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Les impacts des incitations monétaires sur l'effort des salariés: positifs ou négatifs?

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par Pheakdey VIN
Université Lumière Lyon 2 - Master 2 Recherche 2007
  

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2- La théorie des incitations : le modèle du Principal-Agent

Le développement de la théorie des incitations a été une avance importante en économie pendant plus de trente années. Par économie des contrats, nous entendons les trois grandes approches théoriques dans le champ de l'économie contractuelle renvoyant conventionnellement à la théorie des incitations, la théorie des coûts de transaction et la théorie des contrats incomplets [Brousseau et Glachant, 2000].

La théorie des incitations se caractérise par deux hypothèses principales. En premier lieu, dans l'ensemble des théories contractuelles, la théorie des incitations est probablement celle qui se rapproche le plus, dans ses fondements, du modèle néoclassique [Dubrion, 2004], parce que la théorie des incitations suppose que les agents soient dotés d'une rationalité économique substantive identique à celle de l'homo oeconomicus de la théorie néoclassique [Baudry, 2003]. Ils disposent d'une capacité de calcul illimitée, ainsi que d'une information complète qui leur permet de connaître dans tous les cas la structure des problèmes auxquels ils sont confrontés. L'information de ces agents est complète au sens où, même s'ils ne peuvent pas anticiper avec exactitude un avenir qui reste aléatoire, les agents connaissent la structure de tous les problèmes auxquels ils pourraient faire face. Ce qu'ils peuvent ne pas connaître, le cas échéant, c'est la liste des problèmes qui vont effectivement survenir et leur enchaînement. Ils se représentent alors l'avenir à partir de lois de probabilité. Ceci renvoie à un univers probabilisable, les agents imaginent les solutions les plus efficaces en fonction des différents états possibles de la nature et calculent des espérances de résultats. De tels calculs sont réalisables parce que les agents disposent de compétences illimitées en la matière, c'est-à-dire que calculer ne leur coûte rien, ni en temps ni en ressources21(*).

En second lieu, contrairement à la théorie néoclassique, les agents ne partagent pas la même information sur les variables qui déterminent leur choix - hypothèse d'asymétrie d'information. Certains individus, les « principaux », sont sous-informés par rapport à ceux qui vont agir pour eux, les « agents ». Comme chez Williamson, les individus sont supposés opportunistes, c'est-à-dire qu'ils sont prêts à tricher pour satisfaire au mieux leur intérêt personnel. Puisque l'agent est supposé posséder des informations qui ne sont pas connues du principal, le problème à résoudre consiste à expliciter comment le principal (l'employeur) peut concevoir un système de rémunération (un contrat) qui incite un autre individu, son agent (l'employé), à agir dans l'intérêt du principal. Mettant clairement en avant l'importance des incitations entre les agents économiques, cette conceptualisation nous semble directement imprégnée de la conception de l'organisation interne de firme défendue par Alchian et Demsetz [1972].

L'article de 1972 d'Alchian et Demsetz est à l'origine du courant qui considère la firme comme un « noeud de contrats ». Cet article a ensuite été prolongé en 1976 par Jensen et Meckling, véritables fondateurs de la conception de la firme comme noeud de contrats. La théorie des incitations constitue le support théorique principal de cette conception22(*). Selon Jensen et Meckling [1976], la firme abrite l'ensemble des contrats bilatéraux conclus entre elle-même et ses fournisseurs, ses salariés, ses managers, ses investisseurs, ses clients. Mais dans notre recherche, on étudie seulement la relation entre l'employeur et les salariés. En revanche, tous ces contrats prennent la forme d'une relation dite d'agence. Une relation d'agence apparaît chaque fois qu'un individu, le principal (l'employeur) engage une autre personne, l'agent (l'employé) pour exécuter une tâche dans son intérêt, et ce en situation d'asymétrie d'information. La théorie des incitations constitue le cadre adéquat pour traiter de telles relations d'agence. En effet, selon Brousseau et Glachant [2000], cette théorie raisonne à partir d'une situation canonique dans laquelle une partie sous-informée - dénommée le principal - met au point un schéma d'incitation pour conduire la partie informée - l'agent - soit à révéler son information privée (modèle d'anti-sélection ou sélection adverse), soit à adopter un comportement conforme à l'intérêt du principal (modèle du risque moral ou aléa moral), (voir encadré). Le schéma d'incitation repose, pour eux, sur une rémunération conditionnelle à des « signaux » résultant du comportement de l'agent (comme le choix d'une option sur une liste de propositions qualifiée de « menu » de contrats ; ou comme le résultat apparent de son effort lorsque cet effort lui-même n'est pas observable). L'existence d'un tel schéma d'incitation repose sur deux hypothèses importantes23(*).

Premièrement, bien que le principal soit sous-informé, puisqu'il ne sait pas quelle est la valeur réelle de la variable cachée, il connaît à la fois la loi de probabilité qui affecte cette variable et la fonction de préférence de l'agent. Le principal peut donc se mettre à la place de ce dernier pour anticiper ses réactions aux différents schémas de rémunérations concevables, et sélectionner le schéma qu'il préfère parmi les schémas acceptables par l'agent.

Deuxièmement, il existe un cadre institutionnel dissimulé, mais compétent et bienveillant, assurant le respect des engagements pris par le principal. Ainsi toute proposition formulée par le principal est crédible pour l'agent. D'autre part, le schéma de rémunération proposé repose sur une information dite vérifiable, c'est-à-dire observable par un tiers.

L'asymétrie d'information

Asymétrie d'information : cette propriété est caractéristique des situations dans lesquelles plusieurs agents, ayant à conclure un contrat, disposent sur l'objet du contrat d'informations différentes et incomplètes, voire fausses. Ce peut être le cas d'un contrat de travail : l'employeur n'est pas à même de connaître parfaitement la personne qu'il va recruter. Par exemple, un CV ne donnant pas d'information fiable sur le caractère, la capacité de travail ou l'honnêteté d'une personne ; de même les conditions réelles d'exercice du travail ne sont que rarement spécifiées dans le détail. L'asymétrie d'information engendre souvent des comportements opportunistes de la part des individus concernés [Filleau et Marques-Ripoull, 1999]. Williamson [1994] définie l'opportunisme comme l'absence d'honnêteté dans les transactions, la recherche de l'intérêt personnel stratégique par le moyen de la tromperie, de la ruse, de la divulgation d'informations incomplètes ou dénaturées. L'opportunisme est responsable des asymétries d'informations qui compliquent le fonctionnement de l'organisation. Williamson distingue deux types d'opportunisme : un opportunisme ex ante correspondant à l'anti-sélection et un opportunisme ex post correspondant à l'aléa moral.

L'anti-sélection : ce phénomène apparaît lorsqu'il est difficile, voire impossible, d'apprécier les caractéristiques exactes des biens ou des services qui font l'objet d'un contrat. En prenant l'exemple de la relation employeur-employé, l'anti-sélection renvoie à l'incertitude d'un employeur sur la compétence de la personne qu'il embauche. C'est ainsi qu'au cours des négociations d'un contrat de travail, les salariés qui désirent être embauchés connaissent mieux que l'employeur leur capacité exacte de travail. Sauf s'il engage des coûts importants de recherche d'informations, l'employeur est incapable de distinguer, parmi les candidats à un emploi, ceux qui ont une productivité élevée de ceux dont la productivité est faible [Koenig, 1998]. S'il fixe un salaire identique pour tous, il n'attire que les agents dont la productivité correspond à cette rémunération ou à un montant inférieur. Il risque ainsi d'engager des salariés ayant une productivité très faible et n'obtenir aucun salarié très productif.

L'aléa moral : ce type de risque se présente lorsque l'un des partenaires se trouve dans l'impossibilité de vérifier le respect des engagements qui ont été pris vis-à-vis de lui lors de la signature du contrat. Ainsi, une fois le contrat de travail signé, un employeur ne peut pas complètement s'assurer que son salarié effectue correctement et en totalité le travail pour lequel il a été engagé. D'une façon générale, on parle d'aléa moral lorsque les agents profitent du fait que le contrôle de leurs comportements soit jugé trop onéreux, pour ne pas respecter leurs engagements contractuels. C'est le cas des contrats de travail non respectés par les salariés qui tirent au flanc. S'il est impossible de mesurer la contribution de chaque agent à la réalisation du gain d'une activité régie par un contrat, il est probable que chaque participant essaie de s'attribuer la part la plus importante possible de ce gain.

Jensen et Meckling [1976] sont les principaux auteurs à avoir développé la notion de relation d'agence. En fait, cette relation d'agence est très générale et couvre l'ensemble des relations entre deux individus, par exemple, la situation de l'un dépend de l'action de l'autre. Dans notre recherche, comme précédemment indiqué, on n'étudie que la relation entre l'employeur et les salariés au sein de la firme. Les deux auteurs ont encore ajouté que si les deux parties s'engageant dans la relation ont tendance à maximiser leurs propres utilités (utility maximizers), il y a de bonne raison de croire que l'agent n'agira pas toujours dans les meilleurs intérêts du principal (Voir Figure 2). En d'autres termes, l'agent en tant que rationaliste de l'intérêt personnel tirera profit de l'incapacité du principal à surveiller tous les aspects de comportement de l'agent, qui pourra se dérober des obligations contractées24(*).

Figure 2 : Modèle Principal-Agent

Intérêt personnel

Asymétrie d'information

P

A

exécute

emploie

Intérêt personnel

P : Principal

A : Agent

D'une manière générale, le conflit d'intérêt entre les deux parties porte sur le niveau d'effort: le principal souhaite que l'agent fournisse un effort important alors que ce dernier, si l'effort est coûteux et qu'il n'est pas récompensé en conséquence, a intérêt à fournir un effort minimal [Raynaud, 2005]. Afin d'éviter le problème de tire-au-flanc, le principal doit soit investir dans la surveillance (monitoring) de comportement, soit créer un contrat qui récompense l'agent en se basant sur des résultats. Comme la surveillance est souvent coûteuse et de plus en plus difficile pour le travail qui implique un degré élevé d'incertitude et de comportement discrétionnaire, le modèle standard principal-agent propose que le principal (c'est-à-dire l'employeur) a généralement intérêt à proposer un contrat qui propose une rémunération variable pour l'agent (l'employé) en fonction du résultat réalisé.

Dans ce modèle, il est difficile pour le principal de prouver aux yeux d'un tiers (en particulier un tribunal) que l'agent n'a pas respecté ses engagements même si initialement le principal est capable de décrire précisément ce qu'il attend de l'agent et que ce dernier a accepté la proposition [Raynaud, 2005]. Il est donc impossible d'inclure le niveau d'effort souhaité par le principal dans un contrat écrit. Puisque l'effort de l'agent n'est pas observable par le principal, le contrat doit inciter l'agent à fournir le niveau d'effort souhaité par le principal (contrainte d'incitation) et doit lui procurer un niveau d'utilité au moins égal à son utilité sans contrat (contrainte de participation)25(*). Si le principal offre un contrat avec une rémunération fixe indépendante de l'état de la nature, l'agent fournira le niveau d'effort le moins coûteux pour lui, en général le niveau d'effort le plus faible. Si le principal souhaite que l'agent fournisse un niveau d'effort plus élevé et plus coûteux pour ce dernier, le contrat proposé à l'agent devra maximiser son utilité espérée lorsqu'il choisit le niveau d'effort souhaité par le principal.

Dans la théorie du principal-agent, il y a certaines hypothèses : le principal est neutre au risque alors que l'agent est averse au risque, le coût de l'effort est croissant, l'information est asymétrique et ainsi de suite. Sous ces hypothèses, on montre qu'à l'optimum les deux contraintes sont saturées [Keser et Willinger, 2000]. Dans la résolution économique standard du problème principal-agent, les systèmes de compensation remplissent la fonction duelle d'assigner des risques et de récompenser le travail productif. Une tension entre ces deux fonctions surgit quand l'agent a de l'aversion au risque. Car cela force souvent l'agent à soutenir le risque non désiré26(*).

La théorie du principal-agent suggère que les incitations monétaires jouent un rôle très fondamental dans la motivation et le contrôle de la performance. Divers mécanismes monétaires peuvent être utilisés pour aligner les intérêts de l'agent avec ceux du principal, tels que le salaire à la performance, le modèle à paiement différé... que nous allons aborder dans le chapitre suivant.

En résumé, la théorie des attentes et la théorie des incitations avec le modèle Principal-Agent mettent en lumière clairement les problèmes d'incitations des salariés au travail au sein de la firme et puis donnent les mécanismes par lesquels les incitations monétaires sont supposées générer l'augmentation de l'effort des salariés. En effet, les incitations monétaires affectent l'attractivité ou l'utilité de divers résultats et l'effort affecte la probabilité de réaliser ces résultats. Ainsi, les incitations monétaires augmentent le désir d'un individu d'accroitre la performance et le salaire concomitant. Alternativement, ce désir motive les individus à exercer l'effort coûteux parce que les augmentations de l'effort sont présumées mener directement aux augmentations de la performance prévue.

* 21 Brousseau, E. et Glachant, J,-M [2000], « Economie des contrats et renouvellements de l'analyse économique », Revue d'économie industrielle, vol. 92, n° 1, p. 28

* 22 Baudry, B. [2003], Economie de la firme, La Découverte, Paris, p. 14 - 15.

* 23 Ces deux hypothèses sont tirées de l'article de Brousseau et Blachant [2000], intitulé « Economie des contrats et renouvellements de l'analyse économique », publié dans la revue d'économie industrielle, vol. 92, n° 1, p.29.

* 24 Colvin, A. J. S. et Boswell, W. R. [2007], « The Problem of Action and Interest Alignment: Beyond Job Requirements and Incentive Compensation », Human Resource Management Review, vol. 17, n° 1, p. 44.

* 25 Keser, C. et Willinger, M. [2000], « La théorie des contrats dans un contexte expérimental: un survol des expériences sur les relations « principal-agent » », Revue d'économie industrielle, vol. 92, n° 1, p. 237.

* 26 Holmström, B. et Milgrom, P. [1991], « Multitask Principal-Agent Analyses: Incentive Contracts, Asset Ownership, and Job Design », Journal of Law, Economics and Organization, vol. 7, Special Issue, p. 24.

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"La première panacée d'une nation mal gouvernée est l'inflation monétaire, la seconde, c'est la guerre. Tous deux apportent une prospérité temporaire, tous deux apportent une ruine permanente. Mais tous deux sont le refuge des opportunistes politiques et économiques"   Hemingway