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Le pardon et la justice post conflits en Afrique. Etude comparative des dynamiques des acteurs et des institutions du dedans et du dehors (Afrique du Sud, Rwanda)

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par Alain-Roger Edou Mvelle
Université de Yaoundé 2 - DEA 2008
  

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G. Du parlementarisme traditionnel à la solidarité discursive

La finalité des juridictions gacacas était de suivre l'orientation générale en matière de répression du génocide et des infractions connexes au Rwanda. Leur caractère extra judiciaire n'a pas pour autant empêché qu'elles ne s'appuient sur la loi n° 08/96 du 30/08/1996 portant organisation et répression du crime de génocide et des massacres ou des crimes contre l'humanité. Il a même existé une collaboration entre ces tribunaux et les parquets modernes. Toutefois, l'autorité législative a voulu donner la plénitude de la compétence aux juridictions ordinaires dans les crimes relevant de la 1ère catégorie. Pour le Rwanda, il est important d'allier la vocation réconciliatrice à l'impératif juridico historique. Ceci se justifie par la nature du crime commis : le génocide. Il a surtout été question de s'appuyer sur la tradition pour y trouver des valeurs exportées vers la modernité juridique, à l'effet de stigmatiser ce `'crime contre la société '' rwandaise en particulier.

La mise à jour des faits permet à l'ensemble des juridictions « gacacas » de contribuer à l'écriture collective de l'histoire du génocide. Ce processus de publicisation de la violence a, à rebours, une fonction d'aseptisation de la société. Les « gacacas » ont consisté en cette mise en scène des massacres. Il s'agissait en clair d'entrer dans l'intimité du crime pour en dégager le mode opératoire, les mobiles et les remords de ceux qui les ont commis. Une fois par semaine au moins, les membres d'une communauté (cellule, secteur, etc) se retrouvaient pour les audiences publiques137(*). Le but recherché était non seulement de reconstituer les faits, faciliter le jugement des responsables en éradiquant l'impunité, mais aussi réconcilier les Rwandais. Dans ce sens, des personnes appelées à témoigner au cours des procès publics ont souvent été des hutu modérés ayant aidé les tutsi pourchassés. Le système permettait à l'auditoire de s'exprimer. Ainsi, des faits nouveaux pouvaient jaillir d'une intervention tierce à charge ou à décharge du prévenu. Lorsqu'un prévenu avouait le crime, il bénéficiait d'une réduction de peine. Le procédé fonctionnait ainsi138(*) :

1er cas : Lorsque la personne n'a pas avoué ou que son aveu a été rejeté la peine capitale ou à perpétuité était requise.

2e cas : Lorsque l'aveu intervient avant la publication du nom d'un prévenu sur la liste de 1ère catégorie, il encourt 25 ans d'emprisonnement ou la perpétuité.

3e cas : Lorsque l'aveu arrive après accusation et rangement sur la liste faite par la juridiction « gacaca » de la Cellule, la peine est de 12 à 15 ans d'emprisonnement. La moitié est purgée en prison, pendant que l'autre est commuée en prestation des travaux d'intérêt général.

4e cas : Si l'aveu arrive avant l'accusation et le rangement sur la liste faite par la juridiction « gacaca » de la Cellule, 7 à 12 ans d'emprisonnement sont prononcés. La moitié de la peine est purgée en privation de liberté et l'autre commuée en prestation des travaux d'intérêt général.

5e cas : Si la personne n'a pas avoué ou son aveu a été rejeté, elle écopait de 5 à 7 ans d'emprisonnement. La moitié de la peine est passée en prison, et l'autre commuée en prestation des travaux d'intérêt général.

6e cas : Si l'aveu est postérieur à l'accusation et au rangement sur la liste faite par la juridiction « gacaca » de la Cellule, 3 à 5 ans d'emprisonnement sont décidés. Une partie de la peine est passée en prison, l'autre commuée en prestation des travaux d'intérêt général.

7e cas : Quand l'aveu intervient avant le rangement sur la liste faite par la Juridiction « Gacaca » de la Cellule, la personne est condamnée à 3 ans d'emprisonnement. La moitié de la peine purgée en prison ferme et l'autre commuée en prestation des travaux d'intérêt général.

Les cellules ont connu des crimes de la 4e catégorie ainsi que des oppositions aux jugements rendus par elles en l'absence de prévenus. Les secteurs étaient compétents dans les crimes de 3e catégorie et les oppositions aux jugements rendus par eux en l'absence de prévenus. Les districts avaient une compétence étendue à la 2e catégorie tandis que les provinces connaissaient des appels contre les jugements des districts de leurs ressorts.

Au plan institutionnel, la création des gacacas a entraîné celle d'une 6e chambre auprès de la Cour Suprême, spécialement chargée de suivre leur travail. Mais, avec les réformes subséquentes dans son organisation ultérieure, cette chambre est supprimée au profit d'un Service national chargé du suivi, de la coordination et la supervision des activités des « gacacas ».

Le travail effectué par ces tribunaux a été déterminant pour réconcilier hutu et tutsi. L'évocation par les bourreaux des crimes commis a permis à bon nombre de Rwandais d'accepter de pardonner. Ce pardon faisait suite à la manifestation des remords par les génocidaires. Les gacacas ont permis, malgré un manque de professionnalisme dans leur fonctionnement, de désengorger les tribunaux classiques. Le travail de collecte des informations à différents niveaux locaux a permis d'aider la justice ordinaire dans la formulation des incriminations et la formalisation des qualifications des crimes. Il est éclairant de voir que ces tribunaux ont permis de réécrire l'histoire du génocide. Une histoire authentique a germé des récits des acteurs, et une flopé d'informations ont été récoltées, pour pouvoir servir de référence à la prévention d'éventuels actes de violences similaires. Des institutions ont été créées pour coordonner l'activité des « gacacas ». Cette réalité a témoigné de la volonté d'institutionnaliser ces cadres de justice non classiques qui s'appuyaient pourtant sur des provisions destinées à être appliquées par la justice ordinaire. La CVR procède d'une toute autre logique.

* 137 Pour une critique des gacacas, lire Filip Reyntjens, «Le gacaca ou la justice du gazon au Rwanda», Politique Africaine, «Le Droit et ses Pratiques», n°. 40, décembre 1990, pp. 31-44

* 138 Voir le site officiel du département « gacaca » au ministère de la justice, op.cit.

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