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La problématique de la dépénalisation des délits de presse au Bénin

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par M. Koovy YETE
Chaire Unesco des Droits de la Personne et de la Démocration du Bénin - DEA 2007
  

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DE LA RESPONSABILITE PENALE.

La question de l'étendue de la dépénalisation des délits de presse vise à assainir les débats parfois biaisés à ce sujet et qui n'aident pas forcément à faire la lumière nécessaire. Du côté des journalistes, que ce soit pour des raisons objectives ou parce que enclin à trop de corporatisme, on crie invariablement à l'atteinte à la liberté de presse chaque fois qu'un journaliste est interpellé94(*).

S'agissant par contre des pouvoirs publics, la relativité attachée à la liberté de presse et la fonction jusque-là accordée à la peine font que l'on n'ose pas évoquer la question de la dépénalisation des délits de presse.

La question de l'étendue de la dépénalisation des délits de presse comporte deux grands volets auxquels il faut apporter des réponses pertinentes.

En effet, elle appelle d'abord à répondre à la préoccupation de savoir si la dépénalisation telle que revendiquée doit être partielle ou totale (section 1). On rappellera que MERLE et VITU définissent la dépénalisation en ces termes : « la dépénalisation entraîne la sortie d'un fait réprouvé hors du champ pénal traditionnel sans exclure toutefois l'idée de sanction : le fait cesse d'être infractionnel, mais il reste sanctionné administrativement ou autrement. Il y a donc désescalade dans la répression, la justice pénale étant dessaisie au profit d'une instance non pénale »95(*).

Et si nous nous en tenons à cette définition, quel sera alors le sort des lois actuelles qui répriment les délits de presse devant l'instance non pénale qui sera amenée à en connaître? (Section 2).

Section 1 : Dépénalisation des délits de presse ou de l'ensemble des

manifestations de la liberté d'expression.

Cette interrogation mérite qu'on s'y attarde car à l'occasion des échanges avec quelques acteurs des médias et certaines personnalités en dehors du monde de la presse, la question a toujours nourri les débats.

Pourquoi, au-delà des justifications fondées sur la démocratie et le rôle que la presse y joue, doit-on accepter une dépénalisation partielle de la manifestation de la liberté d'expression et non une dépénalisation totale ? (Paragraphe 1)

Si le législateur devait un jour aborder la question au Bénin, ne serait-il pas plus objectif pour lui de dépénaliser tous les délits liés à la libre expression et de voir en cette démarche toute sa cohérence ? (Paragraphe 2)

Paragraphe 1 : Pourquoi une dépénalisation partielle ?

En réalité, le contenu de cette suggestion n'est rien d'autre que la dépénalisation des seuls délits de presse dont il est débattu jusque-là. Ce sont plutôt les arguments tendant à justifier cette démarche qui nous intéressent. Ils tendent à donner plus d'envergure à la conception classique du délit de presse. Ces arguments ne manquent pas de logique même s'ils restent peu satisfaisants.

A. Les justifications de la suggestion

La justification de la thèse de la dépénalisation des délits de presse procède du fait que cette revendication ne concerne pas que les journalistes mais s'étend à tous les citoyens. Cette démarche tend même à récuser l'idée selon laquelle la dépénalisation des délits de presse serait une forme de discrimination positive à l'égard des journalistes.

En tant que composante de la liberté d'expression, la liberté de la presse est une liberté de tous. Elle n'est pas que l'affaire des seuls journalistes96(*). Et le législateur a eu une vue très large du délit de presse de sorte qu'en réalité, ce qu'il incrimine c'est l'abus de la liberté de presse quel que soit l'auteur de cet abus. Ce qui est incriminé, c'est plutôt l'usage des médias pour commettre une infraction prévue et réprimée par la loi.

Ainsi, chaque fois que la presse sert de moyen d'expression à une infraction, cette infraction devient un délit de presse.

Cette interprétation met en exergue la variété et la diversité du délit de presse.

On remarque en ce sens que le législateur, aux termes des lois 60-12 du 30 juin 1960 et 97-010 du 20 août 1997, n'a pas défini le délit de presse de façon spécifique. Le délit de presse est plutôt déduit de la définition de la diffamation, de l'injure, de l'offense, sans qu'il soit spécifiquement fait mention du journaliste.

Non seulement ces définitions ne donnent pas une idée claire de la notion de délit de presse mais plus encore, elles consacrent une sorte d'universalité du délit de presse. L'infraction cesse donc d'être le fait fautif du seul journaliste puisque le texte qui définit la diffamation, ou l'injure parle de « toute allégation »97(*) sans distinguer entre les auteurs de cette allégation. Le texte, en effet, ne parle pas de journaliste.

La conclusion logique qui vient justifier l'idée selon laquelle la liberté de presse n'est pas l'affaire des seuls journalistes est que toute personne qui aura commis, par voie de presse écrite ou audiovisuelle une infraction de quelque nature que ce soit peut être poursuivie pour délit de presse.

Cette conclusion logique est, par ailleurs, confortée par le système de responsabilité en cascade prévue par les articles 40 de la loi 60-12 et 97de la loi 97-010.

En effet, aux termes de ce système de responsabilité qui constitue une dérogation aux règles sur la participation criminelle, les auteurs du fait délictueux sont poursuivis à défaut du directeur de publication. Et les auteurs peuvent être des journalistes ou de simples particuliers ayant émis une opinion délictueuse par voie de presse.

Mais, cet essai visant à soustraire le délit de presse du champ de la répression pénale, motif pris de ce que l'infraction aura emprunté le support de la presse, paraît peu satisfaisant.

* 94 JONGEN (François), Quand un juge mord un journaliste, Contribution à une réhabilitation de la responsabilité pénale des médias, op. Cit., p. 53.

* 95 MERLE (Roger) et VITU (André), op. Cit., p.155.

* 96 ADAU AKELE P. Dépénaliser les délits de presse au Congo : Pourquoi et comment ? , in Plaidoyer pour un dépénalisation des délits de presse en RDC, op. Cit., p. 12.

* 97 Art. 26 Loi n° 60-12 citée :«Toute allégation ou imputation d'un fait qui porte atteinte à l'honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé est une diffamation... ». 

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