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Fiscalité et Domination Coloniale: l'exemple du Sine: 1859-1940

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par Cheikh DIOUF
Université Cheikh Anta Diop de Dakar - Maitrise 2005
  

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II- Les structures socio-politiques

L'un des traits caractéristiques de l'organisation socio-politique du Sine fut sa hiérarchisation et son équilibre. Ces institutions résultèrent de la rencontre entre peuples autochtones Sérères et conquérants mandingues qui, par la longue durée, à travers des brassages multiples, aboutirent à un modèle d'organisation sociale et politique dont la cohésion ne se discute guère. « Une liaison étroite existe entre le système politique et le système social ».25(*)

A- L'organisation sociale

1- Les hommes libres

L'aristocratie Guelwar occupait le sommet de l'échelle sociale. Elle est issue des guerriers mandingues qui, chassés de leur terroir le Gabou à la suite de guerres intestines trouvèrent leur salut dans l'occupation du Sine. C'est au sein de cette aristocratie que sortaient les Maad a Sinig (souverains du Sine). Seul pouvait être Maad ou Bour celui qui appartenait à cette couche de la société. N'était Guelwar que tout enfant né d'une mère Guelwar. « L'homme Guelwar ne peut pas produire un Guelwar, mais la femme Guelwar confère à toute sa postérité le titre de Guelwar même si elle se marie à un captif. »26(*) Nous sommes ici dans une société matrilinéaire où c'est la mère qui transmettait son statut social à l'enfant. Au Sine, « les entrailles de la mère sont plus solides que la ceinture paternelle. Aussi l'enfant est-il plus attaché à sa famille maternelle ; il est membre de son clan matrilinéaire, tout en gardant son patronyme ».27(*) Ce dernier appartenait au « deen yaay » (lignée maternelle) et se définissait à travers elle. Au sein de la noblesse Guelwar, on avait d'abord les Garmi ou princes du royaume c'est-à-dire les enfants nés d'une mère Guelwar et pouvant par conséquent devenir roi. Ces Garmi étaient entourés d'un respect extrême qui se traduisait par une certaine méfiance des populations vis à vis de ces princes. Verser le sang d'un Garmi était considéré comme un sacrilège. Cette vénération autour de la personne du Garmi poussa Aujas à dire que « même à la guerre, il fallait avoir une balle d'or dans son fusil pour oser viser un Guelwar. »28(*)

La deuxième place dans la hiérarchie des hommes libres était occupée par les  « Biy no Maad » (enfants du roi). Ces derniers étaient nés d'un père Guelwar, mais d'une mère non-Guelwar. Ils étaient écartés du trône. Cependant « ce sont eux qui détiennent les différentes principautés grandes ou petites qui constituent le Sine. »29(*)

Après les « Biy no Maad », venaient les Lamanes 30(*) « descendants des premiers occupants ou maîtres de la terre.»31(*) Ces Lamanes étaient à l'époque prè-guelwar les propriétaires terriens et les détenteurs du pouvoir. C'était parmi eux qu'était choisi le Jaraaf fa maak ( grand Jaraaf ).

Les Baadolo constituaient le bas peuple. Cette couche sociale formait la masse laborieuse chargée de nourrir la classe dirigeante. Elle assurait tous les frais de déplacement du Bour Sine, lui livrait le sangara (l'alcool) nécessaire et coupait l'herbe pour ses chevaux. Elle était exclue du pouvoir et portait  le poids de toutes les iniquités sociales. 32(*) Les Baadolo étaient souvent victimes d'une exploitation abusive par les prélèvements injustes opérés sur leurs récoltes et leurs biens. Cette situation les plongeait toujours dans une angoisse perpétuelle où toute protestation était synonyme de répressions sauvages de la part des Ceddo. Ils ne bénéficiaient ni d'aucun pouvoir ni d'aucune charge de commandement. Ils subissent le pouvoir. Leur vie ne se réduisait qu'à la résignation seule solution pour une tranquillité qui fut éphémère. Leur sort était peu enviable.

Au bas de l'échelle sociale, dans la catégorie des hommes libres, se trouvaient les artisans dans leur diversité. Il y avait les griots, les forgerons, les cordonniers et les bijoutiers. Le rôle de ces différentes classes fut non négligeable. Par leurs mains créatrices, ils fournissaient au peuple les instruments dont il avait besoin pour assurer sa survie. Aux paysans, ils fournissaient le matériel nécessaire pour la culture ; aux guerriers, ils donnaient les armes indispensables pour la défense du terroir ; et aux femmes, ils offraient des parures.

Le griot, connu par sa manie du langage, avait lui aussi une fonction déterminante dans cette société. Dans la cour royale, il fut chargé de rappeler aux Guelwar le sens de l'honneur, de la dignité mais surtout les hauts faits de leurs ancêtres. Lui seul détenait les traditions historiques du peuple dont il devait sauver de l'usure du temps, pour le faire passer dans la mémoire des générations futures. Il était pour ainsi dire le gardien des traditions, l'âme de cette civilisation de l'oralité. Il avait également comme rôle de battre les joung-joung. 33(*) Sur le champ de bataille, armé de son tam-tam et de sa langue  le griot avait la délicate mission de rappeler aux Guelwar et à tout combattant qui serait tenté de l'oublier, les actes de bravoure, voire de témérité de leurs devanciers. 34(*)

Malgré ce rôle éminent, cette couche sociale subissait de la part des classes nobles un mépris viscéral. Cette perte de valeur était due à l'importance des marchandises européennes qui fournissaient un matériel plus efficace et à bas prix. Ceci créa un climat délétère pour les artisans  « car les geer, les non castés ne percevaient plus la nécessité d'entretenir des gens dont l'utilité était devenue discutable.»35(*) Ce mépris se traduisait par une prise de distance entre nobles et artisans. Dans certaines contrées du Sine par exemple, interdiction était faite aux griots de franchir le seuil de certaines maisons. A sa mort, le griot ne pouvait être enseveli en terre « mais il devait être enfoui dans un baobab spécial, sous peine de rendre la terre stérile. »36(*) Cette pratique se justifiait par la notion d'impureté que les nobles attachaient à la personne du griot.

2- Les esclaves

Cette couche occupe le bas de la pyramide sociale. Au Sine on distinguait deux catégories d'esclaves. Le pad mbind : esclave naît dans la maison du maître, et le pad a kop : esclave qui n'est pas naît dans la maison de son maître.

Au sein des fad Mbind, on avait les esclaves de la couronne. Ils jouissaient d'un certain nombre de privilèges. Ils ne payaient pas l'impôt et ne pouvaient pas être vendus. Les esclaves de la couronne s'appelaient fad no maad et constituaient « la masse des ceddo proprement dit et qui fut le soutien, l'appui des guelwar et des domi Bour »37(*)

Ces Ceddo appartenaient à la branche combattante du Sine. C'est au sien de cette communauté qu'était élu le Farba. Les fad a kop étaient constitués par les captifs de guerre et les débiteurs insolvables qui se donnaient à leurs créanciers. Ces captifs pouvaient être vendus et mis en otage ou en gage en cas de famine. 38(*)

Lorsqu'une femme captive se mariait, ses enfants devenaient esclaves de maison et ne pouvaient plus être vendus.

Les structures sociales du Sine furent dans leur ensemble très hiérarchisées. Chaque couche sociale consciente de la place qui fut la sienne dans cette communauté s'y est maintenue jalousement. Cette forme d'organisation de la société était couronnée par des institutions politiques très équilibrées.

* 25 Barry B., Le royaume du Waalo. 1659-1859 : Le Sénégal avant la conquête, Paris, Maspero, 1972 p. 87.

* 26 Ba A. B., Essai sur l'histoire du Saloum et du Rip, p. 816.

* 27 Diouf M. M., Lances mâles. Léopold Sédar Senghor et les traditions Sérères, CELHTO, 1996, p. 88.

* 28 Aujas L., «Les Séréres du Sénégal ( moeurs et coutumes de droit privé ) », in, B.C.E.H.S.A.O.F. tome XIV, n°3, 1931, p. 5.

* 29 A.N.S. 13G327 : Notice sur le Sine-Saloum par l'administrateur Noirot, Foundiougne le 10 avril 1896

* 30 Avant l'arrivée des conquérants mandingues et leur accession au trône, le Sine était divisé entre trois chefs de la terre appelés lamanes :

- le Lam Sango, résident à Palmarin ;

- le Diémé Fadial à Fadial ;

- le Wal Satim Ndokh, à Ndokh (à l'Est du Sine).

* 31 A.N.S. 13G327: op. cit.

* 32 Guéye Mb., op. cit. p.102.

* 33 Le Joung-Joung est le tam-tam royal du Sine.

* 34 Diouf G. A. op. cit. p. 78.

* 35 Guéye Mb., op. cit. pp. 102-103.

* 36 Gravrand H., Visage africain de l'Eglise. Une expérience au Sénégal, Paris, Ed. de L'Orante, 1961, p. 26.

* 37 Noirot E., op. cit.

* 38 Aujas L., 1932, p. 19.

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