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Représentation et migration dans The Pickup de Nadine Gordimer

( Télécharger le fichier original )
par Ives SANGOUING LOUKSON
Université de Yaoundé I - Maitrise 2008
  

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CONCLUSION GÉNÉRALE

Bon nombres de critiques littéraires s'accordent sur le fait que la critique littéraire vise à déterminer comment les écrivains appréhendent les forces existentielles à travers leur objet d'art. À propos de la critique africaine, Romuald Fonkoua pense à cet effet que :

Si elle doit éclairer la compréhension d'une oeuvre, la critique littéraire ne saurait se confondre à l'opinion de son auteur. Elle pourrait au mieux refléter les vues de l'auteur saisies par le critique131(*)

Dans une perspective plus vaste, Nadine Gordimer pense pour sa part que :

Toutes les études littéraires tendent vers un même but : dégager une logique (et qu'est-ce qu'une logique sinon le principe caché dans l'énigme) ; rendre définitive par une méthode appropriée l'appréhension par l'écrivain des forces existentielles132(*)

C'est dire que la critique littéraire peut être considérée comme un exercice qui assure à celui ou celle qui la pratique, sa métamorphose en une espèce d'écrivain. Gordimer poursuit dans cet ordre d'idée :

Décomposer un texte est d'une certaine façon une contradiction, car c'est en fait le recomposer à partir de ses morceaux, comme l'avoue Roland Barthes... Ainsi le critique littéraire finit-il par devenir lui aussi une espèce de conteur133(*)

La critique littéraire consiste donc à interroger la forme du texte littéraire question de cerner les préoccupations existentielles qui y circulent. Peut-être n'ai-je pas atteint cet objectif dans cet exercice d'initiation à la recherche. Peut-être, par contre faut-il rappeler d'abord l'hypothèse qui a sous-tendue le présent travail et comment je l'ai organisé avant toute évaluation.

Je me suis proposé dans cet exercice de vérifier que dans The Pickup, Nadine Gordimer se sert de la migration pour proposer une nouvelle manière de se représenter le subalterne.

Compte tenu de sa spécificité, j'ai opté pour la théorie postcoloniale dans le but de mener à bien ma démonstration. Elle intègre en même temps l'analyse des structures esthétiques du roman que l'analyse de son fond.

J'ai ainsi commencé par analyser la forme de The Pickup question de mettre en exergue les préoccupations existentielles abordées dans ce roman. Pour emprunter cette expression à Mikhail Bakhtine, il s'est agit de montrer comment :

La forme, entière réalisée dans un certain matériau, devient (...) néanmoins la forme du contenu, se relate axiologiquement à lui, ou, en d'autres termes, comment la forme compositionnelle, c'est-à-dire l'organisation du matériau réalise (...) l'unification et l'organisation des valeurs cognitives et éthiques134(*)

De l'analyse de la structure de The Pickup, il s'est dégagé que la migration et la représentation constituaient des préoccupations cardinales dans ce roman. En outre il s'est révélé que la migration n'y avait pas qu'une seule perspective par rapport à la représentation. J'ai alors pensé important d'examiner les rapports entre la représentation et la migration.

En s'appuyant sur les mécanismes de la représentation, catalyseur de l'impérialisme, le deuxième chapitre avait à coeur de mettre en évidence la subalternéité de Musa. Il a aussi été question de démontrer que ses migrations répétées vers l'Occident sont une conséquence de la représentation que lui a imposé l'Occident. Il s'en dégage que Gordimer présente ces migrations de cette manière sinon pour indiquer la profondeur des conséquences de l'impérialisme, du moins pour suggérer les défis qui s'imposent à toute personne ou à tout groupe mus par le désir de combattre l'impérialisme.

Le dernier chapitre quant à lui visait à déterminer en quoi la migration de Julie n'a pas la même signification que celles de Musa. Ce chapitre est d'un apport considérable pour la vérification de mon hypothèse de départ. Il s'affirme par ailleurs comme une galerie des comportements pratiques qui ne demandent qu'à être imités par le commun des mortels pour qu'effectivement l'humanité avance d'un cran135(*) comme aurait dit Fanon. Nul doute que si les hommes adoptaient les comportements de Julie, la cohabitation entre eux serait plus pacifique et plus bénéfique. Si les comportements de Julie venaient à être adoptés par les hommes, il n'existerait plus jamais entre eux des subalternes d'une part, des maîtres d'autre part.

Cela dit, avons-nous réalisé ici un exercice de critique littéraire ? Il ne nous appartient sans doute pas de répondre à cette question dans ce type d'exercice. Ce d'autant que nous risquons de faire de la prestidigitation en s'y essayant. Nous nous bornerons plutôt à souligner l'intérêt de la présente étude.

En peignant la bourgeoisie sud-africaine comme une caricature de l'Occident impérialiste, tel que nous l'avons relevé au cours de cette étude, Gordimer a le mérite de renvoyer à son peuple une image de lui-même à partir de laquelle, il peut constater que le démantèlement de l'apartheid de 1994 n'a pas profondément transformé l'Afrique du Sud. Bien au contraire, il a peut être rendu plus subtile l'exercice de l'impérialisme dans la « nation arc-en-ciel ». Autrement dit, d'après Gordimer, le peuple sud-africain n'a presque pas évolué vis-à-vis du racisme. C'est un fait incontestable que The Pickup a le mérite de relever. Voilà qui remet à l'ordre du jour le problème de l'équation Vérité = Réconliation que Jean-Blaise Samou a déjà posé dans son étude intitulée La problématique de la vérité chez Jilian Slovo : Approche post-coloniale de Red Dust.

C'est dire qu'une étude sur les oeuvres post-apartheid des auteures Nadine Gordimer et Jilian Slovo permettrait de systématiser l'homologie de la vision du monde chez ces sud-africaines. Toutes deux semblent convaincues de l'échec de plus en plus avoué du peuple sud-africain vis-à-vis de l'idéal de fraternité raciale et culturelle qui a pourtant galvanisé des années durant le combat contre l'Apartheid.

Par ailleurs, la présente étude a le mérite de proposer une méthode efficace pour lutter contre la migration (immigration, émigration) clandestine ; cette espèce de virus qui semble avoir choisi l'Afrique comme cellule à fragiliser et à désintégrer. La méthode en question consiste à faire front aux méfaits de la représentation sous toutes leurs formes. Cette méthode interpelle ainsi tant le centre que la périphérie qui tous deux ont une responsabilité indéniable devant ce fléau de notre ère.

Dans le même ordre d'idée, en relevant les fondements de la migration clandestine, cette étude appréhende ce phénomène comme véritable baromètre pour l'évaluation de la complexification de notre condition post-coloniale. C'est en effet un contexte où l'impérialisme étend ses tentacules dans tous les espaces de la vie quotidienne et bouscule de s'y établir définitivement sans que plus personne ne s'en rende compte.

En portant un doigt accusateur sur l'institution universitaire ou scolaire en postcolonie, la présente étude a le mérite de montrer que si nous ne veillons pas à ce que nos intérêts y prédominent, celle-ci peut produire des effets pires que ceux des camps de concentration de l'époque Nazie. Dans cette perspective, l'institution scolaire devient une espèce d'artillerie lourde pour assujettir. Antonio Gramsci parle de domination by consent136(*) . Cette étude a donc le mérite de souligner l'urgence en périphérie d'adapter l'institution scolaire aux intérêts de celle-ci. C'est à cette condition que l'école cessera d'être responsable de l'obsession de l'émigration clandestine chez le jeune qui en sort tel que nous l'avons vu avec Musa.

Parce qu'elle suggère que la lutte contre l'émigration clandestine serait efficace si elle commence par l'adoption de comportements nouveaux autant par le centre que par la périphérie, la présente étude peut aussi servir de support théorique à des projets ou à des organismes de lutte contre les migrations clandestines dans le monde.

Enfin, en idéalisant la migration identitaire, ou l'ouverture à d'autres cultures, Gordimer oeuvre avec The Pickup à la pacification des relations interculturelles. Les nations, les religions, les tribus ou les États peuvent s'en inspirer pour comprendre que la pluralité des sources et des expressions fait éclater les frontières  comme aurait dit Abdourahman Waberi137(*). Autrement dit, notre ère nous impose des comportements plus humains qui tiennent compte de l'autre non plus comme un esclave, encore moins comme un maître, mais comme une altérité de laquelle on peut apprendre mais aussi à qui on peut apprendre. Les enjeux de paix et d'humanisme liés à cette démarche ne sont plus à démontrer.

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

I- CORPUS:

Gordimer, Nadine, The Pickup, New York, Farrar, Straus and Giroux, 2001.

* 131 Romuald Fonkoua, « Naissance d'une critique littéraire en Afrique noire » art. Paru dans Notre Librairie N° 160, la critique littéraire, Paris, 2006, P. 11.

* 132 Nadine, Gordimer, Vivre dans l'espoir et dans l'histoire. Notes sur notre siècle, Paris, Plon, 2000, P. 158.

* 133 Nadine Gordimer, ibidem.

* 134 Mikhail Bakhtine, op. cit., P. 69.

* 135 Frantz Fanon, Les damnés de la terre, op. cit., p. 375-376

* 136 Antonio Gramsci, cité par Bill Ashcroft et al, The postcolonial studies reader, op. cit. p. 425.

* 137 Abdourahman Waberi, « Écrivains d'Afrique du sud : penser l'Apartheid dix ans après... » article paru dans Notre librairie N°157, Littérature et Développement, Paris, 2005, P. 123.

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"Il ne faut pas de tout pour faire un monde. Il faut du bonheur et rien d'autre"   Paul Eluard