, c'est être présent à un monde, à un lieu; et le verbe allemand pour «être présent», anwesen, est effectivement un composé de wesen. La chose déploie donc plus ou moins son être dans le Wesen, alors que le Sein est beaucoup plus caché et mystérieux. Le Sein est énigmatique et ses rapports avec le Nichts sont étroits.»

Jean Grondin apporte quelques précisions au sujet du mot « Etre »1. «C'est que Wesen peut aussi être un verbe en allemand, assurément très archaïque à l'indicatif (es west), mais dont la forme reste dont la forme reste bien audible dans certains verbes composés (verwesen, se décomposer) ou dans le participe passé du verbe être (gewesen). Heidegger aime beaucoup p cet archaïsme (tout comme celui de l'être écrit à l'ancienne, Seyn, «estre») (É) Il y a toujours eu un «se déployer» temporel de l'être, une «essance» de l'être qui n'est pas une chose carrée, ni une idée, mais un jaillissement.

Au sujet du mot «Heile»: Le mot Heile est employé beaucoup plus souvent que ce qui n'est pas-Heile, et sa définition n'est pas aisée. Il est placé sur différents niveaux d'essence et, si nous ne parlons de «contraires », il a plusieurs «alter ego ». Au §85, das Heile apparaît en même temps que das Bse, le malfaisant, le méchant. L'essence de celui-ci est das Grimmige , la fureur, qui est mise sur le même plan que

nos trois parties traitent chacune d'un thème général (expérience de la pensée ; pensée du monde; destin de la pensée). Elles s'équilibrent et font chacune une cinquantaine de pages. Les sous-parties font à chaque fois une bonne dizaine de pages, sauf la dernière, «La grâce et la ruine », qui compte pour deux. Ce souci d'équilibre, parfois arbitraire, nous a été dicté par la rigueur d'une méthodologie cohérente.

1Jean Grondin, Pourquoi réveiller la question de l 'Etre?, in Heidegger, l'énigme de l 'Etre, p. 65.

das Heile dans le combat en lÕEtre. Ces deux occurrences complique en même temps qu'il enrichit le sens du mot Heile.

Das Heile «va vers» le Huld, la grâce, la sainteté ; la fureur vers das Unheil. Au moment précis où Heidegger donne un terme antithétique au Heile, le Un-heil, il les place sur deux plans différents (ce qui va vers le domaine, d'une part, et le domaine lui-même, d'autre part): le préfixe Un- n'est en aucun cas une détermination logiconégative de das Heile . Ici, le «contraire syntaxique» de Unheil n'est pas Heile mais Huld. Or Huld , qui n'existe plus dans l'allemand moderne que dans le mot « huldigen », louer, rendre grâce, et que nous voyons traduit par « grâce », n'est pas fondamentalement autre que das Heile, mot qu'on trouve également traduit par « grâce » ou « sacré ». Là se trouve la difficulté de traduction du mot Unheil, que lÕon retrouve également traduit au §65 cette fois par le mot « dam »1. Il est traduit par le mot « ruine » au §88. Lorsqu'il est question dÕun destin, il est effectivement plus à- propos de parler de ruine et de grâce. Le vocabulaire sÕadapte sans cesse à l'environnement de la phrase, et nous respecterons à la lettre les choix faits par Rogier Munier dans sa traduction de la Lettre sur l'humanisme. Les mots originaux allemands nous serviront à éclairer notre texte, mais nous ne nous lancerons pas dans une glose critique de la traduction qui nous est offerte.

Das Unheil est le plus grand dam de notre temps. Ce vers quoi lÕEtre accorde à la fureur son élan, c'est la fermeture de la dimension de l'indemne. La ruine, c'est la fermeture à la dimension de l'indemne, c'est-à-dire la grâce. La grâce est l'ouverture de et à l'indemne. C'est pourquoi il n'est jamais parlé que de Heile : tout ne se décline finalement qu'en termes d'ouverture et de fermeture. Le combat en lÕEtre est celui qui conduit à l'ouverture totale ou bien à la fermeture totale. Il est : le retrait. Le combat laisse et main -tient2 où se tient-lieu lÕek-sistence : il est ce qui donne et se cèle : ce qui

3

re-cèle. Le combat « -cèle de trésors », la merveille des merveilles .

4

Au suje t du mot « rythme » : Comme le remarque Françoise Dastur , Heidegger pense moins en relation au temps qu'en relation au lieu. Il faut en effet penser plus profondément l'essence du rythme, ne pas le confondre avec les simples effets sensibles du langage poétique.5 La signification originelle du grec rhusmos n'est pas écoulement et flux, comme on le croit généralement, mais bien ajointement (F·gung). Le rythme n'est donc pas à référer à l'écoulement du devenir, mais bien plutôt à l'immobilité du lieu, car il est ce qui accorde son site, c'est-à-dire sa stabilité et ses limites, au mouvement poétique, à cette onde qui jaillit de la source et y revient, à ce mouvement de flux et de reflux. Cette remarque indique que le site étant fondamental, le rythme lui-même sÕy rapportant, nous dirons souvent « en vue de... ». La vue laisse

1 §65 : « Vielleicht besteht das Auszeichnende dieses Weltalters in der Verschlossenheit der Dimension des Heilens. Vielleicht ist dies das einzige Unheil. » Voici l'exemple d'une traduction inadaptée: «La perte de la dimension du sacré et de l'indemne est peut-être le grand ma lheur de notre époque », trad. R. Munier, in Questions III, p. 134. Si Unheil n'est qu'un « grand malheur », suffit-il à décrire le domaine de la fureur?

2 On ne parlera pas de main-mise de lÕEtre sur l'homme mais, par exemple, de «main-posée ».

3 Initialisée par Husserl en 1912 dans les Ideen III, § 12, et que Heidegger répète également « ... merveille des merveilles : que l'étant est» (G.A., 9, p. 307).

4

Françoise Dastur, « Heidegger et Trakl : le site occidental et le voyage poétique », in Noesis, No7.

5 Unterwegs zur Sprache, Neske, Pfullingen, 1959, p. 230 ; tr. p. 215.

entendre qu'est aperçu le site. « En vue de... » ne signifie pas « pour », « afin de... », «pour qu'en définitive... » mais « à l'approche de l'avenant... ».

Au sujet du mot «humanisme»: Heidegger met une majuscule au mot «Humanisme »1, et nous devrions évidemment le suivre sur cette indication qu'il donne en français. Nous décidons toutefois d'y renoncer, comme le fait d'ailleurs Roger Munier, car la majuscule n'indique rien de plus que le mot sans majuscule. Elle est inutile et ne signale pas non plus le déploiement de son essence. Un mot français doté d'une majuscule est aisément connoté d'une sorte de noblesse, et c'est afin de prévenir toute lecture abusive du mot que nous l'écrirons toujours avec une minuscule.

1 En français dans le texte, §3 : «Comment redonner un sens au mot «Humanisme» ».

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"Là où il n'y a pas d'espoir, nous devons l'inventer"   Albert Camus