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Appréciation souveraine du juge dans la détermination de la proportionnalité entre l'attaque et la riposte: cas d'une victime-agresseur originel

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par Elysee AWAZI BIN SHABANI
Université de Goma - Licence 2010
  

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I.b. Caractères juridiques de la vengeance privée.

Si rudimentaire et si brutale qu'elle soit, la vengeance privée constitue une garantie sommaire du maintien de l'ordre social dans les relations entre clans. Parce que l'on sait que le meurtre sera vengé, on s'abstient de le commettre. La crainte de la vengeance et de ses conséquences pour le clan garantit un certain respect de l'étranger que n'imposent ni la religion, ni la morale, ni le droit.

Dans la mise en oeuvre de la vengeance privée se manifeste une étroite solidarité active et passive du groupe. Tout le clan de la victime est prêt à assister le vengeur, tout le clan de l'agresseur doit s'apprêter à subir la vengeance qui cherchera à atteindre non seulement le coupable mais ses proches, son chef, les membres les plus importants du groupe. La responsabilité pénale, aux origines, a été collective43(*).

Non seulement on ne tient aucun compte de la responsabilité individuelle, mais on ne se fonde que sur le dommage subi, sans se préoccuper d'une culpabilité établie. Peu importe par exemple que l'homicide ait été volontaire, involontaire ou même casuel. Bien mieux, la mort la plus naturelle peut être attribuée à un maléfice du clan voisin.

La vengeance privée sera tenace et inexpiable pour les atteintes à l'intégrité corporelle ; mais son domaine primitif embrasse tous les actes dommageables, le vol de troupeaux par exemple, a fortiori, l'attentat aux moeurs ou le sacrilège.

§2. La période de la justice privée.

2.1. Notion de justice privée

On peut parler de justice, dès que l'on sort de l'arbitraire et de l'exercice illimité de la force brutale. Ihering disait que la guerre privée « ne connaît d'autres limites que le degré de surexcitation purement accidentel ou arbitraire de l'individu lésé » ; dans la justice privée au contraire, il y a des limites, il y a des règles, il y a un embryon d'organisme juridictionnel. Mais cette justice reste privée en ce sens que la partie privée (victime et sa famille) reste l'instigatrice de la répression, souvent l'exécutrice de celle-ci, et toujours le bénéficiaire principal de son accomplissement. Les pouvoirs publics jouent bien un certain rôle mais celui-ci n'est qu'accessoire. Cette place très modeste sera ensuite progressivement élargie. Mais pour l'instant l'Etat borne ses efforts à imposer des règles de procédure plutôt que des règles de fond. Il met en place les rouages essentiels de la répression mais laisse à la victime le soin de les faire fonctionner ; il ne heurte pas de front le droit de vengeance privée mais il ne le reconnaît officiellement que dans le but de lui apporter des limites progressivement.

2.2. La guerre et la justice privées

A. Le passage de la guerre privée à la justice privée

Causes de l'évolution : - La période de la justice privée s'est déroulée, pour la plupart des civilisations que nous connaissons, à l'époque historique ; aussi la documentation est-elle plus importante.

1° Les sociologues pensent qu'un peu partout c'est le caractère épuisant des luttes interminables qui a entraîné la lassitude des familles, et les a incitées à renoncer au droit de vengeance contre un dédommagement sous une autre forme.

2° Mais la guerre privée est surtout incompatible avec une organisation politique qui réunit sous une autorité commune les tribus rivales. La formation de la cité devait évidemment inciter les dirigeants de celle-ci à réduire des luttes intestines qui affaiblissaient le nouvel organisme. Au surplus, les clans perdent à ce moment un peur de leur cohésion car l'élargissement du groupe social se fait dans un ordre relatif, la protection naturelle des proches devient alors moins nécessaire, la communauté de vie s'atténue, les familles échappent un peu à l'autorité du chef de clan pour relever directement de celle de la cité. L'autorité du chef de famille elle-même s'estompe, le cercle de son autorité se rétrécit ; le pouvoir central va commencer à contrôler l'exercice de ses pouvoirs juridiques. La cité affermit facilement son autorité quand s'établit un lien territorial et que l'installation stable succède à la vie nomade.

3° L'importance du facteur religieux est indéniable. Son intervention est cependant antérieure à cette époque (il explique en particulier les pouvoirs justiciers du chef de clan), mais souvent la religion a été le lien qui a permis le groupement des clans en une cité. Et si la religion a servi de lien entre les clans et forme la base de leur union, il est naturel que la cité, pour se faire obéir et faire régner l'ordre, s'abrite derrière les institutions religieuses, les préceptes religieux, et donne au besoin à son intervention des prétextes religieux. Bras séculier de la divinité, le pouvoir central doit réagir contre les criminels dont la souillure déshonore la cité et attire sur elle la colère divine (dans la Rome primitive, la sacratio capitis sera la sanction suprême infligée au criminel.

C'est même cet appel à la religion qui va permettre à la cité de s'immiscer dans la justice familiale : la souillure est d'autant plus grande que le crime a été commis contre un proche parent. L'unité de juridiction pourra ainsi progressivement s'établir.

Ainsi, par l'action combinée de ces diverses causes, une autorité supérieure s'esquisse puis s'affirme, elle va limiter l'aveugle guerre privée et faire réaliser de sérieux progrès à l'organisation de la répression.

B. Les progrès de l'organisation répressive

Les limitations diverses apportées à la vengeance. La vengeance privée conserve un très large domaine, mais elle n'est plus sans contrôle et sans mesure, elle est « dirigée », canalisée et limitée.

1° Le point capital qui caractérise cette période, c'est le contrôle exercé par le pouvoir central sur le déroulement de la répression laissée aux moins de la partie privée.

La vengeance n'est permise que si les autorités sont prévenues et si la victime elle-même n'a pas été l'objet d'une juste vengeance ; rompre la chaîne des vendettas est le premier objectif de la cité, mais il ne sera atteint que lentement. Ensuite l'Etat s'efforcera de vérifier les droits du vengeur et de contrôler la façon dont il les exerce.

2° Certaines restrictions sont d'ores et déjà apportées au principe même de la vengeance privée dont la légitimité reste cependant encore admise.

L'Etat s'efforce de limiter les sujets actifs et passifs du droit de vengeance. Il ne reconnaît le droit d'agir qu'à certains proches, et prohibe progressivement la vengeance exercée sur d'autres que le coupable, notamment lorsque son groupe s'est désolidarisé d'avec lui en l'expulsant ou, mieux encore, en le livrant.

Un certain subjectivisme commence à s'introduire, qui permettra de soumettre les infractions involontaires à un régime moins rigoureux que la vengeance privée. Il est certain que, si le préjudice de la famille de la victime est aussi grand et son ressentiment presque aussi vif quand le meurtre a été involontaire, la souillure est cependant moins grave. Le pouvoir central d'ingénie à trouver des procédés qui paralysent pratiquement la vengeance du sang en pareil cas.

L'un des procédés consiste à imposer l'acceptation d'une composition. D'une façon générale les pouvoirs publics encouragent de leur mieux le recours à la composition volontaire, mais ils ne peuvent l'imposer aux lieu et place de la vengeance, qu'en commençant par certaines infractions mineures, en ménageant les convenances et les susceptibilités familiales.

3° Des limitations sont surtout apportées au degré de vengeance légalement autorisé. C'est à ce but que tendent diverses institutions propres à la période de la justice privée ; l'abandon noxal, le talion, la composition tarifiée. Peu à peu s'est imposée l'idée qu'une certaine proportion est nécessaire entre la vengeance et le mal subi, surtout s'il n'y a pas eu mort d'homme.

4° Enfin des limitations sont apportées aux modalités d'exécution de la vengeance, soit dans l'espace (lieux d'asiles), soit dans le temps (trêves). Ces limitations sont souvent liées au respect de valeurs religieuses, mais parfois aussi imposées au nom du respect dû à l'autorité laïque.

C. Les institutions caractéristiques de la justice privée.

Lorsque l'on rencontre dans une législation répressive l'une des institutions ci-dessous, c'est que le stade de la guerre privée est déjà dépassé, car toutes supposent l'intervention d'une autorité centrale plus ou moins affirmée. Mais inversement il est fréquent que ces institutions persistent pendant fort longtemps et se rencontrent encore, à titre de vestige des temps antérieurs, même dans des pays déjà parvenus au stade de la justice publique.

1° Les cojureurs. Au lieu d'accompagner leur parent à la guerre privée, les membres de la famille l'accompagnent au tribunal et le soutiennent de leur serment.

2° Le combat judiciaire. Il s'agit ici non pas du jugement de Dieu usité au moyen âge pour apporter la preuve d'un fait contesté, mais de la limitation de la vengeance entre familles à un simple combat singulier. Le combat des Horaces et des Curiaces en fournit un bon exemple.

3° L'abandon noxal permet de soustraire la famille de l'offenseur à la solidarité passive de la vengeance. Il est décidé à l'origine par la famille entière, puis plus tard par son chef. Le coupable ainsi livré ne risque pas forcément la mort, un temps d'esclavage peut suffire à la famille offensée si elle y trouve avantage. L'institution est bien connue en droit romain, on la trouve également en Grèce, dans la Bible, dans les lois franques, dans les coutumes scandinaves et saxonnes, etc...

4° Le talion est également connu de la plupart des législations répressives primitives. L'expression qui s'en trouve dans la loi mosaïque (Exode XXI) est célèbre, mais le Coran l'adopte également (XI, 173) ; la Grèce antique l'avait appliqué, ainsi que les Perses ; certains exemples s'entrouvent en droit romain primitif (membrum ruptum) et dans les lois barbares germaniques. L'apparition du talion marque en effet un progrès sensible sur l'époque antérieure, à divers point de vue : le degré de vengeance se trouve limité ; la répression se trouve individualisée ; en limitant le talion au cas d'infraction volontaire on introduit un élément subjectif utile ; enfin en se montrant draconien sur les limites du talion, le pouvoir central amène indirectement la partie lésée à se contenter d'une composition pécuniaire.

5° Les compositions volontaires. Par l'acceptation d'une indemnité la partie lésée compose avec l'agresseur et renonce à l'exercice de son droit de vengeance. Cette institution se rencontre également à peu près partout, mais se développe plus ou moins selon le caractère de la population et l'état des moeurs. De toute façon la rançon est énorme et équivaut à une confiscation générale que le coupable ne pourrait verser sans l'aide de sa famille dont la solidarité passive persiste sur le plan pécuniaire.

A la période de la justice privée la composition ne peut être que volontaire, quant à son principe et quant à son taux. Quelle que soit la somme offerte, la partie lésée a le droit de refuser de composer si son droit à la vengeance est reconnu par le pouvoir central.

* 43 G. STEFANI et G. LEVASSEUR, Droit pénal général et procédure pénale, Tom I, 2è éd., Paris, Dalloz, 1966, p. 55.

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