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Le pardon et la justice post conflits en Afrique. Etude comparative des dynamiques des acteurs et des institutions du dedans et du dehors (Afrique du Sud, Rwanda)

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par Alain-Roger Edou Mvelle
Université de Yaoundé 2 - DEA 2008
  

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E. Les acteurs passifs : les bourreaux

Au Rwanda, il est à la fois facile et difficile de dire avec certitude qui est bourreau et qui ne l'est pas. Facile, cette entreprise l'est dans la mesure où les hutu majoritaires sont ceux qui ont tué en masse les tutsi et les hutu modérés. Les bourreaux sont donc les premiers suppléés dans leur tâche par les interahamwé et les Impuzamugambi issus de la coalition pour la défense de la République110(*). Les médias sont aussi des bourreaux, à l'instar de Radio Télévision Mille collines111(*) qui, le 10 mai 1994, lançait : « Prenez vos machettes, prenez vos lances, faites vous épauler par les soldats (...) combattez les avec vos lances, vos bâtons, (...) transpercez les ces cafards »112(*). Il en va de même du Journal Kangura qui publia les 10 commandements des Bahutus, véritables appels aux meurtres113(*). Ces commandements sont les suivants :

- tout Hutu doit savoir que la femme tutsi, où qu'elle soit, travaille à la solde de son ethnie tutsi. Par conséquent, est traître tout hutu qui épouse une tutsi, qui d'une tutsi sa secrétaire ou sa protégée ;

- tout hutu doit savoir que nos filles sont plus dignes et plus conscientes dans leur rôle de femme, d'épouse ou de mère de famille. Ne sont-elles pas jolies, bonnes secrétaires et plus honnêtes ?

- filles hutu, soyez vigilantes et ramenez vos maris, vos frères et vos fils à la maison ;

- tout hutu doit savoir que tout tutsi est malhonnête dans les affaires. Il ne vise que la suprématie de son ethnie ;

- les postes stratégiques tant politiques, administratifs, économiques, militaires et de sécurité doivent être confiés aux hutu.

- le secteur de l'enseignement doit être majoritairement hutu.

- les FAR doivent être exclusivement hutu.

- les hutu doivent cesser d'avoir pitié des tutsi.

- les hutu, où qu'ils soient, doivent être unis solidaires et préoccupés du sort de leurs frères hutu.

- la révolution sociale de 1959, le référendum de 1961, l'idéologie hutu, doivent être enseignés à tout hutu et à tous les niveaux.

Difficile, la désignation des bourreaux au Rwanda tient du fait que la survenue des événements de 1994 reste sujette à débat aujourd'hui, quant au rôle de certains acteurs internes et externes. Au plan interne, le FPR de l'actuel Président Kagame est parfois indexé comme ayant soit préparé, soit planifié le génocide. En soutien à cette hypothèse, une éventuelle responsabilité de ses éléments (tutsi réfugiés en Ouganda avant les Accords d'Arusha) dans l'attentat contre l'avion du Président rwandais abattu. Ce qui est du reste considéré comme le début du génocide. Le but visé aurait été de sacrifier au besoin des `'frères'' tutsi, pour légitimer leurs actions militaires contre les FAR et conquérir le pouvoir en fin de compte.

Au plan externe, certains pays comme la France sont apparus comme ayant eu tous les éléments disponibles ayant pu permettre d'éviter le génocide. En soutien à cette hypothèse, des rapports des Commissions françaises et ceux des ONG114(*). Au cas où cela est avéré, peut-on pour autant raisonnablement étendre le statut de bourreau à la France ? Le fait pour elle d'avoir uniquement évacué ses ressortissants, ainsi que des proches de la famille du Président assassiné l'incrimine-t-il pour autant ? Vaste questionnement dont nous n'avons pas la prétention d'apporter des réponses ici.

En Afrique du Sud a contrario, la détermination des bourreaux est plus aisée. Il s'agit clairement des Africaners (Boers), blancs, dont les leaders ont planifié la ségrégation raciale115(*). Parmi ces leaders, le haut du pavé est occupé par JG Strydom, Nicolas Havenga, DF Malan, EG Jansen, et Charles Swart. En 1950, le `'Group areas Act'' institue un classement de la population par catégorie raciale. Cette loi a pour conséquence la création des zones de résidences distinctes, la création des réserves pour noirs, et l'interdiction de l'accès à 87% du territoire, zone réservée aux blancs. En 1951, une loi oblige les noirs à détenir un passeport intérieur. Une année plus tard, le `'Separate Amenities Act'' consacre la séparation des lieux publics entre blancs et noirs, pendant que le `'Bantou Education Act'' limite l'éducation des noirs au strict niveau requis pour exercer une profession. Lorsque, en 1983, une nouvelle constitution est adoptée, un parlement comprenant trois chambres est mis sur pied. Le droit de vote est étendu aux métis et aux indiens, mais pas aux noirs.

Il est néanmoins usuel d'avoir des difficultés à dire jusqu'où les bourreaux ont réellement causé du tort. Dans ce cas, la détermination des victimes n'est pas à l'abri de la politisation, ou de la manipulation de l'histoire. Ceci revient à soutenir que l'ambiguïté qu'il y a dans ce processus tient aux interactions troubles que l'on peut observer entre ceux qui sont supposés avoir subi ces violences et ceux qui les ont perpétrées. En Afrique du Sud, le problème ne se pose pas de la même manière qu'au Rwanda. Si dans le premier cas il est presque impossible de prouver que des noirs ont contribué de manière décisive à l'apartheid, dans le second par contre des études -certes polémiques- ont envisagé l'hypothèse des tutsi génocidaires, notamment à travers le FPR et des hutu non génocidaires ayant aidé, au péril de leur vie, des tutsi en dangers de mort.

De toutes les manières, les coupables doivent être disposés à reconnaître leurs torts. Cette exigence est nécessaire pour faciliter le travail de deuil des victimes. Comme le dit Abderrahmane N'Gaide, « les bourreaux doivent répondre de leurs crimes, expliquer comment ils ont fait mourir leurs semblables, raconter la souffrance de ces hommes »116(*). Pour l'auteur, les bourreaux portent en eux les marques indélébiles du crime et doivent être châtiés en tant que tel. Or pour aboutir à une réconciliation véritable, il faut toujours allier la logique de la justice à celle de la renonciation à la vengeance. D'autres acteurs sont identifiables dans la chaîne du pardon.

* 110 De manière fondamentale, l'on peut regrouper dans la catégorie''bourreau'' les bras armés (FAR et milices), l'administration (préfets, bourgmestres, conseillers communaux) et les exécutants divers.

* 111 Cette radio fut lancée le 8 juillet 1993.

* 112 Danielle Helbig, Jacqueline Martin, Michel Majoros, Rwanda, documents sur le génocide, Bruxelles. Éd. Luc Pire, 1997, p. 41.

* 113 Pour une étude complète sur la question, lire Jean Pierre Chrétien, « Presse libre et propagande raciste au Rwanda », Politique africaine, n° 42, juin 1991. Voir aussi : Rwanda. Les médias du génocide, Paris, Karthala, 1995

* 114 Lire David Ambrosetti, La France au Rwanda. Un discours de légitimation morale, Paris, Karthala, 2001. Bernard Lugan, François Mitterand, l'armée française et le Rwanda, Paris, Ed du Rocher, 2005. François-Xavier Vershave, Complicité de génocide ? La politique de la France au Rwanda, Paris, Découverte, 1994. Toutefois, la réouverture en décembre 2009 des relations diplomatiques entre les deux pays pourrait laisser poindre à l'horizon plus de convivialité entre les deux Etats, ainsi qu'un consensus sur la vérité historique.

* 115 En effet, le terme Apartheid dérive de cette langue et veut dire développement séparé.

* 116 Abderrahamane N'Gaide, « Se réconcilier, juger ou pardonner ? Les Mauritaniens face à leur histoire », Bulletin du Codesria, n°3 et 4, 2006, p.41.

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"Ceux qui rêvent de jour ont conscience de bien des choses qui échappent à ceux qui rêvent de nuit"   Edgar Allan Poe