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Représentation et migration dans The Pickup de Nadine Gordimer

( Télécharger le fichier original )
par Ives SANGOUING LOUKSON
Université de Yaoundé I - Maitrise 2008
  

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III.1.2- L'exploitation du subalterne

La bourgeoisie se considère comme un groupe exceptionnel ou extraordinaire dans le monde. Cela légitime à ses yeux l'exploitation de l'autre qui n'est pas bourgeois. Ce repli identitaire propre à la bourgeoisie sud-africaine a pour conséquence de légitimer ou de nourrir le racisme. Albert Memmi définit le racisme comme :

La valorisation généralisée et définitive, de différences, réelles ou imaginaires, au profit de l'accusateur et au détriment de sa victime, afin de légitimer une agression (...) le racisme est l'utilisation profitable d'une différence99(*)

Dans The Pickup, le subalterne est utilisé et exploité respectivement par le père de Julie et le propriétaire du garage où Musa vit et travaille en Afrique du sud. Le père de Julie approuve indirectement l'exploitation de Musa en se représentant son propre groupe social comme un groupe parfait et pur qui n'a rien à partager avec le subalterne. Cette idéalisation de la bourgeoisie sud-africaine a pour conséquence le confinement du pays d'origine de Musa dans une espèce d'enfer hostile à la vie humaine : one of the worst, poorest and most backward of third world countries (P. 98) dit-il sur ce sujet. D'après Summers, le pays de Musa est un pays hors de l'histoire comme dit Hegel. C'est un pays infernal semblable à celui dans lequel Marlow mène son lecteur dans  Le coeur des ténèbres de Joseph Conrad100(*).

C'est au propriétaire du garage où Musa vit et travaille en Afrique du sud qu'il revient de mettre en pratique l'exploitation du subalterne. En effet, ce propriétaire de garage saisit l'opportunité de la présence de Musa en Afrique du sud pour réaliser ses rêves de puissance économique. I give him (Musa) a job  (P. 32) apprend-il à Julie qui l'accoste dans le garage où travaille Musa. Non seulement il lui a donné du travail en Afrique du sud, mais il lui a aussi donné  a shed, a corner in the street to sleep in (P. 63.)

Contrairement à ce qu'affirme ce propriétaire de garage, il n'aide pas vraiment Musa par charité. Il le maintient dans la subalternéité. Ce propriétaire profite simplement de la clandestinité de Musa afin de réaliser des bénéfices énormes puisque Musa travaille "au noir" :

The garage employs him illegally - "black", yes that's the word they use. It's cheap for the owner; he doesn't pay accident insurance, pension, medical aid. (P. 17)

Le propriétaire du garage fait ici de Musa un objet qui lui permet d'engranger les bénéfices. Il pratique sur Musa ce que Gaston Kelman appelle le racisme angélique. C'est-à-dire :

Un racisme fait de paternalisme, d'apitoiement sur le sort de ces pauvres gens (...) mais de même que le chemin de l'enfer est pavé de bonnes intentions, sous le prétexte de racheter la vilenie passée, l'on enfonce encore le Noir par une complaisance coupable et infantilisante de dame patronnesse101(*)

Julie rejette tous ces us et coutumes de la bourgeoisie sud-africaine, leur préférant l'ouverture véritable au subalterne. Ainsi, elle se lie d'amitié avec Musa, l'épouse jusqu'à migrer dans le pays de ce dernier. Mais dans le pays de Musa, Julie s'insurge aussi contre Musa comme pour lui faire comprendre qu'il n'a pas raison de jouer au subalterne.

Il est difficile de ne pas voir dans les caractéristiques de la bourgeoisie sud-africaine dans The Pickup une espèce de caricature de la société occidentale impérialiste. La fermeture de cette bourgeoisie au reste du monde a pour conséquence de faire d'elle une société close qui se sclérose dans les formes déterminées interdisant toute évolution, toute marche, tout progrès, toute découverte102(*)comme le dirait Frantz Fanon. Chez Fanon, cette société n'est rien d'autre que l'Europe dont nous assistons aujourd'hui à une stase.103(*)

Dans son étude des relations entre la bourgeoisie et le racisme, Albert Memmi débouche sur une conclusion qui peut servir à soutenir l'idée que la bourgeoisie sud-africaine peut être considérée comme représentative de l'Occident dans The Pickup. Memmi écrit à ce propos :

Tout bourgeois est suspect à priori des caractéristiques que nous avons notées dans toute démarche raciste. Du maître des forges au petit propriétaire du XIXe siècle, relayés par le grand et le petit entrepreneur de nos jours, tous sont avides et cruels104(*)

En enfermant Musa dans la subalternéité, la bourgeoisie sud-africaine exerce une violence cruelle sur lui. Elle nie son appartenance à la race humaine. C'est dire que la bourgeoisie sud-africaine est interchangeable avec l'Occident dont nous avons souligné l'hégémonie dans le précédent chapitre. Musa suggère d'ailleurs cette situation à travers la considération dont il fait montre lorsqu'il parle de l'Afrique du sud : where you (Julie) come from - the whole Africa has only two percent, and it's your country has the most of that. (P. 60) C'est donc un pays développé et riche renfermant quasiment les mêmes caractéristiques physiques et économiques que l'Occident.

Étant donné que Julie quitte le centre pour la périphérie dans The Pickup, il y a lieu de voir en sa migration un acte révolutionnaire, ce d'autant plus que Julie va vers la périphérie non pas pour assouvir un quelconque besoin d'exotisme, mais pour oeuvrer au développement de cette périphérie. On peut donc lire l'itinéraire de Julie dans The Pickup comme un symbole de la résistance à l'oppression favorisée par la représentation que se fait le centre de lui-même et de la périphérie.

* 99 Albert Memmi, Le racisme, Paris, Gallimard, 1994, P. 14.

* 100 Joseph Conrad, Le coeur des ténèbres, traduction de Cathérine Pappo-Musard, Librairie Générale française, 1988.

* 101 Gaston Kelman, Je suis noir et n'aime pas le manioc, Paris, Max Milo, 2003, PP ; 21-22.

* 102 Frantz Fanon, Peau noire masques blancs, Paris, Seuil, 1952, P. 184.

* 103 Frantz Fanon, Les damnés de la terre, Paris, Gallimard, 19991, P. 374.

* 104 Albert Memmi, Le racisme, Paris, Gallimard, 1994, P. 122.

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"Il faut répondre au mal par la rectitude, au bien par le bien."   Confucius