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Le cadre juridique de la lutte contre le terrorisme en Afrique de l'Ouest

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par Akpélé Aimé Timalelo KOUASSI
Ecole spéciale militaire de Saint-Cyr - Master 2 Droit international public 2017
  

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B-La violation de droits liés à la procédure pénale et de libertés fondamentales

Il s'agit de violations le plus souvent relevées par les organisations de défense des droits de l'Homme ou autres ONG peu importe leur secteur d'activités.

1-La non observation du droit à un procès équitable

Principe fondamental commun à l'ensemble des instruments internationaux et régionaux, les garanties liées au procès pénal reconnaissent le droit qu'a toute personne à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi.

Pourtant, dans de nombreux pays encore, les affaires de terrorisme relèvent de la compétence de tribunaux spéciaux ou militaires. Ces procédés sont en totale contradiction avec le principe de l'indépendance et de l'impartialité des juges. Mais dans le cas où compétence serait reconnue à juridictions d'exception, celles-ci doivent être conformes aux dispositions de l'article 14 du Pacte international sur les droits civils et politiques ; Pourtant « très souvent, lorsque de tels tribunaux sont constitués, c'est pour permettre l'application de règles qui ne sont pas conformes aux normes ordinaires de la justice ». L'alibi terroriste sert même parfois d'expérimentation juridique pour certains États.

2-La Présomption de culpabilité : inscription sur les listes

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A l'instar des Nations unies et de l'Union européenne, les pays d'Afrique regroupés au sein de leurs organisations régionales, sous-régionales ou pris isolément, ont constitué des listes de présumés terroristes ou groupes terroristes. Au-delà du fait que tant la mise en place de ces fichiers que l'impossibilité de contester leur composition sont discutables au regard du respect des droits de l'Homme, la large diffusion de ces listes porte gravement atteinte au droit à la réputation prévu à l'article 17 du PIDCP et à la présomption d'innocence consacré par l'article 14 du même Protocole.

L'Union africaine, par l'intermédiaire de son organe, le CAERT (Centre africain d'études et de recherches sur le terrorisme) depuis un séminaire sur la lutte anti-terroriste dans les pays du Maghreb et du Sahel organisé en février 2006, diffuse de manière actualisée sa liste noire des organisations terroristes africaines. L'Union économique et monétaire ouest africaine (UEMOA) fait également circuler depuis juin 2003 une liste de personnes, entités ou organismes visés par le gel des fonds dans le cadre de la lutte contre le financement du terrorisme, qu'elle réactualise à intervalles réguliers165.

Aussi, le Nigeria, par exemple, publie sur le site de la Commission des crimes financiers et économiques - the Economic & Financial Crimes Commission - une liste de nationaux nigérians « most wanted » les plus recherchés, dont il est possible de connaître le visage, l'adresse de leur dernier domicile, les universités qu'ils ont fréquentées ainsi que d'autres données personnelles.

Le Mali, dans le cadre de la lutte contre le financement du terrorisme, fait également circuler une liste, régulièrement actualisée

La sensibilité des informations et le procédé de prises de décisions de la part de ces institutions qui relèvent parfois de méthodes ésotériques posent problème. Le problème soulevé en amont par ces listes est tout d'abord le cadre extra-judiciaire dans lequel elles sont instituées. L'identification comme « terroriste » engendre de lourdes implications pour la jouissance des droits fondamentaux, lesquels sont gravement mis en danger en l'absence de tout contrôle judiciaire présidant à la constitution de telles listes. Quant aux possibilités de recours aux fins de contestation d'une inscription, elles ne semblent être nullement envisagées166.

Par conséquent, de tels procédés sont de l'ordre à compromettre les droits de la défense au profit d'un système de présomption de culpabilité.

165 Voir par exemple la Décision n° 09/2008/CM/UEMOA portant modification de la décision n° 9/2007/CM/UEMOA du 06 avril 2007, relative à la liste de personnes, entités ou organismes visés par le gel des fonds et autres ressources financières dans le cadre de la lutte contre le financement du terrorisme dans les États membres de l'Union Économique et Monétaire Ouest-Africaine (UEMOA)

166 Ndiaye Djiby, la Convention de l'QUA...op.cit.

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3-Les problèmes liés à l'extradition

La loi antiterroriste du Nigeria de 2013 -Terrorism (Prevention) (Amendment) Act 2013 - donne droit au gouvernement d'extrader toute personne présumée terroriste, quels que soient les risques qu'elle peut encourir dans son pays en matière de violation des droits de l'Homme. Il faut néanmoins souligner que la plupart des autres pays ouest-africains ont inclus dans leur législation nationale le principe de double incrimination. Mais c'est souvent pour la forme car en réalité des procédures d'extradition sont menées sans rigueur juridique.

Or les traités universels de protection des droits de l'Homme interdisent le retour forcé de personnes dans des pays où elles pourraient être exposées à la torture ou à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. La Convention des Nations unies contre la torture précise spécifiquement que « Aucun État partie n'expulsera, ne refoulera, ni n'extradera une personne vers un autre État où il y a des motifs sérieux de croire qu'elle risque d'être soumise à la torture ».

Pourtant, depuis les attentats du 11 septembre 2001, les suspects terroristes sont souvent extradés dans des pays où les violations des droits de l'Homme sont graves et systématiques. L'expulsion ou au refoulement sont très souvent mis en oeuvre pour contourner les procédures d'extradition trop contraignantes167.

4- Les violations du droit à la liberté d'information

Que ce soit en Côte d'Ivoire, au Mali, au Niger, Nigeria et dans une moindre mesure au Ghana, la liberté d'information et par ricochet la liberté de la presse ne constituent pas une réalité pleine au sens propre du terme. Les gouvernements en place empêchent la diversité des idées en favorisant les organismes d'information qui leur sont plus proches tandis que ceux en leur défaveur sont sévèrement censurés au motif que ces derniers diffusent des informations de nature à troubler l'ordre public. Au Niger, la loi antiterroriste en vigueur est jugée « liberticide ». Selon maître Oumarou, avocat près le barreau de Niamey, cette loi « ouvre la porte à certains abus, comme la limitation de la liberté d'expression ou encore l'arrestation de manifestants pouvant ensuite être qualifiés de terroristes »168.

167 FIDH, L'anti-terrorisme...op.cit.

168 Rainfroy, C. (2015) Niger : quand la lutte contre Boko Haram menace la liberté d'expression, Jeune Afrique . [ en ligne] le 29 mai 2015.Disponible sur :< http://www.jeuneafrique.com/233588/politique/niger-quand-la-lutte-contre-boko-haram-menace-la-libert-d-expression/ > [Consulté le 24/11/2016]

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En effet, l'une des tendances observées dans les États d'Afrique de l'Ouest est celle d'incriminer sévèrement « l'apologie » du terrorisme, ou encore la publication d'informations qui s'avéreraient utiles à la commission d'actes terroristes. L'absence de définition du terme « apologie », couplée à l'absence de définition précise de l'acte terroriste, sont à l'origine du risque patent de violation du droit à la liberté d'expression et d'information.

En définitive, il appert de notre analyse que les pays ouest-africains à l'instar des autres régions du monde n'échappent pas à la tendance consistant pour le pouvoir en place à contrecarrer le plein exercice des droits et des libertés indispensables à la sécurité juridique et au bien-être des administrés au motif de la lutte contre le terrorisme. Au fait que l'on n'est pas encore parvenu à définir le « terrorisme » dans toute sa mesure, vient s'ajouter le problème de l'utilisation galvaudée du terme « lutte contre le terrorisme » consacrée, au fur et à mesure que surviennent des attentats terroristes sur un territoire, comme principe fondamental pour entériner « l'illégalité ».

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