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Fiscalité et Domination Coloniale: l'exemple du Sine: 1859-1940

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par Cheikh DIOUF
Université Cheikh Anta Diop de Dakar - Maitrise 2005
  

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III- Les activités économiques

Les activités économiques du Sine furent nombreuses et variées. Dans ce terroir, on s'adonnait à l'agriculture, à l'élevage, à la pêche et au commerce. Ce qu'il faut préciser, c'est qu'avant l'arrivée du colonisateur qui s'est traduite par la monétarisation galopante des échanges, le Sine avait une économie d'autoconsommation. On ne produisait que pour sa nourriture. Dans ces structures économiques, l'agriculture dominait largement car « le Sérère est surtout éleveur et agriculteur, il aime la terre qui, d'ailleurs est fertile en cette partie du Sénégal, il cultive avec habileté et ténacité. Ses champs sont certainement parmi les plus beaux de ces régions ».56(*) Cette activité était une polyculture vivrière fortement marquée par la céréaliculture sous pluie. Deux variétés de mil étaient cultivées au Sine. Le gros mil ou bassy et le petit mil sous ses variantes appelées macc et pood. Ces variétés de mil bien adaptées à la pédologie et à la pluviométrie du pays constituèrent les céréales de base du terroir sérère.

A côté du mil, le riz était cultivé dans les grands marigots et vallées mortes du Sine. Dans ces localités, on rencontrait en hivernage des rizières d'étendues variables. Ce riz était uniquement destiné à la consommation locale.

Le manioc était cultivé sur de faibles surfaces autour des villages. Mais sous l'action des Sociétés Indigènes de Prévoyance, on assista à une extension progressive de cette culture d'appoint. En 1925 par exemple, la SIP du Sine-Saloum a fait planter dans l'ensemble du cercle 5000 hectares qui produisirent 25.000 tonnes de manioc.57(*)

Le coton et l'indigo étaient aussi cultivés sur de faibles étendues. De même le niébé, riche en substances nutritives, et le maïs occupaient quelques parcelles de culture situées le plus souvent à l'orée des villages.

L'arachide devint au XIXe siècle une culture de rente qui bouleversa toutes les structures agraires de ce terroir. Introduite en Sénégambie par les Portugais, cette oléagineuse se tailla rapidement une place de choix au sein de cette paysannerie en occupant la première place dans les transactions commerciales pendant toute la période que nous étudions. Les exigences du fisc poussèrent les populations à s'adonner davantage à cette culture génératrice de revenus.58(*)

Toutes ces cultures marquèrent largement le caractère agraire de la civilisation sérère. Selon Cheikh Anta Diop, par exemple, les nombreux mégalithes que l'on rencontre au Sine et au Saloum constituent le symbole vivant de la communion entre le Sérère et la terre. Pour lui, ces pierres correspondent à un culte agraire et symbolisent l'union rituelle entre le ciel et la terre. De cette union doit naître la végétation nourricière des hommes.59(*) Il conclut que « le caractère agraire des sociétés auxquelles on doit ces mégalithes [est] suffisamment prouvé ».60(*)

Toutefois cette agriculture était fortement liée à l'élevage. Ils se complétaient nécessairement. Le paysan utilisait le fumier de ses troupeaux pour fertiliser ses terres. Comme le Peul, le Sérère accorde une grande importance à l'élevage. Un pacte l'unit avec son bétail. Chez lui, la richesse se mesurait en nombre de greniers récoltés mais aussi en têtes de bétail. Il avait « une vie pastorale très prononcée ».61(*) Au Sine, l'abondance du pâturage suffisait à élever un cheptel important de boeufs, de moutons, de chèvres, d'ânes et de chevaux. Avant la monétarisation de l'économie, le Sérère n'utilisait son bétail que pour l'attelage et pour les cérémonies familiales (baptême, circoncision, fiançailles, funérailles). Il n'était pas question pour lui de vendre une seule tête de son bétail. Ce dernier était un signe de prestige qu'il ne fallait réduire sous aucun prétexte. Cependant, avec la colonisation et son cortège d'obligations, l'éleveur était souvent obligé de vendre de son troupeau pour satisfaire certaines exigences du pouvoir colonial comme par exemple le paiement de l'impôt.

La pêche était pratiquée au Sine. Elle fut le monopole des Niominka qui profitaient de la générosité des nombreuses lagunes, marigots et autres cours d'eau de la région. Dans la mangrove du sine, le poisson était abondant. On y trouvait les meilleures espèces (capitaines, brochet, raies, soles, etc.) et une variété d'huîtres très prisées des populations. Seule une faible partie du produit de cette pêche fut destinée à la vente, le reste allait dans la consommation locale.

Le Sérère était « peu enclin au commerce ».62(*) Il s'adonnait surtout au troc.« En dehors d'un commerce local qui consiste dans l'échange de sel et de poisons secs contre du mil et des bandes de sorr [bandes étroites de tissus de coton], le Sine fournit au commerce européen ses arachides, une partie de son mil, quelques cuirs, un peu de coton, de la cire... »63(*) et des esclaves. En contre partie, le commerce d'importation fournissait au Sine de l'alcool de traite, du rhum, des liqueurs fortes, du tabac et d'autres produits légers. Le Sine était jalonné d'escales commerciales. Celles-ci étaient constituées par les enclaves françaises de Fatick sur la rivière Sine où les comptoirs de Foundiougne avaient des succursales tenues par des européens et l'escale de Silif sur la rivière de ce nom, plage occupée par quelques traitants indigènes pendant la traite seulement.64(*) L'escale de Joal connaissait un réel développement pendant l'ère coloniale. Les nombreux wharfs qui y étaient édifiés permirent d'évacuer annuellement 3 à 4.000 tonnes d'arachides. La position privilégiée et géostratégique de ce comptoir aiguisa l'appétit des autorités coloniales françaises qui se lancèrent à une quête éperdue d'espaces à contrôler. Elles l'obtinrent par la conquête.

* 56 A.N.S. 1G33 : Notice sur les Sérères ; par Pinet-Laprade.

* 57 A.N.S. 2G33-70.

* 58 Voir les détails en deuxième partie, chapitre I.

* 59 Diop Ch. A., Nations nègres et culture. De l'antiquité nègre égyptienne aux problèmes culturels de l'Afrique noire d'aujourd'hui, Paris, Présence Africaine, Ed. de 1979, p. 384.

* 60 Idem. p. 385.

* 61 A.N.S. 2G33-70. op. cit.

* 62 Aujas L., 1929, p. 30.

* 63 Noirot E., op. cit.

* 64 Idem.

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"Il y a des temps ou l'on doit dispenser son mépris qu'avec économie à cause du grand nombre de nécessiteux"   Chateaubriand