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Ecriture romanesque post-apartheid chez J.M. Coetzee et Nadine Gordimer

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par Ives SANGOUING LOUKSON
Université de Yaoundé I - Master2 0000
  

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III-1-2-3- La diversité

La diversité apparaît dans The other side of silence comme une préoccupation assez élaborée. Elle se rapporte en effet autant à la race, aux genres, à l'idéologie qu'à la culture. La diversité est raciale et sexuée parce que Hanna X ne se borne pas seulement, dans la quête de sa visibilité, à elle seule. Elle contribue sinon à galvaniser, du moins à faire germer autant chez d'autres femmes opprimées que chez des esclaves noirs la conscience de soi. Par cette démarche, Hanna X emprunte une orientation contraire à celle qui a contribué et continue d'ailleurs à créer l'occident et l'orient pour reprendre l'expression d'Edward Said193(*). Elle exclut dans sa démarche ce qu'Abdul Jan Mohamed appelle « The fetishishizing strategy »194(*) qui procède par le déploiement d' « une prodigieuse machinerie destinée à exclure »195(*) des catégories de personnes de la quête de soi. Hanna X entend plutôt inclure autant de personnes que possible qui subissent diverses formes d'oppression.

En réalité, Hanna X n'a jamais lutté pour commander l'armée dont elle est simplement devenue la cheftaine. On peut dire qu'elle devient leader par contagion. Elle contamine en effet les autres membres qui la font jouer le rôle de pivot du groupe.

La première à être contaminée par le désir de résistance au masochisme ou au racisme est Katja. Ladite contamination a lieu après l'immolation du Colonel von Blixen. Alors qu'Hanna X se résout à s'évader de la Frauenstein, Katja lui fait savoir qu'elle ne peut supporter de rester toute seule dans cet univers carcéral hostile : « You're not going without me. You can't leave me here... I cannot stay in this place. After what has happened... Please. I need you. I won't let you go » (OS: 154) C'est de cette manière que Katja lie son destin avec celui d'Hanna X.

Au regard de l'adolescence de Katja, elle peut être représentative des enfants ou des adolescents qui ne sont pas toujours épargnés des injustices ou des violences perpétuées sur leurs personnes par leurs aînés.

Le deuxième type de personne à se joindre au combat d'Hanna X est le noir Kahapa. Né dans le kaokoveld (OS : 203), Kahapa a été engagé par le Baas Albert Gruber comme esclave. Ne supportant pas que Albert Gruber lui prenne son épouse, Kahapa affronte son Maître dans un duel à l'issu duquel il est cruellement mutilé et abandonné aux vautours dans le désert. C'est dans cet état qu'Hanna X et Katja font sa rencontre, quelques heures de marche après leur évasion de la Frauenstein :

Yes, it is a man. Or was once. Before he was tied down, on his back, over an anthill, outstretched arms and legs fastened to stakes driven into the ground. The front of his body, from neck to knees, is black with dried blood through which a criss-cross pattern of stripes can be discerned. His sex has been mutilated, the testicles cut off. A cloud of flies rises in an angry buzz as they approach. (OS : 157)

Aussitôt, Katja et Hanna X aident Kahapa à recouvrer sa santé. Après cela, il se venge de son bourreau duquel Hanna X l'aide à venir à bout. Suite à cette double sollicitude d'Hanna X à son égard, Kahapa prend la décision de faire équipe avec Hanna X : « You do this for me... Two times you save my life... Now we go find your man ». (OS : 170)

Comme on le voit, Hanna X n'aide finalement que les opprimés à s'émanciper et à lutter pour leur cause dans la vie. Aussi, la diversité qui se reflète d'une telle démarche est centrifuge et rebelle à toute sorte de compartimentation. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle, le groupe qui naît autour d'Hanna X s'étend continuellement jusqu'à intégrer davantage de Noirs, de Noires (OS : 206, 205, 229...) et la blanche Gisela (OS : 216).

Le modèle de diversité que Brink soutient dans The other side of silence s'accommode mal avec celui que Nadine Gordimer propose dans Get a life au moyen de la relation entre les amis de la nature que sont Paul Bannerman, Derek et Thapelo. Tandis que chez Gordimer, la diversité dévoile une méthode subtilement disposée par les dominants et qui consiste à exclure les dominés tout en faisant croire aux derniers qu'ils sont égaux aux premiers, chez Brink, la diversité repose, à la base sur la quête de liberté assumée.

Autrement dit, ce n'est pas parce que Blancs et Noirs cohabitent, collaborent ou jouent les rôles professionnels quasiment semblables comme le sont Paul Bannerman, Derek et Thapelo dans Get a life, qu'il y a nécessairement diversité. À l'inverse, ce n'est pas parce que les Noirs sont noirs que tous sont porteurs de la même identité. Si oui, Kahapa et Himba ne mépriseraient pas Lucas et David, deux esclaves noirs soumis qui acceptent bon enfant le statut de subalterne que le maître leur réserve. Kahapa et Himba exposent leur dédain vis-à-vis de David et Lucas de la manière suivante : « They don't even have their Nama names any more... they're Lukas and David now. That's white names. They go over to the other side » (OS: 228)

C'est dire que Kahapa et Himba n'ignorent pas que « la culture dominante mène une lutte continue et nécessairement inégale pour désorganiser et réorganiser la culture [des idiots culturels196(*)], pour réduire et confiner ses définitions et ses formes à une large palette de formes dominantes»197(*). En méprisant ces deux autres Noirs comme eux, Kahapa et Himba refusent l'identité de la sujétion et de la dépendance vis-à-vis de la culture dominante. Ils affirment plutôt leur appartenance à la culture de ceux que Stuart Hall appelle les « idiots culturels » en faisant allusion au regard que les capitalistes jettent sur le populaire, c'est-à-dire, l'ensemble des opprimés. Kahapa et Himba, précédés par Hanna X tentent par leurs choix de construire « a new civilisation »198(*) tout en sachant que cette civilisation nouvelle ne saurait réellement prendre son envol « without the payment of disciplined and rigorous attention to detail »199(*). « Not all white are the same » (OS: 191), rappelle pertinemment Katja à Kahapa pour attirer son attention sur l'importance du détail, confirmant par le même coup la conformité des préoccupations éthiques d'André Brink avec celles de Njabulo Ndebele200(*).

En tout état de cause, l'intrigue, mieux, le sens de The other side of silence se déclenche à partir de la Frauenstein dont l'interchangeabilité avec l'Afrique du Sud a déjà été mise en évidence. C'est sans doute une manière pour Brink de montrer l'importance du travail à abattre en Afrique du Sud si l'on veut stopper les injustices diverses dont la recrudescence malgré la venue de la Nation Arc-en-ciel est désormais un secret de polichinelle. Pour André Brink en effet, l'Afrique du Sud reste fortement hostile aux femmes et aux Noirs malgré la prise en main des affaires par les Noirs en général, l'ANC en particulier.

Seulement, que Hanna X s'engage à lutter pour l'environnement socio-politico-culturel dans The other side of silence traduit l'espoir que Brink porte pour l'éclosion d'une nouvelle et véritable Nation Arc-en-ciel en Afrique du Sud. C'est pourquoi l'écriture romanesque d'André Brink est différente de celle de J.M. Coetzee qui a perdu l'envie de continuer de vivre en Afrique du Sud, voire d'assumer sa sud-africanité. Au contraire d'André Brink, J. M. Coetzee redoute, comme on l'a vu, la nouvelle configuration politique sud-africaine et refuse de la regarder en face dans le but de l'améliorer. André Brink vise pourtant des idéaux qui se rapprochent de ceux de Zake Mda. C'est à ce titre qu'il convient de se pencher maintenant sur Ways of Dying qui permettrait plus que The other side of silence d'éclairer Get a life de Nadine Gordimer.

* 193 Voir Edward Said, L'Orientalisme, op.cit.

* 194 Abdul jan Mohamed, The Economy of manichean Allegory, in B. Ashcoft et ali, The Post- Colonial Studies Reader, New York, London, Routledge, 1995, p. 21.

* 195 Michel Foucault, L'ordre du discours, leçon inaugurale au collège de France, prononcé le 02/01/1970, Paris, Gallimard, 1971, p. 22.

* 196 Je souligne en m'appuyant sur la terminologie de Stuart Hall parce qu'elle traduit au mieux la classe sociale à laquelle Kahapa et Himba appartiennent si l'on procède conformément à la démarche capitaliste, colonialiste ou hégémonique.

* 197 Stuart Hall, Identités et cultures, Politiques des cultural studies, op.cit. P.73

* 198 Njabulo Ndebele, Rediscovery of the ordinary... op.cit., p. 53

* 199 Njabulo Ndebele, Rediscovery of the ordinary... op.cit., p. 53

* 200 Redécouvrir l'ordinaire ici signifie aussi redécouvrir le détail dans le général, reconnaître que le système de l'Apartheid réduisait les Noirs à une masse alors que les Noirs sont différents les uns les autres. Il y en a qui sont soumis ou qui ont confié leur avenir à leur ravisseur comme l'aurait dit Ambroise Kom dans La Malédiction francophone et il y en a qui comme Kahapa choisissent la liberté et l'autonomie. Voir à ce sujet L'interview de Njabulo Ndebele accordé à Denise Coussy dans Notre Librairie-Littérature d'Afrique du Sud 1, op.cit., p. 67.

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"Ceux qui rêvent de jour ont conscience de bien des choses qui échappent à ceux qui rêvent de nuit"   Edgar Allan Poe