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Le pardon et la justice post conflits en Afrique. Etude comparative des dynamiques des acteurs et des institutions du dedans et du dehors (Afrique du Sud, Rwanda)

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par Alain-Roger Edou Mvelle
Université de Yaoundé 2 - DEA 2008
  

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B. Justice et mémoire : signifiants et signifiés de l'amnistie

La possibilité pour la Commission d'amnistier est largement reconnue comme la plus grande innovation de l'expérience sud africaine. Cette question n'a pas été évidente à régler. Les acteurs avaient des points de vue différents quant aux conditions de cette dernière, étant entendue qu'aucune amnistie générale ne devait prévaloir : « After the conclusion of the Record of Understanding, the focus shifted to the question of how a future democratic government would deal with amnesties for political offences and especially for the security forces. Two matters were settled relatively early. It was agreed, in the first place, that actions taken in terms of apartheid law would not merely for that reason be regarded as illegal and that there would be no Nuremberg-type trials for the many human rights violations legally committed in the course of implementing apartheid »227(*). Dans le mouvement général de sortie de l'apartheid, la constitution intérimaire elle-même avait recommandé l'octroie des amnisties conditionnelles.228(*) En 1994, le projet de loi sur l'unité nationale et la réconciliation insère la clause amnistiante tout en prenant le soin d'affirmer le droit aux victimes de raconter leur souffrance et leur combat229(*).

La question de l'amnistie est importante à étudier dans la mesure où les violateurs des droits humains qui en ont bénéficié sont appelés à côtoyer leurs victimes. Dans le contexte de l'Afrique du Sud, la parade trouvée au plan de la rhétorique juridico politique a été d'amener les demandeurs d'amnistie à raconter dans un premier temps leurs forfaits, avant d'espérer avoir une suite favorable à leur demande230(*). Il est éclairant de réfléchir à partir de l'analyse de la question par l'avocat et Professeur de droit Robert Badinter : « Je ne crois pas, pour ma part, qu'il puisse y avoir paix véritable dans une société sans justice. Le travail de deuil nécessaire ne peut s'accomplir pour les victimes et leurs familles, et dans le corps social tout entier, que par l'établissement de la vérité et la justice. Celle-ci n'exclut jamais le pardon. Encore ne peut-on pardonner qu'en connaissance de cause. La vérité d'abord, la justice ou l'amnistie ensuite »231(*). Badinter note par ailleurs : « Tourner la page de l'histoire pour en ouvrir une nouvelle, toute blanche celle-là, paraît plus propice à l'avènement de la démocratie (...) que d'exercer la justice contre les criminels d'hier. La paix civile s'acquiert au prix du silence et de l'amnistie »232(*).

L'amnistie conditionnelle sud africaine, sans être tout à fait un système parfait233(*), a néanmoins permis de revenir sur les circonstances des violences des demandeurs. En cela, elle n'a pas favorisé l'amnésie historique. Elle avait simplement pour fonction de prioriser l'avenir tout en sanctionnant symboliquement le passé. Des demandes ont été rejetées par la Commission, et d'autres acceptées ; ce qui voudrait dire que le critère des amnisties sélectives a été observé dans la pratique. Ceux des demandeurs qui voyaient leurs requêtes non validées étaient directement traduits devant les tribunaux classiques pour répondre de leurs actes.

Ce sentiment d'opérationnalité des amnisties n'est pas partagé de tous. Parlant de l'Argentine et du Chili, Sandrine Lefranc commente : « Les lois d'amnistie qui ont été adoptées n'ont pas seulement mis fin à l'exercice de la justice ; elles ont aussi rendu impossible l'établissement des faits au cas par cas qui incombe aux instances judiciaires »234(*). Benjamin Sora dira pour sa part : « Ce qui est refoulé n'est pas éliminé et trouve toujours à s'exprimer par des voies détournées. L'amnistie qui veut masquer, évacuer, prépare d'autres conflits, d'autres régressions »235(*). Dans ces deux cas, il semble que la procédure amnistiante était décidée de manière collective. Le cas de l'Afrique du Sud est différent non seulement à cause de l'existence des demandes remplies dans des formulaires individualisés, mais aussi par la condition même de dire la vérité avant d'en bénéficier ou non236(*). En ce sens, on peut dire que la Commission sud africaine a essayé de trouver un compromis entre tourner cette `' page de l'histoire'' et mettre des garde-fous afin que `'tout'' ne soit pas oublié.

* 227 Rapport de la Commission, Historical and legislative origins, alinéa 18.

* 228 Voir supra.

* 229 Il fut signé le 19juillet 1995 et rentra en vigueur le 1er décembre de la même année.

* 230 Pour aller plus loin, consulter Stephane Leman-Langlois, « La mémoire et la paix, la notion de « justice post conflictuelle » dans la Commission vérité et réconciliation en Afrique du Sud », Déviance et société, 27 (1), 2003, pp.145-166.

* 231 Préface, in : William Bourdon, Emmanuelle Duverger, La cour pénale internationale. Le statut de Rome, p. 9.

* 232 Ibid.

* 233 Le rapport intérimaire du Comité Amnistie le note implicitement dans ses points 16 à 22.

* 234 Sandrine Lefranc, Les politiques du pardon, op.cit ; p. 10.

* 235 Benjamin Stora, La gangrène de l'oubli, Paris, La Découverte, 1998, p. 283. Cité par Valérie Rosoux, op.cit ; p. 737.

* 236 Lire Stéphane Lemon-Langlois, « La vérité réparatrice dans la Commission vérité et réconciliation d'Afrique du Sud », Les cahiers de la justice, Paris, Dalloz, n°1, 2006, pp. 209-218. G. Gilligan et J. Pratt, Truth and justice : official Inquiry. Discourse, Knowledge, Londres, Willan, pp. 222-242.

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