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Fiscalité et Domination Coloniale: l'exemple du Sine: 1859-1940

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par Cheikh DIOUF
Université Cheikh Anta Diop de Dakar - Maitrise 2005
  

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C- Valeurs sociales et religion du terroir

Le monde Sérère est rythmé par un ensemble de valeurs qui s'intègrent dans la trame de l'organisation sociale de ce peuple. De la naissance à la mort, chaque étape de l'existence fut marquée par une cérémonie qui eut pour but d'inculquer aux concernés le sens de l'humanisme, de la bravoure, de l'abnégation, du respect des anciens et de l'ordre établi, bref toutes les vertus qui déterminaient la façon de vivre dans le groupe social. Nous retiendrons ici quelques épreuves parmi tant d'autres auxquelles l'individu devait inévitablement être soumis et devant lesquelles il devait faire preuve de courage et de dignité. Pour les hommes il s'agissait de la circoncision et de l'initiation, et pour les femmes c'était la cérémonie du ndoom.

La circoncision fut la première épreuve à laquelle devait faire face tout adolescent. Elle réunissait tous les garçons d'un même village ou groupe de villages âgés de quinze à vingt ans. Ceux-ci devaient faire preuve de sérénité, de bravoure et même de témérité car, au moment de l'épreuve le fait de remuer une quelconque partie de son corps, de serrer les dents comme pour étouffer la douleur, de fermer les yeux pour ne pas voir la grande et luisante lame de métal qui s'abat sur la partie impure du sexe reposant sur un mortier, toutes ces actions étaient considérées comme un affront et une humiliation impérissable pour toute la famille. La seule attitude qui au contraire honorait tous les membres de la famille, fut pour le futur circoncis, de rester « immobile comme un tronc d'arbre. »

Après cette épreuve, les circoncis regagnaient le mbaar (hutte) qui, généralement se situait dans une clairière, au milieu de la brousse et loin du regard maléfique des femmes et des mauvais esprits. Dans cet isolat, pendant trois ou quatre mois, ils apprenaient les dures réalités de la vie. Sous l'oeil vigilant des selbé, des anciens du village et sous la supervision du koumakh, on leur donnait tous les secrets qui constituaient les pulsations de leur environnement naturel et les lois qui régissaient leur communauté. Cet apprentissage était synonyme de souffrance, d'endurance, de résignation et d'abnégation.

Ce rite de passage était un facteur de cohésion et d'harmonie sociale. Les circoncis qui ont partagé le même mbaar se sentaient unis par le sang qu'ils ont versé sur le même mortier et par les pires souffrances qu'ils ont, ensemble, enduré pendant de longs mois d'initiation passée en brousse. A la fin de ce séjour dans la « case des hommes », l'initié était suffisamment armé pour affronter les dures réalités de l'existence. On lui inculquait les valeurs qui, au village guideraient sa conduite et inspireraient sa démarche. Il était désormais doté de toutes les astuces, de toutes les valeurs lui permettant de vivre dignement dans le groupe social. Dès lors il n'était plus à lui-même, mais il vivait pour sa communauté.

La cérémonie du « ndoom » (tatouage des lèvres) était pour les filles en âge de maturité une épreuve qu'elles devaient surmonter. Ici encore, c'était une question d'honneur. La jeune fille entourée de ses suivantes se couche. Ses gencives et ses lèvres recevaient la masse d'aiguilles de la tatoueuse. Le sang giclait de partout mais il n'était pas question de bouger, car tout mouvement était considéré comme un signe de lâcheté et de déshonneur qui pouvaient conduire au suicide de la concernée ou d'un membre de sa famille.

Toutes ces valeurs qui rythmaient la vie de ce peuple permirent de mieux saisir les pulsations du monde sérère. Elles furent intégrées dans un univers religieux, facteur aussi de cohésion sociale.51(*) Le Sérère est un être profondément religieux. Sa religion intervient dans tous les actes de sa vie, de la naissance à la mort. Il croit en un Dieu suprême unique, Roog Seen, créateur de tout ce qui existe : les êtres et les végétaux, les choses visibles et invisibles. Prés de Roog Seen, il y a les malaka (anges) et les djinés, esprits supérieurs pouvant se métamorphoser. Entre Roog Seen et les humains, il y a les Pangol 52(*) qui sont pour les Sérères « les véritables intermédiaires entre la divinité et l'humanité »53(*). Ces Pangol qui « polarisent tout le système religieux Sérère », sont selon le Révérend Père Henry Gravrand « des hommes historiques, fondateurs de cités, héros ou chefs de grandes familles, dont les tombes furent entretenues par des générations d'admirateurs, et qui ont été spiritualisées par voie du culte »54(*)

Au-delà de la croyance commune en Roog Seen, seul divinité du panthéon Sérère, chaque clan avait ses Pangol et son culte. Au Sine on avait deux sortes de Pangol : les Pangol yayaay, c'est à dire de la lignée maternelle et les Pangol pafaap, de la lignée paternelle. Chacun faisait l'objet d'un culte particulier. Ce culte était  propitiatoire et non maléfique,55(*) car il avait pour but d'assurer la fécondité des champs et des troupeaux, déterminait la réussite dans les entreprises humaines, conjurait le mauvais sort et assurait la pérennité du groupe.

Cette religion permit aux Sérères d'avoir une vision globale de leur univers, d'y vivre en harmonie parfaite avec les êtres visibles et invisibles. Elle est aussi un facteur d'unité et de cohésion sociales. Par le culte des ancêtres fondateurs qui réunissait toute la communauté, les Sérères eurent la claire conscience qu'ils formaient un même peuple aux destinées communes.

* 51 Nous ne parlerons ici que de la religion traditionnelle. On sait que les Sérères furent pendant longtemps hostiles à la religion de Mahomet. Ce refus de se convertir à l'islam fut selon certaines sources la cause de leur migration de la vallée du fleuve Sénégal vers les zones qu'ils occupent actuellement. La tentative de Maba d'imposer au Sine cette religion lui coûta la vie en 1867 dans la clairière de Somb Thiouthioune.

Pour le christianisme, même si les Sérères furent l'un des premiers convertis à cette religion, ils continuèrent toujours de s'adonner à leurs pratiques animistes. Cette conversion fut donc superficielle et syncrétique.

* 52 Contrairement à ce pensent beaucoup de non-initiés à cette religion, ces pangol ne sont nullement des divinités. C'est l'esprit des ancêtres et des hommes célèbres qui est vénéré par le culte.

* 53 Gravrand H., 1961, p. 40.

* 54 Idem.

* 55 Ibid.

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