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L'abà¢à¢, corps de garde et espace de communication chez les Fang d'Afrique centrale. Une préfiguration des réseaux sociaux modernes.

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par Gérard Paul ONJI'I ESONO
Université de Yaoundé II Cameroun - Master 2015
  

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3. Organisation sociale

Les sociétés de la forêt en général et celle des Fang qui nous préoccupe en particulier, sont des sociétés lignagères (mvog). Le lignage reste l'unité fondamentale de toute l'organisation sociale. Le village fang (dzaa) est organisé autour du lignage et du clan, qui sont des valeurs morales et aussi autour des valeurs socio-politiques dont les sages font office d'autorité. Le lignage joue un rôle essentiel dans les règles du mariage et de solidarité sociale. C'est à travers ce dernier que s'organise la vie politique, économique et religieuse. Ainsi, Laburthe TOLRA définit le lignage comme « l'ensemble des descendants de l'homme ou de la femme fondatrice »38(*). Le clan (ayoñ) et le lignage sont des critères de reconnaissance et d'identification des individus à l'intérieur d'une tribu. Le clan est un cadre de référence social par excellence. Il désigne un groupe d'hommes revendiquant une parenté ou un ancêtre commun. Le lignage comme le clan repose sur « la parenté par consanguinité », autant que le dit Maurice FOUDA ONGODO39(*) et chacun au sein de ce groupe a la maîtrise de sa généalogie. C'est à l'intérieur du lignage que se trouve le système d'éducation. On apprend aux jeunes gens leur généalogie, les manières de faire et d'être. On leur apprend également les règles du mariage, le respect de la nature et du surnaturel. Au sein de cette société, les relations entre les individus sont d'ordre fraternel. Les Fang sont patrilinéaires et la filiation se fait de père en fils.

Une lignée de personne est déclinée sur six niveaux de parenté ainsi qu'il suit chez les Fang :

- Esaa : (le père) ou nyiè (la mère) engendre le moan (fils ou fille) ;

- Moan (ndoman) : le fils engendre le Ndègn (petit-fils) ;

- Ndègn : le petit fils engendre le Ndzii (arrière-petit-fils) ;

- Ndzii : l'arrière-petit-fils engendre l'Owaban ;

- Owabang : l'arrière-arrière-petit fils engendre le Ngirbong

- Ngirbong : à partir de ce niveau, la génération s'estompe.

Dans cet environnement comme dans plusieurs autre société, il est rare qu'une personne vive et voit sa génération jusqu'au niveau de l'arrière-arrière-petit-fils.

4. Organisation politique

Dans cette société, le pouvoir est exercé par les sages à travers un seul porte-parole. En réalité, le village fang est une communauté sans pouvoir centralisé, sans spécialisation du pouvoir politique. Toutefois, l'autorité revient à l'aîné qui conduit les destinées du village, même en présence des auxiliaires d'administration que sont les chefferies de villages instaurées. Pour représenter le village, celui que la communauté reconnaît comme chef doit être éloquent, courageux, généreux ; il doit avoir le don de l'art oratoire. Ces caractéristiques sont très importantes pour prétendre au leadership. La société fang valorise l'homme qui est capable de réunir en lui toutes ces diverses qualités et d'influencer suffisamment ses pairs pour les orienter vers des objectifs communs. On devient chef lorsque l'équité et l'efficacité de son pouvoir d'exécution sont reconnues dans la zone d'influence.

Le chef règle toutes sortes de conflits à caractère social, grâce aux pouvoirs que lui lèguent les ancêtres lors de l'initiation antérieure à son intronisation. Le chef est également le coordonnateur de toutes les autres entités qui influencent la vie du village, le siège de cette institution est son Abââ et non son domicile. Au sein de cette société, le corps de garde occupe une place de choix, c'est « le centre de décision et le fondement du conseil des anciens », d'après Georges BALANDIER40(*). C'est dans le corps de garde que l'autorité du chef s'exprime.

Cette organisation politique est différente de celle de la société berbère de Kabylie en Algérie. En effet, dans le village de Zoubga par exemple, il s'agit d'un mode de gouvernance locale participative. Certes, le mode d'organisation et le fonctionnement de ce village reflètent à la fois l'organisation politico-administrative ancestrale et les règles de l'administration officielle. Il est basé sur un mode d'organisation socioculturel tenant compte des aspects de son environnement et fonctionne sur des règles démocratiques. Mais, la structure principale demeure l'assemblée du village qui est souveraine qui se réunit régulièrement, ordinairement une fois par mois, pour débattre de l'ordre du jour que le comité du village prépare avec les citoyens du village. La deuxième structure rattachée directement à l'assemblée du village est le comité de village agréé comme association à caractère social par l'administration. En réalité, « ce comité est composé de toutes les familles du village à raison de deux représentants par famille (totalisant 22 membres) qui forment les grands électeurs. Ces derniers élisent démocratiquement le bureau exécutif et le président du comité du village. Cette structure exécutive est chargée d'assurer la gestion des biens communs du village (l'eau, les routes, les pistes et sentiers du village), de faire fonctionner les affaires sociales du village, de veiller à la quiétude des citoyens, de faire respecter les règles de fonctionnement du village telles que la propreté et l'enlèvement des ordures ménagères et de représenter le village auprès des élus des collectivités locales et de l'administration, ainsi que d'organiser les festivités et d'exécuter les décisions de l'assemblée du village, en suivant la réalisation des projets »41(*). Ce type de gouvernance est un modèle rare dans l'espace socioculturel fang.

* 38TOLRA, Laburthe, cité par MEKEMEZA ENGO, Aimée Prisca, op. cit.

* 39FOUDA ONGODO, Université de Yaoundé II, Chercheur au GEREA LAF-202, Yaoundé - Cameroun, « Valeurs culturelles des Pahouins d'Afrique Centrale et management des organisations », communicationdonnée au colloque des 28 et 29 octobre 2004 à Beyrouth au Liban sur le thème : « le management face à l'environnement socioculturel ».

* 40BALANDIER, Georges. 1982 - Sociologie actuelle de l'Afrique noire. Paris, PUF, p 137.

* 41ABRIKA, Bélaid, in "La gouvernance locale traditionnelle solidaire Cadre conceptuel d'une nouvelle gouvernance territoriale : Cas de la wilaya de Tizi-Ouzou dans la région de Kabylie en Algérie", communication délivrée lors du Colloque« Gouvernance et responsabilité : propositions pour un développement humain et solidaire », CCFD-Terre Solidaire. Décembre 2011

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