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Le pardon et la justice post conflits en Afrique. Etude comparative des dynamiques des acteurs et des institutions du dedans et du dehors (Afrique du Sud, Rwanda)

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par Alain-Roger Edou Mvelle
Université de Yaoundé 2 - DEA 2008
  

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Section 2 : Le pardon comme catégorie politiquement construite : variété et « januosité » d'un processus

Les « gacacas » constituent un projet des acteurs internes néanmoins implémenté au niveau du bas, tandis que la CVR renseigne plus sur l'existence d'un mouvement d'émanation exogène127(*) toutefois impulsé à partir du haut.

Paragraphe 1 : La construction d'une `'justice-pardon'' par le bas : les « gacacas » au Rwanda

Le Rwanda a mis sur pied un mécanisme complexe de mise en scène de la justice, qui allie tradition et quelques bribes de modernité. Il s'agira successivement d'examiner la mise en place et la mise en oeuvre de ces tribunaux.

A. La mise en scène d'une forme originale de justice transitionnelle128(*)

Après la mort des tutsi pendant le génocide, les nouvelles autorités rwandaises qui contrôlent le pays vont faire de l'impératif de justice une urgence. Devant l'incapacité de la justice classique à connaître de l'ensemble des cas129(*) pour des raisons évoquées, la décision est prise de s'appuyer sur un mode local préexistant de règlement des conflits. En effet, le modus operandi des « gacacas » s'est toujours appuyé sur des `'inyangamugayo'' choisis pour leur vertu, probité, leur âge élevé, leur sagesse dans la prise des justes décisions, leur générosité, et leur influence économique dans la communauté. Ce système était en vigueur au Rwanda avant la colonisation et l'adoption du droit moderne comme régulateur judiciaire. Les sanctions variaient en fonction de la nature de la faute commise. Il n'y avait pas de prison et l'ensemble de la famille du coupable (requise pour la réparation du tort) était sanctionné avec ce dernier dans un mécanisme de collectivisation de la punition130(*).

L'ordre dirigeant rwandais rejette l'option de création d'une CVR et opte plutôt pour un modèle qui privilégie la lutte contre l'impunité. Ce choix est considéré par Peter Uvin comme une révolution sans précédent au plan `'légal-social'' à la fois dans sa taille et son étendue131(*). Le 26 janvier 2000, une loi organique modifiée en 2004 créé les gacacas132(*).En 2001, des élections permettent d'avoir 255000 juges « gacacas » qui seront par la suite formés en mai 2002. Les « gacacas » sont organisés autour de quatre niveaux133(*) :

- la cellule ;

- le secteur ;

- le district ou la ville ;

- la province ou kigali.

Chacun de ces trois niveaux est constitué de trois organes : L'Assemblée générale qui est composée de tous les habitants de la cellule âgés au moins de 18 ans révolus. Au niveau supérieur, l'Assemblée générale regroupe les délégués des niveaux inférieurs. Environ 50 personnes constituent l'effectif requis pour son fonctionnement. En plus de l'Assemblée générale, il existe un siège de la juridiction « gacaca » comprenant 19 membres choisis par l'Assemblée générale. Le Comité de coordination enfin élit en son sein 5 membres chargés de coordonner l'ensemble du travail : un Président, deux vice-Présidents, et deux secrétaires sachant lire et écrire convenablement le Kinyarwanda134(*).

Au niveau de la cellule, le but est de collecter toutes les informations utiles pour la constitution du récit historique du génocide dans la circonscription de ladite cellule. L'objectif à terme est de renseigner les échelons supérieurs grâce à des éléments de terrain dont la précision détermine très souvent le travail de ces échelons. Concrètement, trois étapes interviennent : la reconstitution des faits, la catégorisation et le jugement proprement dit. Ce jugement est décidé après six réunions ainsi réparties135(*) :

- la 1ère réunion décide du lieu, du jour et de l'heure des réunions suivantes, complète le siège s'il y a lieu et les nouveaux membres prêtent serment devant l'Assemblée Générale ;

- la 2ème réunion établit la liste de ceux qui habitaient la Cellule pendant le génocide;

- la 3ème réunion établit la liste des personnes tuées dans la Cellule ;

- la 4ème réunion dresse la liste des personnes tuées en dehors de la Cellule ;

- la 5ème réunion fait la liste des victimes du Génocide et leurs biens endommagés ;

- la 6ème réunion établit la liste des accusés de Génocide.

Une réunion est par la suite organisée (sorte de 7e du genre). Pendant celle-ci, les dossiers individuels des accusés sont établis. En s'appuyant sur les informations recueillies lors des précédentes réunions, les accusés sont classés dans une catégorie précise selon l'énumération de la loi de 1996136(*). Quel bilan peut-on dresser des « gacacas » aujourd'hui ?

* 127 Nous faisons allusions à l'antériorité des CVR en Amérique du Sud, notamment au Chili, en Argentine, etc.

* 128 Sur la question des justices transitionnelles en général, lire utilement Pierre Hazan, « Mesurer l'impact des politiques de châtiment et de pardon : plaidoyer pour l'évaluation de la justice transitionnelle, Revue Internationale de la Croix Rouge, vol 88, n°861, mars 2006, pp. 343-365. L'auteur les considère comme moyen de défense d'un socle civilisationnel et fragile espoir d'un monde meilleur.

* 129 Voir supra. Néanmoins, les capacités de la justice classique sont considérablement améliorées sur le plan des effectifs des personnels, de leur formation, et des infrastructures. La population carcérale est demeurée un problème crucial. Ainsi, 120000 personnes étaient détenues pour crimes de génocide et crime contre l'humanité. En 1997, le Rwanda a dépensé, selon les sources du ministère de la justice, 982000000000 Francs rwandais pour l'achat des vivres des détenus ; ce qui représentait les 2/3 du budget de ce ministère. Le CICR a dû compléter car cette somme était insuffisante. En 1999, le montant fut ramené à 1500000000 F rw, soit plus de la moitié du budget alloué au ministère de la justice, à savoir 3800000000 Frw.

* 130 Sur des thématiques similaires, C. Ntampaka, « Le retour à la tradition dans le jugement du génocide rwandais: le gacaca, justice participative », Bulletin de l'Académie royale des sciences d'Outre-me, n° 48, 2002, pp. 419-455. Cet auteur est un juriste.

* 131 Peter Uvin, «Case study, the gacaca Tribunals in Rwanda», Journal of International Criminal Justice, Vol 3, n°4, 2005, pp. 896-919.

* 132 Voir la loi n° 40/2000 modifiée par la loi n° 16/ 2004.

* 133 Voir la loi n° 16/2004 en ses articles 4 et suivants.

* 134 Article 5 et suivants de la loi n° 16/2004 du 19/05/2004.

* 135 Consultez à cet égard le site officiel du département des juridictions gacacas de la Cour Suprême, et le document intitulé : Les juridictions gacacas comme solution alternative au règlement du contentieux du génocide. www.inkiko-gacaca.gov.rw.

* 136 Voir infra.

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