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La protection des droits du débiteur saisi dans la réalisation de l'immeuble apporté en garantie d'une créance

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par Mahaman Rabiou OUMAROU
UFR/SJP de Ouagadougou - DESS en Droit des Affaires 2006
  

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SECTION II : La protection des droits du débiteur par le cadre procédural

A ce niveau, la protection tient à toute une série d'actes de procédure que le créancier est tenu d'accomplir afin de saisir et vendre l'immeuble. Par exemple, au préalable, le créancier poursuivant doit avoir un titre exécutoire (Art. 247 de l'AU). Aussi, il doit requérir l'immatriculation de l'immeuble auprès du service de la conservation foncière (Art. 253 de l'AU).

D'ailleurs il convient de rappeler que, l'Acte Uniforme a expressément prévu que l'inobservation de certaines formalités prescrites est sanctionnée par la nullité17(*). Toutefois, pour quelques unes des formalités limitativement énumérées, cette nullité n'est pas automatique. Il est nécessaire que celui qui se prévaut de l'irrégularité apporte la preuve d'un grief18(*). Hormis les cas limitativement énumérés, le juge doit prononcer la nullité lorsqu'elle est invoquée s'il constate que la formalité prescrite n'a pas été observée, sans qu'il soit besoin de rechercher la preuve d'un quelconque préjudice19(*).

Certains actes sont destinés à la préparation de la saisie (Paragraphe I); d'autres interviennent dans la phase d'adjudication (Paragraphe II).

Paragraphe I : La phase préparatoire de la saisie

Comme nous venons de le dire, la saisie immobilière est une procédure qui se déroule sous contrôle judiciaire. A l'étape préparatoire, ses phases phares consistent en la délivrance du commandement (A) ainsi qu'à sa publication (B).

A. La rédaction du commandement préalable

L'article 254 de l'AUVE spécifie que toute poursuite en vente forcée d'immeubles doit être précédée d'un commandement aux fins de saisie. Le commandement est un exploit d'huissier délivré à la demande du créancier poursuivant et signifié au débiteur ou au tiers (art.255 de l'AU) pour le mettre en demeure de payer le montant d'une créance dans un délai précis à peine de saisie de l'immeuble. En tant qu'exploit, il doit contenir toutes les indications exigées pour la validité des exploits. Il doit en outre contenir toutes les mentions prévues par l'article 254 de l'Acte Uniforme à peine de nullité. Ce texte vise :

1°/  la reproduction ou la copie du titre exécutoire et le montant de la dette ainsi que les noms, prénom et adresses des personnes impliquées ;

2°/  la copie du pouvoir spécial de saisie donné à l'huissier ;

3°/ l'avertissement que, faute de payer dans les 20 jours, le commandement pourra être transcrit et vaudra saisie à partir de sa publication ;

4°/  l'indication de la juridiction où l'expropriation sera poursuivie ;

5°/  le numéro du titre foncier et l'indication de la situation des immeubles ;

6°/  la constitution de l'avocat chez lequel le créancier poursuivant élit domicile et où devront être notifiés les actes d'opposition au commandement, offres réelles et toutes significations relatives à la saisie.

Toutes ces énonciations sont obligatoires à peine de nullité20(*). En effet, il y a lieu de souligner que si l'exigence de certaines de ces énumérations parait facilement compréhensible, il n'en est pas de même pour certaines d'entre elles. Par exemple, la constitution de l'avocat dont les prestations sont loin d'être une oeuvre philanthropique, n'en constitue pas moins une charge énorme pour le créancier dans le recouvrement de sa créance.

B. La signification et la publication du commandement

La signification du commandement peut être faite au débiteur ou au tiers. Selon le cas, elle offre à chacun d'eux des possibilités de réagir.

La signification faite au débiteur lui permet d'exercer certains droits. Le débiteur peut notamment faire opposition au commandement ou mettre fin à la procédure en payant sa dette.

La signification du commandement est faite au tiers lorsque ce dernier joue un rôle dans la situation juridique de l'immeuble concerné par la saisie. C'est pourquoi, il va être sommé de délaisser l'immeuble hypothéqué ou de régler la créance dans son intégralité, ou alors de subir la procédure d'expropriation. Des auteurs21(*) ont souligné à juste titre que  le caractère obligatoire de la sommation préalable est pleinement justifié. Selon ces auteurs : « le tiers détenteur n'est pas le débiteur ; il est seulement tenu en raison de sa détention de l'immeuble ; il faut dès lors lui permettre d'exercer l'option que la loi lui reconnait avant de procéder à la réalisation de l'immeuble ».

S'agissant de la publication du commandement, elle est réglementée par les articles 259 à 261 de l'Acte Uniforme. Elle entraine des effets importants. C'est elle, en effet, qui provoque réellement la mise sous mains de justice et l'indisponibilité de l'immeuble. Elle vaut saisie comme on le dit. En outre, cette formalité va servir de point de départ de plusieurs délais de procédure, notamment celui du dépôt du cahier des charges.

Selon l'article 259, alinéa 1er de l'Acte Uniforme, c'est l'huissier qui fait viser l'original du commandement par le conservateur de la propriété foncière, ou par l'administration dans le cas d'une saisie immobilière pratiquée sur des impenses réalisées par le débiteur. Dans ce dernier cas, la signification est faite à l'administration en tant que propriétaire du fond.

L'acte Uniforme impose un délai pour le dépôt du commandement. En effet, il résulte de l'article 259, alinéa 3 que le commandement doit être déposé à la conservation foncière ou à l'administration dans les trois mois à compter de la signification ; passé ce délai, le créancier ne peut plus publier le commandement. Il ne peut reprendre les poursuites qu'en les réitérant.

A partir de l'inscription, la suite de la procédure dépend de l'attitude du débiteur. S'il paye dans les 20 jours, l'inscription du commandement est radiée par le conservateur ou l'autorité compétente sur mainlevée donnée par le créancier poursuivant. Si le débiteur ne paie pas, le commandement vaut saisie à compter de son inscription. Ainsi, l'immeuble sera frappé d'indisponibilité. La conséquence de cette mesure est que le débiteur, bien que propriétaire de son immeuble ne peut plus poser des actes de disposition concernant cet immeuble. En outre, les fruits sont immobilisés pour être distribués avec le prix de l'immeuble.

Paragraphe II : La phase de l'adjudication

A ce niveau le « protectionnisme » des droits du débiteur s'observe à travers les formalités préparatoires de l'adjudication. Ces formalités sont, comme les précédentes, unies entre elles par un lien, si bien que chacune s'explique par celle qui la précède et laisse prévoir celle qui la suit. On les présentera dans leur ensemble à travers deux points : la préparation de la vente (A) et l'adjudication (B).

A. La préparation de la vente

L'objectif recherché dans la saisie immobilière c'est la vente de l'immeuble saisi au meilleur prix. Cette vente est préparée à travers un ensemble de formalités procédurales. Ce formalisme constitue une fois de plus une entrave aux droits du créancier qui, au moment où il contractait avec le débiteur n'avait pas à l'esprit toutes ces difficultés dans le recouvrement de sa créance.

La préparation de la vente tourne autour des phases suivantes :

- La rédaction et le dépôt du cahier des charges,

- La sommation de prendre communication du cahier des charges,

- L'audience éventuelle,

- La publication en vue de la vente.

1) La rédaction et le dépôt du cahier des charges.

Par définition, le cahier des charges est un projet de vente minutieusement préparé et signé par l'avocat du créancier poursuivant pour être soumis aux parties à la procédure. Il doit être déposé au greffe de la juridiction dans le ressort de laquelle se trouve l'immeuble dans un délai maximum de cinquante (50) jours à peine de déchéance à compter de la publication du commandement (art.266, al 2). Les rédacteurs de l'Acte Uniforme ont clairement indiqué dans l'article 267 les mentions qui doivent figurer dans le cahier des charges. Il s'agit notamment de l'intitulé de l'acte et de la mise à prix.

Lorsque le cahier des charges est déposé, certaines mesures doivent être prises pour informer ceux qui pourraient être intéressés.

2) La sommation de prendre connaissance du cahier des charges

Cette phase de la procédure a des conséquences juridiques très importantes vis-à-vis du débiteur et du tiers mais aussi à l'égard du créancier.

Selon l'article 269 de l'Acte Uniforme, dans les huit jours au plus tard après le dépôt, le créancier saisissant doit faire sommation au saisi et aux créanciers inscrits de prendre communication, au greffe, du cahier des charges et d'y faire insérer leurs dires. Cette sommation est signifiée, au débiteur à personne ou à domicile et aux créanciers inscrits à domicile élu. L'Acte Uniforme en son article 270 a soumis cette sommation à des conditions à peine de nullité22(*).

3) L'audience éventuelle

Cette audience a pour objectif de trancher les contestations et de purger les nullités. Elle ne peut avoir lieu moins de trente jours après la dernière sommation. A cette audience, les dires et observations sont jugés après échange de conclusions dans le respect du principe du contradictoire.

Le tribunal de grande instance prend toutes les décisions qui s'imposent à l'audience éventuelle. Il peut ordonner d'office la distraction de certains biens saisis, lorsqu'il constate que la valeur globale de l'immeuble apparait disproportionnée par rapport au montant de la créance. Il peut aussi modifier le montant de la mise à prix s'il apparait inférieur au quart de la valeur vénale de l'immeuble. Dans ce cas, le Tribunal informe les parties de son intention et les invite à fournir leurs observations dans un délai de cinq jours maximum.

4) La publicité en vue de la vente

Elle est règlementée par les articles 276 à 279 de l'Acte Uniforme.

Au préalable, il convient de préciser qu'il ne pouvait être question de procéder à la publicité de la vente avant que les conditions de cette vente ne fussent définitivement fixées. Cette précision résulte de la simple expiration du délai imparti aux intéressés lorsqu'il n'a pas été présenté de dires ou observations. Au cas contraire, elle découle des décisions rendues par le tribunal. De toutes les façons arrive le moment où la rédaction du cahier des charges doit être tenue pour définitive. C'est alors qu'il convient d'attirer les amateurs23(*) par une publicité préalable à l'adjudication.

Les détails de cette publicité sont indiqués suffisamment aux articles 276 à 279 de l'Acte Uniforme.

Néanmoins, notons que la publicité en vue de la vente se fait par un extrait du projet de vente, c'est-à-dire le cahier des charges. C'est cet extrait qui est publié par insertion dans un journal d'annonces légales et par apposition des placards à la porte du domicile du saisi, de la juridiction compétente ou du notaire convenu. Mais dans la pratique, l'apposition des placards se fait à la juridiction compétente et dans les journaux d'annonces légales. Et au Niger, certaines banques la font à leur siège sur le tableau d'affichage habituel.

Dans cette matière, la loi permet des contestations tout au long de la procédure ; ce qui contribue à ralentir l'aboutissement de la procédure. En outre, il y a aussi le fait que, dans cette matière, la quasi-totalité des prescriptions sont édictées à peine de nullité. Certaines des prescriptions sont pourtant purement vénielles. L'illustration peut être donnée par la jurisprudence du Tribunal de Première Instance de DALOA du 12 décembre 200324(*). Par ce jugement, en application de l'article 277 de l'Acte Uniforme, le juge ivoirien a prononcé la nullité de la publication de l'extrait du cahier des charges du fait que celui-ci ne portait pas la mention de l'identité de l'Avocat du saisi.

B. L'adjudication de l'immeuble

Véritable marathon judiciaire, la saisie immobilière trouve son dénouement normal par l'étape de l'adjudication. Mais même à cette étape, le créancier saisissant doit doubler de vigilance, car à ce niveau, le simple manque de diligence d'un acte de procédure de sa part, peut l'amener à reprendre toute la procédure.

De façon générale, l'adjudication est l'attribution d'un bien meuble ou immeuble mis aux enchères à la personne offrant le prix le plus élevé. En matière de saisie immobilière, il s'agit donc de la vente de l'immeuble saisi aux enchères publiques devant la juridiction compétente du lieu de la saisie à la date indiquée. L'adjudication a lieu aux enchères publiques et à la barre du tribunal saisi ou en l'étude du notaire convenu. Il résulte de l'article 270-2° de l'Acte Uniforme que l'adjudication doit avoir lieu entre le trentième jour et le soixantième jour après l'audience éventuelle.

L'adjudication peut cependant être remise pour causes graves et légitimes par décision judiciaire motivée rendue sur requête déposée au moins avant le cinquième jour fixé pour la vente (Art. 281 de l'AUVE).

Et, il faut dire que la remise de l'adjudication ne présente pas seulement l'inconvénient de retarder le paiement des créanciers, elle entraine également des frais supplémentaires, du moins quand les insertions dans les journaux ont été déjà faites et les affiches apposées, car il faut les recommencer. En effet, en cas de remise, la décision fixe de nouveau le jour de l'adjudication qui ne peut être fixé à plus de 60 jours ; le créancier poursuivant doit alors procéder à des nouvelles mesures de publicité.

Les enchères sont portées par ministère d'Avocat ou par les enchérisseurs eux-mêmes. C'est là une innovation de l'Acte Uniforme. En effet, certaines législations (le code de procédure civile du Sénégal) n'envisageaient que les offres portées par le ministère d'avocat. En France, la Cour de Cassation considérait que l'absence d'avocat entraînait, non pas la nullité, mais l'inexistence25(*).

A l'audience de l'adjudication, le chronométrage est assuré par des bougies26(*) spéciales dont la durée est d'environ une minute. Si pendant la durée d'une bougie, il survient une enchère, celle-ci ne dévient définitive et n'entraine l'adjudication que s'il n'en survient pas une nouvelle avant l'extinction de deux bougies. Toute enchère portée pendant cette période couvre automatiquement l'enchère précédente et libère l'enchérisseur précédent, même si la nouvelle enchère est nulle.

L'immeuble est adjugé à celui qui a porté l'enchère la plus élevée par décision judiciaire. Dans le cas où la vente a lieu à l'office du notaire, l'adjudication est matérialisée par un procès-verbal porté en minute à la suite du cahier des charges.

Même sans incident, au regard des formalités prescrites par l'Acte Uniforme, l'exercice de cette voie d'exécution qu'est la saisie immobilière apparaît comme un véritable parcours du combattant. Ce formalisme de rigueur dans lequel est enfermée la saisie immobilière n'est pas sans conséquences dans la pratique.


CHAPITRE II : LES DIFFICULTES LIEES A LA PROTECTION DES

DROITS DU DEBITEUR-SAISI

Certes, l'heure n'est pas encore au bilan. Néanmoins, après plus de dix ans d'application de cette nouvelle législation communautaire, il n'est pas inutile de marquer un arrêt afin de dégager un bilan ne serait-ce que partiel.

La réalisation de la garantie immobilière est extrêmement difficile qu'elle ne parait l'être au moment où les parties s'engageaient à sa constitution. En effet, la protection quelque peu exagérée dont bénéficie le débiteur n'est pas sans conséquences dans la pratique. Outre les difficultés découlant du texte applicable à la matière de saisie immobilière, il y a celles relatives à la non maitrise de cette législation par les praticiens de droit (SECTION I).

Enfin, un autre facteur pouvant engendrer d'énormes difficultés dans la pratique est le fait que la saisie immobilière est une procédure longue, lourde et coûteuse (SECTION II). Les difficultés rencontrées dans la réalisation de l'hypothèque ne sont pas irrémédiables. Pour les résorber, des solutions sont envisageables (SECTION III).

* 17. Articles 254, 267 et 277 de l'AU.

* 18. Article 297, al.2 de l'AU.

* 19. CCJA, Avis N° 001/99/JN du 7 juillet 1999, pour la CCJA : « [...] Hormis ces cas limitativement énumérés, le juge doit prononcer la nullité lorsqu'elle est invoquée, s'il constate que la formalité prescrite à peine de nullité n'a pas été observée, sans qu'il soit alors besoin de rechercher la preuve d'un quelconque préjudice » (Avis disponible sur le site : www.ohada.com).

* 20. La sanction de cette nullité relative n'est pas automatique, comme le sont la plupart de celles prévues dans cet acte uniforme.

* 21. Anne-Marie ASSI-ESSO et N'Diaw DIOUF op.cit. n°477, p. 210.

* 22. Elle doit indiquer :

- Les jours, heure d'une audience dite éventuelle ;

- Les jours et heure prévus pour l'adjudication ;

- Que les dires et observations seront reçus à peine de déchéance jusqu'au cinquième jour précédent l'audience éventuelle.

* 23. Par amateurs nous entendons dire les éventuels intéressés à l'achat de l'immeuble au moment de l'adjudication

* 24 . TPI de Daloa, 12/12/2003, arrêt n°327 la Société de Transformation des Bois de l'Ouest (STBO) contre Mr Koné Anatole, jugement disponible sur www.juriscope.org

* 25 Civ. 2° 10 décembre 1975-B II. N°333 ; 24 février 1984 JIP 1984-II-n°20 000 Prevault

* 26 En France, les enchères sont arrêtées lorsque trois minutes se sont écoulées depuis la dernière enchère. Ce temps est décompté par tout moyen visuel ou sonore qui signale au public chaque minute écoulée (Art. 78, al. 1er du décret du 27 juillet 2006). A notre avis, cet adieu que la France fait au procédé de la vente à la bougie est une innovation très judicieuse. En tout cas la durée de l'allumage d'une bougie peut s'avérer plus ou moins longue selon le moment et le lieu où celle-ci est allumée et déposée.

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"Et il n'est rien de plus beau que l'instant qui précède le voyage, l'instant ou l'horizon de demain vient nous rendre visite et nous dire ses promesses"   Milan Kundera