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Le management des digital natives

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par Adrien Lechevalier
ICD - International Business School Toulouse - Master II spécialisé Web Marketing & E Business 2014
  

Disponible en mode multipage

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    En quoi le manager devra-t-il modifier son management
    pour gérer, motiver et fidéliser les nouveaux actifs de moins
    de 30 ans, suite à la fracture comportementale
    intergénérationnelle entre digital native et digital immigrant
    en France ?

    Présenté par M. LECHEVALIER Adrien le 16 septembre 2014

    Sous la direction de Mme. DEHLING Aurélie

    L'Institut International du Commerce et du Développement n'entend donner aucune
    approbation ni improbation aux opinions émises dans les mémoires.
    Ces opinions devront être considérées comme propres à leur auteur.

    Remerciements

    En préambule à ce mémoire, je souhaitais remercier les personnes qui m'ont apporté leur aide et qui ont contribué à l'élaboration de ce mémoire. Je tiens à remercier sincèrement Mme. DEHLING Aurélie, qui, en tant que Directrice de mémoire, a toujours été à l'écoute et disponible tout long de la réalisation de ce mémoire, ainsi que pour l'inspiration, l'aide et le temps qu'elle a bien voulu me consacrer. Mes remerciements sont également tournés vers l'ICD - International Business School de Toulouse et plus précisément Mme. VERGEZ Dominique qui m'a permis d'avoir une telle opportunité, un travail de fond sur un sujet qui me passionne. J'exprime ma gratitude à tous les consultants et experts rencontrés lors des recherches scientifiques et empiriques et qui ont accepté de participer à mon travail. Enfin, j'adresse mes plus sincères remerciements à tous mes proches et amis, qui m'ont toujours encouragé et soutenu au cours de la réalisation de ce mémoire.

    Merci sincèrement à tous et à toutes.

    Préambule

    Depuis ma 3e année à l'ICD - International Business School de Toulouse, je me suis toujours interrogé sur les modifications sociétales de l'avènement du numérique. Cette passion me poussa à travailler sur les digital natives dans mon premier mémoire. Me spécialisant en Digital Media & Webmarketing en Master I à l'International School of Business de Dublin en Irlande, je commençais à comprendre l'ampleur que le digital prenait sur le monde et la société. Continuant cette spécialisation à l'ICD de Toulouse en Master II et intégrant l'entreprise Natixis Car Lease en tant que Chargé Webmarketing, le phénomène sociétal observé d'une fracture entre les individus les plus jeunes et les plus âgés dans l'utilisation du web était d'autant plus intéressant en entreprise. Recherchant des concepts évoquant ce sujet, je me suis aperçu que de nombreux auteurs parlaient de ce clivage des digital natives et des digital immigrants en entreprise. Les études scientifiques n'étant qu'à leur prélude à propos de ce sujet, je souhaite commencer à trouver des éléments de réponse à cette problématique : « En quoi le manager devra-t-il changer son management pour gérer, motiver et fidéliser les nouveaux actifs de moins de 30 ans, suite à la fracture comportementale intergénérationnelle entre digital native et digital immigrant en France ? »

    Les réponses apportées au travers de ce travail sont inspirées des théories et des concepts développés sur le sujet, mais sont également liées à mes observations personnelles, elles sont donc critiquables.

    Sommaire

    Introduction 1

    I. Le management des digital natives : concepts, théories et hypothèses de

    recherche 5

    II. Diagnostic managérial générationnel 53

    III. Recommandations pour une dynamique de changement 102

    Conclusion générale 113

    Bibliographie 116

    Table des matières 124

    1

    Introduction

    1. Le phénomène

    Depuis mon plus jeune âge, j'ai toujours été personnellement très intéressé par l'informatique et plus particulièrement par l'univers du web. Je me rappelle encore des 30 minutes d'internet par mois à partager avec toute ma famille, de MSN, de Caramail, des Skyblogs... Mes parents utilisaient eux aussi le web, ce sont eux qui m'ont initié à cette pratique. Cependant, avec les années, j'ai remarqué que ma génération est devenue bien plus vite addictive à cet environnement. Internet nous permettait de rester connectés après les cours, chacun chez soi. A la suite de mon Baccalauréat, j'ai commencé à étudier le commerce à l'Institut Universitaire de Technologie de La Rochelle en Technique de Commercialisation. Nos cours de marketing très traditionnel commençaient à parler timidement du web. Ils citaient par exemple le succès de la VAD sur le web dont La Redoute. En 2014, si La Redoute s'est écroulé, c'est bien à cause du web et de ce besoin de réactivité que n'avait pas la VAD qui restait sur son rythme de renouvellement du catalogue de vêtements une fois par an. Je notais une vraie fracture entre ces cours dispensés par des experts de la grande distribution et la réalité qu'était le web. Lors de mon arrivée en 3e année à l'ICD - International Business School de Toulouse, j'ai réalisé mon premier mémoire traitant des digital natives. Si ce sujet m'était venu à l'esprit, c'est qu'à la suite de nombreux stages, je voyais bien que certaines personnes de plus de 30 ans n'arrivaient pas à être fluides dans leur utilisation de l'informatique. Rien n'était inné, ils réussissaient à faire ce qu'ils avaient appris mais chaque nouvelle démarche à réaliser sur l'ordinateur leur posait de gros problèmes d'adaptation. En restant perpétuellement en veille sur le web, j'ai obtenu des recherches en provenance des Etats-Unis par rapport à cette fracture. En France, en 2011 - 2012, il n'y avait aucun écrit sur ce sujet, personne n'en parlait car personne ne connaissait ce phénomène. Aux Etats-Unis, quelques professeurs et sociologues essayaient de déterminer ce phénomène. Le TIME Magazine est le premier à faire mention d'une nouvelle génération. Celui-ci titrait COMPUTER GENERATION A New Breed of Whiz Kids

    2

    (1982). Le TIME écrivait que cela « Constitute yet another quantum leap in the ability to cope with the world »1. Le TIME se douta de l'influence des ordinateurs sur cette génération jusqu'à penser que l'ordinateur ferait devenir cette génération, une race d'enfant génie avec une nouvelle vision du monde. Le terme de digital native et digital immigrants provient de Marc PRENSKY dans Digital Natives, Digital Immigrants (2001). Il y a ceux n'ont vécu que dans un univers digital et ceux qui ont grandi sans le digital et qui ont dû apprendre, se former, migrer vers cette connaissance. Les digital natives désignent la 1ere génération à avoir connu depuis toujours les nouvelles technologies. La première génération est née à partir de 1980. Il y a aujourd'hui 30% de la population mondiale qui est un digital native. Si en 2010, on pouvait s'interroger sur l'existence de ce phénomène, il y a aujourd'hui en 2014 de nombreuses instances officielles qui étudient cette génération de digital native : « Countries with a high proportion of young people who are already online are positioned to define and lead the digital age of tomorrow »2 explique Georgia Institute of Technology et l'International Telecommunication Union. Ce rapport comprend l'étude de 180 pays en utilisant les travaux de Digital TV Research, Eurostat, l'OCDE, le FMI, la CNUCED, l'Institut des statistiques de l'UNESCO, la Division de la population des Nations Unies et la Banque mondiale. Ce rapport s'appuie sur le taux de digital native dans la population d'un pays pour évaluer son adaptation à la modernité et donc, sa réussite au niveau du numérique. Lors de nos entretiens qualitatifs, les managers et les digital natives eux-mêmes connaissent très bien ce phénomène mais ne connaissent pas forcément les termes pour le définir. Bien plus qu'une fracture au niveau des connaissances, c'est que cette ère du numérique a peut-être aussi déteint sur les comportements de cette génération.

    1 TIME Magazine, COMPUTER GENERATION A New Breed of Whiz Kids, 03/05/1982

    2 Georgia Institute of Technology et l'International Telecommunication Union, Measuring the Information Society, 2013

    3

    2. La problématique d'entreprise

    Les études réalisées montrent que les comportements des digital natives sont différents de ceux des digital immigrants. Cela fait peur au monde de l'entreprise car ils ne les connaissent pas. Selon l'INSEE, la population active est estimée à 26 millions d'employé en 2011. 31% de la population active avec un emploi est un digital native. D'ici 2020, les digital natives seront les plus nombreux en activité en France devant toutes les autres générations. Notre thème de recherche sera le management par génération et plus spécifiquement, la relation entre le manager et le digital native. On en vient donc à se demander : Comment le manager va manager cette nouvelle génération des digital natives ? Il y a de très nombreuses sous-questions pour pouvoir essayer d'apporter des éléments de réponse à cette question générale : Quelles sont les différences entre digital native et digital immigrant ? Les digital natives ont-ils vraiment plus de connaissances sur le web et l'informatique ? Les digital natives ont-il un ou des profils différents ? Les digital natives ont-ils une personnalité différente ? Les digital natives ont-ils de nouvelles compétences ? Le management traditionnel est-il adapté à cette nouvelle génération ? Les managers comprennent-ils totalement cette génération ? Comment vont faire les managers pour les gérer s'ils ne les comprennent pas ? Comment vont-ils les motiver s'ils ne savent pas ce que sont leurs besoins, leurs envies, leurs passions ? Comment vont-ils les fidéliser à l'entreprise s'il n'y a aucune relation entre le manager et le digital native ? La problématique reprend l'ensemble de ces sous-questions : « En quoi le manager devrait-il modifier son management pour gérer, motiver et fidéliser les nouveaux actifs de moins de 30 ans, suite à la fracture comportementale intergénérationnelle entre digital native et digital immigrant en France ? ». Les concepts-clés sont donc : Génération, Digital native, Digital immigrant, Management, Manager. Les méthodes de recherche sont Cairn, Erudit, Persee, Sudoc, Amazon, La Fnac, Google Scholar, Cyberlibris et la veille constante sur l'ensemble des réseaux sociaux professionnels.

    3. L'annonce du plan

    Afin de délimiter l'étendue de notre travail, nous souhaitons réaliser un plan en 3 parties. Premièrement, il semble primordial d'analyser les études scientifiques portant sur le terme « génération », sur la génération des digital natives, sur le management traditionnel afin de lier l'ensemble pour réaliser des hypothèses sur le management du manager auprès des digital natives. Deuxièmement, nous allons réaliser une étude empirique pour valider ou infirmer nos hypothèses. Nous allons donc réaliser un diagnostic managérial générationnel en cherchant à obtenir le point de vue des managers, des digital immigrants et des digital natives pour l'entretien qualitatif et quantitatif. Pour finaliser notre mémoire, nous ferons des recommandations pour une dynamique de changement selon nos études scientifiques et empiriques et la validité de nos hypothèses.

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    « Rien n'est permanent, sauf le changement. »

    Héraclite

    5

    I. Le management des digital natives : concepts, théories et hypothèses de recherche

    A. La génération des digital natives

    1. Concepts

    a. Le concept de Génération

    Une génération, pour un sociologue, est une population démographique née à une même période et qui a, par conséquent, connu les mêmes événements historiques. Malgré leurs différences économiques, culturelles ou autres, les événements marqueront l'ensemble de la génération. William DILTHEY écrira que c'est : « Un cercle assez étroit d'individus qui, malgré la diversité des autres facteurs entrant en ligne de compte, sont reliés en un tout homogène par le fait qu'ils dépendent des mêmes grands événements et changements survenus durant leur période de réceptivité »3. Suite aux travaux de ses prédécesseurs, William DILTHEY apporte les fondements de la définition contemporaine de génération. On ne doit pas mesurer une génération sur une période mais bien plus par « vie humaine » avec une notion d'âge de maturité (vers 25 ans selon lui). A chaque génération, nous pouvons voir une « émancipation de l'esprit humain par rapport aux traditions ». Notre période de réceptivité, pour les sociologues entre 15 et 25 ans, influencera notre comportement sur le reste de notre vie. Notre culture, nos normes, nos valeurs mais aussi notre compréhension de ce qui nous entoure seront les conséquences de cette période où nous sommes les plus à même d'être influencé par notre environnement social et sociétal durant, c'est à dire le passage de l'adolescence à celui d'adulte. Françoise LANTHEAUME et Patrick RAYOU, chercheurs pour l'Institut Français de l'Education et rédacteurs de Recherche & Formation ont écrit que « Toute personne a conscience d'appartenir à une génération, du fait même qu'elle est un sujet historique et qu'elle possède une conscience du temps. La conscience de génération émerge à l'adolescence, au moment où murit la personnalité, o l'individu montre plus d'intérêt à son environnement politique et social et s'éveille à de nouvelles formes

    3 William DILTHEY, Le Monde de l'esprit, Histoire des Sciences Humaines, 1947

    d'engagement »4. Une génération se crée en contradiction de celle de ses parents « caractérisée par la prise d'autonomie croissante de l'adolescent et à l'apparition des conflits, ouverts ou latents, avec les adultes. Ces conflits favorisent la différenciation et donc l'identification générationnelle ».

    6

    4 Françoise LANTHEAUME et Patrick RAYOU, Recherche & Formation N°45, 2004, p. 109

    7

    b. Les générations du XXe siècle

    Durant le XXe siècle, on note la succession d'au moins 5 générations. Entre 1925 et 1945 est né la Génération Silencieuse, la Génération Vétéran. La population adolescente de cette période a grandi entre deux grandes crises : la Grande Dépression (crise économique de 1929) et la 2nde Guerre Mondiale. Comme définie précédemment, cette génération, qui a connu une des pires périodes de l'histoire du monde, s'est créée une identité propre avec son propre comportement, on parlait d'une génération qui ne rechignait pas au travail : « Few youngsters today want to mine diamonds in South Africa, ranch in Paraguay, climb Mount Everest, find a cure for cancer, sail around the world or build an industrial empire. Some would like to own a small, independent business, but most want a good job with a big firm, and with it, a kind of suburban idyll »5 écrivait le TIME et concluait dans cet article que : « The best thing that can be said for American youth, in or out of uniform, is that it has learned that it must try to make the best of a bad and difficult job, whether that job is life, war, or both ».

    Suite à la 2nde Guerre Mondiale, une nouvelle génération a vu le jour entre 1945 et 1959. Celle-ci fut bien plus heureuse que la précédente et bien plus optimiste, on la nomma la Génération Baby Boom. On les appela Baby Boom car le taux de natalité de cette période est très élevé. La fin de la Deuxième Guerre Mondiale remit de l'espoir dans le coeur des hommes. Il y a eu un très fort pic de natalité en cette période par conséquence. William STRAUSS et Neil HOWE ont étudié les baby boomers et ont permis de dessiner une génération sociologique. Selon eux, deux qualificatifs les décrivaient : idéalistes et égocentriques 6 . Cette génération aurait des difficultés relationnelles avec la génération suivante : la génération X.

    5 TIME Magazine, The Younger Generation, 1951

    6 William StTRAUSS et Neil HOWE, Generations, 1991

    8

    Une nouvelle génération a vu le jour entre 1960 et 1979. Sociologiquement, elle se fait nommer la génération X. Cette génération s'oppose à la précédente, celle des baby boomers, génération de la contre-culture traditionnelle et morale. Elle connaît les premières difficultés en matière de précarité générationnelle européenne. Jane DEVERSON et Charles HAMBLETT démocratisent le terme au Royaume-Uni en 1965. Suite à des entretiens qualitatifs auprès de jeunes anglais pour éditer une revue, ils ont remarqué que la génération s'était démarquée par rapport à la précédente car c'est une génération qui « sleep together before they are married, don't believe in God, dislike the Queen, and don't respect parents »7. Ce fut donc la génération X car elle était la génération inacceptable. William STRAUSS et Neil HOWE ont listé les caractéristiques qui définissent cette génération :

    · Elle ne respecte pas l'autorité ni les institutions

    · Le divorce est devenu une pratique courante et répandue

    · Les femmes travaillent bien plus

    · La natalité a largement diminué

    · La contraception s'est démocratisée

    · Le début d'Internet

    · La fin de la Guerre Froide

    · Mais encore beaucoup d'autres8

    La génération X est parfois vue comme l'adversaire en entreprise de la génération Y. La génération Y regroupe les personnes nées entre 1980 et 1990 et, du fait de leur regroupement générationnel, ils auraient des valeurs communes et des comportements identiques. Denis MONNEUSE définit plus de 70 qualificatifs pour parler de la Génération Y, les plus connus sont : Génération Why, Génération Boomerang, E-Génération...9 Ces jeunes représentent 15% de la population européenne10 et entre 30

    7 Jane DEVERSON et Charles HAMBLETT, Generation X, 1965

    8 William StTRAUSS et Neil HOWE, Generations, 1991

    9 Denis MONNEUSE, Les jeunes expliqués aux vieux, 2012

    10 EU Youth Report, 2009

    et 40% des actifs français11. La nouvelle transmission des valeurs (le réseau avant la famille et les institutions ?) et la vague des nouvelles technologies ont peut être amené la génération Y à avoir de nouveaux comportements. Ils ont acquis le combat de la génération X pour ce qui concerne les transformations morales. Ils ont grandi devant des écrans (d'abord la télévision puis le téléphone et l'ordinateur). Génération plus à l'aise avec les nouvelles technologies, auraient-ils des forces et des faiblesses par rapport aux autres populations ? Entre mythes et réalité, la génération Y fait couler beaucoup d'encre. Arrivant en masse comme de nouveaux actifs, les RH et l'entreprise s'intéressent de près à ceux-ci. Cependant, ont-ils une légitimité identitaire à être nés durant la même période ? Pouvons-nous dire qu'un homme de 30 ans, agriculteur, marié avec 2 enfants ressemble à une femme de 26 ans, CSP+, vivant à Paris et célibataire ? Jean PRALONG est psychologue, docteur en science de gestion et conférencier à Rouen Business School. Il réalisa la seule étude de la Génération Y sur un échantillon français. Celle-ci démontra qu'il n'y avait pas de différence entre la Génération Y dans son rapport à l'entreprise en comparaison avec la Génération X dans A la recherche de la « génération Y » (2012). Il introduira son dossier par cette phrase choc : « L'engouement autour de la « génération Y » est inversement proportionnel à l'intérêt académique qu'elle suscite »12. Comme toute théorie sociologique et donc, non scientifique, il y a des personnes qui y croient et d'autres moins. En tout cas, une population au sein de la génération Y se démarque : les digital natives.

    9

    11 Benjamin CHAMINADE, Prospectives recrutement en 2020, Focus RH et l'INSEE, 2007

    12 Jean PRALONG, A la recherche de la « génération Y », 2012, p. 1

    c. Les générations Digital Natives & Digital Immigrants

    Le TIME Magazine est le premier à faire mention d'une nouvelle génération. Celui-ci titrait COMPUTER GENERATION A New Breed of Whiz Kids (1982). Le TIME écrivait que cela « Constitute yet another quantum leap in the ability to cope with the world »13 Avant même que la génération soit au complet, le TIME se douta de l'influence des ordinateurs sur cette génération jusqu'à penser que l'ordinateur ferait devenir cette génération, une race d'enfant génie avec une nouvelle vision du monde.

    20 ans plus tard, Marc PRENSKY démocratisa le terme de digital native dans Digital Natives, Digital Immigrants (2001). Il est conférencier et écrivain dans le domaine de l'éducation et de la technologie et s'est fait une réputation internationale quand il mettait en avant la fracture dans le système éducatif avec A Nation Still at Risk (1998). Il écrira que les digital natives désignent la première génération à avoir connu depuis toujours les nouvelles technologies. La définition la plus basique parle d'une population ayant entre 15 et 24 ans et façonnée par les technologies numériques. Ce terme est apparu dans le débat de l'élève moderne face à une éducation vieillissante. Don TAPSCOT, conférencier à TEDGlobal ou encore CEO de Tapscot Company, parlait déjà de la Net Génération dans son article Growing Up Digital: The Rise of the Net Generation (1998). La première génération de digital native est née à partir de 1980.

    10

    13 TIME Magazine, COMPUTER GENERATION A New Breed of Whiz Kids, 03/05/1982

    11

    Figure 1 : Internet et les nouveaux médias donnent naissance à une nouvelle

    génération14

    Les digital natives ont une relation spéciale, par rapport aux autres générations, avec les technologies15. Une enquête quantitative a été réalisée et a révélé plusieurs points notables du rapport de cette génération avec les technologies16 :

    ? 80% des 13 - 24 ans se sont connectés au web durant le mois qui précède cette enquête (alors que la moyenne de l'ensemble des internautes est de 46%)

    ? La jeunesse consomme le web en grande quantité et de façon fréquente. 65% des 15 à 24 ans se connectent quotidiennement en 2008.

    ? La messagerie instantanée (MSN, Facebook Messenger...) est la plus fortement utilisée chez les 13 à 17 ans avec 63% à s'en être servi dans le mois contre 41% pour la moyenne de l'ensemble des internautes. De plus, la jeunesse apprécie l'utilisation des blogs (cela représente 70% pour les 13 à 17 ans contre 28% pour l'ensemble des internautes). La communication est une des principales raisons des utilisations du web par les digital natives.

    ? En plus de l'objectif de communication via le web, le digital native est un gamer, un joueur virtuel, télécharge énormément de musique, utilise les outils

    14 POLYCONSEIL, Digital Natives et nouveaux usages médias : comment s'y adapter ?, Livre Blanc, 10/2012, p. 4

    15 Olivier DONNAT, Pratiques culturelles et usages de l'internet, Ministère de la Culture et de la Communication, 2007

    16 Enquêtes de Médiamétrie, 2008

    12

    en ligne dans un esprit créatif...

    Les digital natives sont nés dans un environnement uniquement numérique. D'ailleurs, parler des nouvelles technologies n'a pas de sens pour eux, vu qu'elles n'ont jamais été nouvelles. L'autonomie dans la consommation des médias est immense car ils sont suréquipés. Cette utilisation est un mélange de consommation personnelle sans pour autant être en autarcie. Le web 2.0 a permis d'utiliser son ordinateur seul tout en étant connecté à plusieurs réseaux. Les médias qui perdent la guerre de la consommation médiatique, sont bien évidemment les médias traditionnels (plus particulièrement la télévision) car la liberté d'information proposée est souvent restrictive et subjective. Le web permet la liberté dans son choix d'information et de contenu. Le cinéma reste l'un des médias les plus importants aux yeux des digital natives, le plus haut niveau de pénétration revient aux 15 - 19 ans17.

    Cette relation ultra-connectée à l'ensemble des médias a corrélé un fort besoin de continuer dans son épanouissement personnel au niveau sportif et culturel. Les jeunes sont ceux qui pratiquent le plus les activités artistiques.

    Les livres sont de moins en moins lus, il est vrai. Cependant, la génération digital natives n'arrête pas de lire pour autant, les autres formes de lecture croissent sans cesse : e-book, magazine, article de blog... La lecture en ligne se fait sous forme de F, on va lire le 1er paragraphe qui résume l'article, puis le 2e paragraphe puis le lecteur online se lasse et lit seulement le début des autres paragraphes pour chercher l'information qu'il souhaite. Cette évolution dans la technique de notre lecture est déjà une preuve de changement du fait de la numérisation.

    Il est évident que le numérique a entrainé un bouleversement à notre rapport avec la culture. Culture Prospective souligne deux points, ces deux mêmes sont souvent repris

    17 Ministère de la Culture et de la Communication, Pratiques culturelles chez les jeunes et institutions de transmission : un choc des cultures, Culture Prospective, 2009, p. 3

    13

    quand on essaye de définir les digital natives :

    ? Il y a un « nouveau rapport au temps »18.

    o La consommation à la demande raccourcit notre accessibilité à la culture (Podcast, Torrent, Streaming...)

    o Le numérique accroît nos comportements éclectique19 et omnivore20 de la culture

    ? La consommation de la culture se fait par un comportement multitâche.

    o Et cela se voit d'une part par notre manière d'agir : Le social TV, c'est le fait de Tweeter tout en regardant la télévision et cela est devenu un objectif stratégique pour les groupes télévisuels.

    o Et cela se voit d'autre part par l'adaptation des médias traditionnels à notre comportement : « The Big Picture » est un jeu télévisé israélien créé en 2014 et peut-être sur nos télévisions en 2015. Il fait énormément parler de lui depuis le MIPTV en 2014. C'est le marché international des programmes audiovisuels qui se déroule chaque année à Cannes. « The Big Picture » est un quizz de culture général. La spécificité et tout l'attrait de ce jeu, c'est qu'une personne est sur le plateau, et une autre est tirée au sort chez elle pour partager le million d'euros. Cette dernière joue avec son smartphone mais ce n'est pas tout, les tweets des internautes sont partagés en direct et l'ensemble du plateau est marketté digital.

    Notre environnement numérique a bel et bien changé notre relation à la culture. Cependant, ceci n'est qu'une conséquence. Le numérique a pu changer notre rapport à la culture, qu'a-t-il pu changer d'autre chez les digital natives ?

    18 Ministère de la Culture et de la Communication, Pratiqes culturelles chez les jeunes et institutions de transmission : un choc des cultures, Culture Prospective, 2009, p. 4

    19 Olivier DONNAT, les Français face à la culture : de l'exclusion à l'éclectisme, Paris, La Découverte, 1994

    20 Richard PETERSON et Robert KERN, «Changing Highbrow Taste: From Snob to Omnivore»,

    American Sociological Review, no 61, 55, p. 900-907, 1996

    14

    Il paraît important de structurer la définition des digital natives et Georgia Institute of Technology et l'International Telecommunication Union ont réalisé ce travail et délimitent cette génération. Le rapport comprend l'étude de 180 pays en utilisant les travaux de Digital TV Research, Eurostat, l'OCDE, le FMI, la CNUCED, l'Institut des statistiques de l'UNESCO, la Division de la population des Nations Unies et la Banque mondiale. Ce rapport est Measuring the Information Society (2013). On apprend qu'il y a 363 millions de digital natives ce qui correspond à 5,2% de la population mondiale. Brahima Sanou, Directeur de Telecommunication Development Bureau (BDT) à l'International Telecommunication Union introduit cette étude par cette information : « While 30 per cent of the youth population are digital natives today, the report shows that within the next five years, the digital native population in the developing world is expected to double »21 . Il y a aujourd'hui 30% de la population mondiale qui sont des digital natives car ils ont l'âge de l'être et ils ont une forte activité sur le web depuis au moins 5 ans. Grâce à cet apport dans la définition, cela permet de réduire les digital natives à 90,7% des français ayant l'âge de l'être. Toutes les personnes qui pourraient, par l'âge, être des digital natives ne le sont pas forcément, cela dépend de leur usage du web.

    En pourcentage de sa population, l'Islande est le pays qui a le plus fort taux de digital natives soit 13,9% suivi par la Nouvelle Zélande et la Corée du Sud (13,9%). Le Timor est le pays ayant le plus faible taux de digital natives par rapport à sa population nationale à 0,1%. Cependant, la Chine a le plus grand nombre de digital natives avec une génération de 75 millions de personnes. Elle est suivie par les Etats-Unis (41 millions), Inde (29 millions), Brésil (28 millions) et le Japon (12 millions). Ensuite, voici un autre classement présentant le pourcentage de digital natives par rapport à la population de leur âge : en premier, la Corée du Sud à 99,6% de digital natives suivi par le Japon, les Pays-Bas, la Finlande, la Lituanie, le Danemark, l'Islande, les Etats-Unis et la Nouvelle Zélande. En moyenne, 56% des jeunes utilisant Internet sont des digital natives. Il y a une grande inégalité selon les pays : les pays en développement en ont 47% alors que les pays développés en ont en moyenne

    21 Georgia Institute of Technology et l'International Telecommunication Union, Measuring the Information Society, 2013

    15

    86%. La France, elle, se situe à la 26e place mondiale au niveau du pourcentage de natif numérique par rapport à sa population totale pour une statistique de 11%.

    Figure 2 : Pourcentages de digital natives par rapport à la population totale par pays22

    Y a-t-il une logique dans la proportion de digital native dans un pays ? Une autre notion apportée par cet article montre selon the Georgia Institute of Technology et International Telecommunication Union que les « Pays riches avec un fort taux de pénétration d'Internet » ont le plus fort pourcentage de Digital natives au sein de leur population. Ces classements sont représentatifs de la situation. Cependant, quel est l'intérêt des gouvernements pour cette génération ? Selon cette-même étude, « Countries with a high proportion of young people who are already online are positioned to define and lead the digital age of tomorrow ». Ce rapport s'appuie sur le taux de digital native dans la population d'un pays pour évaluer son adaptation à la modernité et donc, sa réussite au niveau du numérique.

    22 Maïlys MASIMBERT, Tous les jeunes nes sont pas des « digital natives », Slate.fr, 08/10/2013

    16

    Cependant, le terme de digital native n'est complet que s'il est opposé à celui de digital immigrant. Le digital immigrant est une personne qui a grandi dans un univers hors numérique et qui a dû par la suite s'adapter à celui-ci. Aujourd'hui, ils ont 31 ans et plus. Cette définition ne dit pas qu'ils n'ont pas réussi à s'adapter, et pour une grande proportion, ils ont réussi. Cependant, du fait que leur adolescence a été vécue dans un cadre non numérique, les comportements et les valeurs sont impactées.

    Figure 3 : Digital immigrants VS Digital natives23

    La conception de digital native et digital immigrant a été récemment fortement critiquée. Par exemple, Bennett, Maton et Kervin ont soutenu en 2008 que l'importance des digital natives n'était qu'une « moral panic » (panique morale). Ce concept Nord-Américain s'utilise lorsqu'il y a des réactions non cohérentes et disproportionnées à l'encontre d'un groupe. Ils soutiennent donc que les pratiques culturelles sont minoritaires et ne méritent pas un intérêt aussi grandissant. De même, Eszter HARGITTAI, Professeur agrégé au département des Sciences de la Communication de Northwestern University, détruit le mythe des digital natives en

    23 Isabelle GEORGE, The Digital Natives, Helixa, 01/06/2011, p. 7

    17

    démontrant leurs différences entre digital natives24. Il aurait été intéressant qu'elle compare les digital natives aux digital immigrants.

    Il y a débat autour de cette génération qu'est le digital native. Ce sera à nous de comprendre ce qu'en disent les auteurs afin de pouvoir le valider ou l'infirmer.

    24 Eszter Hargittai, Digital Natives or Digital Naïves ? Internet Skills among Members of the « Net Generation », 2012

    18

    2. Profil des digital natives a. Ultra-connecté

    Le digital native est-il vraiment ultra-connecté ?

    Marc PRENSKY, inventeur du terme Digital natives définira cette génération comme « la première génération à avoir toujours connu les nouvelles technologies ». Eszter HARGITTAI, Professeur agrégé au département des Sciences de la Communication de Northwestern University réalisa de multiples enquêtes quantitatives et qualitatives25. Ses études lui permettent de montrer que la génération des digital natives américaine est née dans un univers complètement numérique :

    · 100% ont l'accès à un ordinateur

    · 98% ont internet dans leur domicile

    · Ils passent 17h sur le web par semaine

    · 70% commencent à utiliser internet régulièrement durant « the middle school » ou avant

    Isabelle GEORGE les étudia sur l'échelle française et retranscrit ses résultats dans The Digital Natives, Helixa, 01/06/2011. Elle remarqua qu'elle était la génération la plus équipée en nouvelles technologies :

    · 99% ont un mobile dont la moitié est un smartphone

    · 59% ont un ordinateur portable

    · 72% ont une console de jeux

    · 73% ont un lecteur mp3 ou mp4

    25 Eszter Hargittai, Digital Natives or Digital Naïves ? Internet Skills among Members of the « Net Generation », 2012

    19

    Son étude démontra que les digital natives français passent 17,5h/semaine sur internet. Selon son étude quantitative, 72% des 12 - 25 n'imaginent plus pouvoir se passer d'internet. De plus, ils sont 21h/semaine devant un écran.

    Figure 4 : Temps passé sur un écran en nombre d'heures26

    Son étude mit en avant trois types de consommation d'internet :

    · la communication

    · le divertissement

    · les jeux

    Sont-ils aussi connectés qu'on le dit ? Les résultats de Isabelle George affirment que :

    · En moyenne, ils retournent sur Facebook toutes les 37 minutes et actualisent leur page Twitter toutes les 3h

    · 94% sont membres d'au moins 1 réseau social

    · 62% sont membres de 4 réseaux sociaux ou plus

    · 77% se connectent au moins une fois par jour

    · 91% des adolescents consultent des contenus en streaming sur internet

    · 58% des moins de 35ans ont déjà eu recours au téléchargement illégal

    26 Isabelle GEORGE, The Digital Natives, Helixa, 01/06/2011, p. 12

    ? 70% des jeunes de 15 à 34ans sont des gamers (jouent aux jeux vidéos)

    Cette vie digitale a-t-elle développé des compétences spécifiques à ses générations ? Voici un nuages de tags reprenant les principaux mots-clés ou caricatures concernant les digital natives :

    Figure 5 : Le portrait-robot d'un digital native27

    20

    27 Isabelle GEORGE, The Digital Natives, Helixa, 01/06/2011, p. 20

    21

    b. Espace et Temporalité

    Quels changements au niveau de l'espace et du temps ont pu s'opérer sur cette génération du fait qu'elle soit ultra-connectée ?

    L'espace et le temps sont à redéfinir pour cette génération. La rapidité dans l'obtention de l'information est primordiale. Ce besoin d'immédiateté porte un nom, on dit que les digital natives ont un profil ATAWAD. C'est l'acronyme de Any Time, Any Where, Any Device. Le web les a habitués à avoir accès à ce qu'ils veulent, quand ils le veulent et o ils le veulent. Ce besoin en provenance d'Internet devient un besoin dans le monde réel. L'ubiquité de cette génération est incroyable. Ils sont partout au même moment. C'est ce qui en fait une génération qui voyage bien plus. La mondialisation couplée au numérique a cassé les barrières de la langue et des cultures pour uniformiser l'ensemble. Certains préfèrent même parler de profil ATAWADAC (+ Any Content) dans l'idée de liberté de l'accès aux contenus. Le terme français ATAWAD est parfois celui de mobiquité28, fusion de mobilité et ubiquité. L'Agence Nationale de la Recherche définit ce terme comme étant le « don de la mobilité tout en gardant les avantages de la sédentarité ». La caricature en vient à généraliser cette génération comme étant précipitée, peu portée sur le long terme et habituée à zapper en permanence. Florence HERMELIN parle de « dictature du live »29 qui crée des « addictions à la vie séquencée des autres » par les nombreux réseaux sociaux notamment. « Pour lui (le digital native), le temps mort doit être comblé par une hyperactivité numérique. Ses relations sont basées sur une « joignabilité » constante et instantanée. » 30 Le digiborigène n'est jamais inactif surfant sans cesse avec l'hyperactivité. Cela se remarque par exemple avec l'ensemble des moyens de communication qu'ils utilisent et l'immédiateté de la réactivité en répondant à un message instantané. Claire LOBET-MARIS, sociologue des usages des technologies de l'information et de la communication aux facultés de NAMUR explique qu' « avec les digital natives, on voit émerger un nouveau rapport à la temporalité »31. Un autre

    28 Agence Nationale de la Recherche

    29 Florence HERMELIN, Inside #1 : Dans la tête des Digital Natives, SixandCo

    30 Marie GREFFE, Les « digital natives » : une nouvelle espèce de travailleurs, FAR, 2011, p. 2

    31 Claire LOBET-MARIS et Sarah GALLEZ, Les Jeunes et Internet - Se construire un autre chez soi, FUND®2011

    surnom des digital natives révèle bien cette réalité : la Now Generation. « C'est très perturbant, car le temps est une norme sociale, un élément de coordination entre les gens. Le temps que leur renvoient les adultes est plus long, plus structuré. Il est fait d'horaires. Il y a des ajustements que les aînés devront consentir » prévoit Claire LOBET-MARIS. Peut-on voir apparaître une fracture avec les digital immigrants ? Selon elle en tout cas, un besoin d'apprentissage et d'adaptation est à réfléchir pour ces non-natifs numériques. Frédéric WINCKLER, président de JWT, agence de communication et de marketing depuis 150 ans écrivait sur son blog lefreddie.wordpress.com que les digital natives vont trop vite. Il fait le portrait de cette génération sur 8 « empreintes digitales », 8 comportements à connaître. Pour lui, Jean-Louis SERVAN-SCHREIBER met en avant un point important dans son essai Trop vite ! qui porte sur le court-termisme de notre siècle : « Notre goût pour la vitesse nous aveugle »32. Les comportements étudiés par Frédéric WINCLER sont selon lui incroyablement révélateurs d'une génération qui a « développé une véritable intolérance à toute forme d'attente, à la frustration ou au manque. »33

    22

    32 Jean-Louis SERVAN-SCHERIBER, Trop vite !, 05/2010

    33 http://lefreddie.wordpress.com

    23

    c. Multitâche

    Leur profil ATAWAD fusionné à celui d'ultra-connecté a-t-il entrainé des modifications dans l'organisation de leurs activités ?

    Ce besoin frénétique de rapidité et cette lassitude à la non-activité a créé un phénomène comportemental intéressant, le digital native a été la source de différentes études qui le disent multitâche. La Kaiser Family Foundation, organisation à but non lucratif réalisant des études autour de la Santé aux Etats-Unis, a réalisé une succession d'enquêtes, la dernière en 2009, sur plus de 1000 digital natives. Ce travail confirme l'esprit multitâche de cette génération. Selon cette fondation, chacun d'eux tend à être multitâche car ils sont habitués à être multi-exposés.

    Figure 6 : Pas d'autres choix que d'être multitâche !34

    34 Isabelle GEORGE, The Digital Natives, Helixa, 01/06/2011, p. 22

    Isabelle GEORGE présente le cas d'une journée moyenne pour un natif numérique. Suite à ses résultats, elle montre cette donnée absurde qu'un jeune fait 26,5 heures d'activités par jour sur une journée de 24 heures. Impossible me diriez-vous ? Cela est bel et bien possible à la condition de réaliser deux à trois activités en même temps. Par exemple, est-il rare de voir un élève en cours envoyant un sms ? C'est cela être multitâche. Cependant, cette attitude entraine une dégradation du sérieux dans les tâches réalisées. Florence HERMELIN parle de « la mémoire paradoxale »35. Elle explique que « les digital natives ont un rapport nouveau à la mémoire. Une « génération raccourcie » » qui simplifie le contenu qu'elle absorbe car elle ne peut être active à 100% dans chacune de ses tâches. La BBC dans son programme Go Digital réalise la comparaison d'un groupe d'individus ultra-connectés et multitâches à un groupe plus proche des digital immigrants. Ils avaient tous réalisé de nombreux examens pour étudier leur concentration et leur capacité à résoudre un problème. A la fin de ces tests, la BBC critique ce comportement multitâche car « If we spend our time flitting from one thing to another on the web, we can get into a habit of not concentrating »36. La concentration est bien évidemment mise à mal pour le malheur de l'enseignant ou du manager. La BBC conclut que les résultats ont indiqué que « the people who engage in media « multitasking » are those least able », les moins capables de gérer une tâche.

    24

    35 Florence HERMELIN, Inside #1 : Dans la tête des Digital Natives, SixandCo

    36 BBC, Go Digital, 2002

    25

    d. Hyper-communicant

    L'environnement numérique a-t-il modifié la communication ?

    Comme on a pu le voir jusqu'à présent, cette génération numérique s'est adaptée à son environnement. Etre toujours connecté et donc toujours disponible a créé un profil d'être hyper-communicant. Je tweet, je like, je partage, je commente... sans cesse en train d'être actif. A un tel point que le principe même de la relation Internaute - Marque a changé. Frédéric WINCLER l'a vite ressenti dans son travail quotidien et a commencé à faire du Inbound Marketing. A l'inverse du marketing traditionnel, la stratégie est d'attirer l'attention par le marketing du contenu pour faire venir le client ou le prospect par l'interaction. Il le dit lui-même en parlant de la génération digitale, « ils ont pris le pouvoir »37. Les internautes ne font plus confiance aveuglement à l'entreprise comme auparavant. Aujourd'hui, 68% se renseignent sur internet avant d'acheter. De plus, la force d'internet, c'est la liberté d'expression et l'impact de celle-ci. « 74% des salariés pensent qu'il est facile de détruire la réputation d'une marque sur les réseaux sociaux ». Des exemples, il y en a par centaine, par exemple sur Youtube en tapant les mots clés « antivol Kryptonite », il y a une vidéo ou quelqu'un ouvre très rapidement ce dernier avec... un stylo. S `il est facile de communiquer, les marques apprécient l'émulation de leur communauté pour leur donner de bonnes idées et créer de l'interaction. D'un autre côté, les marques craignent ces dérapages. Pour Kriptonite, cette vidéo a été vue plus de 2 000 000 de fois ce qui représenta par enchainement un coût de 10 000 000 de $ de perte. Et oui, l'internaute a un énorme pouvoir face à l'entreprise mais cette dernière sait rebondir. L'aspect prescripteur de l'internaute est de plus en plus mis en avant. Tripadvisor a très bien compris l'intérêt de la communauté. La réussite de cette entreprise provient en partie du travail de la communauté qui donne son avis sur les lieux qu'elle visite comme de véritables ambassadeurs. De même pour Le Gorafi, le fameux journal de l'intox, son succès se fait par l'hyper-communication de la jeune génération numérique. Pour être aussi connu aujourd'hui, rien de plus simple que de faire rire ces jeunes et de leur permettre de partager leurs articles préférés sur le plus grand réseau

    37 http://lefreddie.wordpress.com

    social, Facebook. Sans ce réseau, Le Gorafi n'aurait jamais eu un tel succès. Malgré le risque qu'est le web et pour la liberté d'expression, les entreprises performantes du XXIe siècle ont transformé ce risque en force. Florence HERMELIN ira même jusqu'à parler du « syndrome de Stockholm »38, les digital natives ont une relation si proche de leurs marques via les nouvelles stratégies communautaires des marques qu'ils se sentent acteurs car ils s'impliquent, on entend beaucoup parler en ce moment de ce phénomène qu'est le consom'acteur.

    26

    38 Florence HERMELIN, Inside #1 : Dans la tête des Digital Natives, SixandCo

    27

    e. L'Autorité

    Cet environnement a-t-il changé le rapport du digital native avec l'autorité ?

    Cette jeunesse a connu le Web 1.0, le web du contenu. A cette époque, le web était axé vers la gratuité du tout. En grandissant dans cet Internet, l'habitude du non-payant est devenu la norme. Depuis les années 2000, l'idée que le web était un nouveau marché très intéressant pour les entreprises et les investisseurs en a modifié son ancienne utilisation. Cependant, cela n'a jamais vraiment changé dans l'esprit de cette génération. Frédéric WINCLER explique que « Le digital est vraiment l'avènement de l'économie du gratuit. Que cela plaise aux législateurs, majors, medias... l'internet ne coûte a priori rien » et cela se voit par le nombre toujours plus grandissant de téléchargements illégaux : 11 millions de français seulement sur BitTorrent pour 850 000 fichiers téléchargeables gratuitement. Selon TNS Sofres, 57% des 18-24ans ont déjà téléchargé des contenus de manière illégale ce qui est nettement supérieur à la population nationale (à partir de 18ans) avec une moyenne générale de 20%. De plus, seulement 37% des 18-24ans n'ont jamais téléchargé illégalement ou utilisé un contenu téléchargé de manière illégal. C'est nettement inférieur à la moyenne nationale qui est deux fois plus élevée avec un taux de 73%.39 Ces questionnaires quantitatifs sur un échantillon national de 1000 personnes représentatives de la société française pour la population de 18 ans et plus ont été introduis uniquement à ceux ayant été sur le web les 12 derniers mois. Ces statistiques nous permettent de réaliser à quel point la génération des digital natives est habituée à contourner les interdits. La définition des digital natives les désigne comme ayant passé 5 années de leur vie sur le web. En 5 années, il est assez simple pour certains de tomber sur des sites vendant des drogues illégales : « En janvier 2012, 690 sites de vente à destination des pays de l'Union européenne ont été répertoriés »40, précise l'OICS lors de son rapport annuel de 2012 à Bruxelles. En 5 années, il est aussi envisageable que certains natifs numériques aient visité le marché noir du web sur lequel les armes se vendent, nous parlons bien évidemment ici du Darknet. Le web a amené chaque utilisateur à devenir

    39 Sofres, Les français et le téléchargement illégal sur Internet, 2009, p.6

    40 Organe International de Contrôle des Stupéfiants, rapport annuel, 2012

    28

    voisin de l'illégalité. Hadopi est la Haute Autorité pour la Diffusion des OEuvres et la Protection des droits sur Internet. Ses missions sont de développer l'offre légale sur Internet, protéger le droit d'auteur et réaliser des campagnes de sensibilisation. Si leur travail était un succès, Hadopi n'aurait pas besoin de menacer. Cependant, les internautes sont tellement habitués à télécharger, écouter, visionner des fichiers qui ne respectent pas les droits d'auteurs, que Hadopi a dû envoyer 2 millions de mails pour avertir du risque de poursuite judiciaire. La génération digital native provient de cette univers : il est interdit de m'interdire. Et en quoi les digital natives devraient-ils changer leurs habitudes illégales ? Qui pourraient bien les en empêcher ? Juste pour information, Hadopi a envoyé 2 millions de mails mais seulement 3 personnes en France ont été jugées coupables...

    Figure 7 : Nombre d'envois de 1ere recommandation depuis 2010 à 2013 par

    Hadopi41

    Personne ne peut leur interdire de vivre comme ils le souhaitent. Cela se ressent dans ce combat perpétuel face à l'autorité et aux institutions. Le manque de confiance dans l'autorité traditionnelle est aussi peut-être à cause du web. « 65% des Digital Natives considérent internet comme leur première source d'information ». Cependant, ces informations sont très inquiétantes quand on sait que Wikipedia est le 12e site le plus visité en France alors que n'importe qui peut publier n'importe quoi. Une habitude

    41 Hadopi

    s'est créée dans cette nécessité de demander à Google. Posez moi une question et je vous envoie un lien sur http://lmgtfy.com : ce site qui s'appelle « Let me Google that for you » est la réponse des digital natives à toutes les questions. Mon professeur me dit quelque chose, je vais vérifier, mon employeur me demande quelque chose, je vais regarder... Ce n'est pas tout noir ou tout blanc, mais entre faire confiance aux institutions et faire confiance aux internautes : « Que ce soit des grands groupes industriels accusés par des groupes de consommateurs, ou des politiques soumis à la pression de la rue (...) la vérité vient du web » et cela a été vite démontré pendant les Printemps arabe, la voix du peuple passait par le web. « Bienvenue dans un monde où l'information est donc détenue également par toutes et tous, et o les références (soit l'autorité) ont disparu. »42

    Ceci est bien évidemment une liste non exhaustive qui marque les grands traits de caractères de cette génération.

    29

    42 http://lefreddie.wordpress.com

    30

    3. Nouveaux actifs

    « Ces jeunes qui entrent ou vont entrer sur le marché du travail, impliquent à eux seuls une réelle révolution pour les entreprises, une énigme importante pour leurs parents, grands frères/soeurs, collègues de travail, mais aussi pour les directeurs des ressources humaines et patrons, souvent plus âgés qui ne réagissent pas avec les mêmes codes que cette nouvelle génération de travailleurs. »43

    Les digital natives ne sont peut-être pas une énigme pour tous mais sont intéressant à étudier car aujourd'hui, un tiers des digital natives sont déjà dans la vie active et occupent un emploi ce qui représente 8 millions d'actifs en France44. Selon l'INSEE, la population active est estimée à 26 millions d'employés en 2011. 31% de la population active avec un emploi est donc un digital native. La place du natif numérique dans la société et dans l'entreprise est donc entièrement d'actualité. Cela explique pourquoi il y a de plus en plus de chercheurs, scientifiques, sociologues... qui étudient cette génération. Au niveau mondial, 75% de la population mondiale active seraient des digital natives. « Selon les sociologues, ces jeunes de 18 à 30 ans, diplômés, ultra-connectés, inventifs, mobiles font changer la conception même du travail et du monde de l'entreprise. »45

    La question centrale qui occupe les chercheurs peut alors être résumée comme suit : « Examines the characteristics of the newest entrants to the workplace, Generation Y, and the strategic implications for management. (...) What challenges and opportunities are presented by the entry of Gen Y in to the workplace? »46. Il est bien question ici de challenge dans le management traditionnel car les différences ont créé une fracture entre la direction et le nouvel employé. Le manager en arrive même à

    43 Marie GREFFE, Les « digital natives » : une nouvelle espèce de travailleurs, FAR, 2011, p. 1

    44 Isabelle GEORGE, The Digital Natives, Helixa, 01/06/2011, p. 29

    45 French Tech, http://www.lille-is-frenchtech.com, 10/04/2014

    46 Susan P. Eisner, SAM Advanced Management Journal, 2005

    31

    avouer « ne pas comprendre les digital natives », explique un manager du CAC 40 selon Benjamin CHAMINADE, expert en management des Talents.

    Pour manager avec qualité cette jeunesse, le monde de l'entreprise doit avoir une réflexion autour d'un management adéquate à cette situation. Cela passe dans un premier lieu par la compréhension des directions, des ressources humaines, des managers de ce qu'est un digital native. L'un des objectifs est donc bel et bien de réussir le « métissage intergénérationnel » comme l'explique la French Tech. La lassitude de cette génération pour son travail, pour son entreprise, pour son manager est courante car il a en lui le besoin de remettre sans cesse en question tout ce qui l'entoure : « let me google that for you » car il ne croit pas en votre autorité et vérifie sans cesse vos compétences. La nécessité de réfléchir à comment motiver ces digiborigènes est importante si on souhaite garder ces forces dans l'entreprise et ne pas le laisser partir avec ce qu'il a appris. La fréquence de changement d'emploi est incroyablement élevée pour cette génération lassée. Deux éléments qu'on partagera par la suite viennent d'être mis à jour : la motivation en entreprise et la fidélisation en celle-ci. Internet va de plus en plus vite selon l'étude publiée par Akamai. Le Cloud a noté cette année 2014 une progression de 24% des vitesses de connexion pour atteindre 3,9 Mbit/s. Les lois de Moore sont des suppositions mais qui ont toujours fonctionné : ces lois empiriques disent que tous les 18 mois, la puissance des processeurs doubleraient. Rappelez-vous, il n'y a pas si longtemps on offrait des clés USB 2GO et maintenant elles font 4GO. Ces lois supposées démontrent la rapidité d'évolution de la technologie numérique.

    32

    Figure 8 : « Croissance du nombre de transistors dans les microprocesseurs Intel par rapport à la loi de Moore. En vert, la prédiction initiale voulant que ce nombre double tous les 18 mois »47

    « Les métiers changent en quelques années, les machines en quelques mois, aucun emploi n'est assuré, les traditions et les savoir-faire disparaissent, les couples ne durent pas, les familles se recomposent, l'ascenseur social descend, le court terme règne, les événements glissent. »48 Les digital immigrants vous le diront, le monde va si vite aujourd'hui. En avion, nous sommes en 1 heure à Istanbul. En 7 secondes, nous pouvons être en train de regarder la Muraille de Chine sur Google Hearth. En 1 minute, nous pouvons commander un Smartphone sur Amazon... La génération digital native a vécu dans ce monde et le connait. Ces membres n'ont pas eu besoin de s'adapter car ils n'ont jamais connu autre chose que cette vitesse Trop vite I49, trop rapide. Ils sont conscients de cette mondialisation, du peu de valeur de leur diplôme BAC+5, d'un marché du travail ne leur laissant pas d'opportunités, des stages à

    47 http://fr.wikipedia.org/wiki/Loi_de_Moore

    48 Frédéric JOIGNOT, « Le Monde Magazine » : Au secours I Tout va trop vite I, Le Monde Magazine, 30/08/10

    49 Jean-Louis SERVAN-SCHERIBER, Trop vite I, 05/2010

    33

    répétition (et de temps en temps rémunérés)... Le monde de l'entreprise les a laissés sceptiques. Lui qui ne les respecte pas, pourquoi le natif numérique devrait être motivé et fidélisé par une entreprise qui n'a jamais fait d'effort.

    D'ici 2020, les digital natives seront les plus nombreux en activité en France devant toutes les autres générations,

    34

    B. Management traditionnel et management des digital natives 1. Management traditionnel de la personne

    Le management a pour étymologie le français et non l'anglais comme on pourrait se l'imaginer. Ce mot provient à la base de « mesnagement », lui-même issu de l'italien « maneggiare » et qui signifie « tenir les rênes d'un cheval ». Le management, c'est l'action de piloter l'ensemble des stratégies et des ressources de l'organisation dans un but commun. Le management consiste à trouver une solution pertinente entre l'organisation ou le marché, l'exploration ou l'exploitation et l'autonomie ou la coordination. L'ensemble doit être réfléchi selon le contexte, la culture et les ressources disponibles. Ce système de management est basé sur les trois dilemmes du management :

    ? L'organisation ou le marché (Ronald Coase, prix Nobel d'économie en 1991, a travaillé sur les frontières de l'entreprise, ce qu'il faut faire et déléguer)

    ? L'exploration ou l'exploitation (James Gardner March, professeur émérite à Stanford, travailla en premier sur les théories des organisations et la problématique du comment avoir une organisation innovante (flexibilité, tolérance, désordre)

    ? Une organisation productive (efficience, précision, ordre)

    ? L'autonomie ou la coordination (Henry Mintzberg, universitaire canadien connu pour ses ouvrages en management a démontré « les oppositions entre la division des tâches et leur coordination.

    L'humain est devenu l'un des grands points étudiés dans le management et cela depuis 1920 et Mary Parker FOLLET50. Son étude du management et de la motivation par le biais du « win - win », les forces dans chaque individu et dans l'équipe, le leadership et les processus en entreprise ont permis d'initier le monde du travail au management. Le management de la personne, c'est le processus de faire avancer

    50 Mary Parker FOLLET, Creative Experience, 1924

    35

    les choses efficacement, avec et à travers les salariés. Francis DARRAGH, sales manager dans les télécommunications en Irlande, mettait deux notions en avant à propos de ce processus du management dans ses conférences à l'International School Business, Dublin :

    ? Efficacité : « Doing the right things », faire les bonnes choses soit faire les bons choix dans les tâches qui vont aider l'organisation à atteindre ses objectifs

    ? Efficience : « Doing things right », faire les choses bien soit faire la meilleure utilisation des ressources financières, humaines et matérielles pour atteindre ses objectifs.51

    En entreprise, il y a deux types de salariés, les managers et les non-managers. Ces derniers travaillent directement à un travail ou une tâche et n'ont pas la responsabilité de superviser le travail des autres alors que les managers sont des individus dans les organisations qui dirigent l'activité des autres. Il y a trois niveaux de manager : en premier, le Top Manager soit celui qui prend les décisions au sujet de la direction de l'organisation. En second, le Middle Manager soit le cadre intermédiaire qui gère l'activité des derniers managers. Ces derniers, le First-line Manager ou le manager en première ligne est celui qui manage les employés non-managers.

    Malgré une évolution des techniques de productions, des moyens de communication interne, des utilisations des outils collaboratifs, les techniques managériales sont toujours basées sur les quatre mêmes principes de management :

    ? Planifier : Définir les objectifs de l'organisation et les moyens pour y parvenir ? Organiser : Organiser et structurer le travail pour atteindre les objectifs organisationnels

    51 Francis DARRAGH, Conférence sur le Management à l'International School Business, Dublin, Irlande, 11/2012

    ? Diriger : Diriger le travail de ses salariés pour qu'ils poursuivent les choix stratégiques de la direction

    ? Contrôler : Contrôle de comparaison et de correction des performances du travail

    Le management de la personne est défini par trois rôles selon Henry MINTZBERG : Le rôle interpersonnel, informationnel et décisionnel.

    Category

    Interpersonal Roles

    Figurehead Leader Liaison

     

    Informational

    Decisional Monitor Disseminator Spokesperson

     
     

    Entrepreneur Disturbance Handler Resource Allocator Negotiator

    36

    Tableau 1 : Les rôles d'un manager52

    Rôle interpersonnel

    ? Figure

    En tant que manager, il y a des responsabilités sociales et juridiques. Il faut être source d'inspiration. Les salariés se tournent vers vous comme une personne ayant autorité, et comme un « figurehead ».

    ? Leader

    Le leadership sur votre équipe est important et c'est par là que vous gérez les performances et les responsabilités de chacun par votre influence à créer une atmosphère de respect et de confiance.

    ? Liaison

    52 Henry MINTZBERG, Mintzberg on management, 1989

    37

    Les managers doivent communiquer avec des contacts internes et externes. Il faut être en mesure de réseauter efficacement au nom de votre organisation.

    Rôle informationnel

    · Surveiller

    En cherchant régulièrement les informations liées à votre organisation à votre marché, le manager doit être capable d'être en mesure de prévoir les changements pertinents dans l'environnement. Il est aussi question de surveiller votre équipe, tant dans leur travail que dans leur bien-être.

    · Diffuseur

    Il faut être capable de diffuser des informations utiles à vos collègues et votre équipe.

    · Porte-parole

    Les managers parlent au nom de leur organisation et la représentent dans leur comportement. Le manager est responsable de la transmission des informations en interne comme en externe.

    Rôle décisionnel

    · Entrepreneur

    En tant que manager, il a pour mission de créer et de contrôler le changement. Cela signifie résoudre les problèmes, organiser les nouvelles idées et leur mise en oeuvre.

    · Se préparer aux perturbations

    Quand une organisation ou une équipe est face à un obstacle inattendu, c'est le manager qui doit prendre en charge la gestion de ce problème. Cela passe par la médiation.

    · L'allocation de ressources

    Il est aussi question du choix de déterminer où les ressources organisationnelles sont les mieux appliquées. Il s'agit de l'affectation de budgets, ainsi que de l'affectation du personnel et d'autres ressources de l'organisation.

    · Négociateur

    Il peut être nécessaire dans certaines situations de savoir négocier de façon agile et subtile.

    38

    Quatre compétences sont reconnues chez les bons managers. Les premières sont les compétences conceptuelles car un manager doit savoir analyser et diagnostiquer des situations complexes. Deuxièmement, ce sont les compétences interpersonnelles car cela permet de faire travailler un groupe en l'aidant à comprendre pour le motiver. Les compétences techniques sont primordiales pour se présenter tel un expert à son équipe dans les connaissances techniques spécifiques à son emploi. Les dernières compétences sont politiques car sans une bonne liaison avec la direction et ceux qui ont le pouvoir dans l'organisation, cela freinera l'efficacité et l'efficience de son management : besoin d'établir des connexions.

    39

    2. Incompatibilité entre traditionalisme et modernisme générationnel

    Les entreprises occidentales sont très méfiantes par rapport à l'arrivée des digital natives dans le monde de l'entreprise. Une étude réalisée sur les ressources humaines et les managers du monde entier ont révélé que les préjugés et les clichés étaient la norme53. Le monde de l'entreprise sous-estime les différences de cette nouvelle génération et ne réfléchit pas aux nécessités de profondes modifications dans l'organisation de l'entreprise. Ces nouveaux employés vont modifier l'organisation des entreprises en profondeur car : « les capacités cognitives, le mode de production du jeune numérique multitâche et hyperactif ne peuvent se satisfaire d'un modèle fondé sur la parcellisation des tâches, le double contrôle et la production linéaire ».54

    Les techniques managériales traditionnelles ont fait leurs preuves mais elles commencent à être en décalage avec la réalité du XXIe siècle. Celle-ci « glissent vers la communauté, non sans impact sur les missions des managers. L'entreprise elle-même est remise en question par des formes d'organisation ne reposant plus sur la relation salariale »55. La hiérarchie même de l'entreprise en vient à être distordue, l'organisation managériale allant du top-manager (providing directions), du middle-manager (Translate what top managers want to first line manager/manage other managers) au first-line manager (team leader, direct employees) puis le non-manager.

    La remise en question de ces « sacro-saintes conceptions » basées sur des idéologies de plus d'un siècle (subordination, salariat, spécialisation, standardisation, etc.) ne peut pas se faire rapidement car les habitudes ont leurs habitués et les managers de plus de 30 ans ne voient pas forcément cette ère de changement d'un bon-oeil. Stanislas MAGNANT de Publicis explique pourquoi les entreprises ne s'ouvrent pas aux digital natives : « Cela épargne aux sociétés toutes les problématiques de formation et de remise à niveau, comme ça peut être le cas pour les personnes qui sont déjà en poste depuis quelques années, et pour lesquelles ces nouveaux moyens de

    53 DEYOE et FOX, Journal of Behaviorla Studies in Business, 2011

    54 Marie GREFFE, Les « digital natives » : une nouvelle espèce de travailleurs, FAR, 2011, p. 1

    55 Frédéric FRERY, Le management 2.0 ou la fin de l'entreprise ?, Dossier : La sortie de crise passe par l'entreprise, 25/05/2010, p. 56

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    communication sont encore très obscurs et difficiles à domestiquer ». Jean PRALONG, professeur de gestion des ressources humaines écrira que « le fait de souligner ces comportements chez les jeunes révèle surtout des difficultés des managers, qui préféreraient ne pas être remis en cause dans leur autorité »56. Frédéric FRERY en vient à parler du management français comme un système de castes. Il explique que l'évolution culturelle des digital natives risque d'être très mal accepté en France « aristocratie républicaine, colbertiste et jacobine ». Le management français est pour lui aussi « strict que subtil, du souci de tenir son rang et de prérogatives scrupuleusement codifiées ».

    Napoléon III disait qu' « on ne remplace que ce que l'on détruit » et cela risque d'être de même pour le management moderne car il doit être complètement repensé. On s'éloigne du management traditionnel classique « décrit par FAYOL (prévoir, organiser, commander, coordonner, contrôler), il doit plutôt élaborer, initier, filtrer, animer et incarner la décision collective. Historiquement décideurs, les managers deviennent mentors, modérateurs ou porte-parole. Aucun concours ne prépare encore à ces types de fonctions et les profils actuellement sélectionnés ne sont clairement pas ceux qu'elles exigent » car on parle d'une nouvelle génération active managée par des personnes de plus de 30 ans qui ne connaissent pas cette nouvelle démarche.

    Le traditionalisme du monde de l'entreprise crée des barrières dans l'évolution du management. Pierre MORGAT, enseignant à l'école de commerce ICD - International Business School explique que « Pour les français, changer 2 - 3 choses dans l'organisation c'est impossible. Alors qu'aux Etats-Unis, en Allemagne, en Belgique, même en Italie ou en Espagne, si vous proposez à une entreprise d'augmenter leur chiffre d'affaires en changeant l'organisation, ils seront toujours prêt ».

    Pour Edouard LE MARECHAL, Co-Directeur de BVA Reason Why, l'intégration des digital natives par l'évolution du management est très importante car « l'enjeu est énorme ». Il explique que « Vu le challenge que représentent les Digital Natives dans

    56 Jean PRALONG, L'image du travail selon la génération Y, 2010

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    leur ensemble, cela va toucher à la fois au contrat social entre l'entreprise et le salarié, à l'organisation du travail, à l'organisation du groupe et enfin à la culture de l'entreprise. Un certain nombre de rites, de codes vont voler en éclats et vont être remplacés par d'autres. Les nouvelles générations de salariés sont une énigme inquiétante pour les Directions des Ressources humaines. Leurs capacités cognitives, le mode de production du jeune numérique multitâche et hyper réactif ne peuvent pas se satisfaire d'un modèle fondé sur la parcellisation des tâches, le double contrôle et la production linéaire. Le numérique renforce d'éventuels comportements liés à la vision qu'ils ont de leurs parents, de l'entreprise. Il y a deux niveaux : un niveau social au sens politique du terme, ils ne veulent plus se faire berner par l'entreprise, ils ne veulent plus être exploités, et il y a l'autre côté où ils ont développé des façons de travailler et de gérer leur activité cognitive qui ne rentre plus dans les modèles actuels ». Les entreprises préfèrent donc freiner les digital natives car ils les comprennent mal et voient bien plus leur comportement comme un risque dans la sécurité de l'entreprise qu'une opportunité. La mutation du management est par conséquent très lente en France.

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    3. Du changement dans le management de la personne ?

    Dans tous les cas, comme le dit Carlos DIAZ, PDG de Blue Kiwi, « Avec le débarquement des « Digital Natives », le changement se fera avec ou sans l'approbation des directions générales ». On risque bien d'en arriver là si les managers, première frontière avec l'employé digital native, n'ouvrent pas les yeux assez vite. Par exemple, la Net Generation cherchera l'information ailleurs si les outils internes ne sont pas présents. Stanislas MAGNANT, consultant chez Publicis et fondateur de Net.politique explique que « Quoiqu'il arrive, les jeunes continueront à utiliser des outils qui leur sont familiers, quitte à créer leurs propres réseaux. Les DSI ne peuvent pas se permettre de laisser pousser des intranets parallèles, plus ou moins bien sécurisés, et réseaux sociaux parallèles et autres outils collaboratifs sur Facebook ou sur Google Docs par exemple. devront se mettre au diapason ».

    « Si vous-mêmes n'êtes pas pratiquants, soyez au moins croyants... ce qui demande un peu de modestie de votre part, mais il en va de la sécurité du système informatique de l'entreprise », prône Carlos DIAZ.

    Bouleverser l'ordre établi, c'est forcément compliqué. Une entreprise comme une société a toujours été un mélange de générations, de cultures, de coutumes, de comportements... Deux possibilités s'offrent à chaque société, chaque entreprise, chaque manager : soit ils acceptent les nouveaux comportements des digital natives et cherchent à en tirer profit, soit ils ne cherchent pas à utiliser les opportunités de cette génération et risquent de se voir dépasser par la tendance car ils auront pris trop de retard sur la modernité. « Le gros challenge des DRH (et des managers) va être de mettre un ordre et de gérer tout cet ensemble de la façon la plus harmonieuse possible, pour éviter le clash. Ils devront faire accepter un certain nombre de contraintes de l'entreprise aux Digital Natives et faire accepter aux autres qu'ils vont être obligés de modifier leurs habitudes de travail. Il va être compliqué d'expliquer aux personnes qui

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    ont vécu dans un principe hiérarchique autoritaire qu'ils vont peut-être continuer à accepter l'autorité supérieure mais ne pourront plus l'exercer sur leurs subordonnés. Cela va être problématique. Il risque d'y avoir d'autres contradictions de ce type ». Les théories de la contingence soutenues par LAWRENCE et LORSCH permettent de clarifier l'évolution du management. Celui-ci n'est pas universel, il s'adapte à chaque organisation, à chaque structure mais aussi à des facteurs contingents qui sont :

    ? L'environnement

    ? Le type de production

    ? La taille de l'entreprise

    ? L'âge de l'organisation

    ? Le profil des salariés

    L'évolution du management tend à mettre le l'individu au centre de la vision managériale. On remarque que les anciens styles de management dont l'organisation taylorienne sont encore bien trop utilisés dans les entreprises françaises. Le Management Moderne57 est une des ouvertures qui nous laisse penser que le manager va s'adapter à cette nouvelle génération.

    Nous pouvons conclure que le point capital à la réussite du futur de l'entreprise et du management, ce sera le travail d'équipe comme le développe Edouard LE MARECHAL « Il est certain que les visions vont s'affronter car elles sont opposées sur beaucoup de points, mais il n'est pas sûr qu'il y ait des gagnants et des perdants. Il est vrai que les Digital Natives ont aussi des codes et des rites qui sont pour certains intéressants et d'autres inutiles ou simplement symboliques. Il va y avoir des arbitrages à faire. Il est souhaitable que naisse une troisième vision. Je pense qu'il faudra ajouter, pour que tout cela fonctionne, de l'envie, de l'envie de travailler ensemble. Cela va être un point important, notamment pour ceux qui sont déjà en place. Ce moment sera assez crucial. Il va falloir tout d'un coup changer nos façons

    57 Michel NEKOUROUH, Les 100 du Management Moderne (Les 100 Règles d'or, Astuces, Conseils & « Best Practices »), Edition Katamaran Entreprise, 2010

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    de travailler et cela va peut-être redonner du sens à nos propres activités professionnelles».

    45

    C. Quel management pour la génération digitale ?

    Nous souhaitons chercher à savoir comment le manager doit apprendre à gérer le digital native. Trois éléments vont être étudiés :

    ? Le manager comprend-il le digital native ?

    ? Comment le manager les motive-t-il ?

    ? Le manager, la direction et les RH ont-ils eu une réflexion sur la fidélisation du digital native afin de garder les forces en entreprise ?

    Carlos DIAZ a révélé le retard de la France en termes d'intégration du digital native en entreprise. Cependant, il n'oublie pas de préciser que la France est « en phase d'intellectualisation » de ce phénomène. Et cette phase provient d'un constat simple, d'ici 2020, les digital natives seront les plus nombreux en activité en France devant toutes les autres générations, il est grand temps de réfléchir à leur intégration en entreprise avant de perdre cette jeunesse au profit d'un concurrent.

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    1. Comprendre

    Il ne faut pas croire que les digital natives sont des joueurs perpétuels et que le monde de l'entreprise les désintéresse car ils sont fainéants. La non-compréhension des plus de 30 ans soit les cadres, les managers, la direction, les ressources humaines... a de quoi exaspérer les digital natives. Ils ne sont pas non plus les antonymes de ces gens-là, ils aspirent au même besoin de réussite. Cependant, la réussite du digital native ne passe plus forcément par les mêmes besoins. Si le manager veut gérer avec diplomatie ces nouvelles recrues, il devra commencer par les comprendre.

    Dans l'ensemble des ouvrages traitant de la question de cette génération, la caricature et le stéréotype sont habituels. Il n'est pas étonnant que ceux de plus de 30 ans se méfient comme le prouve cette étude réalisée sur les ressources humaines et les managers qui révèlent que les préjugés et les clichés sont la norme à propos des digital natives58.

    Par exemple, le manager doit acquérir le réflexe du travail d'équipe car « habitués à évoluer en tribu, ils veulent travailler dans la convivialité », remarque le directeur de Talentys du cabinet dans la gestion de talents, David GUILLOCHEAU. Un vrai besoin de confiance avec son manager émane de cette génération : transparence, exemplarité, coaching, proximité et un bon relationnel.

    Il est vrai que les digital natives ont beaucoup d'exigence par rapport à l'entreprise o ils seront employés. Cependant, ils sont aussi source d'opportunités.

    58 DEYOE et FOX, Journal of Behaviorla Studies in Business, 2011

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    2. Motiver

    On peut lire sur les blogs et les forums que la génération Y est fainéante. Les managers disent souvent que s'ils ne sont pas derrière leur dos constamment, ils ne sont pas productifs. C'est là o intervient l'art du management. Si la relation entre le manager et le managé n'est pas optimal, le managé ne se donnera pas totalement à son entreprise. La motivation est le fer de lance d'un manager de qualité. Pour cela, premièrement, il aura dû réussir tout le travail de compréhension du digital native. Deuxièmement, il devra utiliser la dimension humaine de sa mission. Pour motiver, il faut croiser la capacité d'utiliser les outils et les méthodes scientifiques du management tout en se personnalisant pour chaque équipe, chaque individu. Le problème lié à la motivation du digital native, c'est que ces deux facettes ne sont pas optimales pour cette génération du fait qu'il n'y a que très peu de formation aux management des digital natives et que de plus, le manager a une mauvaise compréhension de son univers, de ses besoins et de ses capacités.

    Bien évidemment, les grandes fondations qui motivent chaque personne n'ont pas changé. Les cinq catégories sont le processus que chaque individu tend à obtenir. Il y a tout d'abord les besoins physiologiques, les besoins de sécurité, les besoins d'appartenance, les besoins d'estime et les besoins de réalisation de soi-même59. Cependant, on ne peut se limiter à cela pour expliquer comment motiver les digital natives. De nombreux formateurs en parlent dont Rémi RENOULEAU, fondateur de 3H Coaching, pour lequel les digital natives sont en « quête de sens ». Il conseille « d'éviter trop de directif au profit du participatif, d'apporter du feedback car ils ont l'habitude de donner leur avis sur le Net et d'avoir un retour rapide ». Julien LEVILAIN, directeur commercial de Buzzman ajoutera qu' « Ils ont besoin de se sentir utiles, de croire en ce qu'ils font, et montrent une plus grande exigence sur la qualité de vie au travail ».

    59 A. MASLOW, A theory of Human Motivation, 1943

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    Savoir motiver, c'est aussi devoir changer ses process et son organisation afin de les actualiser à ses nouveaux salariés. Pour les digital natives, l'évolution des processus passera par « D'un côté des process permettant l'immédiateté et la réactivité, de l'autre des process plus dans le contrôle et la mesure. Il va falloir faire fonctionner ces deux approches de façon simultanée. Une des solutions pour faire accepter ces différences serait de mettre en évidence très vite les caractéristiques des Digitals Natives, en les présentant comme des atouts pour l'entreprise tout en faisant la même chose sur les autres. Présenter leur arrivée comme une opportunité pour l'évolution de l'entreprise pourrait être un bon moyen d'éviter le choc générationnel. Il y a peut-être, également, la possibilité de s'appuyer sur le fait que l'environnement de l'entreprise change également. Les entreprises se retrouvent dans des environnements de plus en plus concurrentiels (clients, pays émergents, changements réglementaires...). Cela va entraîner un bouleversement des organisations. On peut donc considérer que les Digital Natives peuvent être un des ressorts pour s'adapter à cette mutation. » indique le Co-Directeur de BVA Reason Why. Edouard LE MARECHAL lors de son entretien avec Anne-Sophie Duguay de http://www.myrhline.com.

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    3. Fidéliser

    Si la question de la fidélisation se pose, c'est que les jeunes ne sont plus satisfaits des modèles traditionnels de l'entreprise. Ils sont aujourd'hui de véritables consommateurs d'entreprises, ils puisent tout l'apprentissage disponible dans la société et une fois qu'elle n'a plus rien à leur apprendre, la quittent pour se faire une expérience ailleurs. Les grands groupes le savent aujourd'hui, la génération des digital natives est la plus difficile à séduire car ils cherchent à avoir un bon salaire tout en ayant des missions motivantes, de l'autonomie, un cadre agréable... Par exemple, pour ce qui est des nouvelles technologies, le retard de certaines entreprises peut exaspérer certains des natifs numériques et comme l'explique Elisabeth DE MAULDE, présidente du cabinet Pierre Audoin Consultants : « Les entreprises seront forcément amenées à intégrer ces nouvelles technologies si elles veulent attirer et surtout garder les bon profils ». Elle ajoute que « Les digital natives veulent retrouver en entreprise un cadre dynamique et agréable, comme chez eux ». La SSII GFI Informatique a compris l'importance de faire de la rétention de cette génération : « Les jeunes de la génération Y s'intègrent d'autant plus vite qu'on ne les prend pas pour des ovnis, mais, au contraire, que nous valorisons leurs connaissances et leur savoir-faire ». Carlos Diaz souligne que « Les jeunes privilégient des modèles qui valorisent à la fois l'individu, et qui lui permettent de travailler de façon collaborative, en exploitant des outils qui lui sont familiers. »

    Ce qui surprend le plus les digital immigrants, c'est cette capacité qu'ont les digital natives en temps de crise à refuser un poste si les conditions de travail ne leur conviennent pas.

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    Synthèse du management des digital natives

    Une génération, pour un sociologue, est une population démographique née à une même période. Les digital natives sont une génération d'individus ayant entre 15 et 24 ans et façonnée par les technologies numériques, ils ont une forte activité sur le web depuis au moins 5 ans. Marc PRENSKY démocratisa le terme de digital native dans Digital Natives, Digital Immigrants (2001). Les digital natives désignent la 1ere génération à avoir connu depuis toujours les nouvelles technologies. La première génération est née à partir de 1980. Il y a aujourd'hui 30% de la population mondiale qui sont des digital natives.

    Il y a de très nombreux concepts sur le digital native. Nous avons pu soulever au moins 5 comportements qui font que le digital native est différent du digital immigrant de plus de 30 ans :

    · Ultra-connecté

    · Espace & Temporalité

    · Multitâche

    · Hyper-communicant

    · L'autorité...

    Selon l'INSEE, la population active est estimée à 26 millions d'employé en 2011. 31% de la population active avec un emploi est donc un digital native. D'ici 2020, les digital natives seront les plus nombreux en activité en France devant toutes les autres générations. L'entreprise et le manager ne sont pas performants face à cette nouvelle génération car ils ont des problèmes à :

    · La comprendre

    · La motiver

    · La fidéliser

    51

    Hypothèses

    Hypothèse 1

    Les digital natives sont plus à l'aise avec les nouvelles technologies que les digital immigrants. Du fait qu'ils sont nés dans un environnement uniquement numérique, ils n'ont pas eu besoin d'apprendre à utiliser ces NTIC car ils ont grandi pendant qu'elles se démocratisaient. A l'inverse, le digital immigrant a plus de 30 ans et a vécu dans un univers sans le digital. Lorsque cette vague de modernité est arrivée, les digital immigrants n'étaient plus adolescents alors que cette phase est la plus propice à l'apprentissage. Pour donner un exemple concret, un enfant né en Espagne parlera surement mieux espagnol qu'un adulte arrivant en Espagne. C'est une métaphore pour expliquer la situation des digital immigrants. Bien sûr, ils ont réussi à se mettre à jour. Cependant, ils n'ont pas tous les automatismes qui font que les digital natives sont plus à l'aise (impression des mails, retard sur les réseaux sociaux...).

    Hypothèse 2

    Il y a une fracture comportementale entre les digital natives et les digital immigrants. Cette fracture s'est créée en partie du fait que les digital natives ont grandi en même temps que l'expansion du numérique. Plusieurs points ont produit cette fracture : ultra-connecté, espace & temporalité, multitâche, hyper-communicant, le non-respect de l'autorité...

    Hypothèse 3

    Les hypothèses 1 & 2 prouvent qu'il y a fracture entre le monde de l'entreprise et le digital native. Le monde de l'entreprise voit le digital native comme une menace à la sécurité de l'information, de son organisation... sans réfléchir aux nombreuses opportunités.

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    Hypothèse 4

    L'hypothèse 3 explique en partie pourquoi le manager ne sait pas manager ses employés digital native sur 3 aspects :

    ? Comprendre / Gérer

    Le manager ne comprend pas totalement ses nouvelles recrues. Par conséquent, il n'arrive plus à les gérer aussi efficacement qu'il le pourrait.

    ? Motiver

    Du fait de la mauvaise compréhension du manager pour cette génération, il ne sait plus les motiver de manière optimale.

    ? Fidéliser

    Le manager fait face à cette fracture entre le monde de l'entreprise et le digital native et ne sait plus comment fidéliser ce managé si frivole, à son entreprise.

    53

    II. Diagnostic managérial générationnel

    A. Du point de vue des acteurs

    1. L'intelligibilité du manager a. La méthodologie

    J'ai réalisé six entretiens qualitatifs auprès de managers. Ils sont managers dans l'industrie aéronautique, dans la santé, dans la restauration, dans la communication... et ont tous dans leurs équipes des digital natives et des digital immigrants. L'objectif de ces entretiens :

    ? Connaitre leur équipe

    ? Savoir s'ils reconnaissaient des différences dans leurs salariés entre les plus et les moins de 30 ans

    ? Connaitre leur définition de digital native, digital immigrant. Savoir s'ils en avaient dans leur équipe.

    ? Apprendre les forces et les faiblesses des digital natives selon eux.

    ? Savoir comment ils comprenaient, géraient, motivaient et fidélisaient les digital natives dans l'équipe et dans l'entreprise.

    L'intérêt de nos interviewés, c'est qu'il y avait tous les styles de managers. Les équipes managées allaient de 2 salariés à 40 salariés. La fourchette d'âge des équipes étaient en moyenne de 25 à 55 ans.

    La méthodologie de notre étude qualitative auprès des managers a été réalisée selon nos lectures scientifiques60. Nous avons souhaité créer un entretien guide mais libre dans la réponse. Il y a donc le mélange entre le style directif, car l'ensemble des questions étaient écrites et notre entretien suivait un chemin défini, et un style non directif car nous ne souhaitions pas obtenir des réponses fermées, entre Oui et Non,

    60 THIETART Raymond-Alain, Méthodes de recherche en management, Dunod, Paris, 2007

    54

    nous voulions vraiment laisser le participant réfléchir à chacune des questions et qu'il puisse parler du sujet librement. Le guide était en 9 étapes :

    Etape 1 : Vous et votre entreprise

    · Nom, Prénom ?

    · Quel est le nom de votre entreprise ?

    · Quel est le secteur d'activité de votre entreprise ?

    · Quel est votre poste dans votre entreprise ?

    Etape 2 : Vous et votre équipe

    · Combien managez-vous de salarié(s) ?

    · Quelle est la fourchette d'âge de votre équipe ?

    Etape 3 : Comparaison des plus et des moins de 30 ans selon vous

    · Y a-t-il des différences entre les salariés de plus de 30 ans et ceux de moins de 30 ans ? Si oui, lesquelles ? Si non, pourquoi ?

    · Voyez-vous des différences dans leur comportement ?

    · dans leur savoir ?

    · dans leur savoir-faire ?

    · dans leur savoir-être ?

    Etape 4 : Votre compréhension des notions des digital natives et immigrants

    · Qu'est-ce que le terme de digital native (ou natif numérique) vous évoque?

    · Qu'est-ce que le terme de digital immigrant vous évoque ?

    Etape 5 : Votre vision du digital native en tant que salarié

    · Avez-vous dans vos équipes des digital natives ?

    · Quelles sont leurs forces ?

    ·

    55

    Quelles sont leurs faiblesses ?

    · Certaines fonctions dans l'entreprise correspondent-elles plus aux profils et aux compétences des digitales natives ?

    Etape 6 : Votre management des digital natives en comparaison avec celui des digital immigrants

    · Comment managez-vous vos digital natives ?

    · Comment managez-vous vos digital immigrants ?

    · Quelles sont les différences que vous effectuez dans le management des digital natives et le management des digital immigrants ?

    Etape 7 : Votre compréhension de cette génération pour mieux les gérer

    · Comprenez-vous vos employés digitales natives ?

    · Comment les gérez-vous ?

    Etape 8 : Votre management pour motiver cette génération

    · Comment réussissez-vous à MOTIVER vos digitales natives ?

    Etape 9 : Votre management pour les fidéliser

    · Comment faites-vous pour les FIDELISER et garder leur force dans l'entreprise ?

    56

    b. Retranscription synthétique de l'étude qualitative auprès des managers

    Pour Dario POLLACCI, Responsable Service chez Liebherr et manager de 12 salariés en interne et de 15 en externe à l'entreprise (sous-traitants), la pyramide des âges montre que sur différents échelons d'âge, les générations ont des objectifs différents. Les moins de 30 ans sont davantage « intéressés par l'argent ». Jusqu'à 45 ans, il y a un besoin d'avoir « un positionnement important dans les échelons professionnels », après 45 ans, ils recherchent « l'estime des autres et la reconnaissance ». Florence ARENOU, Médecin Chef au Logis des Francs, structure hospitalière, et manager de 40 salariés, et Delphine ROUDOT, Chef de Projet Digital à HighCo et manager de 2 salariés, semblent dire la même chose, les compétences sont égales, c'est plutôt les comportements qui sont différents et qui évoluent avec le temps.

    Selon nos managers, voici la liste des forces qu'ils m'ont cité :

    · Rapidité

    · Maitrise des outils

    · Polyvalence

    · Curiosité

    · Outils informatiques

    · Adaptation

    · Compréhension

    · Réactivité

    · Ouverture d'esprit

    · Créativité

    · Multitâche

    Selon nos managers, voici la liste des faiblesses qu'ils m'ont cité :

    · Dispersion

    · Manque de connaissance de fond

    · Concentration

    57

    Pour un fondateur d'une agence de communication digitale (nom non cité) : « Le problème des digital natives, c'est qu'ils prennent le travail comme un jeu et n'ont pas toujours conscience de certains risques lorsqu'ils communiquent avec l'extérieur de l'entreprise. En tant que manager, je suis obligé de les fliquer. » Pour Dario POLLACCI, ils ont une force qui est aussi une faiblesse : « la facilité de trouver tout de suite, sans réfléchir, a amené un manque de connaissance de fond. L'avantage, c'est la capacité de répondre très rapidement. » Vincent GREGOIRE-DELORY, Maître de Conférences à l'Université catholique de Toulouse, ira jusqu'à dire qu'avec « la plasticité du cerveau, le cerveau va s'adapter à ça, un cerveau moins académique. Des générations un peu naïves car sans l'ordinateur, on est un peu plus malléable ».

    Par la suite, j'ai cherché à savoir s'ils effectuaient des différences de management entre les digital natives et les digital immigrants. Pour l'ensemble des managers, la réponse fut oui. Florence ARENOU dira qu'elle « essaye d'être plus souple, moins autoritaire (avec les plus de 30 ans) pour qu'ils ne se trouvent pas en difficulté. Elle expliquera aussi qu'elle a un management plus traditionnel car elle est elle-même une digital immigrant par conséquent, elle est plus dure et plus sévère avec les digital natives. Pour Dario POLLACCI, « leurs attentes sont différentes ». Avec les moins de 30 ans, il doit être « plus direct et malheureusement leur donner moins de marge de manoeuvre car ils n'ont pas une implication à long terme ».

    Dario POLLACCI explique qu'il a du mal à les gérer car il n'est pas un digital native et pour lui : « la fracture existe » et « la différence crée la faiblesse ».

    Pour les motiver, les managers interviewés essayent de les pousser à innover et les laisser prendre des initiatives. L'autonomie est un autre point abordé. Pour les fidéliser, la reconnaissance dans leur travail, un cadre de travail agréable... sont des méthodes utilisées. Cependant, on nous dit aussi que c'est « impossible (de les fidéliser) ». « On fêtait avant des retraites de 35ans d'entreprises. Aujourd'hui, il faut leur laisser la possibilité de partir quand ils veulent, ce sont les plus mauvais qui

    58

    acceptent de rester ». Pour les autres « 5 ans maximum et après c'est mort. Ils préfèrent des primes car l'argent est là tout de suite plutôt que des augmentations de salaire qui sont dans le long terme ».

    Malgré cela, Delphine ROUDOT minimise cet écart générationnel en disant que « s'ils n'ont pas grandi avec le digital (les digital immigrants) ils ont le force d'en avoir saisi les enjeux, les opportunités et les limites ».

    59

    2. Le digital native se connaît-il lui-même ? a. La méthodologie

    Nous avons souhaité connaitre l'avis du digital native à propos de l'opinion qu'il a de lui-même, de ses semblables et des autres, les digital immigrants. Pour cela, nous avons réalisé un entretien semi-directif auprès de 2 groupes de digital natives. Le premier était composé de 7 personnes de 22 à 27 ans. Ils sont étudiants, avec ou sans alternance ou salariés. Le deuxième groupe était composé de 4 personnes de 21 à 24 ans, tous étudiants. Ils étaient bel et bien des digital natives car je savais leur date de naissance et je leur avais tous demandé par téléphone avant l'entretien de façon anodine s'ils utilisaient fréquemment le web et depuis quand ils l'utilisaient. Nous avons réalisé chacun des entretiens semi-directifs suite à la lecture d'ouvrages spécialisés61 afin de mieux organiser notre processus d'entretien.

    Phase 1 : Création du guide

    Suite à notre étude scientifique et à nos hypothèses, nous avons cherché à connaitre l'opinion des digital natives à propos de 2 thèmes avec des sous-thèmes :

    Digital native

    ? Que pensez-vous de ce phénomène ?

    ? Avez-vous le sentiment de représenter cette génération ?

    Monde de l'entreprise

    ? Digital native / Digital immigrant

    ? Le comportement du manager envers vous

    o Est-il différent car vous êtes digital natives

    o Vous comprend-il ?

    61 THIETART Raymond-Alain, Méthodes de recherche en management, Dunod, Paris, 2007

    o

    60

    Vous motive-t-il ?

    o Vous fidélise-t-il ?

    Phase 2 : Introduction de l'entretien

    La consigne de départ est identique à un entretien non directif, le sujet est large : « Parlez-moi des digital natives ». Suite à cette phrase d'introduction, nous récoltons l'ensemble des discussions autour de ce thème qui fait parfois débat. Il y a des avis tranchés et d'autres plus discrets. Il y a des leaders et des suiveurs. A la fin de cette 2e phase, nous synthétisons et attendons pour savoir s'ils valident. Si ce n'est pas le cas, attendre à nouveau qu'ils finissent et synthétiser jusqu'à ce qu'ils approuvent.

    Phase 3 : Processus guidé

    Sur cette étape, nous repartons sur un style directif en introduisant chaque thème. S'ils n'ont pas parlé des sous-thèmes souhaités, nous reprenons en main l'entretien pour présenter le sous-thème. Après chaque thème et chaque sous-thème, nous synthétisons et attendons leur acquiescement.

    Phase 4 : Discussion non-directive

    Après chaque ouverture d'un thème ou d'un sous-thème, les discussions et les débats reprennent. Les idées fusent et les participants parlent souvent en même temps et rebondissent sur chaque idée.

    Phase 5 : Conclusion générale

    Tant que chaque thème et chaque sous-thème n'ont pas été évoqués, il faut repartir redevenir directif puis être à nouveau non-directif. A la fin, réaliser une synthèse générale des synthèses sous forme de conclusion à faire valider bien évidemment par nos participants.

    61

    b. Retranscription synthétique de l'étude semi-directive auprès des digital natives

    Les participants savent tous ce que sont les digital natives. Ils définissent ces personnes comme étant nées avec le numérique. Ils en rient même en se rappelant le bruit du modem Internet quand ils se connectaient « à l'époque ». Ils se demandent bien comment les « plus vieux » ont pu vivre sans les nouvelles technologies. Pierre, 25 ans, nous racontait qu'il jouait à l'époque sur des disquettes. Mélissa, elle, nous expliquait que la mode quand elle était au collège, c'était MSN+, une version beta de MSN qui permettait de mettre des sons dans la discussion... Tout le monde a sa petite anecdote sur la démocratisation du web.

    Quand on en vient à parler du sous-thème sur le sentiment qu'ils ont de représenter cette génération, les réponses divergent d'une personne à l'autre. Pour la majorité, ils se sentent bien être des digital natives car ils ont l'impression de manier l'ordinateur et le web aisément. L'ensemble du 2e groupe o il n'y a que les étudiants sont entièrement d'accord avec cela. Mara explique que « ma mère n'arrive jamais à rien sur le PC (personal computer), j'ai beau lui montrer 100 fois ça ne rentre pas ». Mara, soutenue par les autres participants, vient d'admettre qu'une partie des digital immigrants n'a pas appris à utiliser le numérique. Lucas, 22 ans, se demande s'ils ne sont pas devenu accro à leur ordinateur portable et leur smartphone « Regardes, quand tu es en soirée et que tu t'ennuies, comment ferait-on si on n'avait pas notre portable dans la poche ? ». Pour une grande partie, ils soutiennent même se sentir complètement différents des anciennes générations car ils sont tout le temps connectés.

    Cependant, pour un tiers des participants du 1er groupe, le terme de digital native est un peu fort. Marine dira que « dans la définition, oui c'est nous les digital natives mais les plus digital natives sont la génération d'après ». Cette phrase n'est pas restée anodine dans la discussion car plusieurs ont acquiescé dans le 1er groupe et ils ont commencé à dire « c'est impressionnant les bébés sur les tablettes » et à raconter des

    62

    expériences où ils ont pu voir des enfants être très à l'aise avec les nouvelles technologies. Ils sont tout de même d'accord avec le fait que théoriquement, ils sont aussi des digital natives.

    Quand la discussion débuta sur le sujet de l'entreprise et des digital immigrants présents, les 2 groupes étaient d'accord. « Certains vieux ont vraiment du mal », lance Lucas. Alice qui est en alternance explique que « le digital c'est comme les langues, si tu immigres jeune dans un nouveau pays, tu vas facilement devenir bilingue. C'est pareil pour nous, on est né dans le digital ça a été bien plus facile d'apprendre ». Cependant, le 2e groupe met en lumière le fait qu'énormément de digital immigrants sont maintenant aux mêmes niveaux et cela grâce en partie aux formations internes. Cependant, ils sont en léger décalage sur les nouvelles utilisations. Pauline qui est en alternance aussi soupire et explique que « dès qu'on parle digital ils pensent à moi » en parlant de ses collègues de travail.

    Pour ce qui est des managers, ils sont différents selon eux, s'ils ont moins de 30 ans ou plus de 30 ans car leurs attentes ne seront pas du tout les mêmes. A plus de 30 ans, l'organisation et la hiérarchie sont des choses auxquels ils sont bien plus attachés. A moins de 30 ans, le management est moins vertical mais bien plus horizontal selon les participants : « Il me demande mon avis ». Il est vrai que si le manager est lui-même digital native, son management en est-il aussi modifié ? Ils soulèvent une question intéressante mais, on a pu le voir pour ceux qui travaillaient, le manager et la hiérarchie a souvent plus de 30 ans.

    Ils sont conscients de leurs différences, de leurs forces et de leurs faiblesses mais ils n'acceptent pas la caricature que font les digital immigrant de leur génération : « On n'est pas des robots » selon Mara. Cette phrase est révélatrice du manque de compréhension du monde de l'entreprise pour cette génération.

    63

    B. Enquête comparative intergénérationnelle

    Notre étude quantitative porta sur quatre sujets. Le contexte numérique de chacun, les connaissances numériques, les personnalités et les comportements en société et en entreprise. L'objectif de cette étude était de comparer sur ces quatres points les digital natives aux digital immigrants. Il y a eut un total de 207 réponses en environ 1 mois :

    Tableau 2 : Date de saisie des réponses aux questionnaires via Sphinx Online62

    Le souhait était d'avoir un nombre représentatif de personnes de moins de 30 ans et
    de personnes de plus de 31 ans. Mon objectif était de 100 personnes de moins de 30

    62 Données personnelles depuis notre questionnaire quantitatif via Sphinx Online : Management de demain

    64

    ans et 100 de plus de 30 ans. Pour y arriver, le questionnaire a été dans un premier temps publié sur Sphinx Online à l'adresse suivant :

    http://enquete.campus-igs-toulouse.fr/Etudiant/Managementdedemain/index.htm

    Le questionnaire a été partagé en masse par emailing à l'ensemble du campus IGS, par emailing à mes contacts personnels et professionnels, sur les réseaux sociaux (Facebook, Twitter), les réseaux sociaux professionnels (LinkedIn, Viadeo), par emailing à l'ensemble de l'entreprise Natixis Lease et sa filiale Natixis Car Lease. Cela a permis d'atteindre mon objectif de 200 réponses.

    Tableau 3 : Moins de 30 ans et les plus de 31 ans ayant répondu aux questionnaires
    via Sphinx Online63

    Cette segmentation de l'âge provient de notre étude scientifique qui nous permettait de comprendre la limite de l'âge entre les digital natives et les digital immigrants à 30 ans. Cependant, voici Tableau 4 le détail des âges des interrogés.

    63 Données personnelles depuis notre questionnaire quantitatif via Sphinx Online : Management de demain

    65

    Tableau 4 : Segmentation par l'âge des interrogés via Sphinx Online64

    On critiquera la surreprésentation de ceux entre 21 et 24 ans (31%). A part ce problème, nous avons une bonne représentation de la population par rapport aux besoins de notre étude.

    Pour ce qui est du sexe, nous sommes à environ 50 % homme, 50% femme.

    64 Données personnelles depuis notre questionnaire quantitatif via Sphinx Online : Management de demain

    66

    Tableau 5 : Segmentation par le sexe des interrogés via Sphinx Online65

    Le gros problème lié à notre étude et cela se verra dans certaines réponses, c'est la non représentativité des classes socio-professionnelles (cf Tableau 6).

    Tableau 6 : Segmentation par la catégorie socio-professionnelle des interrogés via

    Sphinx Online66

    65 Données personnelles depuis notre questionnaire quantitatif via Sphinx Online : Management de demain

    66 Données personnelles depuis notre questionnaire quantitatif via Sphinx Online : Management de demain

    67

    Le grand problème qu'on ne voit pas tout de suite en regardant le Tableau 6, c'est que les personnes ayant plus de 31 ans et ayant répondu à ce questionnaire viennent pour 80% de Natixis Lease ou Natixis Car Lease. Ces deux entreprises sont des filiales de Natixis faisant elle-même parti du Groupe BPCE : Groupe Banque Populaire et Caisse d'Epargne. Depuis la stratégie de digitalisation pour 2014 - 2017 du Groupe BPCE, les employés sont soumis à de très nombreuses formations en interne sur le web, le numérique, le digital, les réseaux sociaux, la sécurité informatique, l'intelligence économique... Ceux de plus de 31 ans étaient donc bien trop formés sur mon sujet. Malgré ce fait et la surreprésentation des étudiants et la sous-représentation d'autres CSP, cela n'empêche pas d'avoir de bons éléments pour participer à l'étude terrain du management des digital natives.

    Pour introduire ce questionnaire, nous avons voulu délimiter les digital natives (cf Tableau 7).

    Tableau 7 : Depuis quand les interrogés utilisent Internet via Sphinx Online 67

    Les quelques 3% des moins de 30 ans utilisant Internet depuis moins de 4 ans n'ont pas été utilisés dans l'analyse du questionnaire car selon la définition des digital natives dans la partie scientifique : les digital natives ont utilisé Internet depuis au moins 5 ans. Première chose qu'on peut remarquer dès cette introduction, 8 personnes sur 10 de 31 ans ou plus utilisent Internet depuis plus de 10 ans ce qui est supérieur de

    67 Données personnelles depuis notre questionnaire quantitatif via Sphinx Online : Management de demain

    68

    35 points par rapport à ceux de 30 ans ou moins. Cependant, 7% des personnes de 31 ans ou plus utilisent Internet depuis moins de 4 ans alors que ce n'est que 3% pour ceux de 30 ans ou moins.

    Tableau 8 : Fréquence de consommation du web des interrogés via Sphinx Online68

    On note Tableau 8 que presque 100% des 30 ans ou moins utilisent le web de façon quotidienne quand cela n'est le cas que pour 90% des 31 ans ou plus.

    Tableau 9 : Les technologies possédées par les interrogés via Sphinx Online69

    Comme on peut le voir Tableau 9, les trentenaires ou moins sont plus équipés en nouvelles technologies que ceux de plus de 30 ans. C'est le cas pour les smartphones avec une différence de 11 points (96% pour les plus jeunes à 85% pour les plus âgés),

    68 Données personnelles depuis notre questionnaire quantitatif via Sphinx Online : Management de demain

    69 Données personnelles depuis notre questionnaire quantitatif via Sphinx Online : Management de demain

    69

    l'ordinateur portable avec 6 points (98% à 92%), les consoles de jeux avec 11 points (45% à 34%), les lecteurs mp3 (48% à 42%) et les objets connectés avec 6 points (16% à 10%).

    70

    1. Connaissances

    Pour améliorer la performance de notre étude, nous avons voulu utiliser un questionnaire déjà employé par Eszter HARGITTAI, Professeur agrégé au département des Sciences de la Communication de Northwestern University, qui démontra que les digital natives n'étaient qu'un mythe70. Si j'ai souhaité utiliser les mêmes méthodes que son travail, c'était pour prouver que son étude était incomplète car elle cherchait les différences entre digital natives alors qu'il aurait fallu comparer les digital natives aux digital immigrants. Suite à ma prise de contact avec Eszter HARGITTAL par mail, elle m'indiqua o je pouvais obtenir de l'information sur son travail 71 . Cependant, je me suis permis de rajouter quelques éléments à son questionnaire et d'en retirer d'autres pour l'actualiser.

    Nous comparerons nos résultats entre digital natives et digital immigrants et aussi entre nos réponses françaises et ses réponses américaines.

    Pour l'ensemble de cette partie qui concerne les compétences sur le web, nous avons utilisé la méthode de Eszter HARGITTAI qui est de noter la compréhension qu'on a de l'item entre une mauvaise compréhension à une excellente compréhension.

    Tableau 10 : Compréhension de l'item « blog » par les interrogés via Sphinx Online72

    70 Eszter HARGITTAI, Digital Natives or Digital Naïves ? Internet Skills among Members of the « Net Generation », 2012

    71 Eszter HARGITTAI et Y.P. HSIEH, Succinct Survey Measures of Web-Use Skills. Social Science Computer Review, 2012

    72 Données personnelles depuis notre questionnaire quantitatif via Sphinx Online : Management de demain

    71

    Le Blog qui est une forme de site web est bien compris pour 9 personnes sur 10 de moins de 31 ans quand c'est le cas à 10 points de moins pour les plus de 30 ans. On note que plus de la moitié des moins de 31 ans pensent avoir une excellente compréhension de ce qu'est un blog.

    Tableau 11 : Compréhension de l'item « JPG » par les interrogés via Sphinx Online73

    Le JPG et JPEG est le format d'enregistrement d'une image fixe. Ce terme est bien compris par 75% des digital natives alors qu'il est compris à 5 points de plus par les digital immigrants. 1 digital native sur 10 à une mauvaise compréhension de ce qu'est cet item.

    Tableau 12 : Compréhension de l'item « PDF » par les interrogés via Sphinx Online74

    73 Données personnelles depuis notre questionnaire quantitatif via Sphinx Online : Management de demain

    74 Données personnelles depuis notre questionnaire quantitatif via Sphinx Online : Management de demain

    72

    Le PDF qui est un format protégeant la mise en forme d'un fichier compris de manière égale entre ceux les digital natives et les digital immigrants soit à environ 90%.

    Tableau 13 : Compréhension de l'item « spyware » par les interrogés via Sphinx

    Online75

    Le Spyware qui est un logiciel espion, un logiciel malveillant est bien compris par seulement un tiers des natifs numériques quand plus de la moitié des digital immigrants comprennent bien ce terme.

    Tableau 14 : Compréhension de l'item « firewall » par les interrogés via Sphinx

    Online76

    Le Firewall ou plus communément pare-feu est bien compris par moins de la moitié des moins de 31 ans alors que les deux tiers des plus de 30 ans comprennent bien ce terme.

    75 Données personnelles depuis notre questionnaire quantitatif via Sphinx Online : Management de demain

    76 Données personnelles depuis notre questionnaire quantitatif via Sphinx Online : Management de demain

    Tableau 15 : Compréhension de l'item « like » par les interrogés via Sphinx Online77

    Le Like est utilisé sur les réseaux sociaux (sur Facebook principalement) pour montrer aux communautés le fait qu'on a apprécié le contenu. 75% des moins de 31 ans ont une excellente compréhension de terme alors qu'elle est presque à moitié moins soit 40% pour les plus de 30 ans.

    73

    Tableau 16 : Compréhension de l'item « follow back » par les interrogés via Sphinx

    Online78

    Le Follow back est utilisé sur les réseaux sociaux (sur Twitter principalement) pour expliquer le fait qu'on suit un autre membre car il nous avait suivi précédemment. 38% des digital natives comprennent la signification de ce mot de façon excellente alors que les plus âgés connaissent cet item de manière excellente pour trois fois moins (soit 11%). Plus de 4 digital immigrants sur 10 ont une mauvaise compréhension du terme.

    77 Données personnelles depuis notre questionnaire quantitatif via Sphinx Online : Management de demain

    78 Données personnelles depuis notre questionnaire quantitatif via Sphinx Online : Management de demain

    Tableau 17 : Compréhension de l'item « podcast » par les interrogés via Sphinx

    Online79

    Les Podcasts sont des moyens de diffusion de fichiers (vidéo, audio, autre...) sur Internet. Un peu plus de la moitié des moins de 31 ans savent ce qu'est un podcast et c'est un peu moins de la moitié pour les plus de 30 ans.

    74

    Tableau 18 : Compréhension de l'item « torrent » par les interrogés via Sphinx

    Online80

    Le Torrent est un type de fichier utilisé sur les sites peer to peer. 6 digital natives sur 10 comprennent ce terme alors que ce n'est que 4 digital immigrants sur 10 qui le comprennent. Près d'un tiers des digital immigrants ont une mauvaise compréhension de ce terme.

    79 Données personnelles depuis notre questionnaire quantitatif via Sphinx Online : Management de demain

    80 Données personnelles depuis notre questionnaire quantitatif via Sphinx Online : Management de demain

    75

    Tableau 19 : Compréhension de l'item « wiki » par les interrogés via Sphinx Online81

    Un Wiki est un site o l'écriture des pages est modifiable ce qui permet la collaboration. Un peu moins de la moitié des moins de 31 ans comprennent de manière excellente ce qu'est un wiki et seulement un tiers des plus de 30 ans.

    Tableau 20 : Compréhension de l'item « phishing » par les interrogés via Sphinx

    Online82

    Le Phishing ou l'hameçonnage est une technique frauduleuse qui fera croire que vous vous adressez à un tiers de confiance. On note que moins d'un tiers des digiborigènes comprennent de quoi est question le phishing quand plus de la moitié des plus de 30 ans comprennent. Exactement 4 digiborigènes sur 10 a une mauvaise compréhension de ce terme.

    81 Données personnelles depuis notre questionnaire quantitatif via Sphinx Online : Management de demain

    82 Données personnelles depuis notre questionnaire quantitatif via Sphinx Online : Management de demain

    76

    Tableau 21 : Compréhension de l'item « RSS » par les interrogés via Sphinx Online83

    Le flux RSS est un format produit automatiquement sur un site web pour obtenir le contenu mis à jour. Moins d'un tiers des moins de 31 ans comprennent bien ce terme. 4 personnes de plus de 30 ans sur 10 le comprennent bien.

    Tableau 22 : Compréhension de l'item « stream » par les interrogés via Sphinx

    Online84

    Le Stream ou streaming est en informatique une technique de transmission de données quasiment en direct. Ce terme est bien compris par 6 jeunes sur 10 pour 5 personnes plus âgées sur 10 (soit 9 points de moins).

    83 Données personnelles depuis notre questionnaire quantitatif via Sphinx Online : Management de demain

    84 Données personnelles depuis notre questionnaire quantitatif via Sphinx Online : Management de demain

    77

    Tableau 23 : Compréhension de l'item « cookie » par les interrogés via Sphinx

    Online85

    Un Cookie est un fichier texte qui se créé lorsqu'on navigue sur le web et qui stocke des informations sur notre navigation. Un cookie est utilisé par les sites internet pour nous suivre lorsqu'on surfe sur le web. Moins de 6 digital natives sur 10 comprennent bien ce terme. 7 digital immigrants comprennent bien ce terme.

    85 Données personnelles depuis notre questionnaire quantitatif via Sphinx Online : Management de demain

    78

    a. Comparaison entre digital natives et digital immigrants français

    Suite à mon questionnaire sur les compétences informatiques, l'objectif était de savoir si les digital natives avaient vraiment un savoir supérieur sur ce domaine comme nous le faisaient penser les concepts et les théories étudiées. Cependant, suite à ces résultats, nous sommes partagés.

    8 items sont mieux compris par les digital natives (« +++ » = bien mieux compris et « + » = un peu mieux compris) :

    · Blog (+++)

    · Like (+++)

    · Follow back (+++)

    · Podcast (+)

    · Torrent (+++)

    · Wiki (+)

    · Stream (+)

    · PDF (+)

    6 items sont mieux compris par les digital immigrants (« +++ » = bien mieux compris et « + » = un peu mieux compris) :

    · JPG (+)

    · Spyware (+++)

    · Firewall (+++)

    · Phishing (+++)

    · RSS (+)

    · Cookie (+)

    En réalisant une première synthèse de ces résultats, on peut regrouper les connaissances. D'un côté, les digital natives ont une meilleure connaissance de ce qui

    79

    se rapporte aux médias sociaux et aux réseaux sociaux (Blog, Like pour Facebook, Follow back pour Twitter, Wiki pour Wikipedia). Ils ont aussi une meilleure connaissance pour ce qui est du partage de contenu en ligne (Podcast, Stream et Torrent). On peut synthétiser cela en disant que les digital natives ont une meilleure compréhension du Web 2.0.

    Les digital immigrants ont une meilleure connaissance de la sécurité informatique (Spyware, Firewall, Phishing, Cookie). Si cela est tant le cas, comme je l'ai expliqué en introduction de cette partie sur l'enquête comparative, c'est que 80% des digital immigrants de ce questionnaire sont des salariés de Natixis et ses filiales. Ce groupe étant financièrement très fort, les employés ont de très nombreuses formations sur la sécurité informatique, l'intelligence économique, etc. Même si je ne peux pas dire qu'une meilleure représentativité des CSP aurait inversé cette tendance, je pense qu'elle l'aurait au moins atténuée et j'ai aussi le sentiment personnel qu'un ouvrier de plus de 50 ans a beaucoup moins de savoir informatique qu'un ouvrier de moins de 30 ans.

    80

    b. Comparaison avec l'étude de Eszter HARGITTAI et les digital natives américains

    Pour comparer nos résultats, nous avons suivi la méthode expliquée dans le document de Ester HARGITTAI et Y.P. HSIEH86. Pour ce qui est de ses résultats, elle a interrogé plus de 1 000 digital natives de 2001 à 2011 au News Jersey et à Chicago principalement. Les résultats les plus récents sont ceux de 2010.

    Nous avons réalisé la même méthode pour calculer la moyenne de chaque compétence. 1 point vaut la réponse « Mauvaise », 2 points vaut « Passable », 3 vaut « Moyenne », 4 vaut « Bonne » et 5 vaut « Excellent ».

    Grace à ce système de moyenne par note, j'ai voulu comparer les résultats des digital natives américains à mes résultats des digital natives français et à mes résultats des digital immigrants français. Pour comparer rapidement, nous avons créé un système de couleur par la trame de fond. Si la case est Verte, c'est que le résultat est la plus forte moyenne pour l'item de cette ligne. Si la case est Rouge, c'est que le résultat est la plus faible moyenne pour l'item de cette ligne.

    86 Eszter HARGITTAI et Y.P. HSIEH, Succinct Survey Measures of Web-Use Skills. Social Science Computer Review, 2012, p. 15-16

    81

    Item

    Résultats 2010 des
    digital natives
    américains de l'étude de
    Hargittai & Hsieh

    Résultats 2014 des
    digital natives français
    de l'étude de
    Lechevalier

    Résultats 2014 des
    digital immigrants
    français de l'étude de
    Lechevalier

    Spyware

    3,48

    2,77

    3,21

    Blog

    3,57

    4,43

    4,02

    Firewall

    3,57

    3,17

    3,68

    PDF

    4,08

    4,46

    4,34

    JPG

    3,45

    4,04

    4,19

    Tag

    4,42

    4,06

    3,59

    Podcast

    2,74

    3,66

    3,50

    Torrent

    3,01

    3,65

    2,80

    Wiki

    3,74

    3,71

    3,38

    Phishing

    2,07

    2,55

    3,33

    RSS

    1,83

    2,53

    2,76

    Cookie

    2,84

    3,75

    3,88

    Compétences moyennes

    3,23

    3,57

    3,56

     

    Tableau 24 : Comparaison des compétences par moyenne entre digital natives américains, français et digital immigrants français87

    Les résultats des digital natives américains sont les plus faibles pour 6 items sur 12. Cela provient peut être du fait que les résultats sont ceux de 2010, ils y auraient peut-être eu une progression en quatre ans.

    Les résultats des digital immigrants français sont pour 5 items sur 12 les plus élevés ce qui en fait la génération avec le plus d'items connus.

    Les digital natives français ont la plus haute moyenne des moyennes à 3,57 (soit 0,01 de plus que les digital immigrants) ce qui en fait la génération la plus compétente dans l'ensemble des connaissances de l'informatique et du web.

    87 Tableau personnel par l'utilisation de données personnelles depuis notre questionnaire quantitatif via Sphinx Online : Management de demain et par les résultats de Eszter HARGITTAI et Y.P. HSIEH, Succinct Survey Measures of Web-Use Skills. Social Science Computer Review, 2012, p. 15-16

    82

    2. Personnalités a. L'Ennéagramme

    En ce qui concerne les personnalités, le questionnaire quantitatif avait pour objectif de comparer la personnalité des digital natives aux digital immigrants. Pour cela, nous avons utilisé la méthode de l'Ennéagramme inventé par Georges GURDJIIEFF en 1916 et utilisé aujourd'hui dans le management. L'Ennéagramme permet de connaitre parmi 9 personnalités, 9 motivations personnelles :

    · Je suis perfectionniste (droit, travailleur)

    · Je suis altruiste (j'aime, j'aide)

    · Je suis battant (entreprenant, efficace)

    · Je suis romantique (compatissant, sensible, chaleureux)

    · Je suis observateur (je sais, je comprends, j'analyse)

    · Je suis loyaliste (loyal, faisant son devoir)

    · Je suis épicurien (optimiste, heureux)

    · Je suis chef (fort, juste, sûr de moi)

    · Je suis médiateur (agréable, calme, facile à vivre)

    83

    Figure 9 : Le diagramme de l'Ennéagramme : 9 types de personnalité88

    Voici une explication de chaque personnalité avec les aspects positifs et négatifs.

    Figure 10 : Les 9 types de personnalité de l'Ennéagramme89

    88 KAHLER COMMUNICATION France, conseil et formation en ressources humaines

    89 KAHLER COMMUNICATION France, conseil et formation en ressources humaines

    84

    Pour utiliser l'Ennéagramme dans son ensemble, il faut comprendre qu'il y a 3 centres regroupant 3 types de personnalité (cf. Tableau 35).

    Le centre instinctif est la centralisation de la personnalité de chef, de médiateur et de perfectionniste. Préoccupé par le passé, ils réfléchissent en fonction de leurs expériences.

    Le centre émotionnel centralise la personnalité d'altruiste, de battant et de romantique. Vivant à court terme, le relationnel est très important à leurs yeux.

    Le centre mental est le regroupement de l'observateur, du loyaliste et de l'épicurien. Tourné vers le futur, les décisions sont murement réfléchies.

    Figure 11 : Les trois centres de l'Ennéagramme90

    Nous pouvons par le questionnaire quantitatif réaliser les traits de personnalité des deux générations.

    90 KAHLER COMMUNICATION France, conseil et formation en ressources humaines

    85

    b. Synthèse des personnalités

    Types de
    personnalité

    Perfectionniste

    Résultats des digital
    natives de l'étude de
    Lechevalier

    3,81

    Résultats des digital
    immigrants de
    l'étude de
    Lechevalier

    3,89

    Altruiste

    4,13

    3,98

    Battant

    3,83

    3,84

    Romantique

    3,88

    3,69

    Observateur

    4,13

    4,08

    Loyaliste

    3,91

    4,04

    Epicurien

    3,64

    3,86

    Chef

    2,97

    3,26

    Mediateur

    3,66

    3,69

     

    Tableau 25 : Moyennes par types de personnalité des digital natives et des digital

    immigrants91

    Emotionnel

    Mental 3,89

    Instinctif 3,48 3,61

    Types de
    personnalité

    Résultats des digital
    natives de l'étude de
    Lechevalier

    3,95

    Résultats des digital
    immigrants de
    l'étude de
    Lechevalier

    3,84

    3,99

    Tableau 26 : Moyennes par cercles de personnalité des digital natives et des digital

    immigrants92

    Pour résumer, suite à nos résultats, on note que les digital natives tendent à se centrer sur l'émotionnel. Cela correspond au cerveau limbique. L'émotion va être très importante et dictera leurs conduites. Le plaisir immédiat et le court terme sont très

    91 Tableau personnel par l'utilisation de données personnelles depuis notre questionnaire quantitatif via Sphinx Online : Management de demain

    92 Tableau personnel par l'utilisation de données personnelles depuis notre questionnaire quantitatif via Sphinx Online : Management de demain

    86

    importants. Ils n'hésitent pas à dire ce qu'ils aiment et ce qu'ils n'aiment pas, de partager leurs pensées et de critiquer ouvertement. Le relationnel sera l'une des priorités pour qu'ils puissent être épanouis en société ou en entreprise. Très sensibles, ils cherchent à comprendre rapidement ceux qui les entourent. La confiance et le système de gagnant-gagnant permettent de les motiver. Une mauvaise ambiance impactera de manière négative leur efficacité.

    Le digital immigrant est centré sur le mental. Cela correspond au cerveau cortical. Les situations sont abordées par la parole et par la réflexion. L'environnement est analysé et ils synthétisent les informations. Ils préfèrent mettre de la distance avec les choses afin de mieux pouvoir y réfléchir. Le passé est une notion importante car il a permis de créer leur processus de réflexion.

    87

    3. Comportements

    a. Validité des affirmations

    En ce qui concerne les comportements, je me suis basé sur la partie scientifique afin de valider les profils évoqués : Ultra-connecté, Espace et Temporalité, Multitâche, Hyper-communicant, non-respect de l'autorité, etc. Chaque question porte sur un trait chez les digital natives, ce seront des affirmations à propos de leur comportement. Si celui-ci est ressenti de façon importante par les digital natives et qu'ils ont tendance à avoir ce comportement de manière plus évidente que les digital immigrants, nous pourrons valider l'affirmation. Si l'une des deux variables n'est pas remplie, nous devrons infirmer l'affirmation.

    Tableau 27 : L'interrogé « agit-il rapidement » via Sphinx Online93

    7 digital natives sur 10 agissent plutôt rapidement alors que ce ne sont que 6 digital immigrants sur 10. Cette affirmation semble plutôt vraie même si la relation n'est pas significative selon Sphinx.

    93 Données personnelles depuis notre questionnaire quantitatif via Sphinx Online : Management de demain

    Tableau 28 : L'interrogé se sent-il « prescripteur » via Sphinx Online94

    2 natifs numériques sur 5 se sentent prescripteurs. Les immigrants sont à presque 3 sur 5 à se sentir prescripteur. Cette affirmation semble fausse.

    Tableau 29 : L'interrogé « cherche-t-il la gratuité » via Sphinx Online95

    4 digiborigènes sur 10 cherchent la gratuité quand ce n'est que 3 sur 10 pour les plus vieux. Cette affirmation semble plutôt vraie même si la relation est peu significative.

    88

    94 Données personnelles depuis notre questionnaire quantitatif via Sphinx Online : Management de demain

    95 Données personnelles depuis notre questionnaire quantitatif via Sphinx Online : Management de demain

    89

    Tableau 30 : L'interrogé se sent il « libre par rapport aux lois » via Sphinx Online96

    2 personnes de moins de 31 ans sur 10 pensent que les lois ne lui interdisent pas d'agir. Ce pourcentage est de 1 personne sur 10 pour les plus de 30 ans. Même s'il y a une différence de presque 10 points, plus de 50% des digital natives ont répondu « plutôt non » voire « pas du tout », cette affirmation ne semble pas assez vraie et cela se voit du fait que la relation n'est pas significative.

    Tableau 31 : L'interrogé se « lasse-t-il très vite » via Sphinx Online97

    Les plus jeunes sont un peu moins de la moitié à se lasser très vite alors que 22% des plus âgés déclarent se lasser rapidement ce qui représente une différence de près de 25 points. La relation est très significative. Cette affirmation est donc complètement vraie.

    96 Données personnelles depuis notre questionnaire quantitatif via Sphinx Online : Management de demain

    97 Données personnelles depuis notre questionnaire quantitatif via Sphinx Online : Management de demain

    90

    Tableau 32 : L'interrogé « se méfit il de l'autorité » via Sphinx Online98

    4 digital natives sur 10 se méfient de l'autorité. Ce résultat tombe à moins de 3 digital immigrants sur 10. Même si Sphinx Online semble dire que la relation n'est pas significative, l'affirmation reste tout de même plutôt vraie.

    Tableau 33 : L'interrogé « respecte-t-il plutôt la compétence ou la hiérarchie et
    l'âge » via Sphinx Online99

    Les moins de 31 ans sont environ 6 sur 10 à respecter la compétence à la hiérarchie ou l'âge et c'est un peu plus élevé pour les plus de 30 ans avec presque 7 personnes sur 10. Cette affirmation est donc fausse.

    98 Données personnelles depuis notre questionnaire quantitatif via Sphinx Online : Management de demain

    99 Données personnelles depuis notre questionnaire quantitatif via Sphinx Online : Management de demain

    91

    Tableau 34 : L'interrogé « apprécie-t-il d »accéder rapidement aux connaissances »
    via Sphinx Online100

    90% des digital natives et immigrants aiment accéder rapidement aux connaissances. Cette affirmation est donc fausse car les digital natives ne portent pas plus d'importance à ce point que les digital immigrants.

    Tableau 35 : L'interrogé a-t-il « des difficultés à se concentrer » via Sphinx Online101

    Les moins de 31 ans sont près d'un tiers à avoir du mal à se concentrer quand ce n'est que 6% pour les plus de 30 ans. 2 tiers des plus de 30 ans n'ont pas ou peu de problème de concentration. La relation est très significative et l'affirmation est donc vérifiée.

    100 Données personnelles depuis notre questionnaire quantitatif via Sphinx Online : Management de demain

    101 Données personnelles depuis notre questionnaire quantitatif via Sphinx Online : Management de demain

    92

    Tableau 36 : L'interrogé préfère-t-il « l'image à un texte » via Sphinx Online102

    Plus de deux cinquièmes des natifs numériques préfèrent une image à un texte. C'est 20 points de moins pour les natifs numériques avec un peu plus de un cinquième. La relation est très significative, l'affirmation est confirmée.

    Tableau 37 : L'interrogé « se projette-t-il à long terme » via Sphinx Online103

    Moins de la moitié des digital natives et immigrants se projettent à long terme. La relation n'est pas significative. Nous pensions que les digital natives auraient répondu « Plutôt non » voir « Pas du tout » puisque le court terme est théoriquement une des caractéristiques de cette génération. La question n'était peut-être pas optimale. L'affirmation est infirmée.

    102 Données personnelles depuis notre questionnaire quantitatif via Sphinx Online : Management de demain

    103 Données personnelles depuis notre questionnaire quantitatif via Sphinx Online : Management de demain

    93

    Tableau 38 : L'interrogé a-t-il « besoin d'autonomie » via Sphinx Online104

    80% des moins de 31 ans ont besoin d'autonomie. 90% des plus de 30 ans ont besoin d'autonomie. Cette affirmation est fausse.

    Tableau 39 : L'interrogé « pense-t-il que l'entreprise est arbitraire » via Sphinx

    Online105

    30% des digital natives et immigrants pensent que l'entreprise est arbitraire. L'affirmation n'est pas juste.

    104 Données personnelles depuis notre questionnaire quantitatif via Sphinx Online : Management de demain

    105 Données personnelles depuis notre questionnaire quantitatif via Sphinx Online : Management de demain

    94

    Tableau 40 : L'interrogé a-t-il « besoin d'un bon relationnel pour s'impliquer » via
    Sphinx Online106

    9 natifs numériques sur 10 ont besoin d'un bon relationnel pour s'impliquer. Ce pourcentage descend à 8 immigrants sur 10. Il y a une faible relation significative cependant cette affirmation reste plutôt vraie.

    Tableau 41 : L'interrogé sent-il que « le plaisir immédiat est important » via Sphinx

    Online107

    Le plaisir immédiat est important pour presque 2 tiers des moins de 31 ans. Ce résultat est réduit à 2 cinquièmes pour les plus de 30 ans, c'est une différence de 20 points. La relation est très significative, l'affirmation est confirmée.

    106 Données personnelles depuis notre questionnaire quantitatif via Sphinx Online : Management de demain

    107 Données personnelles depuis notre questionnaire quantitatif via Sphinx Online : Management de demain

    95

    Tableau 42 : L'interrogé pense-t-il que « le deal win-win est important » via Sphinx

    Online108

    Le deal win-win est important pour plus de 70% des personnes interrogées, l'affirmation est fausse.

    Tableau 43 : L'interrogé « s'adapte-t-il facilement » via Sphinx Online109

    La relation n'est pas significative car plus de 90% des répondants sont d'accord. L'affirmation est infirmée.

    108 Données personnelles depuis notre questionnaire quantitatif via Sphinx Online : Management de demain

    109 Données personnelles depuis notre questionnaire quantitatif via Sphinx Online : Management de demain

    Tableau 44 : L'interrogé se sent-il « flexible » via Sphinx Online110

    96

    Un peu plus de 80% des jeunes se sentent flexibles quand les plus âgés ne sont qu'un peu moins de 70%. Il y a donc 10 points d'écart et la relation est significative. Nous pouvons confirmer cette affirmation.

    Tableau 45 : L'interrogé se sent-il « impatient » via Sphinx Online111

    Presque 2 cinquièmes des digiborigènes ont l'impression d'être impatient quand ce n'est que 1 cinquième des immigrants. La relation est très significative et donc l'affirmation validée.

    110 Données personnelles depuis notre questionnaire quantitatif via Sphinx Online : Management de demain

    111 Données personnelles depuis notre questionnaire quantitatif via Sphinx Online : Management de demain

    97

    Tableau 46 : L'interrogé se ressent-il « multitâche » via Sphinx Online112

    Plus de 80% des digital natives et immigrants se ressentent multitâche, l'affirmation n'est pas juste.

    112 Données personnelles depuis notre questionnaire quantitatif via Sphinx Online : Management de demain

    98

    b. Synthèse des comportements

    Suite à cette étude des comportements chez les digital natives, on note que sur 20 affirmations récoltées par la recherche scientifique, 10 sont confirmées (« +++ » = affirmation très significative et « + » = affirmation un petit peu significative) :

    · J'agis rapidement (+++)

    · Je recherche la gratuité (+)

    · Je me lasse vite (+++)

    · Je me méfie de l'autorité (+)

    · Je préfère l'image au texte (+++)

    · J'ai des problèmes de concentration (+++)

    · J'ai besoin d'avoir un bon relationnel pour m'impliquer (+)

    · Le plaisir immédiat est important (+++)

    · Je suis flexible (+++)

    · Je suis impatient (+++)

    La plupart des items se centralise sur une idée, celui de l'espace et de la temporalité du digital native :

    · J'agis rapidement (+++)

    · Je me lasse vite (+++)

    · Je préfère l'image au texte (+++)

    · J'ai des problèmes de concentration (+++)

    · Le plaisir immédiat est important (+++)

    · Je suis impatient (+++)

    On peut synthétiser l'étude comportementale en soulignant la fracture entre les plus et les moins de 30 ans par cette différence dans l'espace et le temps. Les digital natives souhaitent obtenir les choses rapidement, apprécient le moment présent, ont besoin

    99

    sans cesse d'agir. Malheureusement, cette rapidité leur fait survoler l'information car l'instant T est important. Ils préfèrent être tout le temps en mouvement même s'ils seront moins concentrés. Cela leur permet de gagner en réactivité et en efficacité mais ils sont perdants dans leur vision des stratégies à long terme.

    Le deuxième point que l'on peut noter est cette méfiance de l'autorité et le besoin d'un bon relationnel pour s'impliquer. Un bon manager devra comprendre cet élément pour gérer ses digital natives avec performance. S'il ne sait pas se faire apprécier et utiliser seulement son pouvoir autoritaire pour manager son équipe, cette nouvelle génération d'actifs ne lui obéira pas, bien au contraire.

    100

    C. Synthèse des études

    Pour introduire cette synthèse, on remarque que les digital natives ont conscience de ce qu'ils sont. Ils savent ce qu'ils représentent et reconnaissent leur usage intensif du web. Ils notent la fracture avec le monde de l'entreprise et n'acceptent pas forcément le modèle traditionnel qu'utilisent leurs managers pour tenter de les gérer. Les managers ont conscience de la fracture entre les deux générations et admettent même qu'ils sont plus durs avec les digital natives.

    Pour synthétiser les résultats de l'ensemble de nos enquêtes, on note que les connaissances informatiques ne sont pas unanimement détenues par les digital natives. On peut synthétiser cela en disant que les digital natives ont une meilleure compréhension du Web 2.0. Pour les digital immigrants, ils ont une meilleure connaissance de la sécurité informatique semble-t-il (mais c'est aussi peut-être à cause de la trop forte représentativité d'employés ayant de très nombreuses formations sur ce sujet). En utilisant l'étude de Ester HARGITTAI et Y.P. HSIEH113 et en la comparant à nos résultats, nous remarquons que les digital natives français ont la plus haute moyenne des moyennes à 3,57 (soit 0,01 de plus que les digital immigrants) ce qui en fait la génération la plus compétente dans l'ensemble des connaissances de l'informatique et du web par rapport aux digital natives américains et aux digital immigrants français. Lors de l'un de nos entretiens semi-directif, Alice dira que « le digital c'est comme les langues, si tu immigres jeunes dans un nouveau pays, tu vas facilement devenir bilingue. C'est pareil pour nous, on est né dans le digital ça a été bien plus facile d'apprendre ». Même si nous sommes partagés par rapport à nos résultats, nous pouvons par notre étude empirique confirmer que les digital natives ont en général bien une meilleure connaissance du web et de l'informatique. Florence ARENOU, Médecin Chef au Logis des Francs, structure hospitalière, et manager de 40 salariés, et Delphine ROUDOT, Chef de Projet Digital

    113 Eszter HARGITTAI et Y.P. HSIEH, Succinct Survey Measures of Web-Use Skills. Social Science Computer Review, 2012, p. 15-16

    101

    à HighCo et manager de 2 salariés semblent penser la même chose, les compétences sont égales, ce sont plutôt les comportements qui sont différents et qui évoluent avec le temps.

    Avec la méthode de l'Ennéagramme pour chercher les types de personnalités, on note que les digital natives tendent à se centrer sur l'émotionnel. Cela correspond en partie au plaisir immédiat et à l'importance du court terme. De plus, la confiance et le relationnel permettent de les motiver. Vincent GREGOIRE-DELORY, Maître de Conférences à l'Université catholique de Toulouse, explique ces changements par l'adaptation de nos cerveaux à cette nouvelle ère numérique : « la plasticité du cerveau, le cerveau va s'adapter à ça, un cerveau moins académique. » A l'inverse, une mauvaise ambiance impactera de manière négative leur efficacité. Le digital immigrant est centré sur le mental. Le passé est une notion importante car il a permis de créer leur processus de réflexion.

    Pour ce qui est des comportements, on note que la plus grande des différences entre les digital natives et les digital immigrants se situe au niveau du changement dans l'espace et le temps. Les digital natives souhaitent obtenir les choses rapidement, apprécient le moment présent, ont besoin sans cesse d'agir. Malheureusement, cette rapidité les fait survoler l'information car l'instant T est important. Ils préfèrent être tout le temps en mouvement même s'ils seront moins concentrés. Cela leur permet de gagner en réactivité et en efficacité mais sont perdants dans leur vision des stratégies à long terme. Pour Dario POLLACCI, Responsable Service chez Liebherr et manager, avec les moins de 30 ans, il doit être « plus direct et malheureusement leur donner moins de marge de manoeuvre car ils n'ont pas une implication à long terme ». Le deuxième point qu'on peut noter est cette méfiance de l'autorité et le besoin d'un bon relationnel pour s'impliquer. Cela provient peut être du fait que comme le souligne les participants de l'entretien semi-directif, les managers ont plus de 30 ans et portent bien trop d'intérêt à la hiérarchie et à l'organisation quitte à perdre en humanisme.

    102

    III. Recommandations pour une dynamique de changement

    A. Validité des hypothèses

    Hypothèse 1

    Les digital natives sont plus à l'aise avec les nouvelles technologies que les digital immigrants.

    Hypothèse 1 : Validé

    Les digital natives ont été plus rapidement à l'aise avec les nouvelles technologies et s'adaptent toujours plus rapidement que les digital immigrants. Cependant, les plus de 30 ans étant en entreprise ont eu des formations et se sont auto-formés. Ils ont compris les enjeux et les opportunités que sont les connaissances informatiques et numériques. Nous n'infirmons pas cette hypothèse car notre étude empirique nous permet d'affirmer qu'en moyenne, les digital natives sont légèrement plus compétents mais cela dépend des domaines. Nous ne nous attendions pas à cela. Nous rappellerons une dernière fois que les digital immigrants de notre étude empirique étaient surqualifiés dans la sécurité informatique. De nombreuses études restent à réaliser afin de pouvoir avoir une réponse plus précise à cette hypothèse.

    103

    Hypothèse 2

    Il y a une fracture comportementale entre les digital natives et les digital immigrants.

    Hypothèse 2 : Validé

    Oui, il y a bien une fracture comportementale entre les digital natives et immigrants mais cette hypothèse est bien trop large. Les stéréotypes et les caricatures des écrits scientifiques nous ont trompés. Les comportements différents ne sont pas aussi nombreux que les études le laissaient entendre. L'un des changements détectés est au niveau de l'espace et du temps. Le digital native a adapté son comportement à l'environnement web. Internet, c'est une immensité d'informations libre d'accès et s'obtenant très rapidement. C'est un monde avec une densité sans limite. Les digital natives sont devenus partie intégrante de ce modèle. Ils réalisent toutes les actions avec efficacité et rapidité. Ils savent rebondir, s'adapter, modifier leurs façons de faires. Ils vont à l'essentiel sans se soucier du superflu. Ils vivent l'instant présent sans se soucier de l'avenir. Ils sont devenus la copie humaine de l'internet. Ce besoin d'immédiateté porte un nom, on dit que les digital natives ont un profil ATAWAD. C'est l'acronyme de Any Time, Any Where, Any Device. Le web les a habitués à avoir accès à ce qu'ils veulent, quand ils le veulent et o ils le veulent. Ce besoin en provenance d'Internet devient un besoin dans le monde réel. L'ubiquité de cette génération est incroyable. Ils sont partout au même moment. L'autre changement se situe au niveau de l'autorité et plus exactement, la méfiance ou le non-respect de l'autorité classique. Le web les a aidés à se méfier de l'autorité et ils souhaitent avoir un bon relationnel pour s'impliquer. Cela provient du fait qu'aujourd'hui, la génération des digital natives ne croit plus dans les Instituions (Gouvernement, Religion, Entreprise...) car leurs mensonges sont dévoilés sur Internet grâce à la liberté d'expression qu'offre le web. Aujourd'hui, quand un manager ou un professeur va expliquer quelque chose, ils vérifieront sur Google pour obtenir une vérité qu'ils pensent plus universelle et moins personnelle.

    Hypothèse 3

    Les hypothèses 1 & 2 ont créé cette fracture entre le monde de l'entreprise et le digital native. Le monde de l'entreprise voit le digital native comme une menace à la sécurité de l'information, de son organisation... sans réfléchir aux nombreuses opportunités.

    Hypothèse 3 : Validé

    Les entreprises occidentales sont très méfiantes par rapport à l'arrivée des digital natives dans le monde de l'entreprise. Une étude réalisée sur les ressources humaines et les managers du monde entier ont révélé que les préjugés et les clichés étaient la norme114. L'hypothèse 1 qui décrit la fracture dans les connaissances numériques et informatiques a été approuvée. L'hypothèse 2 qui décrit la fracture dans les comportements entre générations a été validée. Il y a donc bel et bien un fossé qui s'est créé entre le digital native et le digital immigrant. Ce fossé a malheureusement amené chaque génération à avoir des stéréotypes sur la génération l'opposant. Les digital immigrants ont plus de 30 ans, ils sont la génération la plus présente en entreprise aujourd'hui. Du fait de leur ancienneté, ils sont aussi les managers, les RH et membres de la Direction. Il est vrai que les digital natives ont beaucoup d'exigence par rapport à l'entreprise o ils seront employés. Cependant, ils sont aussi source d'opportunités : compétences, connaissances, savoir-être...

    104

    114 DEYOE et FOX, Journal of Behaviorla Studies in Business, 2011

    105

    Hypothèse 4

    L'hypothèse 3 explique en partie pourquoi le manager ne sait pas manager ses employés digital native sur 3 aspects :

    ? Comprendre / Gérer

    ? Motiver

    ? Fidéliser

    .

    Hypothèse 4 : Validé

    Nos études scientifiques confirmées par nos études empiriques et la validation de l'hypothèse 3 nous permettent d'approuver cette hypothèse. La non-compréhension du manager des comportements du digital natives nuit à son management. De cette simple logique, il ne sait pas comment le gérer et donc le motiver et même, le fidéliser à l'entreprise. Le manager se dit dans l'obligation de surveiller son collaborateur digital native. Le manager ne sait plus comment empêcher le désir de mobilité d'une entreprise à une autre du digital native. Dès qu'il a pris tout ce que l'entreprise pouvait lui donner, il en change.

    De l'hypothèse 1 à l'hypothèse 4, il y a un processus qui a conduit à se demander si le management traditionnel du manager pour les digital natives est suffisamment efficace ? Nos préconisations opérationnelles vont apporter une partie des réponses et une partie des éléments de réflexion sur l'adaptation et les changements à réaliser pour devenir un manager confirmé et approuvé par ses jeunes collaborateurs.

    106

    B. Préconisations opérationnelles

    Les hypothèses étant valides, l'objectif de ce mémoire est de faire évoluer l'entreprise. La faire grandir en direction de ce que l'on attend d'elle. Une entreprise forte et qui sait s'adapter dans son management. Si le manager fait l'effort, il gagnera en productivité et efficacité chez ses équipes de digital natives car il saura répondre à leurs besoins. Pour introduire ces préconisations, nous souhaitons tout d'abord vous parler d'une des actions à réaliser en priorité : donner du sens. Le manager doit impliquer le digital native dans l'entreprise. L'adhésion de cette génération passera par l'explication et la compréhension. Le digital native doit savoir ce que sont les valeurs de son entreprise, connaître la stratégie globale, le but de son poste, de sa mission car il est en quête de sens. La soumission à l'autorité passera par le sentiment d'appartenance de chaque acteur de l'entreprise à l'entreprise. Comme on pourrait le penser, ce n'est pas le digital native qui choisira de s'impliquer ou non, ce sera au manager de savoir l'intégrer. Bien évidemment, cela demande beaucoup de temps, de motivation et surtout de formation à ce phénomène mais ce sera à chaque entreprise et à chaque manager de choisir si les digital natives sont une opportunité à saisir ou une perte de temps. « Le génie, c'est le bon sens appliqué aux idées nouvelles »115.

    De plus, il est important de limiter le natif numérique en explicitant les règles. Chaque employé a besoin d'un cadre. Le digital native en a besoin car il a toujours été libre. L'entreprise sera là pour le centrer sur sa mission mais elle ne sera pas non plus une prison. Les règles doivent être expliquées et ensuite acceptées. Cela aidera dans l'autorité du manager car ce ne sera plus une autorité hiérarchique mais naturelle.

    Comme nous l'expliquait Vincent GREGOIRE-DELORY, Maître de Conférences à l'Université catholique de Toulouse : « Recréer une dynamique des valeurs au sein de l'entreprise est primordial pour cette génération (digital native) ». La notion de valeur

    115 Madame de Staël

    107

    va être un des vecteurs de rassemblement de l'ensemble des générations autour d'objectifs communs. Le travail de communication des valeurs a un grand enjeu, c'est l'un des grands moyens pour créer de l'adhésion à l'autorité.

    Pour terminer cette introduction à propos de l'autorité du manager et du digital native, le dialogue est la clé de voute de l'édifice. Le mode obsolète de la hiérarchie verticale est le principal frein d'intégration du natif numérique. Le manager doit créer une complète confiance mutuelle avec cette génération. A lui de faciliter le dialogue, d'écouter le digiborigène quand il a des idées, des critiques... Le mode participatif peut être un bon élément d'ouverture à cette génération. Au contraire, le mode directif traditionnel est à bannir si vous souhaitez créer de l'engagement chez vos jeunes collaborateurs.

    108

    1. Comprendre

    Pour le manager, il existe dans un premier temps la connaissance scientifique. Celle-ci s'obtient lors de la formation. Il doit être envisagé que le manager étudie la caractérologie. Celle-ci débouche sur la compréhension typologique de cette génération. On peut sinon, employer la méthode des tests afin d'apprendre ce que c'est d'être un manager de cette génération. La limite de l'approche scientifique de cette génération, c'est que la réflexion découle d'un raisonnement analogique et celui-ci ne s'adapte pas à l'individu. « La clef d'autrui est d'abord en nous mêmes car nous ne faisons jamais que conjecturer autrui »116.

    La connaissance intuitive est la 2e méthode que le manager peut choisir d'utiliser afin d'améliorer son management auprès des digital natives. La psychologie de DESCARTES explique que l'intersubjectivité n'est que seconde car autrui est une projection de soi même et donc le résultat d'une déduction subjective. La synergie intergénérationnelle commencera le travail de compréhension entre les générations. La connaissance d'autrui permet d'augmenter l'efficacité dans le travail. Pour cela, le manager doit faire travailler les digital natives et les digital immigrants en équipe pour que chacun se rende compte des forces et des opportunités de l'autre.

    Il existe donc 2 méthodes pour que le manager comprenne le natif numérique. L'approche scientifique ou intuitive. La première est possible par la formation ce qui veut dire que l'entreprise a conscience de ce phénomène et cherche à améliorer le management du manager. La 2e approche est un travail qui se réalise de façon autonome en cherchant à cohabiter avec le digital native. Cependant, seul l'intelligibilité du manager lui permettra d'en arriver aux bonnes conclusions. Le manager doit comprendre cette génération s'il veut la gérer. L'intégration du digital native est un point clé.

    116 Charles BLONDEL, La Psychologie de Marcel Proust, 1932, p. 162

    109

    2. Motiver

    La motivation du digital native est une véritable question d'actualité. En sachant qu'il a du mal à accepter l'autorité hiérarchique et qu'il y a une fracture comportementale intergénérationnelle, cette génération n'est pas à l'aise en entreprise et cela se ressent forcément en entreprise. Si le manager le comprend, il pourra le motiver.

    Dans un premier temps, on en revient à cette idée de donner du sens en définissant les enjeux de son rôle dans l'entreprise, de sa mission... Il faut lui donner une large vision de son rôle. Donner du sens, c'est aussi avoir un travail de communication autour des valeurs de l'entreprise car les valeurs sont les éléments fédérateurs.

    Le manager doit mettre un cadre avec des règles mais ensuite laisser le digital native agir et prendre des initiatives. Même si le natif numérique est en conflit avec l'autorité, il a un besoin d'être structuré et sécurisé ce qui lui permettra par la suite d'être libre d'accomplir sa mission. Le cadre du collaborateur digital native se délimite par les objectifs de son travail et ce qu'on attend de lui, les rôles et les responsabilités de ses collaborateurs. Lorsque vous avez cadré ce jeune employé, laissez le faire avec autonomie car c'est ce qui le motivera, la confiance que vous lui donnez. Bien évidemment, il faudra toujours contrôler son travail mais regardez son potentiel s'exprimer. Le web a donné au digital native la chance de savoir se débrouiller et chercher les réponses à tout problème sur Internet.

    Le manager devra se positionner comme responsable ressource et non comme donneur d'ordre. Le digital native ne se motivera pas si votre management est basé sur votre autorité hiérarchique. Il attend de vous que vous cadriez son travail puis que vous lui donniez l'ensemble des ressources nécessaires afin qu'il puisse travailler en autonomie. Faites l'effort d'avoir un style managérial basé sur l'interaction :

    ? Ecoutez les besoins et les attentes de votre équipe de jeunes

    ·

    110

    Apprenez à leur faire des retours constructifs (feedback)

    · Donnez votre confiance et ils vous en seront reconnaissants

    · Faites les travailler en coopération pour permettre l'émulation collective

    La génération digitale est tellement méfiante de l'autorité qu'elle a besoin que vous, manager, construisiez une relation basé sur la confiance. Le relationnel est important car les institutions et la hiérarchie n'ont plus de valeur à leurs yeux. A vous d'être à l'image du digital native si vous souhaitez le motiver.

    · Soyez direct comme ils le sont sur les forums et les réseaux sociaux

    · N'ayez pas peur d'être informel et de créer une relation avec de la complicité

    · Dites aussi ce que vous pensez, ils attendent que vous soyez franc

    Si le digital native se sent proche de vous et que l'entreprise a des valeurs et un cadre plus dynamique que les autres structures traditionnelles, il saura être dynamique et force de proposition. Le manager doit s'adapter à ces lourds changements qui font passer le management traditionnel vers une ère d'ouverture et de changement structurel.

    111

    3. Fidéliser

    Nous préconisons au manager de chercher à créer de l'engagement chez le digital native. Le fidéliser à l'entreprise, c'est dans un premier temps afin de créer une meilleure dynamique au sein des équipes mais surtout, pour l'empêcher de piller les savoirs de l'entreprise pendant 5 ans et après les utiliser dans un nouveau poste dans une nouvelle entreprise. Si la fidélité est si compliquée à atteindre chez le digital native c'est que « La fidélité est la forme la plus noble de la servitude. » selon Eugène BEAUMONT, et s'il y a servitude, il y a soumission à l'autorité. Ce jeune salarié de se laissera pas soumettre aussi facilement, c'est au manager de le faire avec intelligence et sans utiliser sa force hiérarchique.

    Premièrement, le manager devra comprendre son jeune employé afin de réussir à le motiver. Créer un climat de confiance et lui parler avec un style direct quand vous le félicitez, l'encouragez ou le cadrez. Si selon CONFUCIUS, « Choisissez un travail que vous aimez et vous n'aurez pas à travailler un seul jour de votre vie », on peut y ajouter que : Choisir un travail qui vous motive et vous ne vous ennuierez pas un seul jour de votre vie.

    Deuxièmement, le manager doit intégrer son collaborateur sur le long terme, notion inconnue du digiborigène. Pour cela, un travail d'apprentissage est à réaliser sur les opportunités à moyen et long terme et la projection. Autre élément pour lui montrer votre confiance, former le jeune collègue afin d'optimiser son travail et créer cette relation gagnant-gagnant. Si vous arrivez à le faire réussir, il vous sera reconnaissant ainsi qu'à l'entreprise.

    Troisièmement, nous allons parler de l'élément tabou en France : la rémunération. N'hésitez pas à en parler clairement lors des entretiens annuels. Augmentez ces responsabilités et son autonomie mais en échange, augmentez son salaire. Il est

    112

    conseillé d'augmenter son salaire mensuel plutôt que de lui donner des primes car ce dernier est optimisé pour le court terme et vous ne le fidéliserez pas s'il n'est pas aussi attaché financièrement à l'entreprise. La rémunération selon l'âge est dénuée de sens, surtout pour le digital native. En France, on augmente un salaire selon l'ancienneté et non selon les compétences. Comment fidéliser le digital native sur ces anciennes méthodes ? La question est : Avez-vous peur de froisser votre digital immigrant ? Les digital natives sont prêts à faire leurs preuves mais les immigrants ne jouent pas le jeu. Si vous souhaitez fidéliser le digital native à long terme, réfléchissez à l'importance stratégique qu'ils représentent.

    113

    Conclusion générale

    31% de la population active avec un emploi est un digital native. D'ici 2020, les digital natives seront les plus nombreux en activité en France devant toutes les autres générations. Cependant, l'entreprise et le manager ne sont pas performants dans le management de cette génération. Notre problématique qui est : « En quoi le manager devra-t-il modifier son management pour gérer, motiver et fidéliser les nouveaux actifs de moins de 30 ans, suite à la fracture comportementale intergénérationnelle entre digital native et digital immigrant en France ? », est le constat d'un problème d'adaptation des digital natives au monde de l'entreprise.

    Nous l'avons vu lors de la revue de littérature, le phénomène est récent mais de nombreux chercheurs et sociologues s'y intéressent. Grâce à cela, nous avons avancé 4 hypothèses :

    ? Les digital natives sont plus à l'aise avec les nouvelles technologies que les digital immigrants.

    ? Il y a une fracture comportementale entre les digital natives et les digital immigrants.

    ? Les hypothèses 1 & 2 prouvent qu'il y a une fracture entre le monde de l'entreprise et le digital native. Le monde de l'entreprise voit le digital native comme une menace à la sécurité de l'information, de son organisation... sans réfléchir aux nombreuses opportunités.

    ? L'hypothèse 3 explique en partie pourquoi le manager ne sait pas manager ses employés digital native sur 3 aspects :

    o Comprendre / Gérer

    o Motiver

    o Fidéliser

    Une fois ces hypothèses posées, nous avons cherché à les vérifier sur le terrain. Suite à cette étude empirique, les hypothèses ont été validées et nous ont permis d'apporter

    114

    au dysfonctionnement et à la problématique, une réponse terrain sous la forme de préconisations opérationnelles.

    Premièrement, la quête de sens est primordiale chez le digital native. De plus, les managers doivent comprendre qu'ils cherchent à avoir des emplois stimulants o la confiance est la base de leur relation. Le manager devra apprendre à les cadrer tout en les laissant être autonome. Il est nécessaire de les impliquer, de les laisser prendre leurs propres décisions et de savoir les rappeler à l'ordre ou les féliciter dans un style de communication direct et franc. Pour ce qui est de la rémunération, il faut imaginer autre chose que la politique de l'ancienneté et réfléchir à comment rémunérer aux compétences et à la réussite (même si la loi oblige la politique de l'ancienneté, ce n'est pas pour autant qu'il n'y a pas une réflexion à réaliser sur le fait de payer chacun à sa juste valeur). Si l'effort n'est pas fait, le digital native ne se motivera jamais à rester dans une entreprise dans un style de management décadent. Les conditions de travail doivent s'approcher des attentes du digital native : une meilleure qualité de vie, des horaires flexibles et un environnement agréable et dynamique... Enfin, il est nécessaire de mettre à jour le management local, parce que si le directeur indique la direction, le supérieur doit donner du sens. Le manager sera donc bien plus là pour accompagner que pour ordonner. L'un des enjeux de son management sera de réussir à créer une synergie intergénérationnelle basée sur le partage. Comme on peut le voir dans le marketing inbound sur le web, la communication ne va plus seulement de la direction vers le manager puis vers l'employé non-managérial mais bien aussi dans l'autre sens, c'est-à-dire que le natif numérique devient force de proposition. Les digital natives sont connectés au XXIe siècle, ce serait une erreur de ne pas se saisir cette opportunité. Le manager doit réussir à coordonner tous ces changements afin d'assurer la loyauté de cette génération pour l'entreprise. L'espace et le temps ont complètement changé pour cette génération qui est connectée de façon simultanée à la vie IRC (in real chat, sur internet) et IRL (in real life, dans la vraie vie). Bien plus que le manager, c'est toute la structure de l'entreprise qui va évoluer comme cette nouvelle relation entre les ressources humaines et le marketing pour améliorer le transfert des connaissances ou la marque employeur. Bien évidemment, il ne faut pas caricaturer vos actions pour séduire les digital natives car ils sauront en profiter.

    115

    Cependant, il ne faut pas croire que la rupture est totale entre les deux générations. Un proverbe africain dit que « C'est au bout de la vieille corde qu'on tisse la nouvelle ». Rappelons-nous premièrement que certains des digital immigrants ont créé l'informatique et sont les créateurs du numérique. Deuxièmement, il y a une grande part des digital immigrants qui sont très bien formés au web. Il y a surement une fracture entre les digital immigrants qui ont fait l'effort de s'auto-former et de suivre des formations en entreprise et les autres qui n'ont pas eu la volonté de s'adapter car ils n'avaient pas saisi les enjeux et les opportunités.

    Suite à notre mémoire sur le management des digital natives, deux recherches sont à approfondir :

    ? Quel est la part de digital immigrants qui a fait l'effort de migrer vers le digital et l'autre part qui est en retard ?

    ? Une comparaison entre digital native et digital immigrant selon les CSP serait intéressante pour pallier aux limites de notre étude

    Toute entreprise française doit dès à présent comprendre le besoin qu'elle a d'être moderne et de savoir répondre aux problématiques managériales. « L'avenir est quelque chose qui se surmonte. On ne subit pas l'avenir, on le fait. »117

    117 Georges BERNANOS, La Liberté, pour quoi faire ?, 1953

    116

    Bibliographie

    ? Ouvrages

    M. PRENSKY, Teaching Digital Natives: Partnering for Real Learning, 2001

    E. CARRE, A. LABRUFFE, 100 questions pour comprendre et agir - Le Management, AFNOR, 2004

    J. PALFREY, U. GASSER, Born digital : understanding the first generation of digital native, Basic Books, 2008

    R. QUIVY, L. VAN CAMPENHOULT, Manuel de recherché en science sociales, DUNOD, 1988

    R.-A. THIETART, Méthodes de recherche en management, DUNOD, 2007

    Eszter Hargittai, Digital Natives or Digital Naïves ? Internet Skills among Members of the « Net Generation », 2012

    Henry MINTZBERG, Mintzberg on management, 1989

    ? Mémoires

    A. FONTANEL, sous la direction de B. BELVAUX, Comment les marques peuvent-elles communiquer auprès des Digital Natives ?, Mémoire de Master 2 Marketing et Communication des Entreprises Université Panthéon-Assas, Paris II, 2010

    J. EDUADSEN, Are the Digital Natives myth or reality ?, MSc. International Business Economics Centre for International Business Aalborg University, 2011

    117

    ? Articles de presse

    M. PRENSKY, Digital Natives, Digital Immigrants, On the Horizon (MCB University Press, Vol. 9 No. 5, October 2011), 2011

    K. JONSEN, R. MARTIN, S. WEG, Managing Digital Natives - Opportunity or Challenge? Tell me when you were born and I'll tell you who you are, The European Business Review

    M. MASIMBERT, Tous les jeunes ne sont pas des « digital natives », Slate.fr, 08/10/2013

    ? Articles scientifiques

    S. OCTOBRE, Pratiques culturelles chez les jeunes et institutions de transmission : un choc de cultures ?, Culture.gouv.fr, 01/2009

    E. HELSPER, R. ENYON, Digital natives : where is the evidence ?, British Educational Research Association, LES research online, 2009

    Dr C. JONES, B SHAO, The net generation and digital natives: implications for higher education, The Open University, 26/06/2011

    F. FRERY, Le management 2.0 ou la fin de l'entreprise ?, Dossier : La sortie de crise passe par l'entreprise, 25/05/2010

    M. BAHUAUD, C. DESTAL, A. PECOLO, L'approche générationnelle de la communication : placer les publics au coeur du processus, Communication & Organisation, 2011

    118

    N. SELWYN, The digital native - myth and reality, Institute of Education, University of London, London, UK, 20/01/2009

    ? Autres (syndicat, association, site internet, independent, grande école...)

    MEDIAMETRIE, Immédiateté, choix et interactivité : 3 priorités des jeunes pour l'info, WSA, 02/2009

    F. HERMELIN, Inside #1 : « Dans la tête des Digital Natives », SixandCo

    M.-A. ALLARD, D.G.A DE BRAIN VALUE, Les « Digital Natives » (15-25 ans), la génération des autochtones du Web, delitsdopinion.com, 22/04/2009

    M. WESCH, Mediated Cultures : Digital Explorations of our Mediated World led by Cultural Anthropologist Michael Wesch, Kansas State University

    I. GEORGE, « The Digital Natives », Helixa, 01/06/2011

    POLYCONSEIL, Digital Natives et nouveaux usages médias : comment s'y adapter ?, Livre blanc de Polyconseil, 10/2012

    F. WINCKLER, Empreintes digitales, Lefreddie.wordpress.com, 2010

    B. MEYRONIN, S. HOSPITAL, La Culture Digital Native, grenoble-em.com, 2012

    TNS SOFRES, Les français et le téléchargement illégal sur Internet, 2009

    Georgia Institute of Technology et l'International Telecommunication Union, Measuring the Information Society, 2013

    Olivier DONNAT, Pratiques culturelles et usages de l'internet, Ministère de la Culture et de la Communication, 2007

    119

    Glossaire des sigles et mots techniques

    Digiborigène

    Même définition que digital native.

    Digital immigrant

    Personne ayant connu l'ère avant le développement du numérique. Ils sont « immigrants » car ils doivent faire l'effort d'apprendre les connaissances liés à l'informatique et au web.

    Digital native

    Jeune entre 15 et 24 ans ayant vécu dans l'ère du numérique et passé au moins 5 ans de leur vie à une utilisation quotidienne d'internet.

    IRC

    In real chat ce qui veut dire, être en ligne.

    IRL

    In real life ce qui veut dire, dans la vraie vie.

    PC

    Personnal computer soit son ordinateur personnel.

    Web 1.0, 2.0 et 3.0

    Le web 1.0, c'est le web statique centré sur le partage de contenu (depuis 1993). Le web 2.0 désigne le web social (depuis 2007). Le web 3.0 représente le web sémantique et le web des objets (nous sommes aux prémices).

    120

    Table des tableaux

    Tableau 1 : Les rôles d'un manager 36

    Tableau 2 : Date de saisie des réponses aux questionnaires via Sphinx Online

    63

    Tableau 3 : Moins de 30 ans et les plus de 31 ans ayant répondu aux

    questionnaires via Sphinx Online 64

    Tableau 4 : Segmentation par l'âge des interrogés via Sphinx Online ________ 65

    Tableau 5 : Segmentation par le sexe des interrogés via Sphinx Online _____ 66

    Tableau 6 : Segmentation par la catégorie socio-professionnelle des

    interrogés via Sphinx Online 66

    Tableau 7 : Depuis quand les interrogés utilisent Internet via Sphinx Online

    67

    Tableau 8 : Fréquence de consommation du web des interrogés via Sphinx

    Online 68

    Tableau 9 : Les technologies possédées par les interrogés via Sphinx Online

    68

    Tableau 10 : Compréhension de l'item « blog » par les interrogés via Sphinx

    Online 70

    Tableau 11 : Compréhension de l'item « JPG » par les interrogés via Sphinx

    Online 71

    Tableau 12 : Compréhension de l'item « PDF » par les interrogés via Sphinx

    Online 71

    Tableau 13 : Compréhension de l'item « spyware » par les interrogés via

    Sphinx Online 72

    Tableau 14 : Compréhension de l'item « firewall » par les interrogés via

    Sphinx Online 72

    121

    Tableau 15 : Compréhension de l'item « like » par les interrogés via Sphinx

    Online 73

    Tableau 16 : Compréhension de l'item « follow back » par les interrogés via

    Sphinx Online 73

    Tableau 17 : Compréhension de l'item « podcast » par les interrogés via

    Sphinx Online 74

    Tableau 18 : Compréhension de l'item « torrent » par les interrogés via

    Sphinx Online 74

    Tableau 19 : Compréhension de l'item « wiki » par les interrogés via Sphinx

    Online 75

    Tableau 20 : Compréhension de l'item « phishing » par les interrogés via

    Sphinx Online 75

    Tableau 21 : Compréhension de l'item « RSS » par les interrogés via Sphinx

    Online 76

    Tableau 22 : Compréhension de l'item « stream » par les interrogés via

    Sphinx Online 76

    Tableau 23 : Compréhension de l'item « cookie » par les interrogés via Sphinx

    Online 77

    Tableau 24 : Comparaison des compétences par moyenne entre digital

    natives américains, français et digital immigrants français 81

    Tableau 25 : Moyennes par types de personnalité des digital natives et des

    digital immigrants 85

    Tableau 26 : Moyennes par cercles de personnalité des digital natives et des

    digital immigrants 85

    Tableau 27 : L'interrogé « agit-il rapidement » via Sphinx Online 87

    Tableau 28 : L'interrogé se sent-il « prescripteur » via Sphinx Online 88

    Tableau 29 : L'interrogé « cherche-t-il la gratuité » via Sphinx Online 88

    Tableau 30 : L'interrogé se sent il « libre par rapport aux lois » via Sphinx

    Online 89

    122

    Tableau 31 : L'interrogé se « lasse-t-il très vite » via Sphinx Online 89

    Tableau 32 : L'interrogé « se méfit il de l'autorité » via Sphinx Online 90

    Tableau 33 : L'interrogé « respecte-t-il plutôt la compétence ou la hiérarchie

    et l'âge » via Sphinx Online 90

    Tableau 34 : L'interrogé « apprécie-t-il d »accéder rapidement aux

    connaissances » via Sphinx Online 91

    Tableau 35 : L'interrogé a-t-il « des difficultés à se concentrer » via Sphinx

    Online 91

    Tableau 36 : L'interrogé préfère-t-il « l'image à un texte » via Sphinx Online

    92

    Tableau 37 : L'interrogé « se projette-t-il à long terme » via Sphinx Online _ 92

    Tableau 38 : L'interrogé a-t-il « besoin d'autonomie » via Sphinx Online 93

    Tableau 39 : L'interrogé « pense-t-il que l'entreprise est arbitraire » via

    Sphinx Online 93

    Tableau 40 : L'interrogé a-t-il « besoin d'un bon relationnel pour

    s'impliquer » via Sphinx Online 94

    Tableau 41 : L'interrogé sent-il que « le plaisir immédiat est important » via

    Sphinx Online 94

    Tableau 42 : L'interrogé pense-t-il que « le deal win-win est important » via

    Sphinx Online 95

    Tableau 43 : L'interrogé « s'adapte-t-il facilement » via Sphinx Online ______ 95

    Tableau 44 : L'interrogé se sent-il « flexible » via Sphinx Online 96

    Tableau 45 : L'interrogé se sent-il « impatient » via Sphinx Online 96

    Tableau 46 : L'interrogé se ressent-il « multitâche » via Sphinx Online 97

    123

    Tables des figures

    Figure 1 : Internet et les nouveaux médias donnent naissance à une nouvelle

    génération 11

    Figure 2 : Pourcentages de digital natives par rapport à la population totale

    par pays 15

    Figure 3 : Digital immigrants VS Digital natives 16

    Figure 4 : Temps passé sur un écran en nombre d'heures 19

    Figure 5 : Le portrait-robot d'un digital native 20

    Figure 6 : Pas d'autres choix que d'être multitâche ! 23

    Figure 7 : Nombre d'envois de 1ere recommandation depuis 2010 à 2013 par

    Hadopi 28

    Figure 8 : « Croissance du nombre de transistors dans les microprocesseurs Intel par rapport à la loi de Moore. En vert, la prédiction initiale voulant que

    ce nombre double tous les 18 mois » 32

    Figure 9 : Le diagramme de l'Ennéagramme : 9 types de personnalité ______ 83

    Figure 10 : Les 9 types de personnalité de l'Ennéagramme 83

    Figure 11 : Les trois centres de l'Ennéagramme 84

    124

    Table des matières

    Introduction 1

    1. Le phénomène 1

    2. La problématique d'entreprise 3

    3. L'annonce du plan 4

    I. Le management des digital natives : concepts, théories et hypothèses de

    recherche 5

    A. La génération des digital natives 5

    1. Concepts 5

    a. Le concept de Génération 5

    b. Les générations du XXe siècle 7

    c. Les générations Digital Natives & Digital Immigrants 10

    2. Profil des digital natives 18

    a. Ultra-connecté 18

    b. Espace et Temporalité 21

    c. Multitâche 23

    d. Hyper-communicant 25

    e. L'Autorité 27

    3. Nouveaux actifs 30

    B. Management traditionnel et management des digital natives 34

    1. Management traditionnel de la personne 34

    2. Incompatibilité entre traditionalisme et modernisme générationnel 39

    3. Du changement dans le management de la personne ? 42

    C. Quel management pour la génération digitale ? 45

    1. Comprendre 46

    2. Motiver 47

    3. Fidéliser 49

    Synthèse du management des digital natives 50

    Hypothèses 51

    II. Diagnostic managérial générationnel 53

    A. Du point de vue des acteurs 53

    125

    1. L'intelligibilité du manager 53

    a. La méthodologie 53

    b. Retranscription synthétique de l'étude qualitative auprès des managers 56

    2. Le digital native se connaît-il lui-même ? 59

    a. La méthodologie 59

    b. Retranscription synthétique de l'étude semi-directive auprès des digital natives 61

    B. Enquête comparative intergénérationnelle 63

    1. Connaissances 70

    a. Comparaison entre digital natives et digital immigrants français 78

    b. Comparaison avec l'étude de Eszter HARGITTAI et les digital natives américains 80

    2. Personnalités 82

    a. L'Ennéagramme 82

    b. Synthèse des personnalités 85

    3. Comportements 87

    a. Validité des affirmations 87

    b. Synthèse des comportements 98

    C. Synthèse des études 100

    III. Recommandations pour une dynamique de changement 102

    A. Validité des hypothèses 102

    B. Préconisations opérationnelles 106

    1. Comprendre 108

    2. Motiver 109

    3. Fidéliser 111

    Conclusion générale 113

    Bibliographie 116

    Glossaire des sigles et mots techniques 119

    Table des tableaux 120

    Tables des figures 123

    Table des matières 124

    Résumés et mots-clés 126

    126

    Résumés et mots-clés

    Résumé

    Les digital natives sont une génération d'individus ayant entre 15 et 24 ans et façonnée par les technologies numériques. Ils ont une forte activité sur le web depuis au moins 5 ans. D'ici 2020, les digital natives seront les plus nombreux en activité en France devant toutes les autres générations. Le manager n'est pas préparé à cette génération qui est différente au niveau des compétences et dans son comportement. En quoi le manager devra-t-il modifier son management pour gérer, motiver et fidéliser les nouveaux actifs de moins de 30 ans, suite à la fracture comportementale intergénérationnelle entre digital native et digital immigrant en France ?

    Mots-clés

    Digital native, Digital immigrant, Management, Manager, Comprendre, Gérer, Motiver, Fidéliser, Fracture, Génération

    Abstract

    The digital natives are a generation of people aged between 15 and 24 years and tied by digital technologies, they have a strong web activity for at least 5 years. . By 2020, the digital natives will be more active in France ahead of all other generations. Managers are not prepared to work with this generation because they are different in skills and behavior due to generational divide between digital natives and digital immigrants. The final goal is to know what current managers should change in their way to manage to motivate and keep new employees aged under 30 in France ?

    Key words

    Digital native, Digital immigrant, Management, Manager, Understand, Manage, Motivate, Make loyal, Fracture, Generation






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