WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

La problématique de la dépénalisation des délits de presse au Bénin

( Télécharger le fichier original )
par M. Koovy YETE
Chaire Unesco des Droits de la Personne et de la Démocration du Bénin - DEA 2007
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

Section 2 : L'élargissement de l'espace public de libre discussion.

L'espace public de libre discussion renferme l'ensemble des informations susceptibles de diffusion dans le cadre de la liberté d'expression. Il s'agit des sujets débattus conformément à la liberté d'expression reconnue aux citoyens dans une société démocratique sans que cela ne fasse l'objet de condamnation à l'encontre de ceux qui les véhiculent80(*).

Or, la liberté d'expression dont procède la libre discussion est, elle-même, une liberté relative. Elle admet des limites qui rappellent que toutes les informations ne sont pas sujettes à publication.

Par conséquent, la libre discussion comporte des limites. Il en est ainsi car « dans une société démocratique, l'exercice d'une liberté, fut-elle le pilier de la défense des droits fondamentaux ne peut se justifier par la commission d'infractions, à peine de contester la légitimité des règles d'ordre public et par là même du système tout entier »81(*).

Mais, la définition des limites de cet espace ouvert à la contradiction ne va pas de soi. La grande diversité des solutions adoptées par les différentes démocraties libérales le démontre82(*).

Dans le système mixte83(*) qui est celui du Bénin, la dépénalisation des délits de presse pourrait être l'occasion d'étendre le champ de l'espace public de libre discussion. Cela peut se faire par l'admission du caractère obsolète de certaines infractions actuellement réprimées par le droit en vigueur sur la presse (Paragraphe 1). Il est vrai que ce point de vue est quelque peu contestable (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 : La question du caractère obsolète de certaines sanctions.

Si la presse, communément appelée le quatrième pouvoir est un atout dans l'édification d'un Etat démocratique, il est vrai aussi que, non limité, ce pouvoir devient dangereux et peut même ruiner le processus démocratique par l'inconscience de certains de ses membres.

Toutefois, il importe aussi de veiller à ce que l'on ne persécute pas les professionnels de presse à travers un arsenal législatif et règlementaire trop répressif. Il faudra veiller à ne conserver les peines privatives de liberté que pour les infractions revêtant un certain degré de gravité.

A l'analyse, cet équilibre n'est pas assuré par la loi 60-12 du 30 juin 1960. Elle aménage certaines interdictions et cela a pour conséquence la restriction de l'espace public de libre discussion. Ainsi, en est-il par exemple du traitement de l'offense au Président de la République (A) et des publications interdites (B).

A.La répression de l'offense au Chef de l'Etat.

C'est l'article 23 de la loi 60-12 du 30 juin 1960 qui prévoit l'incrimination d'offense au Chef de l'Etat. Cet article est complété par l'article 34 de la même loi qui traite de l'offense envers les Chefs d'Etats étrangers, les Chefs de gouvernements étrangers, les Ministres des affaires étrangères de gouvernements étrangers.

La similitude de ces deux dispositions réside dans la peine privative de liberté qui va de un (01) à cinq (05) ans ainsi que dans le plafond de la peine pécuniaire fixée à cinq millions (5.000.000) de francs CFA.

Cependant, la loi 60-12 ne définit pas l'offense. Il s'agit en fait d'un « délit spécial que constituent, lorsqu'ils concernent le Chef de l'Etat, des manques d'égards qui resteraient impunis s'ils concernaient une autre personne »84(*).

C'est en définitive ces manques d'égards que les articles 23 et 34 de ladite loi élèvent au rang d'infractions suffisamment graves, passibles de peine privative de liberté.

S'agissant donc d'une infraction liée au respect dont a droit un Chef d'Etat, il importe alors de se demander jusqu'à quel seuil le journaliste peut-il critiquer dans un régime présidentiel, la politique du Gouvernement sans être accusé d'outrage au Chef de l'Etat ?

Comment le journaliste peut-il s'assurer que par sa critique, il ne se met pas en marge de l'espace public de libre discussion circonscrit par la loi 60-12 ?

Apparemment, seul le juge dans son interprétation peut élargir cet espace en faveur du journaliste ou encore le restreindre davantage suivant sa conception du respect de l'autorité.

Pourtant, dans une société appelée à se construire comme Etat démocratique, il faut réaffirmer le droit de critiquer les décisions des pouvoirs établis pour ouvrir la voie à la contradiction et au débat pluriel85(*).

Ailleurs, comme en France par exemple, l'infraction d'offense au Chef de l'Etat a cessé de faire l'objet de peine privative de liberté. L'article 26 de la loi française du 29 juillet 1881 modifiée dispose en effet : « l'offense au Président de la République par l'un des moyens énoncés dans l'article 23 est punie d'une amende de trois cent mille (300.000) F ».

Cette disparité de traitement de l'infraction d'offense au Chef de l'Etat dans ces deux (02) ordres juridiques suscite une forte interrogation.

En effet, dans une société où les frontières sont de plus en plus abolies et où les injures, les secrets d'Etat, les fausses nouvelles, les documents confidentiels peuvent être divulgués, sans sanctions particulières, par la presse étrangère, sur Internet ou par voies de communication satellitaires, y a-t-il encore lieu de ne punir que les infractions de presse commises entre les frontières nationales ?

Sortir cette infraction du champ de la sanction pénale est un important signal visant à lever les tabous autour de certains sujets et à élargir par la même occasion le champ de la critique.

L'assouplissement de l'arsenal répressif par rapport à certaines publications interdites participe aussi de ce souci.

* 80 WASCHMANN (Patrick), Liberté d'expression, in Libertés et droits fondamentaux, sous la direction de CABRILLAC (Rémy), FRISON-ROCHE (Marie-Anne) et REVET (Thierry), Dalloz, 2001, p. 376.

* 81 LEGROS P., Liberté de la presse, immunité pénale et hiérarchie des valeurs, op. Cit., p. 118.

* 82 WASCHMANN (Patrick), op. Cit., p. 377.

* 83 Système dans lequel les limitations de la liberté de presse sont assurées aussi bien par la loi que par des instances de régulation et d'autorégulation. V. PIGEAT (Henri), Ethique et qualité de l'information, op. Cit. p. 76.

* 84 GUILLIEN (Raymond) et VINCENT (Jean), Lexique des termes juridiques, op. Cit., p. 400.

* 85 «Pour se concilier avec la liberté d'expression ces infractions devront être entendues de manière à ne pas faire obstacle à l'échange d'idée qui caractérise la société démocratique. S'il est claire qu'on ne peut admettre l'agression injuste ou la violence verbale, il devrait être non moins évident qu'on ne peut faire obstacle à la recherche de la vérité et à la critique, même véhémente, du comportement et du discours d'autrui». WASCHMANN (Patrick), op. Cit., p. 388.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Là où il n'y a pas d'espoir, nous devons l'inventer"   Albert Camus