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L'intéret national dans le processus d'intégration régionale en Afrique

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par Yanic KENHOUNG
Institut des Relations Internationales du Cameroun - Master 2014
  

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I- État des lieux des textes sur la libre circulation en Afrique

Achever les étapes du Traité d'Abuja incombe aux CER. La CEMAC, le COMESA, la CAE, la CEDEAO, la SADC et l'UEMOA ont avancé, en adoptant des protocoles sur la libre circulation des personnes, de la main-d'oeuvre, des services, ainsi que le droit d'établissement et le droit de résidence. Concernant l'Afrique Centrale, le protocole sur la libre circulation des personnes au sein de la CEMAC a fait l'objet du Traité du 16 mars 1994 et révisé le 25 juin 2008. Une loi de 2005 a été votée sur la libre circulation des personnes dans la région CEMAC, en mars 2010, une réglementation a fixé les conditions de gestion et de délivrance du passeport

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de la CEMAC. Aujourd'hui, quatre208 des six États de la communauté ont supprimé le visa d'entrée à leurs ressortissants. Au sommet extraordinaire des Chefs d'État de la CEMAC tenu à Libreville au Gabon en juin 2013, les deux autres Chefs d'États (Gabon et Guinée Équatoriale) ont décidé d'ouvrir leurs frontières aux citoyens communautaires d'Afrique Centrale à partir du 1er janvier 2014. Les articles 4 et 40 du Traité de 1983 de la CEEAC et le protocole déclarent que les ressortissants de tout État membre peuvent librement et à tout moment entrer dans le territoire d'un autre État membre, se rendre dans cet autre pays membre, s'y établir et en sortir. Le droit d'établissement donne aux autres ressortissants des États membres de la CEEAC accès aux activités non rémunérées et aux activités traditionnelles de même qu'aux métiers, ainsi que la possibilité de créer et de gérer une entreprise conformément à la charte des investissements du pays hôte.

De textes similaires ont été adoptés dans la CEN-SAD, le COMESA, la CAE et la SADC. Le paragraphe 2 de l'article premier du traité portant création de la CEN-SAD a prévu des mesures susceptibles de garantir la libre circulation des personnes, des biens et des capitaux ; l'intérêt des ressortissants des États membres ; la liberté de résidence, la propriété et l'exercice de l'activité économique ; et le libre exercice du commerce et la libre circulation des biens, des produits et des services en provenance des pays signataires. En tant que premier pas vers la mise en place d'un marché commun et en définitive d'une communauté économique des États de l'Afrique de l'Est et de l'Afrique australe, le protocole sur l'assouplissement graduel et l'élimination définitive de l'exigence de visas au sein du COMESA a été adopté en 1984. En 2001, les États membres du COMESA ont adopté un protocole sur la libre circulation des personnes, de la main-d'oeuvre et des services, les droits d'établissement et de résidence, et décidé de lever progressivement toutes les restrictions dans un délai convenu. Les États membres de la CAE ont récemment signé le Protocole du Marché commun sur la libre circulation des personnes, des biens, de la main-d'oeuvre, des services et des capitaux. Les articles 7 à 9 du protocole pour la mise en place d'un marché commun de l'Afrique de l'Est, qui est entré en vigueur en juillet 2010, stipulent que les États partenaires garantissent, au sein de leurs territoires, la libre circulation des personnes qui sont ressortissants du marché commun. La SADC a adopté en juin 1995 le projet de protocole sur la libre circulation des personnes dans la

208 Il s'agit du Cameroun, du Tchad, de la RCA et de la République populaire du Congo.

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SADC, qui a été remplacé en janvier 1997 et encore par le Protocole de 2005 sur la facilitation de la circulation des personnes au sein de la SADC. Il vise à faciliter l'entrée, dans un but licite et sans visa, dans le territoire d'un autre État membre pour une période maximale de 90 jours par an, pour une visite de bonne foi et conformément aux lois de l'État membre concerné ; la résidence permanente et temporaire dans le territoire d'un autre État partie ; et l'établissement de l'intéressé lorsqu'on travaille dans le territoire d'un autre État partie. En juin 2007, les États de la SADC ont également adopté le Protocole de la SADC sur le commerce des services pour six secteurs essentiels209. Ces États ont conclu divers protocoles et memoranda d'accord contenant des dispositions visant à libéraliser les secteurs des services et à harmoniser les réglementations pour ces secteurs, ainsi que l'éducation et la santé. Les États membres de la SADC sont convenus en mars 2008 de mettre en service le visa unique à l'intention des touristes qui visitent l'Afrique australe, visa qui serait calqué sur le visa Schengen européen. Les États partenaires de la SADC sont obligés, conformément à leurs lois nationales, de garantir la protection des ressortissants des autres États partenaires vivant ou séjournant dans leurs territoires.

Les États membres de la CEDEAO ont adopté en mai 1979 le Protocole sur la libre circulation des personnes, la résidence et l'établissement. Ledit Protocole garantit aux ressortissants des États membres de la CEDEAO, entre autres choses, le droit d'entrer, de résider et d'établir des activités économiques dans le territoire des États membres. L'article 2 du Traité de l'UMA signé en 1989 déclare que les États membres s'efforcent progressivement de mettre en oeuvre la libre circulation des personnes, des services, des biens et des capitaux. À l'article 3, le Traité envisage l'accord au niveau culturel, ce qui laisse entendre la coopération visant à développer l'éducation à différents niveaux, à préserver les valeurs spirituelles et morales inspirées des enseignements généraux de l'Islam et à sauvegarder l'identité nationale arabe.

II- Le non respect des textes sur la libre circulation des personnes comme un blocage du processus d'intégration

Le principe de la libre circulation des personnes prévu par le traité d'Abuja à la quatrième étape du processus d'intégration en Afrique n'est pas encore effectif dans certaines CER. C'est ainsi que l'obligation du visa d'entrée subsiste encore dans celle-ci. En Afrique Centrale par

209 Le bâtiment et les travaux publics, les communications, les transports, l'énergie, le tourisme et les finances.

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exemple l'agenda de l'intégration sous-régionale au sein de la CEMAC et de la CEEAC intègre la réalisation d'une intégration complète et par conséquent la libre circulation des personnes, des biens et des services qui constitue une condition pour la mise en place d'un marché commun. Que ce soit au sein de la CEMAC ou de la CEEAC, la libre circulation des personnes n'est pas effective en Afrique Centrale nonobstant les engagements et les décisions pris par les chefs d'État. Malgré l'intention manifestée à travers les textes, dans les faits il semblerait qu'elle ne soit pas toujours en vigueur210. Le rendez-vous manqué du 1er Janvier 2014 de la libre circulation en zone CEMAC du fait des oppositions manifestes de la Guinée Equatoriale et du Gabon est à cet effet illustratif. En raison des disparités économiques qui existent dans la région, certains États manifestent l'inquiétude d'être envahis par les populations des autres pays. Omar BONGO résumait dans une déclaration les problèmes que rencontrerait son pays si la libre circulation des personnes devenait effective : « nous sommes partisans du maintien des visas et des autorisations de séjours... Si en plus des arrivées clandestines, nous ouvrons les vannes, nous gabonais, serons submergés211 ». Au sein de la CEEAC, le constat fait par les experts de la CEA en 2005 à ce sujet est fort illustratif : « la Décision n°03/CCEG/VI/90, adoptée à Kigali le 26 janvier 1990, la plus importante de toutes, n'a pas toujours abouti, malgré sa réactivation et modification le 17 juin 2002 à Malabo, par les chefs d'État et de Gouvernement : la carte de la libre circulation pour les frontaliers et le carnet de libre circulation pour les autres ressortissants ne sont pas encore en circulation ; les couloirs CEEAC dans les aéroports ne sont pas encore créés dans tous les pays et là où ils existent, ils ne sont pas encore opérationnels, et les ressortissants de la communauté ont toujours besoin de visas pour voyager d'un État membre à un autre212 ». Jusqu'en 2013, on en est encore à des projections de l'effectivité de la libre circulation des personnes213alors que le Traité de la CEMAC la consacrait déjà ; depuis lors cette mesure est restée très peu effective dans la sous région214. Dans la CEEAC la libre circulation des personnes, est très peu encrée et seuls quatre États appliquent le principe. Dans la CEDEAO, ce principe est un peu avancé mais demeure entravé par le harcèlement sur les routes, au grand

210 Yanick JANAL LIBOM, Harmonisation et rationalisation des communautés économiques régionales (CER) en Afrique : le cas de l'Afrique centrale (1991-2010), Mémoire de Master en Histoire, Université de Yaoundé 1, 2011, p.83.

211 Claude N'KODIA, L'intégration économique : les enjeux pour l'Afrique centrale, Paris, L'Harmattan, 1997.

212 CEA/BSR-AC, Document de la réunion sur l'harmonisation des CER tenue à Douala, CEA/BSR-AC, 2007.

213 A l'issue du sommet des Chefs de l'État de la CEMAC tenu à Libreville le 14 juin 2013, la suppression des visas en zone CEMAC pour tout citoyen sera consacrée d'ici la fin de l'année.

214 Seuls quatre États de la sous-région appliquent le principe de la libre circulation.

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nombre de barrières routières et aux barrières illégales, ainsi qu'au problème de l'insécurité sur les routes. Le non respect des textes sur la libre circulation des personnes dans les CER constitue un blocage pour la réalisation du marché commun africain et partant de l'intégration régionale.

A l'analyse, il ressort que l'intérêt national égoïste est perceptible en Afrique à travers l'égoïsme des États et les stratégies des États face à l'action collective de l'Union Africaine. Aussi, le retrait du Maroc de l'OUA et le non respect des textes sur la libre circulation des personnes dans les CER nous ont permis de constater que la recherche effrénée de l'intérêt national égoïste est un obstacle au processus d'intégration régionale en Afrique. Par contre, l'intérêt national altruiste qui dépasse la conception individuelle de l'intérêt national pour intégrer l'intérêt national de l'autre, constitue un catalyseur pour le processus d'intégration régionale en Afrique.

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CHAPITRE 4 : L'INTÉRÊT NATIONAL ALTRUISTE : UN FACTEUR DE DYNAMISATION DE L'INTÉGRATION RÉGIONALE EN AFRIQUE

Le dépassement de la souveraineté de l'État au sens classique215et l'acceptation de sa conception limitée et « rassemblée216 », ou la culture du compromis avec les partenaires du même bloc régional est la condition d'une politique extérieure plus forte pour l'ensemble, sont des facteurs de dynamisation du processus d'intégration régionale en Afrique. Dans l'approche réaliste, la question de la limitation de la souveraineté pour construire un espace d'intégration régionale est soumise au dilemme de la coopération internationale. En effet, tant que l'anarchie demeure le principe d'organisation du système international, les gains relatifs pèsent plus que les gains absolus aux yeux des États, et la coopération n'est intéressante pour eux que s'ils sont sûrs d'en tirer davantage profit que leurs partenaires. L'intégration régionale, en tant que forme la plus avancée de coopération internationale, doit par conséquent bénéficier d'un environnement particulier pour permettre aux États concernés de contourner ce dilemme. Pour les réalistes, cela s'apparente essentiellement à la formation d'une alliance. Ainsi, la construction européenne pendant la Guerre froide n'aurait été possible que par l'existence de la menace soviétique, qui a incité les États d'Europe de l'ouest à s'unir, tout en bénéficiant de l'hégémonie américaine au sein de l'Alliance atlantique, qui a mitigé la conflictualité entre eux217. Dans ce cas de figure, la distribution de la puissance aurait permis à ces États de se préoccuper davantage de leur prospérité économique que de leur sécurité, garantie par un acteur extérieur.

Une autre interprétation réaliste de l'intégration régionale présente ce phénomène comme un effort visant l'insertion d'une puissance hégémonique dans un cadre institutionnel favorable au renforcement de l'interdépendance. L'hégémon voit dans l'intégration la possibilité d'étendre son influence politique et économique par des moyens pacifiques (on dit alors qu'il s'agit d'une

215 Celle-ci fait état d'une séparation étanche entre les sphères interne et externe de la vie d'une nation, où la consécration de l'autorité suprême d'un État sur un territoire (souveraineté interne) a pour corollaire l'exclusion de toute ingérence d'un autre État sur ses décisions (souveraineté externe).

216Robert KEOHANE, « Ironies of Sovereignty: The European Union and the United States », Journal of Common Market Studies. 2002, vol. 40, p. 748.

217John MEARSHEIMER, « Back to the Future: Instability in Europe after the Cold War », International Security. 1990, vol. 15, n°1, p. 47.

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« puissance bénigne »), tandis que les États faibles de la région trouvent leur compte à maîtriser la puissance de leur voisin par l'adoption de normes communes qui rendent prévisible son comportement218. Ce serait le cas du sous-système unipolaire existant en Afrique australe, normalisé par l'intégration de l'Afrique du Sud dans la SADC.

La conception « limitée et rassemblée » de la souveraineté constitue en effet le corollaire de l'intérêt national altruiste qui est à la faveur de l'intégration régionale en Afrique. L'exaltation de cet intérêt national est fréquente en Afrique. C'est pour quoi, En 1994, Nelson MANDELA affirmait dans un discours devant l'Assemblée Générale des Nations Unies que «le défi majeur qui se pose à nous est de savoir, compte tenu de l'interdépendance du monde actuel, ce que nous pouvons faire et ce que nous pourrons faire pour asseoir partout la démocratie, la paix et la prospérité219 ». Ce discours était la confirmation de celui du ministre des Affaires étrangères les 8 et 11 août au Cap, sur la présentation de la nouvelle diplomatie sud-africaine. L'intérêt national sud-africain s'articule ainsi avec celui du continent africain et peut s'analyser en un intérêt national construit par la culture internationale220. Ce positionnement, à la suite du discours de Nelson MANDELA en 1994, a été souligné par le ministre des Affaires étrangères, Nkosazana DLAMINI ZUMA en 2004 : « Au cours des dix dernières années, notre implication dans les affaires internationales s'est fondée sur la vision selon laquelle la puissance (force) de notre nation dépend de la force de notre continent entier221». Une telle construction extensive de l'intérêt national en articulation avec l'Afrique est au service de l'intégration régionale.

218Luc SINDJOUN, et Pascal VENNESSON. « Unipolarité et intégration régionale : l'Afrique du Sud et la renaissance africaine ». Revue française de science politique. 2000, vol. 50, no. 6, p. 925.

219 Bulletin d'Afrique du Sud, 23 novembre 1994, cité par Pierre-Paul DIKA ELOKAN, La politique étrangère de la nouvelle Afrique du Sud : les défis de la conciliation entre intérêt national, intérêt continental et mondialisation, Thèse de doctorat en Droit public soutenue le 25 juin 2007 de l'Université de Reims Champagne-Ardennes, p. 20.

220 D'après les constructivistes, l'intérêt national d'un pays est un construit social qui trouve son origine dans l'identité des États, c'est-à-dire de la représentation qu'ils se font d'eux-mêmes, d'autrui et du système international. En ce sens, l'intérêt national est donc moins construit par l'État qu'il n'est façonné par les normes et valeurs qui, partagées internationalement, structurent la vie politique internationale et lui donnent signification. Et lorsque ces valeurs évoluent, l'intérêt national est susceptible d'être re-généré et transformé avec pour conséquence l'émergence possible d'un intérêt national défini de façon altruiste. Voir à cet effet, Martha FINNEMORE,Op. Cit.

221 « Over the past ten years, our involvement in world affairs has been premised on the view that the strength of our nation depends of the entire continent ». Nkosazana DLAMINI ZUMA, présentation du Budget du ministère des Affaires étrangères, Le Cap, 3 juin 2004.

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L'intérêt national altruiste vise la conduite d'une politique étrangère satisfaisant en même temps l'intérêt national des États amis222. Ainsi, en ressortant les manifestations de cette conception de l'intérêt national dans le processus d'intégration régionale en Afrique (SECTION

I), et en démontrant l'impact de cette conception sur l'intégration régionale à travers l'adhésion de l'Afrique du Sud dans la SADC et l'adhésion de la Guinée Équatoriale dans l'UDEAC/CEMAC (SECTION II), nous serons convaincus de ce que cette conception est à la faveur de la dynamique d'intégration régionale en Afrique.

SECTION I : LES MANIFESTATIONS DE L'INTÉRÊT NATIONAL ALTRUISTE DANS LE PROCESSUS D'INTÉGRATION RÉGIONALE EN AFRIQUE

Le processus d'intégration régionale en Afrique constitue le réceptacle de l'articulation entre l'intérêt national et l'intérêt continental. Les manifestations de l'intérêt national altruiste y sont perceptives à travers le processus de création du NEPAD (PARAGRAPHE I) et l'institution des programmes de coopération technique au sein de l'UA (PARAGRAPHE II).

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