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De la TICAD III à  la TICAD IV: enjeux et mutations de la politique africaine de coopération du Japon

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par Patrick Roger Mbida
Université de yaoundé II  - Master professionnel 2011
  

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b) De la colonisation à la guerre froide : entre neutralité et implication

Alors que la Chine affaiblie fut quasiment absente de la scène africaine entre le congrès de Berlin de 1885 et la division du monde en deux blocs après le second conflit mondial, le Japon réussit à y maintenir un certain nombre de liens. S'il eut un rôle politique assez effacé pendant toutes ces années, il fut assez actif dans le domaine économique. Pourtant, il eut des velléités pour se faire attribuer le mandat du Sud-Ouest africain allemand par la Société des Nations après la guerre de 1914-1918. Surtout soucieux de s'assurer une source de matières premières à bon compte et de trouver de nouveaux débouchés pour ses produits d'exportation, le Japon se fraya un chemin en Afrique, dans le sillage des colonisateurs. C'est ainsi qu'il profita des traités relatifs au bassin du Congo115(*).Mais c'est surtout avec l'Afrique du Sud que les relations bilatérales furent le plus fructueuses. Dès 1908, les Japonais faisaient escale au Cap, alors qu'ils étaient en route vers l'Amérique du Sud. D'ailleurs, avant que la colonie du Cap ne devienne l'Union sud-africaine, un consul honoraire, Julius Jeppe, y représentait le Japon. Dès 1930, les Japonais purent jouir d'un statut particulier, puisqu'ils furent désormais considérés comme des « Blancs d'honneur ». Ce statut dérogatoire à l'Union Immigration Act de 1913 leur permit également d'échapper aux discriminations imposées aux « Non-Blancs  », bien avant que le National Party ne légifère sur l'apartheid en 1948. Enfin, une légation nippone fut ouverte à Pretoria le 25 octobre 1937. Toutefois, la déclaration de guerre de l'Afrique du Sud à l'Empire du soleil levant, le 8 décembre 1941, mit un terme provisoire aux excellentes relations bilatérales entre le Japon et l'Union sud-africaine.116(*)

La période de l'après-guerre qui s'étendit jusqu'à la fin des années 1950 vit la marge de manoeuvre diplomatique du Japon être limitée, puisque l'archipel passa d'une quasi-administration directe par les États-Unis à une «  liberté surveillée  » jusqu'au début des années 1960. Ce n'est qu'à partir de la vague des indépendances des années 1960 que le Japon commença timidement à intervenir sur le continent pour monter progressivement en puissance.

L'analyse de cette période qui s'étend de la colonisation à la chute du communisme et à son corollaire la fin de l'Afrique du Sud blanche a conduit à envisager deux théories antagonistes : la thèse de la « politique des mains propres » versus celle de la « collusion avec les colonisateurs ». La première est bien évidemment soutenue par le MOFA, qui publiait dans son rapport annuel de 1961 sa vision des relations avec l'Afrique colonisée : « (...) L'Afrique n'était pour le Japon rien d'autre qu'un marché d'exportation pour des produits de consommation, essentiellement des produits textiles (...).117(*)» Cette version est battue en brèche par des chercheurs qui se situent plutôt dans la mouvance progressiste et anticolonialiste, comme Jun Morikawa118(*). Ainsi, le Japon se serait-il accommodé de la colonisation pour exploiter les richesses africaines et y développer de fructueux échanges commerciaux. La réalité se situe probablement entre ces deux thèses, le Japon se contentant tout simplement de l'ouverture de l'Afrique au monde pour essayer d'en tirer le meilleur parti. Les flux commerciaux entre le Japon et l'Afrique après guerre illustrent bien cette opinion. Entre 1945 et 1960, la progression fut vertigineuse, puisqu'elle passa de 21 à 217 millions de yens. Pendant cette période, l'Afrique de l'Ouest prit le pas sur l'Afrique de l'Est, ce qui s'explique essentiellement par l'importance des navires battant pavillon de complaisance libérien119(*).

Les liens développés entre le Japon et ses partenaires africains avant les indépendances furent certes modestes. Ils préfiguraient néanmoins ce que seraient les futures relations entre l'archipel et les nouveaux États. Au plan politique, les autorités nippones avaient tendance à considérer le continent noir comme l'arrière-cour des Européens ; et à ce titre, la diplomatie japonaise avait tendance à harmoniser ses positions avec celles des anciens tuteurs. Au plan économique, les entreprises japonaises, qui n'avaient aucune « dette morale » vis-à-vis de l'Afrique, se sentaient libres de commercer et d'investir où bon leur semblait120(*).

Du début des années 1960 jusqu'à l'effondrement du bloc communisme, qui rendit obsolète la défense de l'Afrique du Sud blanche par les Occidentaux, la diplomatie nippone se fit très discrète en Afrique. D'une part, parce qu'elle ne voulait pas gêner les Occidentaux, d'autre part, son « pré-carré » était traditionnellement l'Asie. En revanche, sur le plan économique, elle adopta le principe des «  pays phare », à l'inverse de la République populaire de Chine qui avait adopté celui des « pays frères». Cette politique duale conduisit le Japon à établir des relations privilégiées avec l'Afrique du Sud et la Rhodésie blanche. Plus longue et plus étroite, la collaboration avec la République sud-africaine évolua cependant en fonction de la condamnation de l'apartheid par la communauté internationale. Jusqu'au milieu des années 1970, des relations économiques, culturelles et sportives fructueuses se développèrent sans aucun complexe entre les deux pays. Même l'interdiction des investissements directs n'affecta pas les relations bilatérales. Si le MOFA était plutôt favorable à une application stricte des sanctions, le ministère de l'Économie, du Commerce et de l'Industrie (MITI), et le ministère des Finances (MOF) étaient d'un avis contraire. En tout état de cause, quelles que fussent les protestations des partisans d'une ligne dure à l'égard de l'Afrique du Sud, le Japon devint son premier partenaire commercial en 1987121(*).

En même temps qu'il entretenait des relations avantageuses avec l'Afrique du Sud blanche, le Japon cherchait à améliorer celles qui existaient avec les autres pays africains. Ce fut d'abord l'ère de l'apprentissage de l'Afrique, du début des années 1960 au premier choc pétrolier de 1973. Puis la « diplomatie des ressources » s'imposa et les missions commerciales nippones se multiplièrent sur le continent noir. Enfin, à Manille, la doctrine Fukuda révéla l'importance de l'APD en tant qu'instrument privilégié du rayonnement international du Japon122(*)

Le Japon sut mener, pendant toute cette période, une habile politique que l'on peut qualifier de funambulesque, mais qui porta ses fruits à la chute du mur de Berlin. Le Japon qui avait su adopter un profil bas était quasiment présent partout sur le continent, qu'il s'agisse de l'ancienne Afrique « blanche » ou de l'Afrique à majorité noire.123(*)

* 115 Article III du traité de Berlin de 1885 et de la convention de Saint-Germain-en-Laye de 1919, qui furent ratifiés au Japon.

* 116M. Aicardi de Saint Paul (2010), op.cit, p.188

* 117 Jun Morikawa , « The myth and reality of Japan's relations with colonial Africa », Journal of African Studies, publié par l'African Studies Center, UCLA, Los Angeles, printemps 1985.

* 118 M. Aicardi de Saint-Paul, «  La Chine et l'Afrique entre engagement et désintérêt  », Géopolitique africaine, n° 14, avril 2004, pp. 51-65.

* 119 M. Aicardi de Saint Paul (2010), op.cit, pp : 188-189

* 120 Idem, p.189

* 121 Ibid, p.190

* 122 Ibid.

* 123 Ibid

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"Là où il n'y a pas d'espoir, nous devons l'inventer"   Albert Camus