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Le cadre juridique de la lutte contre le terrorisme en Afrique de l'Ouest

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par Akpélé Aimé Timalelo KOUASSI
Ecole spéciale militaire de Saint-Cyr - Master 2 Droit international public 2017
  

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A-Les faiblesses

Plusieurs éléments sont à prendre en compte à ce niveau.

1-L'absence de définition unique du terrorisme

Au cours de ces dernières années, les instances dirigeantes des États ainsi que les experts ont essayé d'aboutir à une définition universelle du terrorisme qui épouserait les impératifs du principe de légalité et qui serait « idéologiquement neutre »146. Toutes ces tentatives ont échoué. A vrai dire, les rédacteurs doivent faire face à de nombreux problèmes relatifs à la distinction de la limite entre le terrorisme et « la lutte légitime des peuples dans l'exercice de leur droit à l'autodétermination et à la légitime défense face à l'agression et à l'occupation »147, ainsi que quant à la reconnaissance du terrorisme d'État. La pléthore de conceptions du terrorisme a pour résultat un défaut de clarté et de précision dans l'incrimination du terrorisme aussi bien au niveau international que sur la scène nationale. De ce fait, certains crimes ou délits sont à englobés dans la catégorie des actes terroristes alors qu'ils n'en auraient pourtant pas la nature. D'ailleurs, la Convention de l'OUA sur la prévention et la lutte contre le terrorisme ne se différencie pas des autres conventions internationales et régionales en la matière.

Pour des raisons d'ordre pragmatique, les États africains se sont focalisés sur la définition de l'acte terroriste, « dont la matérialité des conséquences et l'identité des auteurs sont plus faciles à établir »148, plutôt que sur le fond et la nature juridique du terrorisme.

Ainsi, la Convention de l'OUA, en son article 1§3, définit « l'acte terroriste » comme étant : « tout acte ou menace d'acte en violation des lois pénales de l'État partie susceptible de mettre en danger la vie, l'intégrité physique, les libertés d'une personne ou d'un groupe de personnes, qui occasionne ou peut occasionner des dommages aux biens privés ou publics, aux ressources naturelles, à l'environnement ou au patrimoine culturel, et commis dans l'intention :

146 FIDH (Fédération Internationale des Ligues des Droit de l'Homme). (Novembre 2007) L'anti-terrorisme à l'épreuve des droits de l'Homme, rapport n° 483. [pdf]. Disponible sur :< http://www.refworld.org/pdfid/4810334e2.pdf > [Consulté le 22/11/2016]

147147 Préambule Charte des Nations Unies

148 Boukrif, H. Quelques commentaires et observations sur la Convention de l'Organisation de l'unité africaine (OUA) sur la prévention et la répression du terrorisme, in Revue africaine de droit international et comparé, Tome 11 N°4, 1999, p. 755.

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-d'intimider, de provoquer une situation de terreur, forcer, exercer des pressions ou amener tout gouvernement, organisme, institution, population ou groupe de celle-ci, à engager toute initiative ou à s'en abstenir, à adopter, à renoncer à une position particulière ou à agir selon certains principes ; ou

-de perturber le fonctionnement normal des services publics, la prestation de services essentiels aux populations ou de créer une situation de crise au sein des populations ;

- de créer une insurrection générale dans un État partie. ». Il s'agit là d'une approche définitionnelle assez ample et ambiguë qui est justement interprétée par chaque État suivant l'entendement qu'il veut en faire. En réalité, cette définition contient des éléments vagues et incertains, telles que les locutions « selon certains principes », « susceptible de » et « occasionne ou peut occasionner ». Celles-ci n'ont pas de contours précis et les modalités de participation criminelle auxquelles elles font référence ne sont pas précisées. On peut donc dire que, dans la mesure où des conséquences sont attachées à la qualification d'un crime comme constituant un acte « terroriste » au sens de cette définition, cette définition de « l'acte terroriste » que contient la Convention de l'OUA sur le terrorisme porte atteinte au principe de légalité des crimes et des délits, dans la mesure où elle ne porte pas une définition suffisamment stricte et précise de l'infraction149.

Notamment, comme l'explique Federico Andreu-Guzmàn dans un rapport de la Commission Internationale des Juristes de mars 2003, « La Convention d'Alger élimine la frontière entre délit politique et acte terroriste. En assimilant en son article 1er l'insurrection au terrorisme, la Convention d'Alger nie l'existence du délit politique. Acte terroriste et délit politique sont deux catégories pénales différentes, soumises à des règles distinctes, notamment en matière d'extradition. S'il est probable que, lors d'une insurrection, des actes terroristes soient commis - et leurs auteurs doivent être traduits en justice à ce titre pour ces faits -, il s'agit d'un problème de concours d'infractions. Le droit international ne prohibe pas l'insurrection. Ce qui est interdit, et illicite, c'est la commission de certains actes150, car la prohibition du recours à la terreur et aux actes terroristes n'est pas générale ni abstraite et elle est en étroite relation avec les notions de population civile et de personnes protégées du droit international humanitaire. »151

Le principe de la légalité des délits et des peines signifie qu'un comportement criminel ne puisse être considéré comme une infraction que s'il est au préalable prévu comme tel par la loi, et ce, avec suffisamment de précision et de clarté pour éviter toute mise en oeuvre arbitraire. On peut

149 FIDH, L'anti-terrorisme...op.cit.

150 . Article 3 commun aux Conventions de Genève, de 1949, et Protocole additionnel aux Conventions de Genève du 12 août 1949 relatif à la protection des victimes des conflits armés non internationaux (articles 4 et 13).

151 ANDREU-GUZMAN, F. Terrorisme et droits de l'homme N°2 ; Nouveaux défis et vieux dangers, Commission Internationale des juristes, Occasional papers N°3, March 2003, pp. 150 - 152.

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donc admettre la faiblesse de cette Convention régionale qui du fait de cette imprécision n'est pas en accord avec le principe de légalité.

2- Certaines pratiques en matière d'extradition

En matière d'extradition, la règle aut dedere aut judicare est reconnue par la Convention de l'OUA sur le terrorisme qui contient aussi plusieurs autres clauses relatives à l'extradition. En principe, en vertu de cette règle, l'État requis doit systématiquement extrader le délinquant ou présumé terroriste vers l'État où l'acte terroriste a été commis et s'assurer que la revendication de la motivation politique ne soit pas invoquée pour justifier un refus d'extrader. Pourtant, malgré l'existence de la clause de sauvegarde générale de l'article 22 de ladite Convention, aucune ligne de celle-ci n'interdit l'extradition d'une personne qui pourrait encourir la peine de mort ou qui risquerait de subir des actes de tortures ou traitements cruels, inhumains et dégradants dans le pays dans lequel on souhaite l'extrader. C'est donc un dysfonctionnement très grave. La coutume en la matière est qu'un État a la latitude de rejeter une requête d'extradition si le crime qui est à la base de la demande d'extradition est passible de la peine de mort dans le droit pénal du pays requérant, à moins que celui-ci ne garantisse qu'elle ne sera pas imposée, ou, si c'est le cas, qu'elle ne sera pas mise à exécution.

3-Quelques autres lacunes de la Convention de l'OUA

La première qu'il nous convient de mentionner est le fait que cette Convention garde le silence en matière de compétence si l'on se trouve dans un cas de tentative de commettre un acte terroriste. De plus, le même constat peut être fait dans le cas où la personne est tout simplement suspectée

d'être terroriste. Malheureusement ni la Convention de l'OUA ni son Protocole additionnel n'offrent de solution adéquate.

Ces cas de figure sont là des preuves qu'il y a donc un vide juridique auquel doivent remédier les pays africains y compris ceux de l'Afrique de l'ouest.

Hormis cela, il convient d'analyser le paragraphe 4 de l'article 13 de cette Convention qui nous parait aberrant. Même s'il est défendu de porter atteinte aux droits des États parties ou États tiers, ces derniers auront failli à leur obligation de surveillance, si les terroristes arrivent à réussir dans leur pays jusqu'à avoir des biens ou des produits à travers leurs activités terroristes. Cette disposition ne nous paraît pas pertinente et, elle peut encourager certains États dont le niveau de développement est modeste à caser des terroristes afin de bénéficier de leurs activités notamment les rançons qui sont estimées parfois à des coûts de milliards. C'est pourquoi à notre humble avis, dans la lutte contre le terrorisme, la compétence ne suffit pas ; les États doivent se dévouer à

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accomplir noblement leur tâche. La Convention aurait pu prévoir des sanctions à l'encontre des États qui manquerait de « bonne foi ». Un tel oubli est regrettable.

4-Les lacunes du Protocole additionnel de 2004

Dans son Préambule, ce Protocole soutient « que le terrorisme constitue une grave violation des droits de l'Homme et une menace pour la paix, la sécurité, le développement et la démocratie ». Il fonde ses principes sur la Déclaration de Dakar contre le terrorisme adoptée en octobre 2001 par le sommet africain et le Plan d'action pour la prévention et la lutte contre le terrorisme adopté par la réunion intergouvernementale de haut niveau des États membres de l'Union africaine tenue en septembre 2002 à Alger, Algérie152.

Cependant, il est dommage de constater qu'aucun des mécanismes en charge de coordonner cette lutte antiterroriste sur le plan régional n'a vu inclure dans son mandat la prise en compte du respect des droits de l'Homme dans ce contexte.

5- Le financement du terrorisme

Bien que plusieurs instruments juridiques aient été adoptés pour combattre le blanchiment de capitaux, et par ricochet le financement de la cause terroriste, la pratique prouve une adaptation des réseaux clandestins à contourner ces dispositifs légaux.

Pour ainsi dire, la surveillance financière reste restreinte en raison des capacités de surveillances modiques dues d'une part au nombre important des transactions en espèces, et d'autre part aux transactions réalisées hors des circuits formels tels que l'exploitation de réseaux alternatifs de transfert de fonds. A cela s'ajoute un fort taux de corruption dans les pays subsahariens. Par conséquent, on assiste au fait que les agents devant assurer les contrôles des transactions, la traçabilité des différentes opérations acceptent facilement les pots de vin.

152 NKALWO NGOULA, J.L. (avril 2016) L'Union Africaine à l'épreuve du terrorisme : forces et challenges de la politique africaine de sécurité. [en ligne]. Disponible sur :< http://www.irenees.net/bdf_fiche-analyse-1076_fr.html > [Consulté le 22/11/2016]

6- Le bilan des actions militaires :

Le fait d'être lié juridiquement n'a pas pour autant empêché certains pays ouest-africains à se cantonner dans des postures d'inertie face aux manoeuvres terroristes. Comme illustration, nous pouvons évoquer le Mali qui s'est vu reproché de ne pas montrer la volonté de lutter contre AQMI (Al-Qaïda au Maghreb Islamique)153. Cette lutte très limitée contre le mouvement Al-Qaïda au Maghreb de la part de l'État malien pourrait s'expliquer par sa situation économique désastreuse

De même, si le même groupe terroriste connait une croissance exponentielle au point d'entrer dans un pays (Niger) en visant le site d'Arlit et enlever des employés, c'est parce que depuis l'adoption de la Convention de l'OUA sur le terrorisme, les efforts fournis pour la prévention sont assez modestes154.

En dehors de ces illustrations, d'autres pays en dépit des différents plans d'action de lutte antiterroriste n'ont pas été dotés de ressources financières adéquates. Trouver des partenaires et bailleurs de fonds dès lors s'impose.

7-La question du contrôle des frontières

Malgré les différents instruments juridiques pour réguler la circulation des biens et des personnes dans la zone CEDEAO, les frontières demeurent poreuses. Cette facilité est d'ailleurs à la base de l'attentat de Grand-Bassam commis par des djihadistes venus du Niger. En dehors des interpoles, il manque un système intégré entre les États en matière de coopération policière transnationale.

La mise en application des mécanismes antiterroristes a aussi produit quelques actions bénéfiques.

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153 NDIAYE, Djiby. Mémoire DEA, la Convention de l'QUA sur le terrorisme...op.cit.

154 Ibid.

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"Là où il n'y a pas d'espoir, nous devons l'inventer"   Albert Camus