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Ecriture romanesque post-apartheid chez J.M. Coetzee et Nadine Gordimer

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par Ives SANGOUING LOUKSON
Université de Yaoundé I - Master2 0000
  

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III-1-2-2- Le féminisme

Il est difficile de ne pas remarquer qu'avec The other side of silence, André Brink se dévoue résolument à la cause féminine. On note par exemple au titre des énoncés d'escorte que le roman est dédié à Eva, visiblement, l'épouse d'André Brink :

To Eva who over the years has provided friendship, comfort, care, support, advice, help, insight, a place to rest, a view on the lake, a car to the Rigi, asparagns in many forms, breakfast at dawn, lunch on the terrace , items of clothing, and abundant love186(*).

En dédiant son roman à Eva, André Brink place d'entrée de jeu ce roman sous le signe du refus de toutes sortes d'injustices que la société patriarcale fait subir aux femmes. André Brink s'oppose en effet aux personnages comme Pastor Ulrich, von Blixen, Hauptmann Böhlke ou toute l'administration coloniale, qui pensent à tort qu'Hanna X, comme beaucoup d'autres femmes « are the other not because they lack penises but because they lack power »187(*) ainsi que l'aurait dit Simone De Beauvoir. Eva, sous la plume d'André Brink est tout, sauf impuissante. C'est pourquoi Brink pense qu'elle mérite d'être remerciée. Tandis qu'autant l'administration coloniale que les institutions religieuses, tel que c'est le cas avec The little children of Jesus, se représentent les femmes comme des objets dont l'homme devrait jouir à son gré au point de les transporter comme de simple marchandises « for the support or delectation of its menfolk » (OS : 11), André Brink rend plutôt hommage à Eva pour sa sollicitude autant morale, matérielle que psychologique à son égard.

André Brink propose, partant de l'hommage rendu à Eva, une société autre que celle existante et qui soit expurgée de solipsisme. Il s'agit d'une société où l'homme et la femme devraient se reconnaître complémentaires et combattre tous deux les préjugés nourris par le masochisme, même si Jean Paul Sartre voit en ce masochisme la conséquence essentielle de l'amour entre homme et femme188(*). André Brink rejoint par cela les théoriciens du féminisme existentialiste pour qui « woman, like man, is a subject rather than an object; she is no more Being-in-Itself than man is. She, like man, is Being-for-Itself, and it is high time for man to recognize this fact »189(*).

Pour suggérer la nécessité chez l'homme de prendre conscience de l'émancipation féminine, André Brink s'appuie sur Hanna X, personnage central du roman, engagée irréversiblement dans la voie de sa visibilité. Hanna X est d'autant engagée qu'elle ne pense pas à se limiter seulement à l'environnement de la Frauenstein, au contraire, son combat est à la dimension de l'humanité ainsi qu'elle l'explique à sa compagne Katja :

Look at this desert, with its stones and its little bushes and its silence. It does not need me; it will be here long after I have gone. But I don't want it to forget about me. I was here. You are here. I want this place to know about us. That is why we're going to Windhoek, don't you understand? And we must take with us all the others who have suffered and who have also forgotten the need to say No (...) so you see, it is not just one man we are looking for (...) our hunt is on now. To find everybody who has joined forces with that man. Everybody who has made him possible. (OS : 200)

Le type de féminisme que Hanna X déploie n'a pas une évolution constante. Au départ, Hanna X promeut le féminisme radical. Pour ce modèle, la libération de la femme passerait exclusivement par élimination de l'homme partisan du patriarcat190(*). C'est le cas dans The other side of silence lorsque Hanna X assassine le Colonel von Blixen au moyen d'un gourdin. Ce dernier a, en effet, essayé d'arracher à la jeune Katja sa virginité pendant leur séjour à la Frauenstein (OS : 36). C'est encore le cas lorsqu'Hanna X aide Kahapa à venir au bout d'Albert Grubert en logeant dans la tête de ce dernier une balle fatale (OS : 157). Albert Grubert avait, en effet, violé l'épouse de Kahapa, son esclave, lors de sa détention arbitraire.

L'orientation féministe d'Hanna X se distancie progressivement du féminisme radical avec le concours de Katja. Lorsque Hanna X ordonne à Katja d'éliminer le sergent Werner (OS : 246), Katja choisit cette occasion pour faire l'amour avec sa proie avant de l'exécuter. « The first part was for me, the second for you » (OS : 258) explique-t-elle à Hanna X qui ne comprend pas pourquoi Katja a passé plus de temps que prévu pour mettre à exécution son forfait.

Par cette philosophie qui frise le délire, Katja aide Hanna X à relativiser son radicalisme du départ. Hanna X comprend aussi que même si l'homme a été l'oppresseur de la femme, lutter pour la libération de la femme est absurde si cette libération suppose l'élimination de l'homme avec lequel elle est naturellement programmée à vivre. Peut-être que la femme gagnerait à s'investir dans la dérivation ou la remise en question des acquis culturels qui prédisposent l'homme à la chosifier ou à l'humilier. Ainsi parviendrait-elle sans doute à stopper ce que Bourdieu appelle la domination masculine191(*). Cela passe par un requestionnement tous azimuts de la société dans ses acquis et ses codes culturels.

Cette démarche exige chez la femme une vigilance constante et une connaissance solide du passé qui a permis la réalisation de la civilisation pâtriarcale. Hanna X progresse donc du féminisme radical au féminisme déconstructiviste pour lequel « women should stay vigilant »192(*).

Elles devraient rester vigilantes afin d'éviter de produire une culture fondamentale identique ou plus perverse, mais sexuellement différente, que celle du patriarcat qu'elles entendent combattre. C'est là un défi qu'il revient aux femmes de réaliser. André Brink ne fait pas croire à un défi facile à réaliser puisque Hanna X, au regard du nombre d'hommes tombés sous sa main, n'y parvient quasiment pas. Néanmoins, les enjeux de paix sociale, de justice et d'amour consécutifs à une telle démarche féministe sont perceptibles et devraient plutôt motiver à s'y essayer ainsi que Hanna X le fait en laissant la vie sauve à son ancien violeur à la fin du roman.

* 186 André Brink, The other side of silence, page de dédicace.

* 187 Simone De Beauvoir, The Second Sex, citée par Rosemarie Tong, Feminist Thought. A comprehensive introduction, Bulder and San Francisco, Westview Press, 1989, p. 203

* 188 Cité par Rosemanie Tong, op.cit., p. 200.

* 189 Rosemanie Tong, Feminist Thought, op.cit., p. 210.

* 190 Voir Kate Millet, Sexual Politics, citée par Rosemarie Tong, op. cit., p. 95

* 191 Pierre Bourdieu, La domination masculine, Paris, Seuil, 1998.

* 192 Gayatry Spivak, citée par Sophia Phoca, « Feminism and Gender », in Sarah Gamble, The Routledge Companion to feminism and Post feminism, London and New York, 2001, p. 58.

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"La première panacée d'une nation mal gouvernée est l'inflation monétaire, la seconde, c'est la guerre. Tous deux apportent une prospérité temporaire, tous deux apportent une ruine permanente. Mais tous deux sont le refuge des opportunistes politiques et économiques"   Hemingway