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L'application par les juridictions répressives internationales de l'article 3 commun aux conventions de Genève et du protocole additionnel II auxdites conventions: cas du tribunal pénal international pour le Rwanda

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par Jean Baptiste UWIHOREYE MUKARAGE
Universite Nationale du Rwanda - Licence en Droit 2006
  

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§4. Un lien de connexité entre la violation et le conflit armé

L'établissement d'un lien de connexité entre l'infraction et le conflit est un élément essentiel de la mise en oeuvre de la compétence des tribunaux internationaux en matière des violations de l'article 3 commun et du Protocole additionnel II. Ce lien permet de distinguer ces violations des crimes de droit commun189(*).

Il convient de noter que si le TPIR a rendu jusque-là beaucoup de jugements en rapport avec les violations de l'article 3 commun et du Protocole additionnel II, il n'a pas retenu aucune définition du lien de connexité. Pour trouver cette définition, on a attendu jusqu'au 26 mai 2003, date à laquelle la Chambre d'appel du TPIR a rendu son arrêt dans l'affaire Rutaganda190(*). Par contre, le TPIY avait déjà fourni une définition in abstracto du lien de connexité. Dans l'affaire Tadic191(*), le TPIY a d'abord souligné que le crime et le conflit devaient être étroitement liés puis dans l'affaire Kunarac, il a décrit ce lien dans les termes suivants :

[...] les crimes de guerre se distinguent des infractions de pur droit interne en ce qu'ils sont déterminés par le contexte dans lequel ils sont commis - le conflit armé -, ou en dépendent. Le crime de guerre n'est pas nécessairement un acte planifié ou le fruit d'une politique quelconque. Un lien de cause à effet n'est pas exigé entre le conflit armé et la perpétration du crime mais il faut, à tout le moins, que l'existence du conflit armé ait considérablement pesé sur la capacité de l'auteur du crime à le commettre, sa décision de le commettre, la manière dont il l'a commis ou le but dans lequel il l'a commis. Partant, s'il peut être établi, comme en l'espèce, que l'auteur du crime a agi dans l'optique de servir un conflit armé ou sous le couvert de celui-ci, cela suffit pour conclure que ses actes étaient étroitement liés audit conflit 192(*).

Pour être clair sur ce point, le TPIY a, dans ce même arrêt, dressé une liste d'indices susceptibles de guider le juge lors de l'établissement de l'existence du lien de connexité. Selon la Chambre d'Appel du TPIY pour déterminer si un acte est suffisamment lié au conflit armé, la Chambre peut tenir compte, entre autres, des indices suivants : le fait que l'auteur du crime est un combattant ; le fait que la victime n'est pas un combattant ; le fait que la victime appartient au camp adverse ; le fait que l'acte pourrait être considéré comme servant l'objectif ultime d'une campagne militaire ; et le fait que la commission du crime participe des fonctions officielles de son auteur ou s'inscrit dans leur contexte193(*).

C'est après le prononcé de l'arrêt Rutaganda que les jurisprudences de deux Tribunaux pénaux internationaux se sont enfin réconciliées sur la définition épineuse du lien de connexité. Dans cette affaire, la Chambre d'appel du TPIR a repris la définition retenue par le TPIY et a apporté quelques précisions y relatives. Selon elle, l'expression « sous le couvert du conflit armé » ne signifie pas simplement « en même temps qu'un conflit armé » et/ou « en toutes circonstances créées en partie par le conflit armé ». A titre d'exemple, si un non-combattant profite du relâchement de l'efficacité policière dans une situation de troubles engendrés par un conflit armé afin de tuer un voisin qu'il haïssait depuis des années, cela ne constitue pas, en tant que tel, un crime de guerre aux termes de l'article 4 du Statut194(*).

D'autres précisions que la Chambre d'appel a apportées concernent l'utilisation de la liste d'indices de l'existence du lien de connexité établie par le TPIY. Pour la Chambre d'appel du TPIR, la détermination de l'existence d'un lien étroit entre des infractions données et un conflit armé nécessitera, en règle générale, la prise en considération de plusieurs facteurs et non pas d'un seul des facteurs énumérés. Une prudence toute particulière est de mise lorsque la personne accusée est un non-combattant195(*).

Sur la base de cette définition du lien de connexité, la Chambre d'appel du TPIR a annulé la définition restrictive retenue par la Chambre de première instance à laquelle elle reproche de n'avoir pas fait le dernier bon déductif lui permettant de conclure à l'établissement, au-delà de tout doute raisonnable, de l'existence du lien de connexité entre le conflit armé et les actes imputés à Rutaganda au titre du chef 4 de l'Acte d'accusation196(*). Ce « dernier bon déductif » ayant fait défaut dans les affaires précédentes, le TPIR a toujours déclaré les accusés non coupables des violations de l'article 3 commun et du Protocole additionnel II même dans les cas où les preuves apportées par l'accusation auraient poussé les juges à conclure à la culpabilité de l'auteur.

Cette attitude a engendré certains jugements fort contestables. A titre d'exemple, nous pouvons citer le cas de l'affaire Rutaganda. L'accusé était, à l'époque des faits allégués dans son acte d'accusation, le second vice-président de la jeunesse du MRND connues sous le nom d'Interahamwe za MRND. En vertu de l'article 4 (a) du Statut, Rutaganda était accusés des chefs 4, 6 et 8, à savoir pour les 3 chefs de meurtre en tant que violation de l'article 3 commun et du Protocole additionnel II. L'accusé, selon le Procureur, aurait participé aux massacres à l'Ecole Technique Officielle (ETO) de Kicikiro et à Nyanza (de Kicukiro).

Dans cette affaire, il a été prouvé que l'accusé a exercé une autorité et contrôle sur les Interahamwe, leur a distribué des armes lors des faits, les a aidé et encouragé à commettre des crimes. Il a été approuvé également que les Interahamwe ont joué un rôle aux cotés des FAR contre le FPR en soutenant l'effort de guerre contre le FPR et en tuant les Tutsis qui étaient considéré comme les complices du FPR197(*). De plus dans les attaques de l'ETO et à Nyanza, les Interahamwe étaient en compagnie de membres de la garde présidentielle et l'accusé était présent sur les lieux et a participé aux attaques198(*).

Néanmoins, la Chambre de première instance n'a pas retenu la responsabilité pénale individuelle de l'accusé pour les violations de l'article 3 commun et du Protocole additionnel II au motif qu'il n'a pas été démontré au-delà de tout doute raisonnable qu'il existait un lien de connexité entre les actes répréhensibles imputées à l'accusé et le conflit armé. Cette décision n'a pas donné satisfaction aux attentes du Procureur et ce dernier a interjeté appel en arguant que, sur la base des éléments de preuve présentés au procès, aucun Tribunal n'aurait pu conclure, comme l'a fait la Chambre de première instance, qu'il n'avait pas établi au-delà de tout doute raisonnable que les infractions reprochées à Rutaganda étaient étroitement liées au conflit armé ou avaient été perpétrées dans le contexte du conflit armé.

Toutefois, il convient de constater que le jugement de la Chambre de première instance dans cette affaire était entachée d'une erreur de fait entraînant un déni de justice. Le fait que les Tutsis étaient recherchés car ils étaient globalement considérés comme des opposants et soupçonnés de sympathie pour le FPR, l'autorité et la direction exercée par les soldats des FAR sur les Interahamwe lors des massacres de Nyanza et d'ETO témoignent de l'existence du lien de connexité requis entre ces massacres et le conflit armé rwandais.

Enfin, en définissant le lien de connexité entre les violations de l'article 3 commun aux Conventions de Genève et du Protocole additionnel II et le conflit armé dans l'arrêt Rutaganda, de même qu'en rejetant, dans l'arrêt Akayesu, l'idée selon laquelle un rapport particulier doit exister entre l'auteur et l'une des parties au conflit, le TPIR a fait un grand pas dans l'exercice de sa compétence en matière des violations de l'article 3 commun aux Conventions de Genève et du Protocole additionnel II. Les conditions dans lesquelles des actes délictueux peuvent être considérés comme des violations de l'article 3 commun aux Conventions de Genève et du Protocole additionnel II étant connues, nous allons évaluer l'attitude du TPIR face aux dites violations graves.

* 189 C. RENAUT, La place des crimes de guerre dans la jurisprudence des tribunaux pénaux internationaux, in AJPI, 2004, p. 30.

* 190 Le Procureur c. Rutaganda, arrêt, cité à la note 17, §. 570.

* 191 Le Procureur c. Tadic, arrêt, cité à la note 35, § 70

* 192 Le Procureur c. Kunarac, arrêt, cité à la note 158, §. 58.

* 193Id., §. 59.

* 194Le Procureur c. Rutaganda, arrêt, cité à la note 17, §. 570

* 195Ibid.

* 196Id., §. 577.

* 197 Le Procureur c. Rutaganda, jugement, cité à la note 16, §. 439-441.

* 198Id., §. 299-300.

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"Enrichissons-nous de nos différences mutuelles "   Paul Valery