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Ecriture romanesque post-apartheid chez J.M. Coetzee et Nadine Gordimer

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par Ives SANGOUING LOUKSON
Université de Yaoundé I - Master2 0000
  

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ABSTRACT

Which changes has the official dismantling of apartheid brought in the novel writing of the two South African Nobel Prize winners? Focussing on Gordimer's Get a life and Coetzee's Elizabeth Costello, this study tries to reflect that main question. Theoretically, some elements of the cultural studies such as the popular, the liberalism and the fiction as a political work, help me develop my work. Narratology and structuralism help me for the literary study of the narratives, which constitute the core of my reflexion. From my study it appears that the post-apartheid novel as written by Coetzee and Gordimer has the same ideological orientation as their writing during the apartheid era. They write from the dominant perspective and dominant group. This situation challenges as Gordimer's as Coetzee's popularity on the ground of South African literature.

LISTE DES TABLEAUX ET SCHÉMA

Tableau I : Organisation des personnages dans Get a life.......................................46

Tableau II : Organisation des personnages dans Elizabeth Costello..................49

Tableau III : Espace narratif et son double dans Get a life.....................................66

Tableau IV : Espace narratif et son double dans Elizabeth Costello..................69

Schéma I : Itinéraire d'Hanna X ..........................................................101

LISTE DES ABRÉVIATIONS

ANC  African National Congress

Clé Centre de Littérature Evangélique

NEPAD New Partnership for Africa's Development

P. Page

PhD Doctor of Philosophy

Puf Presse universitaire de France

s/d Sous la direction

SIDA Syndrome d'Immuno Déficience Acquise

USA United States of America

VIH Virus de l'Immunodéficience Humaine

INTRODUCTION GÉNÉRALE

Au regard de l'influence de l'Apartheid sur la manière d'écrire des romanciers sud-africains, Massizi Kunene ne pu s'empêcher d'exprimer son inquiétude de la manière suivante : « The trouble with South African writing about apartheid is that these people write about apartheid and one day it won't exist and they'll have nothing to write about »1(*) .

En effet, du fait de leur volonté quasi unanime de se positionner contre le régime de la consécration de l'injustice et de l'inégalité, ces écrivains avaient fini par produire des ouvrages singuliers du fait de leur nature. Ces derniers, comme le reconnaît Jean Sévry se caractérisent par une transparence par rapport aux réalités sud-africaines2(*). Ce sont, en général, des oeuvres dans lesquelles le divorce d'avec la fiction au sens platonique du terme est quasiment consommé. On assiste presque à une interchangeabilité entre la littérature et la réalité. Jean Sévry le reconnaît à juste titre lorsqu'il pense que :

Jamais le lien qui unit un contexte historique à des productions littéraires n'a été sans doute aussi fort. Si la littérature peut se définir comme un système de représentations de la réalité, il faut ajouter, dans le cas de l'Afrique du Sud, que la fiction finit par constituer un écho pour des réalités socio-économiques très concrètes. Les écritures, souvent, s'en retrouvent écrasées et comme aplaties de réalisme. En ce pays, l'oeuvre d'art est presque toujours marquée par le sceau de l'histoire. Et c'est à partir d'elle que l'on s'explique3(*).

Plus d'une décennie après la fin de l'Apartheid, il n'est pas étonnant de constater dans le cadre de la création romanesque de nouvelles manières de prendre en charge l'actuel contexte sociopolitique sud-africain par les écrivains. Ceci semble notamment être le cas dans Get a life4(*) et Elizabeth Costello5(*), romans respectivement de Nadine Gordimer et de John Maxwell Coetzee, deux écrivains blancs sud-africains. La postériorité de ces deux romans par rapport à l'Apartheid peut induire leur lecteur à les considérer d'emblée comme des romans qui attestent de véritables ruptures avec les particularités du roman sud-africain pendant l'Apartheid. Leur centralité sur l'écologie, l'importance qu'ils accordent à l'Australie et la méta-énonciation sur la littérature dont Elizabeth Costello fait exclusivement6(*) l'objet sont quelques repères suggestifs de l'état des lieux du roman post-apartheid tel qu'il ressort sous la plume de deux prix Nobel sud-africains de littérature7(*).

Jean Sévry et Massizi Kunene auraient été de véritables visionnaires s'ils avaient confronté leur objet d'étude, le roman sud-africain, au contexte de globalisation dont l'Afrique du sud a été et continue d'être, comme ses voisins africains, un point d'ancrage. C'est dans la perspective de dépasser les thèses de Sévry et de Kunene que m'est venue l'idée de la recherche intitulée :

  Écriture romanesque post-apartheid chez John Maxwell Coetzee et Nadine Gordimer.

Je me propose, dans ce sujet, d'étudier les ruptures et les continuités dans l'écriture de l'espace sud-africain chez ces deux écrivains distingués par le Nobel de littérature. Une telle ambition n'est, sans doute, pas sans conséquences pour cerner les configurations esthétiques et idéologico-politique du roman sud-africain en général. Étant donné la représentativité discutable des romans de J.M. Coetzee et de Nadine Gordimer pour le roman sud-africain dans son ensemble, prétendre cerner les particularités du roman sud-africain dans sa diversité à partir de leurs romans semble, de prime abord, être une imposture.

En effet, alors que Gordimer et Coetzee sont distingués par de prestigieux prix étrangers et internationaux tels le Nobel ou le Booker prize8(*), ils sont tous deux, sinon catalogués comme des écrivains racistes par la critique littéraire locale, du moins regardés avec beaucoup de défiance en Afrique du sud. On peut, à titre d'exemple, s'arrêter sur une polémique soulevée, au sujet de Gordimer par Dennis Brutus et A. Woodward ; polémique dont Kathrin Wagner rapporte les termes dans son livre Rereading Nadine Gordimer :

[A. Woodward] concluded his sharp essay in 1961 with the caustic comment that she is a marvellous, vivacious observer, with nothing very subtle to say, and with an ever- growing facility for saying it, while Dennis Brutus complained in a now widely-known remark that she lacks warmth, lacks feeling, but can observe with the detachment, with coldness, of a machine. He laid the blame on the dehumanising impact of apartheid up on white and black alike, and was thus among the first to suggest that Gordimer may be understood best as a writer trapped within the historical situation her vision seeks to transcend9(*).

Quant à J. M. Coetzee, universitaire-romancier de renommée internationale, imprégné de la tradition intellectuelle européenne et passionné de mathématiques, de stylistique et de linguistique10(*), il revient à Jean Sévry d'esquisser un parallèle, le concernant, avec la tiédeur de la critique sud- africaine vis-à-vis de Gordimer :

...peu à peu, se sont mises en place des bienséances universitaires à propos d'un écrivain [Coetzee] qui malgré tout n'aura connu qu'une réception limitée pour l'essentiel à son propre milieu, ce qui ne retire rien à ses qualités esthétiques, mais ce qui méritera un jour quelques réflexions sociologiques11(*).

Il est donc évident que considérer comme représentatifs du roman sud- africain en général, des romans de J. M. Coetzee et de Nadine Gordimer, vigoureusement contestés en Afrique du sud, alors qu'acclamés à l'étranger, pose les problèmes de la réception des oeuvres, du projet romanesque et du marketing éditorial. Seulement, puisque l'une de mes préoccupations est d'étudier les nouvelles orientations formelles, thématiques et idéologiques propres au roman sud-africain post-apartheid, j'ai essayé de m'appuyer sur des romans d'auteurs sud- africains qui ont plutôt bonne presse en dehors du pays. La raison en est que, subsidiairement, je voudrais vérifier si les institutions littéraires étrangères, le Nobel en particulier, au-delà de la portée médiatique, sont souvent neutres dans l'attribution des distinctions respectives. Aussi, convoquerai-je The Other side of silence12(*) d'André Brink et Ways of dying13(*) de Zakes Mda pour parer à une éventuelle admonestation d'hyperbolisation dans ma démarche. En effet, ces deux autres romans sud-africains post-apartheid semblent transposer l'Afrique du Sud d'une façon radicalement contraire à celle de J.M. Coetzee et de Nadine Gordimer.

Mon hypothèse générale est que l'écriture romanesque post-apartheid chez J. M. Coetzee et Nadine Gordimer reproduit une vision du monde déjà perceptible dans leurs romans pendant l'Apartheid. Coetzee et Gordimer dans Get a life et Elizabeth Costello, réarticulent leur indifférence vis-à-vis des infortunes des Non- Blancs en général, des indigents sud- africains en particulier. On peut néanmoins partir de leurs écritures post-apartheid pour prendre la mesure des défis à relever afin d'amoindrir le racisme en Afrique du Sud. De cette hypothèse de départ se dégagent les interrogations suivantes : Comment écrivent Coetzee et Gordimer pendant l'Apartheid ? Quelle est la classe sociale qui oriente la perspective de leur geste romanesque ? Devrait-on parler de rupture ou de continuité lorsqu'on confronte leur fiction pendant l'Apartheid avec leurs romans post-apartheid que sont Get a life et Elizabeth Costello? Quelles sont les insuffisances de la représentativité de Get a life et d'Elizabeth Costello pour le roman sud-africain post-apartheid en général? Comment comprendre, rétrospectivement le dévolu du Nobel sur Coetzee et Gordimer, plutôt que sur Brink ou sur Mda?

Mon travail s'inscrit dans le cadre méthodologique ayant déjà donné lieu à des études réalisées par des critiques tels que Jean Jacques Sewanou Dabla14(*), Abdourahmane Waberi15(*), et Odile Cazenave16(*). Ces critiques se livrent, chacun à sa façon, à une étude des romans africains francophones dans une perspective diachronique. Odile Cazenave écrit par exemple à propos :

...les années 50 et 60 restent de même marquées par une activité littéraire intense. Durant toutes ces années, les expatriés gardent le regard rivé vers l'Afrique, ... Or, les années 80 ont vu apparaître une nouvelle génération d'Africains en France. Contrairement à leurs prédécesseurs, ils offrent un regard de nature et de portée différentes. C'est un regard non plus tourné nécessairement vers l'Afrique, mais plutôt sur soi. Ces écrivains hommes et femmes contribuent à la formation d'une nouvelle littérature. S'éloignant du roman africain canonique de langue française, leur écriture prend des tours plus personnels. Souvent, peu préoccupées par l'Afrique elle-même, leurs oeuvres découvrent un intérêt pour tout ce qui est déplacement, migration et posent à cet égard de nouvelles questions sur les notions de cultures et d'identités postcoloniales...17(*)

Sewanou Dabla emprunte la même démarche qu'Odile Cazenave au sujet de la littérature africaine francophone. Préfaçant le livre de celui-ci, Gérard Da Silva écrit à cet effet : « la littérature d'Afrique noire est en passe de changer de visage et d'atteindre sa véritable plénitude. Le livre de Sewanou Dabla est le premier à établir ce constat, et ce faisant, à prendre date »18(*).

Abdourahmane Waberi déborde, quant à lui, les conclusions auxquelles parviennent Sewanou Dabla et Odile Cazenave pour esquisser quelques défis qui interpellent les générations à venir en commençant par la quatrième génération. Il appelle cette dernière, celle des enfants de la postcolonie ou la génération transcontinentale19(*). A son sujet, Waberi conclut :

Au final, cette quatrième génération apportera quelque chose de neuf et justifiera son existence, si elle transforme l'exil d'ordinaire angoissant, annihilant, douloureux, en un exil fécondant, joyeux, qui n'est plus appréhendé sur le mode nostalgique, souffreteux, en un mot, « doloriste » (René Depestre)20(*) .

Bien que ma recherche s'inscrive dans un paradigme méthodologique similaire à celui de Dabla, Cazenave ou Waberi, elle s'en démarque cependant par quelques aspects. Elle s'appuie tout d'abord sur un corpus anglophone et sud- africain. Avec ce décalage, ma recherche se donne comme tentative d'adaptation du modèle méthodologique de Dabla, Cazenave et Waberi au roman sud-africain anglophone.

Alors que les travaux d'Abdourahmane Waberi, Odile Cazenave ou de Sewanou Dabla ont pour toile de fond explicitement ou implicitement la colonisation en Afrique, ma recherche, elle, s'intéresse à l'Apartheid. On pourra s' apercevoir que colonisation et apartheid sont des versions variées du capitalisme et que l'écriture romanesque de J.M. Coetzee et Nadine Gordimer permet mieux que toute autre forme de leurs écrits de s'en rendre compte. Plus particulièrement, ma recherche permet de voir comment Coetzee et Gordimer, romanciers du groupe dominant, subissent la pression hégémonique caractéristique de leur milieu. Elle complète donc les travaux déjà réalisés à propos de l'Afrique du sud post-apartheid par Rita Barnard21(*) et Njabulo Ndebele22(*), du fait de sa focalisation sur des romans absents du répertoire de ces deux chercheurs sud-africains. Il reste à préciser les outils théoriques et méthodologiques desquels s'inspirera la réflexion.

Dans un article où il procède à une synthèse des thèses de Roland Barthes sur la question « À quoi sert l'écriture » 23(*), Alexandre Gefen conclut qu'il revient au critique littéraire de « préparer par la studium (la préparation culturelle et intellectuelle, l'ordre, la raison) les conditions de possibilités de survenue du sens »24(*). Dans ce travail, la studium-balise emprunte aux cultural studies britanniques quelques éléments théoriques dont l'inaptitude face au texte de fiction sera complétée par quelques dispositifs méthodologiques de la narratologie25(*) et de la description structurale selon l'expression de Michel Foucault26(*).

Encore dénommée théorie culturelle, les cultural studies sont nés autour de l'année 1950 en Grande Bretagne suite aux confrontations prolifiques de la New Left Review et du Centre for contemporary cultural studies27(*) avec le marxisme28(*). L'acharnement des cultural studies à mettre en cause « les grandes insuffisances théoriques et politiques du marxisme »29(*) décline cette théorie comme une critique radicale du capitalisme eurocentriste. La théorie culturelle est une approche profondément préoccupée à débouter l'altérité radicale dans les diverses et multiples apparences qu'elle peut adopter. Achille Mbembe identifie à juste titre l'altérité ou la différence radicale comme principe ayant conduit à la ségrégation, l'animalisation et la bestialisation de l'autre, toutes des logiques qui ont « toujours fini par déboucher sur la guerre »30(*). C'est donc un discours qui prône un avenir collectif plus juste et plus humain. Comme les théories post-coloniales, les cultural studies permettent un décentrement du sujet hégémonique. Néanmoins, « ce qui est [...] remarquable [...] c'est que la prise en considération de la relation entre postcolonialisme et capitalisme mondial soit absente des écrits des intellectuels postcoloniaux »31(*). Voilà qui renforce l'idée des cultural studies comme critique sérieuse du capitalisme occidental.

La réflexion prend appui sur cet enjeu éthique indéniable aux cultural studies sinon pour traiter du capitalisme eurocentriste, du moins, pour aider à mesurer les défis liés à la possible dérivation de son hégémonisme. Le choix des cultural studies se justifie également par leur conception de la culture. En effet, pour la théorie culturelle, la culture ne se conçoit ni comme :

une pratique, ni la simple somme descriptive des us et coutumes des sociétés, comme elle tendait à le devenir dans certains types d'anthropologie. Elle traverse toutes les pratiques sociales et constitue la somme de leurs interrelations...La culture se définit par ces schémas d'organisation, ces formes caractéristiques d'énergie humaine qui peuvent apparaître et se révéler - aussi bien dans des identités et des correspondances inattendues que dans des discontinuités d'un type inattendu - à l'intérieur de ou sous-jacentes à toutes les pratiques sociales32(*).

En d'autres termes, les cultural studies invitent à une pluralité de la culture, au respect des us et coutumes de l'autre ou au relativisme culturel. Ils proposent de considérer la culture comme nécessairement coalescente à toute pratique sociale. Aussi, les cultural studies invitent-ils à devenir des lecteurs politiques parce qu'ils autorisent de « situer les points de vues » 33(*). C'est-à-dire d'interroger, pour identifier quel groupe social, racial, sexuel, politique ou idéologique insuffle à la culture son omniprésence avec pour finalité d'imposer son hégémonie à des groupes minoritaires. Voilà qui, comme le dit Maxime Cervulle  « ouvre la voie à une analyse des relations de pouvoir (au sens de Foucault) qui, au sein d'une culture donnée, voient s'affronter différents codes d'interprétation, différents régimes discursifs ou de vérité »34(*) .

Les cultural studies me semblent d'autant adaptés pour ma réflexion qu'ils définissent l'art, donc le roman, comme un support important de la culture :

Si l'art fait partie de la société, il n'y a pas de tout solide en dehors duquel, ni auquel, par la forme de notre question, nous concédions la priorité. L'art est là, en tant qu'activité, aux côtés de la production, du commerce, de la politique, de la famille. Pour étudier ces relations de façon pertinentes, nous devons les étudier activement et voir dans toutes ces activités des formes particulières et contemporaines de l'énergie humaine.35(*)

Autrement dit, s'inspirer, des cultural studies dans le cadre de la critique littéraire suppose que l'on dépasse le « mouvement superficiel des intrigues ou de l'histoire vécue par des personnages »36(*) dans la diégèse du roman pour décider de la contribution du roman à la relativisation ou à l'amélioration de la condition des hommes visés par l'auteur et par appropriation de tous les hommes. C'est pour cela que les cultural studies constituent un dispositif théorique permettant aux exclus ou à ceux qui se considèrent comme tels, de se rendre compte que rien n'est encore perdu  « que l'oeuvre de l'homme vient seulement de commencer » 37(*). Stuart Hall écrit à juste titre :

La vocation des cultural studies est de permettre de comprendre ce qui se passe, et particulièrement de proposer des outils de pensée, des stratégies de survie et des moyens de résistance à tous ceux qui sont aujourd'hui- en termes économiques, politiques et culturels - exclus de ce que l'on peut appeler l'accès à la culture nationale de la communauté nationale38(*).

Il reste que les cultural studies, tels qu'ils viennent d'être présentés ne proposent pas méthodologiquement comment analyser dans le détail le « système artistique » qu'est le roman. C'est pour pallier cette insuffisance que je convoquerai des travaux réalisés dans le cadre de la narratologie39(*) et de l'étude formelle des récits développées par des théoriciens tels Tzvetan Todorov, Gérard Genette, Gerald Prince, Jean-Yves Tadié, Roland Barthes, Dorrit Cohn et bien d'autres.

Pour étayer mes analyses et vérifier mon hypothèse de départ, mon travail s'organise autour de deux parties éclatées en deux chapitres chacune.

Dans le premier chapitre intitulé Michael K., sa vie, son temps ; A world of strangers : aux sources de la conscience de classe, je rappelle tout d'abord quelques indications biographiques sur J.M. Coetzee et Nadine Gordimer. Ensuite j'analyse Michael K., sa vie, son temps et A world of strangers, romans respectivement de Coetzee et de Gordimer. Il s'agit de dégager les caractéristiques propres de ces romans dans leurs rapports avec la classe sociale à laquelle appartiennent Coetzee et Gordimer. Le second chapitre examine l'écriture de Get a life et d'Elizabeth Costello dans la perspective de mettre en évidence les ruptures et les continuités décelables de ces romans confrontés à Mickaël K, sa vie, son temps et A world of strangers. De cette première partie, il apparaît que J.M. Coetzee et Nadine Gordimer soutiennent implicitement le capitalisme eurocentriste dans sa version sud-africaine.

La deuxième partie conduit quant à elle dans une Afrique du sud où est possible une coexistence dépourvue de l'hégémonie des uns sur les autres. Dans le troisième chapitre, sens de Get a life et d'Elizabeth Costello à la lumière de The other side of silence, ways of dying, je m'arrête sur deux romans post-apartheid respectivement d'André Brink et de Zakes Mda, deux autres romanciers sud-africains. Le but est de multiplier des lieux de démarcation des rapports qu'ils entretiennent tous avec l'Afrique du Sud actuelle, question de fissurer la capacité de Get a life et d'Elizabeth Costello à traduire l'ensemble des préocupations du roman sud-africain post-apartheid. Il permet aussi d'envisager la complémentarité des préocupations de Nadine Gordimer et de J.M. Coetzee en période post-apartheid. Le quatrième et dernier chapitre, intitulé Get a life et Elizabeth Costello : romans porteurs d'idéologies compatibles, tente d'abord de répertorier des points de convergence entre Get a life et Elizabeth Costello. Il les situe enfin par rapport aux discours théorico-politiques fondateurs du processus historique.

* 1 Massizi Kunene, cité par Jean Sévry in Nouvelles du Sud, Littérature d'Afrique du Sud, Éditions Nouvelles du sud, 1993, p. 38.

* 2 Jean Sévry, Afrique du Sud, ségrégation et littérature, Paris, l'Harmattan, 1989.

* 3 Jean Sévry, op.cit. p. 9

* 4 Nadine Gordimer, Get a life, London, Bloomsbury, 2005.

* 5 John Maxwell Coetzee, Elizabeth Costello, London, Secker & Warburg, 2003.

* 6 Il importe d'émettre la réserve ici selon laquelle l'exclusivité d'Elizabeth Costello n'est valable que comparée à Get a Life. Car en leur temps, États d'urgence et Au plus noir de la nuit d'André Brink étaient déjà métafictionnels. Voir André Brink, États d'urgence, Paris, Stock, 1990, et Au plus noir de la nuit, Paris, Stock, 1978.

* 7 J.M. Coetzee en 2003 et Nadine Gordimer en 1991.

* 8 J.M. Coetzee a été doublement distingué par cette institution britannique. En 1983 pour Michael K., sa vie, son temps, et en 1999 pour Disgrâce. Gordimer a été distinguée en 1974 pour The conservationist.

* 9 Kathrin Wagner, Rereading Nadine Gordimer, Bloomington Indianapolis, India University Press, 1994, p. 3.

* 10 David Coad, «  John Maxwell Coetzee », Notre Librairie, Littérature d'Afrique du Sud 2, N°123, Juillet- septembre1995, p. 9.

* 11 Jean Sévry, « Head, Dominic- J.M. Coetzee », Cambridge, Cambridge University Press, 1997, in Cahiers d'études africaines, 157/2000, http:// etudesafricaines.revues.org/index22.html. p. 1.

* 12 André Brink, The other side of silence, London, Secker & Warburg, 2002.

* 13 Zakes Mda, Ways of dying, Oxford University press, 1995.

* 14 J.J Sewanou Dabla, Nouvelles écritures africaines. Romancier de la seconde génération, Paris, L'Harmattan, 1986.

* 15 Abdourahmane Waberi, « Les enfants de la postcolonie. Esquisse d'une nouvelle génération d'écrivains francophones d'Afrique noire », art. in Notre librairie n°135, septembre-décembre 1998.

* 16 Odile Cazenave, Afrique sur Seine. Une nouvelle génération de romanciers à Paris, Paris, L'Harmattan, 2003.

* 17 Odile Cazenave, op.cit. pp.7-8

* 18 J.J. Sewanou Dabla, op.cit, p.7.

* 19 Abdourahmane Ali Waberi, op. cit, P.11

* 20 Abdourahmane Ali Waberi, op., cit, p. 15

* 21 Rita Barnard, Apartheid and Beyond: South African writers and the politics of place, Oxford University Press, 2006.

* 22 Njabulo Ndebele, Rediscovery of the ordinary: Essays and South African literature and culture, University of Kwazulu Natal Press, 2006.

* 23 Roland Barthes, «  Dix raisons d'écrire », in Il corriere della sera, 29 Mai 1969, repris dans OEuvres Complètes, éditées par E. Marty, tome II, éd. Du Seuil, 1994, p. 541.

* 24 Alexandre Gefen, «  La puissance du langage inutile », Le Magazine littéraire, N°482 janvier 2009, P.73.

* 25 Partie de la linguistique et de la critique littéraire qui s'attache au récit, à son fonctionnement, à ses modalités, etc. Les deux grandes questions traditionnelles de la narratologie sont celles de la structure du récit (intrigue, temporalité...) et celle de l'instance narrative. Mais le narratologue travaille aussi sur des composantes secondaires comme la question du personnage, le rôle des informations non narratives, etc. Il s'agit dans tous les cas de mettre en évidence des invariants et de proposer des classifications sur une base formelle. La narratologie contemporaine est essentiellement, redevable au formalisme russe des années 1920 (Vladimir Propp, par exemple) et au structuralisme français des années 1960-1970 (Lévi-Strauss, Greimas, Genette), Gilles Philippe, « Narratologie », Lexique des termes littéraires, Paris, Gallimard, 2001.

* 26 Voir, L'Archéologie du savoir, Paris, Gallimard, 1969, p. 262.

* 27 Les principaux animateurs de ces revue et centre sont Edward P. Thompson, Stuart Hall, Raymond Williams et Richard Hoggart, tous trois des Britanniques.

* 28 Stuart Hall, Identités et cultures, politiques des cultural studies, traduction de Christophe Jaquet, Paris, éditions Amsterdam, 2007, pp. 20-21.

* 29 Stuart Hall les présente comme étant « toutes ces choses dont Marx ne parlait pas, ou qu'il semblait ne pas comprendre, et qui furent l'objet privilégié des cultural studies: la culture, l'idéologie, le langage, le symbolique ». Voir à ce propos, Stuart Hall, Identités et cultures. Politique des cultural studies, Paris, Ed. Amsterdam, 2007, p.21.

* 30 Achille Mbembe, « La République et l'impensé de la « race », in Pascal Blanchard, Nicholas Bancel et Sandrine Lemaire (s/d), La Fracture coloniale. La société française au prisme de l'héritage colonial, Paris, La Découverte, 2005, p. 145.

* 31 Arif Dirlik, « The postcolonial aura: third world criticism in the age of global capitalism », in Critical Inquiry, hiver 1994, cité par Stuart Hall, Identités et cultures, op. cit., pp. 286-287.

* 32 S. Hall, op. cit., p. 38.

* 33 Maxime Cervulle, Préface à, Stuart Hall, Identités et cultures, politique des Cultural studies, Paris, Ed.Amsterdam, 2007, p.13

* 34 Maxime Cervulle, ibidem.

* 35 Raymond Williams, The long revolution, Canada, Broadview Press, 2001, p.55 cité par S. Hall, ibidem, p. 37.

* 36 Henri Mitterand, Le Discours du roman, Paris, Puf, 1980, p. 7.

* 37 Aimé Césaire, Cahier d'un retour au pays natal, Paris, Présence africaine, 197, p. 140.

* 38 Stuart Hall, Identités et cultures, politiques des cultural studies, traduction de Christophe Jaquet, Paris, éditions Amsterdam, 2007, p. 38.

* 39 La narratologie est encore un concept forgé par Todorov pour désigner un projet scientifique de l'étude du récit (Grammaire du Décaméron, la Haye, 1969, p. 10). Cette science a bénéficié de l'essor du structuralisme des années 60. Bernard Valette, pour sa part, pense que la narratologie est une sorte de poétique restreinte limitée au fait romanesque (Le Roman, initiation aux méthodes et aux techniques modernes d'analyse littéraire, Paris, Nathan, 1992, p. 10). Pour Mieke Bal La narratologie est la science qui cherche à formuler la théorie des relations entre texte narratif, récit et histoire. Elle ne s'occupera ni du texte narratif, ni de l'histoire pris isolement. (Narratologie, Utrecht, 1983, p. 5)

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"Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit."   La Rochefoucault