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Pression et dynamique de l'espace cotier a mangrove de Youpwe (Douala-Cameroun)

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par Luc MOUTILA BENI
Université de Douala - DEA/Master II 2011
  

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II.2 - Perceptions et logiques des acteurs impliqués dans la gestion des

ressources naturelles à Youpwe

L'espace à mangrove de Youpwe fait de plus en plus l'objet de discorde entre différents acteurs intervenant dans ce champ d'action. Les municipalités, l'Etat, les populations autochtones et les groupes étrangers qui s'y sont installés, il y a environ trois décennies, se livrent à des luttes d'influence. L'espace à mangrove devient par conséquent une plate forme aux enjeux multiples et variés. Schématiquement, il se dégage plusieurs logiques d'acteurs.

La mangrove revêt une signification pour chaque groupe installé à Youpwe. Les représentations que les groupes se font de cet espace sont totalement contraires aux intérêts des pouvoirs publics. Cette divergence d'intérêts suivant les acteurs se traduit parfois par la contestation et le non respect des lois et règlements édictés par les autorités administratives. A titre d'illustration les arrêtés municipaux interdisant la construction des habitations dans toute la zone marécageuse sont balayés du revers de la main par les populations en quête des terres. De même l'interdiction d'acquisition des terres dans les cinquante premiers mètres à partir du niveau de la plus basse mer, mentionnée dans l'ordonnance n °74 /2 du 26 juillet 1974, n'est pas respectée par les populations qu'elles soient autochtones ou étrangères. Cette situation est révélatrice de la nature de relations qui existe entre les populations et l'administration au sujet de l'espace à mangrove de Youpwe. En clair, les populations de Youpwe développent une logique de contestation à l'égard de l'administration. Elles récusent tout de l'administration qui les empêcherait de jouir paisiblement des ressources de la mangrove.

En effet la mangrove regorge de nombreuses ressources (terres, bois, poisson, sable, gravier...). Ainsi les populations autochtones estiment que c'est en résidant près de ces ressources qu'elles assumeront à bon escient leur droit naturel de propriété. Selon eux, il est hors de question d'aller s'installer ailleurs. En effet, tous ceux qui se réclament autochtones affirment que les terres et les ressources qui s'y trouvent appartiennent aux populations qui y vivent. Ainsi l'espace à mangrove de Youpwe passe pour devenir une entité autour de laquelle se construit une identité spatiale ; bien que cet espace n'appartienne véritablement à aucun groupe. Youpwe apparaît en effet comme un espace éclaté au sein duquel les populations hétéroclites et aux intérêts divergents se côtoient. Il se développe donc chez ces populations dites autochtones un élan de revendication de cet espace qui pourtant, selon la loi relève du domaine public. Cette logique d'appropriation de l'espace à mangrove de Youpwe se heurte contre la puissance publique. Cette situation ambiguë voire conflictuelle entre populations locales soucieuses d'exploiter leurs ressources, et les dispositions légales qui leur en interdisent, trouvera- t- elle une issue dans cette localité ? Pour l'instant ce débat n'est pas à l'ordre du jour. Mais toujours est-il qu'avec l'avènement de la décentralisation et surtout du concept de la foresterie communautaire qui est synonyme de transfert de pouvoirs aux collectivités locales avec possibilité de gestion autonome des ressources de toute nature, cette épineuse question sera plus ou moins résolue.

Mais dans l'attente de l'effectivité de la foresterie communautaire l'espace à mangrove de Youpwe fait déjà l'objet de nombreuses représentations populaires. Plusieurs observations et témoignages indiquent que les populations de Youpwe et des environs entretiennent des liens particuliers avec l'espace à mangrove. Les populations de Youpwe considèrent l'espace à mangrove comme « un don naturel de Dieu ». La forêt de mangrove à Youpwe remplit une double fonction : la fonction matérielle et dans une moindre mesure la fonction spirituelle. La fonction assignée à la forêt de mangrove dépend largement du groupe ethnique et de la classe sociale auxquels l'on appartient. Cette signification est d'autant plus profonde lorsqu'il s'agit des groupes autochtones, c'est-à-dire ceux qui ont entretenu des rapports étroits et séculaires avec cet écosystème. Ainsi pour les autochtones Douala, la mangrove qu'on appelle ici « matanda » n'est pas considérée comme un réservoir de ressources qu'il faille exploiter absolument. Mais c'est un espace, ou un milieu qui représente un fort potentiel culturel. C'est un véritable patrimoine traditionnel à transmettre à la génération future.

Pour le peuple Douala, la mangrove et l'espace côtier en général est le lieu par excellence où séjournent momentanément les esprits de l'eau ou ancestraux. C'est précisément vers l'eau et l'espace côtier souvent recouvert de mangrove que le peuple Douala va à la rencontre des génies de l'eau lors du célèbre festival annuel des peuples Sawa : le « Ngondo ». Vu sur cet angle, la forêt de mangrove n'est pas seulement un écosystème, un ensemble des éléments de la nature (végétation, animaux, poisson, sol, ...), mais une âme, un lieu sacré qui requiert respect, protection et mérite d'être conservé. Il se dégage clairement chez les douala une logique traditionnelle et affective en rapport avec la mangrove et l'espace côtier en général.

En revanche pour les populations allogènes, la mangrove est perçue comme un espace malsain et impropre qui requiert d'être aménagé et urbanisé. De même la mangrove est perçue comme un support des activités matérielles : chasse, pêche, cueillette. Cette vision réductrice de la mangrove par les allogènes comme un milieu à exploiter est aux antipodes de celle des autochtones Douala. La mangrove à Youpwe est donc au centre des enjeux divers. Ces enjeux qui sont de plus en plus culturels, sociaux et économiques relèguent au deuxième plan la dimension écologique et environnementale de cet espace pourtant indispensable à la stabilisation et au maintien de l'équilibre de la zone côtière. Nous relevons pour ainsi dire une logique rationnelle en finalité ou en calcul d'intérêt qui caractérise les populations immigrées notamment les étrangers ouest africains mais aussi les populations de l'ouest Cameroun pour qui la mangrove et l'espace côtier n'ont aucune signification. Cette situation relève de l'ignorance et du déficit d'éducation et de sensibilisation des populations ; et la conséquence immédiate qui découle du déficit d'information des populations sur l'importance et les potentialités écologiques de la mangrove est la mise en valeur de cet espace pour des fins d'urbanisation.

C'est d'ailleurs dans cette perspective d'aménagement et d'artificialisation de l'espace à mangrove que s'inscrit malheureusement le projet « Sawa beach », projet initié par la communauté urbaine de Douala (CUD). Selon la CUD, le projet Sawa beach est porteur de développement multisectoriel. Conçu pour être construit sur une superficie de 1000 ha, Sawa beach devrait « permettre aux habitants de la capitale économique de profiter de sa façade maritime ». En plus de quelques 800 logements, le projet devrait générer selon les projections, 3000 emplois, 345 ha de terrains aménagés dont 100 ha de routes, 100 ha d'espaces verts, 100 ha de canaux et autres lacs sont également prévus. Bref, la CUD prévoit simplement la construction d'une nouvelle ville ; « Celle- ci ne va pas se faire au détriment de la vieille ville » souligne le délégué du gouvernement. Ce projet certes salutaire qui vise à doter la ville de Douala d'infrastructures viables se heurte malheureusement aux aspirations des populations et des entreprises installées à Youpwe soucieuses de consolider leurs assises foncières dans l'espace à mangrove. De ce point de vue, l'espace à mangrove devient un espace à géométrie variable où des acteurs aux logiques diverses s'emploient, se déploient et s'affrontent. Il convient de souligner que certains acteurs impliqués dans la problématique de l'espace à mangrove de Youpwe sont à l'origine d'un processus de territorialisation à travers des pratiques et des stratégies d'appropriation.

III - Contraintes du milieu physique et mise en valeur de l'espace à

mangrove à Youpwe

Constitué essentiellement de la mangrove qui se développe sur des formations superficielles composées de vases, de tourbes et du sable mouvant, l'espace où s'est érigé le quartier Youpwe présente des conditions naturelles difficiles pour toute installation humaine. Toutefois, l'homme, doté d'une intelligence et d'une imagination débordante a su mettre en place une technicité et des savoirs qui lui ont permis de dompter ce milieu, de se l'approprier et de l'exploiter à sa guise.

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"Il existe une chose plus puissante que toutes les armées du monde, c'est une idée dont l'heure est venue"   Victor Hugo