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Le concept de développement durable : le cas de l'Afrique subsaharienne

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par Vincent Thierry BOUANGUI
Université de Reims Champagne - Ardenne - Diplôme d'étude approndie 1995
  

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SECTION II: LES FREINS EXOGENES

En sus des freins endogènes que nous venons d'examinés, plusieurs facteurs de nature externe renforcent l'idée selon laquelle le développement durable prôné par la communauté internationale s'avère à l'heure actuelle comme un leurre pour l'Afrique au sud du Sahara. Il s'agit des politiques d'ajustement structurel, des dévaluations non suivies de mesures concrètes et immédiates, la question de la dette, la libéralisation du commerce mondial et son impact sur l'environnement et enfin le problème du transfert vers l'Afrique des technologies nuisibles à l'environnement par de grandes chaînes d'industries en mal de s'adapter à la nouvelle réglementation occidentale.

PARAGRAPHE I: LE POIDS DE LA DETTE ET LES CONSEQUENCES
IMMEDIATES DES POLITIQUES D'AJUSTEMENT STRUCTUREL

Il s'agit de deux maux très liés qui rongent le continent africain, l'empêchant même à mener des politiques de développement endogène, car les instructions qui partent des institutions financières internationales vont souvent à l'encontre des aspirations des populations. Les politiques de protection de l'environnement sont le plus souvent victimes de ces instructions (PAS) et de la dette extérieure qui enjoint les Etats à réduire certains chapitres de leurs budgets au nombre desquels l'environnement s'inscrit en première place.

A-LA QUESTION DE LA DETTE AFRICAINE ET L'ENVIRONNEMENT

Depuis les années quatre vingt, l'Afrique subsaharienne est prise dans l'engrenage d'un endettement permanent. Dans un contexte de faible valorisation des matières premières et de taux d'intérêt élevé, la plupart des pays emprunteurs (Côte-d'Ivoire, le Cameroun, le Congo, le Gabon, le Sénégal, le Madagascar, le Zaïre...) sont ainsi devenus insolvables. Les rééchelonnements et les accès aux crédits pour honorer les intérêts ont conduit à une accumulation d'arriérés et ont déplacé les bosses de la dette. La dette extérieure (167 milliards de dollars, Afrique du sud exclue) en 1980 est passée à 270 milliards de dollars en 1992. En terme de rapport d'exportation elle est passée de 97% à 362% des exportations de biens et des services et de 27% à 97% du PNB. Le service de la dette, quant à lui, est passé, après rééchelonnements (en % des exportations et de biens et services) de 11% à 22% dont environ la moitié sous forme d'intérêts(14).

Or, cet accroissement du service de la dette incite les Etats africains à maximiser leurs recettes en devises. Pour se faire, ils mettent en avant leurs ressources naturelles. C'est ce qu'explique l'économiste Christine BOGDAUWICZ BINDERT(*) lorsqu'elle dit que "les questions écologiques sont totalement écartées dès lors qu'un gouvernement se trouve aux prises avec une immense dette". La gestion d'un service toujours croissant de la dette ne peut se faire tout en ménageant certains domaines dont la rentabilité ne peut être évaluée que dans le long terme.

Les Etats africains privilégient donc la course à l'insertion dans le marché mondial, au nom des "avantages comparatifs", la chasse aux devises ne

(14) Philippe HUGON, professeur à l'université de Paris X Nanterre), "L'économie de l'Afrique", éd la découverte, collection repères, Paris 1993, page 209.

(*) Conseillere à la banque mondiale

seraient-ce que pour le remboursement de la dette (entre 1980 et 1990, l'Afrique a versé à l'occident 180 milliards au titre des intérêts!), ce qui implique une surexploitation des sols, des sous-sols, des forêts et des mers. Dans ces conditions, nous pensons que le problème de la dette africaine ne peut pas faire bon ménage avec la protection de l'environnement. La commission mondiale pour l'environnement et le développement dans son rapport (BRUNDTLAND) en avait fait déjà état en ces termes "s'ils sont incapables de rembourser leurs dettes, les pays africains lourdement tributaires de leurs exportations de matières premières sont forcés de surexploiter des sols fragiles, ce qui aboutit à la désertification de terres", le rapport conclut que" la protection de l'environnement à l'échelle mondiale exigera des concessions importantes de la part des pays riches sur la question de la dette"(15). Toujours dans ce même ordre d'idées, la Conservation Internationale (organisme de défense de l'environnement) devait ajouter qu'un endettement extérieur lourd contribue indubitablement à accroître les pressions économiques qui incitent les pays à surexploiter leurs ressources

naturelles"(16).

Si la communauté internationale a voulu atténuer les charges des pays en développement en évoquant la solidarité internationale, la responsabilité partagée mais différenciée et en élargissant le champ d'action du FEM, nous pensons qu'il ne s'agit là que des demi-mesures. Une meilleure protection de l'environnement mondial par les Africains ne peut passer que par une épuration effective de la dette; ce serait la matérialisation même de cette responsabilité différenciée prise au sens large (étant entendu que les Etats occidentaux principaux créanciers et responsables de la dégradation de l'environnement mondial ont pu dégager ces créances qu'en polluant et en surexploitant les

(15) Notre avenir à tous, CMED, page XV

(16) cité in banque mondiale 1993, page 200.

ressources de la planète). En dehors de cette alternative, la dette africaine, comme d'autres problèmes évoqués plus haut, fera obstacle à la prise en compte effective par les budgets nationaux des politiques réelles d'environnement. A la rigueur, ces créanciers peuvent à l'image de ce qui se fait en Amérique latine procéder par des transactions ou échanges dette-nature si l'on veut voir se réaliser en Afrique un véritable développement durable. Mais au delà, il faut que les institutions financières internationales réexaminent la relation entre programmes d'ajustement structurel et environnement.

B-LES EFFETS DES PROGRAMMES D'AJUSTEMENT STRUCTUREL SUR L'ENVIRONNEMENT (PAS)

Les relations entre ajustements structurel et environnement ont toujours été présentées comme deux facettes antinomiques, en ce sens qu'on ne peut appeler à la protection et la sauvegarde de l'environnement tout en demandant à ce que soient appliqués des programmes d'ajustement structurel. Dans la plupart des travaux en cours, de nombreux experts soutiennent l'idée selon laquelle les réformes entreprises dans le cadre des PAS -en particulier la réorientation des incitations à la production et à la rationalisation des dépenses publiques- ont nuit et continuent à nuire à l'environnement.

En effet, ces réformes visant à réduire des distorsions dissuasives pour la production de biens échangeables ont stimulé la production des produits d'exploitation -des bois d'oeuvre et autres produits agricoles- au détriment de l'environnement. Par exemple, les PAS, qui prévoyaient des dévaluations, incitent les exploitants forestiers à intensifier les coupes pour exporter davantage de bois d'oeuvre, ce qui favorise la culture de terres déboisées.

Aujourd'hui, en raison des dérèglements réels dans le domaine financier, particulièrement budgétaires et monétaires, en raison aussi des processus particuliers de constitution de la dette et de la gestion de son remboursement, un nombre très important des pays d'Afrique et la presque totalité de ceux d'Afrique subsaharienne ont adopté des politiques d'ajustement structurel en vue de restaurer l'équilibre extérieur budgétaire et monétaire. Ce qui veut dire que depuis un certain temps, ces pays sont en train d'appliquer des mesures incitatives à l'exploitation massive des ressources naturelles, donc à la dégradation de l'environnement. On nous dira que plusieurs critiques ont été formulées à l'encontre de ces PAS, donnant lieu à ce qu'on appelle le programme d'ajustement structurel à visage humain. Mais ce qu'il ne faut pas oublier c'est que si cette "humanisation" du PAS -au cas où elle l'est devenue- a des effets sur le social, l'environnement par contre, n'en tire guère profit car en réduisant les charges publiques, en enjoignant les Etats endettés à s'employer au remboursement de la dette, c'est vers leurs ressources naturelles que ceux-ci se retournent pour supporter les retombés de ces politiques drastiques des institutions financières internationales. Le fonds mondial de la nature, dans son étude publiée en 1992, a réaffirmé que la réforme des dépenses publiques entraînerait une réduction des investissements d'infrastructures visant à protéger l'environnement ainsi que les dépenses de vulgarisation agricole(17). En effet, quand le F.M.I. impose la réduction des dépenses publiques, les programmes écologiques sont parmi les premiers touchés ainsi que les ressources naturelles elles-mêmes. A titre symbolique et en extrapolant un peu, nous pouvons citer le cas du Brésil où la réduction du budget alloué à l'agence fédérale de protection de la nature a entraîné une suppression de son personnel et de la grande partie des sapeurs pompiers du parc national. Le Mexique a quant à lui a supprimé 15 sous secrétariat dont quatre concernant l'environnement.

(17) banque mondiale, page 207.

Si on ne peut pas pour l'heure bien quantifier sur les budgets les effets des PAS sur l'environnement en Afrique parce que l'administration de l'environnement est encore peu développée, on peut toutefois dire que c'est sa mise en place, sinon son épanouissement qui est ainsi en cause. M Abdellatif BENACHEUHOU(*), s'interrogeant sur les conséquences des PAS a dit à ce propos que " en dehors des effets de ces politiques sur le secteur social (éducation et formation, santé, population recherche), on peut s'interroger sur les moyens disponibles actuellement pour la préservation de l'environnement. En effet poursuit-il "Les chiffres de croissances économiques parlent euxmêmes. Les taux de croissance ont diminué très sensiblement dans les pays d'Afrique au sud du Sahara; la croissance par tête d'habitant est devenue négative...L'investissement productif tend vers plus ou moins zéro. Dans ce contexte économique déprimé, on est conduit à s'interroger sur les possibilités réelles de financer les investissements de toute sorte que requiert la préservation de l'environnement par l'organisation des trois formes de transitions: démographique, agricole, énergétique. Si cette préservation passe par ces transitions, les moyens de mise en oeuvre sont loin d'être réunis et les perspectives concrètes pour le faire peu brillantes.(18)

Le Ghana, pays que les experts disent qu'il est le meilleur élève du FMI, a fait les frais "environnementaux" des PAS. Dans son rapport de 1993, la banque mondiale a fait remarquer que les dévaluations opérées au Ghana au début des années 1980 dans le cade du PAS ont accéléré le déboisement du pays. Ceci dit, la dévaluation du franc CFA, qui vient d'être opérée en Afrique a des fortes chances de conduire aux mêmes conséquences, surtout que les mesures d'accompagnement ne sont pas efficaces. Ce qui risque de faire que la conscience et l'action en faveur de l'environnement soient sérieusement

(*) Professeur, directeur de la division des études sur le développement à l'UNESCO (18) Revue tiers monde n° 130, Avril-Juin 1993, page 378.

érodées. Ainsi on ne s'étonnera pas de voir marginaliser et minimiser la prise en charge coûteuse de l'environnement. Comme pour leurs nouvelles politiques d'évaluation environnementale des projets, là aussi nous pensons que la Banque Mondiale et les autres institutions financières internationales doivent procéder à l'évaluation environnementale des PAS, sinon, une fois de plus, le développement durable ne sera qu'un vain mot pour l'Afrique. A la rigueur son instauration ne se fera pas dans un proche avenir, surtout qu'en dehors du poids de la dette africaine il y a aussi le problème des transferts de technologies polluantes qui n'est pas sans grande conséquence pour l'Afrique subsaharienne.

PARAGRAPHE II: LES TRANSFERTS DE TECHNOLOGIES
POLLUANTES ET L'INCAPACITE D'ACCES DE L'AFRIQUE AUX
TECHNOLOGIES PROPRES

Aujourd'hui lorsqu'on parle de transferts vers l'Afrique des déchets toxiques, on ne peut pas manquer de faire allusion au tristement célèbre mémo de M Lawrence SUMMERS, conseiller économique à la Banque Mondiale. Selon ce monsieur, "une certaine dose de pollution devrait exister dans les pays où le coût de la maladie est plus faible, autrement dit là où les salaires sont les plus bas. Je pense que la logique qui veut que les masses de déchets toxiques soient déversées là où les salaires sont plus faibles est imparable.(...) J'ai toujours pensé que les pays sous-peuplés d'Afrique étaient largement sous-pollués; la qualité de l'air y est probablement d'un niveau inutilement bas par rapport à Los Angeles ou Mexico(...). On se préoccupera évidemment beaucoup plus d'un facteur qui augmente de façon infinitésimale les risques de cancers de prostate dans un pays où les gens vivent assez longtemps pour avoir cette maladie, que dans un autre où deux cent enfants sur mille meurent avant l'âge de cinq ans"(19), ces propos irresponsables de M Lawrence

(19)Mémo du 12 décembre 1991,révélé par The financial times

SUMMERS coïncident actuellement avec le phénomène de migration vers l'Afrique d'industries polluantes.

A-LA MIGRATION VERS L'AFRIQUE D'INDUSTRIES POLLUANTES

En effet, pendant que les USA, l'Allemagne, la Hollande, la Suisse et les pays Scandinaves édictent des réglementations d'une sévérité sans précédent pour satisfaire des consommateurs de plus en plus nombreux à réclamer des industries propres, les législations africaines apparaissent statiques. Les consommateurs moins avisés sur les risques de certaines industries "sales" n'exercent aucune pression pour que soient adoptées des mesures strictes en la matière. Du coup, cette situation fait du continent noir un "paradis des pollueurs" excepté le cas spécifique de transfert de déchets toxiques proprement dits qui est réglementé par la convention de Bamako de 1991 sur l'interdiction d'importer en Afrique les déchets toxiques.

La crise économique du continent qui oblige les Etats à mettre en place des régimes d'incitations fiscales fera de telle sorte que ces Etats soient moins rigoureux vis-à-vis de la qualité des industries qui, n'ayant pas réussi à s'accommoder de la nouvelle législation occidentale, délocalisent pour l'Afrique. Actuellement, tout un secteur entier pratique cet exode vers l'Afrique; il s'agit en grande partie de l'affinage des métaux, du raffinage du pétrole, du ciment des pâtes à papier et des produits chimiques de base...

Certains pourront être tentés de dire que cette évolution est propice au développement et aux échanges des pays du tiers-monde, particulièrement ceux d'Afrique. Cependant, la migration des industries "sales" n'est pas sans incidences économiques et écologiques à long terme. Dans la mesure où elle

repose de plus en plus sur les industries "sales" ou polluantes, la croissance de ces pays ne peut être durable: la détérioration croissante de l'environnement et l'épuisement des ressources risquent de ralentir la production(20). De fait, le développement durable prôné par les dirigeants africains trouve par l'acceptation de ces industries les limites de sa réalisation.

Comme pour la surexploitation des ressources naturelles, la pauvreté et la crise justifient à nouveau le manque de rigueur de l'Afrique face à l'impératif de développement durable. Mais ce qu'il ne faut pas oublier au sujet de ces délocalisations et des propos tenus par M SUMMERS c'est qu'on ne resout pas les problèmes écologiques planétaires. On les fait simplement déplacer d'un pôle à l'autre. Le pire c'est que cette forme de pollution (la plus sinueuse) se conjugue avec le transfert des déchets et produits toxiques au mépris des législations en vigueur.

Suite aux scandales nés d'exportations et des projets d'exportations des déchets toxiques vers Afrique en 1980, plusieurs pays africains ont signé des accords imposant de sévères restrictions en matière d'importations des déchets toxiques dont le plus important est la convention de Bamako précitée. Mais ces mesures si elles sont sévères et précises (en ce qui concerne leur énumération) ne sont pas sérieusement appliquées faute d'organes de contrôle compétents au niveau des frontières. Le retard technologique que connaît l'Afrique vis-à-vis des occidentaux facilite le transfert vers l'Afrique de certains produits déclarés toxiques selon les normes occidentales, mais sur lesquels les législations africaines restent muettes. Bon nombre d'exportateurs profitent de ce handicap pour faire passer des produits dangereux pour des matières premières.

(2o)Candide STEVENS, politiques d'environnement: une incidence sur la compétivité?, observateur OCDE, n°183, août-sept 1993, page 22.

Du fait de son ignorance, le continent noir devient donc un dépotoir de déchets toxiques. Le dossier consacré par le Courrier international sur la qualité des produits pharmaceutiques consommés en Afrique témoigne à l'évidence les risques encourus par ce continent(*). En effet, il a révélé que près de la moitié de ces produits sont soit des contrefaçons, soit des produits périmés dans des emballages actualisés. Il s'agit des produits venant des officines d'Afrique et d'ailleurs. Cette pratique est aussi courante en matière d'intrants et autres produits agricoles dont les impacts négatifs sur la conservation des sols sont prouvés dans les pays développés. C'est le problème d'harmonisation des normes qui est ainsi posé. Ce qui est interdit en occident pour sa nocivité ne l'est pas forcement en Afrique et le devient très souvent que tardivement. Le cas du DDT, insecticide très persistant qui a été banni dans plusieurs pays occidentaux est typique. En effet, depuis cette interdiction, plusieurs pays du tiers monde ont augmenté l'usage de DDT menaçant la santé de leurs citoyens et exportant en retour leurs denrées alimentaires vers les pays occidentaux(21).

Il faut aussi dire que malgré certaines mesures prises contre l'importation des déchets toxiques, plusieurs ressortissants africains s'emploient à contourner ces mesures pour des raisons financières, justifiant ainsi la thèse selon laquelle quand les pauvres doivent choisir entre une atmosphère plus propre et une pauvreté moins grande, la plupart d'entre eux préfèrent à juste titre tolérer des niveaux de pollution supérieur à ceux des pays riches en échange d'une croissance rapide. Selon une annonce de Mostapha TOLBA, directeur du programme du PNUD, datée du 6 Octobre 1994, il y aurait un transfert de déchets toxique de la Suisse vers l'Afrique n'eussent été la vigilance et la capacité de coopérer du gouvernement Suisse. En effet, un accord a été signé

(*) E KOCH, M SIMM, M WECH (Focus Munich), La mafia des faux médicaments, Courrier international, n° 204, du 29 au 5 Septembre 1994, page 36.

(21)CMED,ibdem, page XVI

entre des entreprises européennes et un ressortissant Somalien en vue de déposer 500 000 tonnes des déchets toxiques en Somalie.

Ce scandale qui n'a pu heureusement voir le jour prouve à suffisance que malgré les mesures prises au niveau régional et mondial, l'Afrique n'est pas à l'abri de ces transferts de déchets toxiques. D'ailleurs plusieurs gouvernements n'ont pas encore signé et ratifié la convention de Bâle et celle de Bamako qui interdisent l'exportation et l'importation des déchets toxiques. Dans l'annonce dont nous venons de faire allusion, M. Mostapha TOLBA n'exhortait-il pas les gouvernements à le faire? Mais paradoxalement, au moment où on mijote ces transferts ceux concernant les nouvelles technologies non-polluantes restent inaccessibles à l'Afrique.

B- L'INACCESSIBILITE DE L'AFRIQUE AUX TECHNOLOGIES NON POLLUANTES

Il est très courant de rencontrer dans les propos de bon nombre d'analystes que l'Afrique n'est pas obligée d'emprunter le chemin parcouru par l'industrialisation occidentale (responsable du déséquilibre des écosystèmes planétaires) pour accéder au développement. Elle peut le faire par le biais des nouvelles technologies dites "propres". Il s'agit de diagnostics végétaux, d'insecticides microbiens, de techniques de culture tissulaire, de micro propagation et de cartographie génétique et aussi des plantes transgéniques résistantes à certaines herbicides, virus et insectes.

La plus grande partie de ces technologies demeure l'apanage des pays de L'OCDE, mais c'est dans les pays en développement où l'accroissement démographique nécessite une augmentation du volume et de la qualité de la

production agricole que les besoins d'innovation technologique sont les plus criants.

Or, le problème de l'acquisition de ces technologies par l'Afrique n'est pas si facile qu'on entend le faire croire. Plusieurs facteurs dans le domaine des biotechnologies font qu'actuellement leur accessibilité par le continent noir soit très difficile. On peut ainsi citer le permanent problème du manque de capitaux lui-même lié à celui des brevets, le niveau très peu élevé de la culture technologique des Africains, puis le fait que dans la majorité des cas, ces nouvelles technologies ne s'attaquent qu'aux problèmes spécifiquement occidentaux.

En effet, le renforcement du rôle du secteur privé dans la recherche agronomique fondamentale adaptée ou inadaptée des pays en développement, tout autant que les possibilités d'importer de nouvelles technologies (ou composants biotechnologiques) sont de plus en plus liés aux droits de propriétés intellectuelles. Pour ce qui est des plantes, ces droits sont protégés par les brevets ou par une forme de droit d'obtention végétale qui garantit le versement de redevance d'exportation à l'innovation dont les Africains ne peuvent entreprendre actuellement du fait de la crise et de leur coût élevé. Et pourtant ces nouvelles technologies sont des instruments d'accès à un développement durable, car elles apportent à la fois l'espoir de pouvoir augmenter aussi bien la qualité que la quantité de production agricole et la possibilité de réduire le long délai de plusieurs années indispensables à la mise au point de nouvelles variétés. Plus encore, la biotechnologie permet d'analyser et de maîtriser le potentiel génétique propre aux espèces locales.

par les brevets risquera d'avoir des graves conséquences en matière d'autosuffisance alimentaire, de protection de l'environnement ou de compétitivité sur le marché mondial désormais libéralisé.

Il y a aussi que ces technologies sont très souvent inadaptées à l'environnement et aux besoins africains. Cependant, tout laisse à croire que dans les cas où elles peuvent le devenir, on verra apparaître un autre obstacle. Par le passé et pour des raisons multiples dont certaines sont liées à la disponibilité facile de ressources externes, les pays en développements dans leur majorité, n'ont pas acquis le contrôle de la technologie de conception, de réalisation et d'utilisation de leurs outils de production(22). Ainsi, pour l'avenir, nous pensons que l'effort de diffusion technologique sera voué à l'échec si aucun changement n'est apporté sur la question du pallier culturel du moment. L'Afrique doit donc faire sienne la leçon tirée des travaux de LevoiGAURHAN qui dit que: «l'histoire des techniques montre qu'un groupe social ne peut assimiler une nouvelle technique donnée que s'il est déjà parvenu à maîtriser les techniques antérieures de la même "lignée" que les nouvelles techniques présupposées.»(23) La diffusion technologique suppose ainsi l'équivalent au niveau social d'une mutation de savoir-faire au cours de laquelle la communauté s'approprie la technique et la modifie en la stimulant.

On peut dès lors s'interroger sur l'avenir de l'Afrique face à ces obstacles que nous venons d'énumérer. Nous pensons que la solidarité en matière de protection de l'environnement mondial tant prônée doit s'exprimer ici, ne serait-ce que par le relèvement de l'aide au développement et par l'assistance technique au moyen d'institutions bilatérales et multinationales, et notamment des centres internationaux de recherche agricole dont le rôle serait de

(22)Abdellatif BENACHEUHOU, Défis, savoir, décisions, Revue tiers-monde, Avril-Juin 1994 n°130 page 378

(23)Cité par Abdellatif BENACHEUHOU, ibdem, page 378.

divulguer les informations scientifiques. Cependant, si l'acte final de l'Uruguay round peut servir de cadre idéal de ces échanges d'informations, il n'en demeure pas moins que dans bon nombre de ses clauses il favorise la dégradation de l'environnement.

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"Enrichissons-nous de nos différences mutuelles "   Paul Valery