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la gestion des risques de crédit en microfinance par le crédit scoring

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par MERIAM BELGHITH
IHEC Carthage - mastère en finance 2008
  

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I. CHAPITRE I: LA GENESE DU MICROCREDIT

INTRODUCTION

« Microcrédit », ce terme n'existait pas il y'a 33 ans. Depuis, il a gagné du terrain dans notre langage quotidien, et a réussi à se hisser au centre des discours politiques et des débats intellectuels puisqu'il est devenu un des leviers majeurs des politiques économiques.

Le microcrédit est né de l'inadéquation entre l'offre et la demande sur le marché du crédit formel; en effet, les banques qui sont en quête de rentabilité, maintiennent à l'écart de leur champ d'intervention les personnes démunies jugées fragiles et qui ne répondent pas à leurs critères de sélection pour l'octroi de financements.

Bien qu'ils soient porteurs d'aptitudes et de volonté pour créer leurs activités indépendantes, les pauvres, ne pouvaient pas recourir au marché formel du crédit faute des moyens et des garanties à offrir aux banques, se trouvaient donc bloqués face à l'exclusion bancaire qui constitue une entrave et un obstacle devant la pleine jouissance de leur citoyenneté économique. Les expériences et les initiatives intervenues dans différentes régions de la planète pour surmonter ces obstacles et qui visaient à faire bénéficier les populations démunies des possibilités de financer leurs activités génératrices de revenus, ont fini par faire émerger ce nouvel outil qui s'est avéré comme un véritable instrument de lutte contre la pauvreté.

Quelle est la définition du microcrédit, quelles sont les caractéristiques de cette nouvelle forme de crédit, comment est il apparu et comment s'est il développé, quels sont ses apports, quelles sont ses limites ?

Maintes sont les questions qui méritent d'être posées pour approfondir la connaissance de ce nouveau concept. Nous allons dans ce premier chapitre passer en revue la genèse de ce phénomène partant de sa naissance et de ses développements dans le monde avant d'analyser son impact et ses retombées.

SECTION ² : LE DEVELOPPEMENT DU MICROCREDIT

« L'activité de microcrédit consiste généralement en l'attribution de prêts de faible montant à des entrepreneurs ou des artisans qui ne peuvent accéder aux prêts bancaires classiques » (Wikipédia)

« Microcrédit : Prêt d'un faible montant, à taux d'intérêt bas, voire nul, consenti par des O.N.G. et des banques partenaires à des personnes considérées comme insolvables pour leur permettre de financer une activité génératrice de revenus. Synonyme : crédit solidaire. » (Encyclopédie Larousse)

 « Le microcrédit consiste à prêter de petites sommes à des personnes qui n'ont pas accès au circuit bancaire classique et qui ont un projet de création d'entreprise » (Le crédit Lyonnais)

« Microcrédit : C'est un prêt à la création ou au développement de très petites entreprises, pour des publics non éligibles au système bancaire, faute de garanties réelles ou d'apport personnel suffisant » (Agence de Développement Social)

Malgré l'absence de définition exacte unanimement adoptée, les différentes définitions proposées renvoient toutes aux mêmes caractéristiques quant aux faibles montants, à la pauvreté des bénéficiaires et à la destination économique d'utilisation des prêts.

Mais pour bien appréhender ce concept, il serait judicieux d'évoquer sa genèse et son histoire.

A. LA GENESE DU MICROCREDIT

Bien que l'idée du microcrédit soit plus ancienne, au vu de certaines expériences comme celles de la caution solidaire d'un groupe d'emprunteurs qui a vu le jour en 1956 au Cameroun ou les coopératives d'épargne et de crédit parus au Ghana dans cette même période, la parenté de ce concept est attribué à Muhammad Yunus et sa banque Grammen Bank au Bengladesh.

1. L'origine du microcrédit

Après avoir étudié puis enseigné l'économie au Bangladesh, Muhammad Yunus a passé quelques années aux Etats-Unis où il a obtenu son doctorat. De retour à son pays, il a pris la direction du Département d'Economie de l'Université de Chittagong, située dans une zone rurale du Sud-Est. La terrible famine qu'a vécu son pays en 1974 lui a fait prendre conscience de l'écart qui existe entre le monde abstrait des théories économiques qu'il enseignait et le monde des pauvres qui meurent de faim

Muhammad Yunus, surnommé « le banquier des pauvres », le père du microcrédit et le fondateur de la Grammen Bank qui lui a valu le prix Nobel de la paix, a déclaré qu'il n'avait pas préparé l'installation du système de microcrédit et qu'il n'était pas doté de connaissances bancaires « Lorsque je me suis lancé dans cette aventure, je n'avais aucune idée de ce dans quoi je m'engageais. ...Je n'avais par ailleurs aucune formation bancaire » a-t-il déclaré.

En effet, c'était en 1976, lors d'une séance de recherche avec ses étudiants du cours d'investissement à l'université Chittagong, qu'il a appris que les 42 femmes artisanes du bombou interrogées dans le village Jobra par ses étudiants avaient besoin en total de 27 dollars pour elles toutes afin de développer leurs activités. La modicité du montant empêchant l'activité de ces femmes de prospérer a choqué Yunus. « Ce fut le choc de ma vie » qui l'a décidé de leur prêter l'argent qui leur faisait défaut de sa propre poche en leur demandant de les lui rembourser sans intérêts quand elles pourront ; et c'est au moment où il a aperçu la joie et l'allégresse que son prêt a provoqué chez ces pauvres qu'il a décidé d'aller plus loin.

Il est allé voir le directeur d'une banque pour lui demander de prêter de l'argent à ces gens, mais la réponse a été négative car le directeur jugeait cette catégorie insolvable. Yunus a donc décidé de se porter garant des personnes qu'il voulait aider, et a emprunté lui-même de la banque pour reprêter aux pauvres qui en avaient besoin, et c'était depuis, le lancement de son projet Grammen Bank fondée en 1976 et reconnue légalement en 1983 comme une banque indépendante.

Il a réalisé cependant qu'il lui fallait développer un système qui garantirait le remboursement des prêts. Or, il est difficile de demander une caution à ceux qui n'ont rien. Il a mis donc en place un système de « caution solidaire » : les personnes désireuses recevoir un prêt doivent s'organiser en groupes de 4 ou de 5. L'un des membres de ce groupe bénéficie d'un prêt et lorsqu'il rembourse, un autre peut à son tour contracter un crédit et ainsi de suite. Si l'un des membres a des problèmes à rembourser, les autres doivent l'aider. La solidarité, la coopération et le contrôle social constituent des substituts aux garanties matérielles traditionnelles.

 

Le village de Jobra et d'autres villages avoisinants l'université de Chittagong étaient les premiers à profiter des services de la Grameen Banque. La banque avait un immense succès et le projet, avec l'aide du gouvernement a été étendu en 1979 au district de Tangail situé au nord de la capitale Dhaka. Le succès de la banque s'est poursuit et s'est étendu à d'autres districts du Bangladesh. En 1983 elle a été transformée en banque indépendante par le gouvernement du Bangladesh.

2. les caractéristiques du microcrédit

Se distinguant des crédits classiques octroyés par les banques commerciales, les microcrédits et même s'ils différent d'une institution de microcrédit à une autre et d'un pays à un autre, disposent de caractéristiques communes; Généralement, tout microcrédit est un prêt de faible montant, à durée de remboursement courte, octroyé à un pauvre souvent une femme qui n'a pas de garanties matérielles pour monter une activité génératrice de revenu.

a) Le montant faible du microcrédit

Le montant faible sollicité par les pauvres est une cause de leur exclusion bancaire. En effet les besoins monétaires de cette population sont modestes au vu de leur situation précaire qui ne leur permet pas de penser à des projets à forte intensité capitalistique car non seulement ils sont certains que personne ne leur accorde un montant élevé à cause de leur vulnérabilité, mais aussi par aversion des grands projets au dessus de leur capacité, et désir d'investir dans des micro entreprises pas trop risquées.

Ce montant diffère d'un pays à un autre, si dans les pays en développement la valeur du microcrédit peut ne pas dépasser une vingtaine de dollars, il peut atteindre dans les pays industriels des milliers de dollars. En France, le Centre de Documentation Economie Finance ( CEDEF ) estime que dans les pays en voie de développement, le prêt moyen est compris entre 200 € et 300 € alors qu'en Europe de l'ouest, le prêt moyen pratiqué par les IMF est de 12 000 € 

Au sein d'un même pays, les institutions peuvent fixer des plafonds différents selon leurs politiques respectives, et une même IMF peut attribuer les plafonds suivant une classification de ses clients ; cette discrimination peut se faire selon, le secteur d'activité du bénéficiaire, le motif pour lequel il demande le prêt ou bien en fonction de son historique de remboursement. C'est-à-dire que si le bénéficiaire a déjà remboursé un prêt dans les conditions préétablies, il peut solliciter un montant plus élevé.

b) La courte durée de remboursement

Les microcrédits sont des crédits du court terme ; cette caractéristique de durée courte de remboursement est une des origines de réussite des programmes de microcrédit ; en effet, le fait d'avoir des échéances proches, les difficultés de remboursement sont détectées tôt, ce qui facilite le recouvrement.

Les remboursements peuvent être mensuels, hebdomadaires ou même journaliers, mais généralement la durée globale, dont la moyenne est de 6mois, ne dépasse les 18 mois que très rarement.

c) La clientèle

Le microcrédit est apparu en réponse aux besoins de financement d'une catégorie bien spécifique ; il a été crée pour servir les pauvres qui sont exclus du système bancaire classique. Cependant, Il n'y a pas de définition stricte limitant l'étendue du microcrédit aux pauvres au sens strict du mot ( vivant avec moins de 1 dollar ou 2 dollars par jour, par exemple) ; on peut donc dire que le microcrédit cible tout client, qui veut monter une activité génératrice de revenu, mais qui manque de capital, qui ne détient pas de garanties matérielles, et qui est jugé insolvable par les banques commerciales. Ce genre de crédits s'adresse donc aux pauvres actifs.

Soixante-dix pour cent des pauvres dans le monde sont des femmes. Or, traditionnellement, les femmes sont désavantagées en matière d'accès au crédit et aux autres services financiers car les banques commerciales préfèrent souvent opérer avec les hommes et les entreprises appartenant au secteur structuré, négligeant les femmes qui représentent une proportion importante et croissante de l'économie informelle. En revanche, plusieurs études constatent que la microfinance, qui s'adresse plutôt aux exclus du système bancaire traditionnel, cible souvent les femmes, voire parfois exclusivement.

En effet, Le microcrédit touche des secteurs faiblement capitalisés employant souvent une main d'oeuvre féminine ; d'ailleurs l'histoire de Mohammad Yunus et de la Grammen Bank a commencé avec des femmes qui représentent 97% des emprunteurs de la banque, et les programmes de microcrédit continuent à privilégier la femme.

Le rapport du sommet sur la microfinance 2007, déclare que jusqu'à la fin de 2006, la microfinance avait touché plus de 79 millions de femmes parmi les plus pauvres du monde1(*).

La clientèle féminine représente en moyenne 86 % des emprunteurs des IMF d'Asie du Sud, 80 % des IMF du Moyen-Orient et d'Afrique du Nord (MOAN), 76 % des IMF d'Asie de l'Est et du Pacifique, 60 % des IMF d'Amérique latine et des Caraïbes (ALC) et 58 % des IMF d'Europe de l'Est et d'Asie centrale2(*).

d) Le taux d'intérêt

Le taux d'intérêt (prix du service de microcrédit) est au centre des débats qui se déroulent autours de la microfinance. C'est le principal point de divergence entre deux visions théoriques ; la vision institutionnelle qui propose de fixer le taux d'intérêt à un niveau qui permet à l'IMF d'assurer son autosuffisance financière et d'être rentable pour pouvoir perdurer indépendamment des subventions et dons. Et la vision welfariste du bien être social qui considère que la recherche de la performance financière entraînera intuitivement l'omission de la mission sociale qui est le fondement idéologique du concept microcrédit.

les arguments du courant privilégiant la vision institutionnelle, partent de l'idée que le microcrédit est très coûteux pour l'IMF, et que celle ci doit par conséquent fixer le taux d'intérêt de façon à pouvoir couvrir ses coûts dans une perspective de viabilité financière. L'étude de la structure de coût d'un microcrédit supporté par une institution fournissant ce service montre qu'un taux d'usure élevé est nécessaire pour couvrir ces coûts et garantir la viabilité du système et la pérennité de l'institution.

Le microcrédit est donc réputé être très onéreux comparativement aux crédits classiques offerts par le système financier traditionnel. Or, contrairement à ce que pense beaucoup de gens, force est de constater que la différence du coût entre le crédit et le microcrédit ne réside pas dans les risques associés au financement de la population pauvre, car le taux de remboursement des pauvres dans beaucoup de programmes de microcrédit a réussi à dépasser celui des banques commerciales. Mais, il est coûteux de part sa qualité « micro » car le fait de procéder à des petites opérations exigeant beaucoup d'entretiens directs, de visites de terrain, d'assistance, de formation, etc. sur la base desquels les clients sont évalués, alourdit les charges de l'IMF avec des dépenses qui ne sont pas proportionnelles aux faibles montants sollicités par les emprunteurs.

En effet, les besoins financiers de cette population sont relativement modestes comparés aux besoins des autres clients de la banque alors que les coûts qui leurs sont associés sont importants. Si le coût du capital et le risque de perte sont proportionnels aux montants des prêts, la banque supporte d'autres charges fixes et des frais généraux qui ne dépendent pas du montant, à savoir les coûts occasionnés par l'identification et l'évaluation du client, le traitement des demandes, le décaissement des crédits, la collecte de remboursement ainsi que les opérations de recouvrement en cas de défaillance.

Dans les systèmes de microcrédit non subventionnés les taux d'intérêt sont considérés comme élevés car ils doivent permettre à l'IMF d'atteindre l'équilibre financier et donc de couvrir ses coûts, tels que les frais opérationnels, les pertes sur créances douteuses, les frais financiers et couvrir la dépréciation monétaire liée au taux d'inflation du pays. Cependant et quoiqu'on dise ces taux restent inférieurs au taux des prêteurs informels.

e) La destination des microcrédits

Bien que ces dernières années, on parle de microcrédit à la consommation, et de microcrédit pour l'amélioration du logement, la destination principale et fondamentale du programme de microcrédit est la création ou l'extension d'une activité génératrice de revenu; il s'agit donc d'un crédit professionnel, favorisant l'insertion économique des personnes démunies dans la vie professionnelle.

Cette destination productrice permet au bénéficiaire de dégager des profits lui permettant de rembourser le prêt octroyé, d'améliorer les revenus générés par son activité et de promouvoir les conditions de vie de son ménage. C'est ce qui contribue à favoriser sa meilleure intégration dans le processus économique.

f) Les techniques d'octroi et de recouvrement

Le succès du microcrédit à surmonter les obstacles liés aux caractéristiques des emprunteurs qui les excluent du système bancaire classique, réside dans son mode de fonctionnement.

Face à l'absence des garanties, les IMF mettent en place un système basé sur des techniques substituables à la sûreté réelle tels que :

· La relation de proximité :

En effet, une caractéristique principale du microcrédit réside dans la relation de proximité qui relie l'institution et l'emprunteur et qui fait naître un climat de confiance mutuel entre les deux intervenants.

La décision d'octroi de crédit est décentralisée au sein des IMF. Chaque institution met à la disposition des clients qu'elle veut cibler des antennes dans les régions où elle veut monter ses programmes d'intervention, et c'est sur la base des contacts personnels et des visites des lieux d'opération que les agents de crédits évaluent leurs clients avant l'octroi, les contrôlent et les suivent pour assurer le bon remboursement. « La proximité accroît la confiance, réduit les asymétries d'information et atténue les barrières sociales entre les clients et l'institution »3(*) .

D'autre part, l'IMF peut combler l'absence de garantie matérielle par une autre garantie morale, elle réside dans le recours à une technique dite « crédit de groupe solidaire ».

· Le crédit de groupe solidaire :

Cette technique utilisée par la Grammen Bank consiste en l'octroi de crédit de groupe ; les membres de petits groupes de 4 ou de 5 personnes s'engagent solidairement, sur la base de la confiance et de la connaissance mutuelle, à rembourser le crédit de l'ensemble du groupe.

Au sein d'un même groupe, le crédit est accordé à tours de rôle, une première personne est servie, et lorsqu'elle parvient à rembourser le prêt, un second membre bénéficie d'un autre prêt et ainsi de suite.

Il s'agit là d'une relation binaire entre l'IMF et le groupe et non pas entre l'institution et les membres. La banque octroie le crédit qui sera remboursé par l'ensemble du groupe. En cas de défaillance de l'un des membres, les autres doivent le rappeler à ses obligations et le cas échéant, se substituer à lui pour assurer l'intégralité du remboursement.

Si le groupe ne rembourse pas le prêt, c'est l'ensemble du groupe qui est privé de prêts futurs, et c'est là où réside la responsabilité solidaire du groupe sur laquelle compte le prêteur pour le bon remboursement.

Une autre alternative d'incitation au remboursement existe pour les microcrédits individuels, il s'agit des crédits progressifs.

· La technique du crédit progressif :

Le crédit progressif est une technique utilisée par les IMF, pour motiver les emprunteurs à rembourser à terme ; elle repose sur le principe que si le client rembourse le prêt aux échéances prédéfinies lors du conclusion du contrat, il a droit à un autre crédit d'un montant plus élevé, de ce fait, les emprunteurs se trouvent encouragés à être réguliers pour pouvoir bénéficier du renouvellement du crédit, et accéder à des montants plus importants.

B. LE DEVELOPPEMENT DU MICROCREDIT

Faut-il être Bangladais pour être pauvre ? Certainement non. S'il est vrai que le microcrédit est apparu au Bangladesh, où Muhammad Yunus a fondé la Grameen Bank, il est tout aussi vrai que la pauvreté est une réalité mondiale, et que beaucoup de franges des populations dans tous les pays du monde, aussi bien dans les pays développés que dans ceux en développement, sont exclues du système de crédit bancaire classique.

Pour les travailleurs pauvres, les petits exploitants agricoles, les chômeurs, les indépendants qui ont fait faillite, ou encore les jeunes universitaires ou sortants des centres de formation professionnelles qui veulent créer leurs petites entreprises et/ou qui ne peuvent apporter de garanties au banquier, le crédit bancaire traditionnel reste inaccessible dans toutes les régions du monde. Heureusement les bonnes idées ne mettent généralement pas beaucoup de temps pour se propager, ces populations ont pu trouver dans le développement du microcrédit une lueur d'espoir et un mécanisme approprié pour favoriser leur accession à la sphère de la production et leur insertion dans la vie active fut il dans les secteurs informels.

1. la reproduction mondiale du concept du microcrédit

Depuis sa réussite au Bangladesh avec la Grammen Bank, l'idée de microcrédit s'est exportée et généralisée. Elle devenue une préoccupation internationale et un sujet qui commence à susciter des études et des recherches pour explorer les voies de son développement et de son adaptation aux spécificités de chaque pays ou région et d'étudier son impact et ses conséquences tant sur le plan économique que social.

Le modèle de la Grameen Bank, grâce à sa réussite spectaculaire s'est répandu dans plusieurs pays, à travers le monde. En Afrique, en Asie, en Europe, en Amérique, dans les réserves indiennes et dans les régions du cercle polaire, on trouve des formules inspirées de la Grameen Bank et adaptées aux contextes locaux.

D'après le rapport sur « l'état de la compagne du sommet mondial du microcrédit de 2009 » , 3552 institutions de microcrédit avaient affirmé desservir, au 31 décembre 2007, près de 155 millions (154825825) de clients dont plus de 106 millions (106584679) étaient considérés comme faisant partie des plus pauvres.

Le rapport de PlaNet Finance 20084(*) indique que les 10 000 institutions de microfinance actuellement en place à travers le monde permettent de financer 150 millions de clients actifs dont plus des 80% sont des femmes. On estime que 500 millions restent à financer

Le portefeuille de crédits actifs des institutions de microfinance est estimé à
30 milliards de US$, la demande potentielle est estimée à 263 milliards de US$ .Le secteur connaît une croissance annuelle de près de 30%.

Les expériences internationales en matière de microcrédit sont nombreuses et variées. Les politiques mises en place diffèrent d'un pays à un autre sur plusieurs aspects, à savoir l'environnement réglementaire et juridique, le degré de développement du marché et l'accès aux financements.

Dans certains pays, les taux d'intérêt sont plafonnés, tandis que dans d'autres les marchés sont libéralisés. Dans certains pays, le marché de la microfinance a émergé, dans d'autres le marché ne s'est pas développé. Certains pays disposent de ressources financières très limitées, d'autres bénéficient de fonds de crédit disponibles très élevés.

L'imitation du modèle Grammen Bank a nécessité l'adaptation des services des organisations offrant la microfinance aux conditions spécifiques des différents pays (structures sociales, activités à financer, environnement institutionnel et légal, nature des différents acteurs financiers, priorités des programmes de développement), car il n'y a pas de recette universelle de microcrédit applicable dans tous les contextes. « Si le principe de la Grammen Bank a été répliqué dans le monde entier, des adaptations sont à chaque fois nécessaires compte tenu des spécificités et des contraintes de chaque contexte »5(*)

La réussite d'un tel concept a fait naître une immense demande du service de part le monde, et a amené beaucoup d'organismes à se spécialiser dans ce créneau attractif de service financier aux pauvres. On assiste depuis à l'émergence de différents types d'institutions de microfinance : organisations non gouvernementales (ONG), institutions financières non bancaires, coopératives, banques rurales, caisses d'épargne postales, et même un nombre croissant de banques commerciales.

2. du microcrédit à la microfinance

Le succès et l'essor qu'a connu le microcrédit, comme instrument de base, a déclenché d'autres besoins financiers de la population pauvre qui ne pouvaient pas être satisfaits par les circuits bancaires classiques ; ces besoins sont à l'origine de l'apparition de la microfinance. . Dans ce sens, elle ne se limite plus à l'octroi de microcrédit aux pauvres mais elle s'étend à la fourniture d'un ensemble de services financiers à tous ceux qui sont exclus du système financier classique ou formel. Et bien qu'elle se réduit, pour la plupart des gens, au seul microcrédit, la microfinance englobe, aujourd'hui, d'autres services financiers offerts aux personnes démunies.

Elle inclut une gamme variée de services, à savoir le microcrédit, la micro épargne, la micro assurance ,le transfert d'argent, et le mobile banking avec une clientèle de plus en plus étendue

a) La micro épargne

La micro épargne est un service de dépôt qui permet aux micro épargnants d'épargner des faibles montants d'argent pour des usages ultérieurs. Ces mécanismes d'épargne permettent aux ménages de conserver de l'argent lorsque leurs revenus le permettent, afin de pouvoir répondre aux besoins de consommation ou autres urgences lorsque leurs revenus leurs fait défaut (retraite, accident, urgence, frais de scolarité...).

Les pauvres épargnent pour se constituer une base financière qui leur permet de se prémunir contre les aléas de la vie, tels que les maladies et autres vicissitudes ou pour préparer le lancement d'un projet ou alors pour faire face à des dépenses futures occasionnées par les divers événements liés à la vie du ménage (mariages, naissances...).  

La BAAC (Banque pour l'agriculture et les coopératives agricoles en Thaïlande), la BCS (Banco Caja Social en Colombie) et la RPB (Banque rurale de Panabo aux Philippines) ont essayé d'introduire des comptes de microépargne bloqués obligatoires ou des comptes collectifs fonctionnant avec le principe du microcrédit du groupe solidaire ; mais ces services ont eu moins de succès que la micro épargne volontaire et la croissance du volume des dépôts a été très lente. Il s'est avéré que les comptes d'épargne volontaire individuels et liquides constituent la formule la plus attrayante pour les micros épargnants.

b) La micro assurance

Une crise importante, occasionnant des dépenses énormes qui dépassent le montant de l'épargne accumulée, peut avoir un impact néfaste et décisif sur le ménage qui se trouve obligé de se sur-endetter ou de vendre une partie de l'outil générateur de revenu de la famille.

Dans ce cas, les mécanismes informels de recours à la famille ou aux proches, de même que l'épargne familiale, s'avèrent souvent insuffisants. Un service d'assurance, permettant de faire face à cette crise, peut alors être un outil cohérent complémentaire à l'épargne et au crédit pour les ménages vulnérables.

La micro-assurance est un système par lequel des individus et des microentreprises peuvent prévoir une provision financière leur permettant de se protéger contre différents risques non maîtrisables. Ce type de service d'assurance inclut l'assurance-vie, l'assurance des biens de propriété, l'assurance-santé et l'assurance-invalidité.

Beaucoup d'IMF ont mis en place des produits d'assurance-vie (en cas de décès) très simplifiés, qui permettent par exemple le remboursement du prêt en cours en cas de décès de l'emprunteur.

c) Le transfert d'argent

La cause principale de l'immigration pour le travail étant la pauvreté, les mécanismes et les institutions d'envoi des fonds permettent aux travailleurs migrants d'améliorer leurs conditions et ceux de leurs familles par le transfert d'une partie des revenus qu'ils gagnent dans les pays d'accueil vers leurs pays d'origine. De ce fait, le transfert d'argent s'est érigé comme un service financier qui sert aussi les pauvres, il a été intégré comme un nouveau produit offert, de part leur vocation, par les institutions de microfinance.

Pour une IMF, la prestation des services de transferts d'argent lui permet d'attirer de nouveaux clients vers ses autres services, car il est possible que les récipiendaires de transferts, aussi bien que les expéditeurs, puissent être des candidats potentiels pour ouvrir des comptes de microépargne, demander des microcrédits ou souscrire une microassurance.

d) Le mobile banking

C'est l'innovation en vogue actuellement dans le monde de la microfinance. Le mobile banking consiste à utiliser les téléphones portables pour faciliter les opérations de transfert avec le client et en conséquence pour réduire les coûts de l'activité.

Ce nouveau service est apparu suite au constat de l'importance du nombre d'utilisateurs des téléphones portables ; alors qu'un milliard de personnes possèdent, en 2008, un compte en banque, trois milliards de personnes utilisent un téléphone portable

Le mobile banking permet aux populations rurales et isolées d'accéder aux services financiers, de payer leurs factures ou encore d'obtenir un microcrédit sur place, sans avoir à se déplacer.

PlaNet Finance a reçu une subvention de 1,7 millions de dollars de la fondation Bill& Mellina Gates afin de soutenir un projet de mobile banking en partenariat avec Orange pour la mise en place de la plateforme nécessaire.

3. Les types des institutions de microfinance

Fernand Vincent6(*) décompose les institutions de microfinance en quatre types ; les caisses locales d'épargne et de crédit et les tantines, les systèmes nationaux et internationaux d'épargne et de crédit, les organisations non gouvernementales ainsi que les banques.

Les logiques, qui commandent le fonctionnement de ces IMF, différent d'un type à un autre ; que ce soit dans une optique de marché, de soucis du bien être social ou bien même de préoccupation financière et sociale en même temps, les exemples d'échec et de succès peuvent illustrer les diverses formes. On ne peut donc pas prétendre dire que tel type est plus adapté ou plus performant que l'autre ; car tout dépend du contexte macroéconomique dans lequel oeuvre l'institution et de son mode d'organisation et de fonctionnement.

· Les caisses locales d'épargne et de crédit et les tontines :

Les tontines sont la forme traditionnelle la plus efficace de l'épargne et du petit crédit. Tout comme les caisses locales et mutuelles, elles ne sont pas placées sous la tutelle de grandes organisations, ni des banques. Elles disposent d'une autonomie dans leur gestion et fonctionnent pour un groupe de villages ou un quartier urbain.

La caisse collecte l'épargne de ses membres, fixe les taux d'intérêt indépendamment des taux applicables sur le marché financier.

Elles sont informelles, Les membres se prêtent entre eux l'argent épargné dans le même environnement. Elles font rarement appel au marché financier et ne reçoivent pas d'aide extérieure.

Leur rôle et leur fonction sont essentiels. Elles répondent parfaitement aux besoins locaux et les remboursements sont excellents car tout le monde se connaît et il n'existe que peu de risque, car il y a autocontrôle.

· Les systèmes nationaux et internationaux d'épargne et de crédit :

De nombreuses caisses locales d'épargne et de crédit se sont organisées pour obtenir davantage de crédit que les possibilités créées par leur épargne et répondre ainsi à la demande locale ou pour placer l'épargne non prêtée.

Elles ont constitué des unions et fédérations, quelquefois puissantes à l'image de l'APRACA (Association de crédit agricole d'Asie et du Pacifique), l'AFRACA (Association Africaine de crédit agricole) ou encore les COOCEC ou COOPEC (unions coopératives et Mutuelles d'Epargne et de Crédit).

En Afrique de l'Ouest, des organisations, telles par exemple Nyesigiso et Kafo Jiginew au Mali, l'ACEP au Sénégal, la FECECAM au Bénin rassemblent des dizaines de milliers de membres épargnants ou/et emprunteurs et sont des partenaires efficaces et incontournables de l'attribution du crédit au monde paysan ou aux artisans du secteur non formel urbain.

Ces unions et fédérations représentent donc des millions de membres, plus particulièrement des milieux paysans, fonctionnaires et petits commerçants. Elles sont bien ancrées dans leur milieu et sont organisées en mutuelles de type Raiffeisen7(*) pour couvrir leurs risques.

Elles font un effort important de formation de leurs gestionnaires souvent issus des caisses locales et de leurs membres. Elles sont bien gérées. Les taux d'intérêt utilisés pour rétribuer l'épargne ou prêter aux paysans, aux commerçantes ou aux femmes entrepreneurs varient selon les cas. Il est souvent en dessous des prix du marché.

Il n'est pas rare de constater que ces caisses ne s'autofinancent pas, principalement à cause des frais engendrés par leurs efforts de formation. L'aide extérieure est souvent étroitement mêlée à leur financement.

· Les Fondations et ONG

De très nombreuses fondations ou organisations non gouvernementales ONG se sont créées pour distribuer et gérer le micro-crédit partout dans le monde. Ces organisations agissent comme des intermédiaires financiers entre les bailleurs de fonds et les emprunteurs, individuels ou organisés en petits groupes professionnels.

Ces Fondations et ONG ont joué par le passé et jouent encore actuellement un rôle essentiel dans le développement du micro-crédit. Des millions de petits producteurs ou commerçants dépendent de leur action. Ces organisations se sont professionnalisées et offrent actuellement des services d'intermédiation financière de grande qualité.

Proches de leurs clients, et travaillant dans le but d'améliorer leurs sorts et de promouvoir leurs activités, ces fondations et ONG, sont des agents indispensables pour le bon fonctionnement du microcrédit

Certes, et à cause de l'importance de leurs charges, le coût de leur intervention est élevé, comme l'est la gestion et l'appui au microcrédit. Dès lors, si ces organisations veulent être autofinancées et ne plus recevoir d'aide, ou plutôt ne pas être tributaires des dons et subventions, elles doivent facturer leurs services au prix coûtant, ce qui entraîne une forte augmentation des taux d'intérêt qu'elles pratiquent qui comprennent souvent les coûts d'appui et de suivi des projets de leurs emprunteurs

· Les Banques de Microcrédit

Depuis quelques années, on a assisté à l'apparition d'institutions financières formelles et banques qui ses sont spécialisées dans l'activité du microcrédit ; Elles se sont orientées vers le microcrédit ou créées pour, en raison de l'accroissement important de la demande du microcrédit, de la part des petits producteurs et des microentrepreneurs que la réussite du concept dans le monde a stimulé, ainsi que de la reconnaissance des banques centrales et des Etats de l'importance d'un tel outil.

Ainsi, les professionnels du micro-crédit se sont donnés les instruments financiers et les institutions nécessaires pour attirer et gérer l'épargne des populations et souvent des clients auxquels ils accordent du crédit, et pour bénéficier des lignes de crédit ouvertes par les Banques internationales de développement ou les Agences de coopération.

* 1 Daley-Harris S., 2007, «  Rapport sur l'état de la campagne 2007 du Sommet sur le microcrédit ».

* 2 www.mixmarket.org

* 3- Servet (1996)

* 4 PlaNet Finance est une organisation internationale dont la mission est de lutter contre la pauvreté en soutenant le développement de la microfinance Basée à Paris, PlaNet Finance est active dans plus de 60 pays avec un réseau international de 38 bureaux en Europe, en Amérique du Nord, en Amérique Latine, en Asie, en Afrique et au Moyen-Orient

* 5 - Isabelle Guérin, « Aléa moral et asymétrie d'information : le prêt collectif à responsabilité conjointe », Centre Walras (CNRS - Université Lyon 2)

* 6 - Fernand Vincent : « Financer le risque : un nouveau projet de coopération internationale » Autre part, 2007

* 7 - Frederic Guillaume Reiffeisen (1818-1888): Fondateur du crédit mutuel en Allemagne. Il a fondé en 1848 un fournit coopératif communal et une association qui, grâce à l'appui des notables, fait l'acquisition du bétail pour les petits paysans et qui s'est transformé en une caisse de prêts auprès de laquelle les paysans pouvaient emprunter à taux bas. Lorsqu'il décéde en 1888, le « Reiffeinband » a commencé à essaimer en Alsace posant les jalon du crédit mutuel en France.

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"L'ignorant affirme, le savant doute, le sage réfléchit"   Aristote