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Le droit de ne pas s'autoaccuser dans la jurisprudence de la CEDH

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par Jean-Dominique VOISIN
Université Paris II-Assas - Master 2 droit pénal et sciences pénales 2007
  

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II. L'ACCUSÉ TÉMOIN OU LE CRITéRE DE LA NOTIFICATION OFFICIELLE

81. Inclure le témoin dans la notion d'accusé, même au sens autonome de la ConvEDH, semble une extension a priori excessive de cette notion, puisque les procédures applicables dans l'ordre interne sont radicalement différentes selon que la personne interrogée par les enquêteurs a le statut de témoin ou de mis en examen.

En réalité, il s'agit moins dans l'esprit de la CourEDH d'une extension que d'une précision quant au moment d'appréciation de la qualité de témoin ou d'accusé. Cette qualité doit s'apprécier non pas au moment oü les déclarations accablantes ont été formulées par l'intéressé, mais au moment de la notification officielle de son statut par les organes de la procédure, cette notification figeant l'état d'esprit des différentes parties lors des opérations subséquentes79.

82. L'article 6 exigeant une accusation, on pourrait supposer que seules la ou les personnes visées par des poursuites pénales bénéficient des garanties du procès équitable. Néanmoins, lorsqu'un individu est entendu comme témoin au cours de la procédure, son témoignage peut ultérieurement être retenu contre lui et constituer une accusation en matière pénale, alors qu'au moment de sa déposition il n'était pas directement visé par les poursuites et n'avait donc pas le statut d'accusé au sens de la procédure interne.

On concoit pourtant bien qu'une telle personne, contrainte par serment à dire toute la vérité, puisse être amenée à faire des déclarations autoaccusatrices au sens oü l'entend la CourEDH. Il n'est donc pas possible, pour l'application de la ConvEDH, d'exclure a priori le témoin du champ d'application de l'article 6. C'est pourquoi la Cour, dans son arrêt Serves80, pose comme principe que Çle requérant pouvait passer pour tomber sous le coup d'une accusation au sens autonome de l'article 6§1 lorsqu'il fut assigné à compara»tre comme témoin et condamné pour avoir refusé de prêter serment È.

83. Cette affaire étant relativement complexe, il convient d'en retracer brièvement le déroulement.

Le requérant fit d'abord l'objet d'un premier réquisitoire introductif qui fut annulé par le juge francais, mais avec des réserves telles que les pièces ayant motivé cette première information ne furent pas retirées du dossie r. Le requérant comparut alors comme témoin devant le juge d'instruction mais refusa de prêter serment et fut condamné de ce chef. Par la suite, une nouvelle information fut ouverte contre l'intéressé, sur le fondement des pièces recueillies lors de la première information et non retirées du dossier.

Saisie d'une requête en violation du droit de ne pas s'autoaccuser fondée sur la condamnation du requérant pour refus de prêter serment, la Cour estime qu'il lui incombe avant toute chose de rechercher << si M.Serves, qui n'était ni visé par le réquisitoire introductif du 13 mars 1990 ni inculpé lorsqu'il fut assigné à compara»tre comme témoin devant le juge d'instruction, tombait néanmoins sous le coup d'une accusation au sens de l'article

6>>. Elle en vient alors à

définir la notion d'accusation au sens autonome de l'article 6.

La Cour énonce que la notification officielle, émanant de l'autorité compétente, du reproche d'avoir accompli une infraction pénale constitue une accusation. Elle précise que cette définition correspond à l'idée de <<répercussions importantes sur la situation>> du suspect81. En se fondant sur l'existence du premier réquisitoire introductif qui, malgré son annulation, a servi de fondement à la seconde inculpation, la CourEDH décide que <<lorsque M. Serves fut assigné à compara»tre comme témoin et condamné en application de l'article 109 du code de procédure pénale, il pouvait passer pour tomber sous le coup d'une accusation au sens autonome de l'article 6 >>. La Cour apprécie donc l'utilisation que les autorités chargées de l'enquête ont faite ou comptaient faire des éléments du dossier, afin de déterminer si le requérant avait ou non au moment des faits le statut d'accusé au sens de l'article 6. Si des éléments considérés comme des éléments à charge existaient au moment où l'intéressé a pu faire des déclarations accablantes, alors le requérant a fait l'objet d'une accusation au sens autonome (par rapport au statut officiel qui lui a été accordé dans la procédure interne) de l'article 6 ConvEDH. Partant, la personne entendue82 dans le cadre d'une procédure pénale ne peut être a priori exclue du bénéfice des dispositions de cet article.

81 Sur cette notion, cf. l'arrêt J.B. c/ Suisse précité. Sans doute faut-il comprendre ainsi cette référence: dès que le prévenu se voit reprocher d'avoir commis une infraction pénale, il devient passible d'une sanction susceptible d'entra»ner des répercussions importantes sur sa situation (cf. les remarques précédentes dans cette même section).

82 Il s'agit plus particulièrement en l'espèce du témoin assisté, mais la Cour employant le terme de témoin, il semble fondé d'étendre la solution à tout intéressé déposant sous serment.

84. Il reste a contrario que le témoin contre lequel il n'existe aucun soupcon d'avoir commis une infraction pénale a u moment de son audition ne peut être considéré comme un accusé au sens de l'article 6. En conséquence, et même si cela nécessite un examen a posteriori de l'applicabilité de la ConvEDH, un tel individu ne pourra jamais se prévaloir du droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination, quand bien même il aurait été amené à faire des déclarations accablantes lors de sa déposition83.

85. La notion d'accusé telle que la définit la CourEDH demeure confuse mais on en percoit l'idée générale. Lorsque les organes chargés des poursuites accusent une personne d'avoir commis une infraction pénale (au sens oil l'entend la Cour), cette personne acquiert la qualité d'accusé d'une infraction en matiere pénale et bénéficie en conséquence des garanties du process équitable. Il reste à déterminer si toutes les personnes juridiques sont habilitées à invoquer les dispositions de l'article 6.

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