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L'industrie du sport face à  la démocratisation du luxe : les paramètres pour comprendre une nouvelle conception des besoins d'achat

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par Arnaud Dolci
 - MBA Luxury management 2016
  

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INTRODUCTION

Historiquement, le marché du luxe présente une succession de modifications importantes concernant son assimilation au milieu des codes sociaux (ceux-ci aussi dans un renouvellement parallèle et constant). Jusqu'aux années 1980, le luxe moderne1 était très statutaire, considéré comme inaccessible, unique, cher et souvent représentatif du pouvoir qu'il soit politique et /ou économique. Le luxe moderne dont la consommation était de nature ostentatoire, une consommation « pour autrui », était destinée à perpétuer le système de stratification sociale. Cette orientation garantissait pour la marque la valorisation continuelle de son identité de marque par son histoire et ses valeurs, la reconnaissance par son produit, son artisanat et la mise en oeuvre de sa stratégie d'intemporalité.

À partir des années 1990, le marché du luxe a commencé à se muter, il s'est ouvert davantage aux consommateurs en abandonnant peu à peu le règne du superflu et de la démesure ; le luxe est devenu de moins en moins perçu comme un signe de réussite sociale. Ce phénomène vient, en partie, du fait qu'un grand nombre de marques de luxe ont été rachetées par des groupes financiers comme LVMH, Richemont, Kering où la rentabilité financière est devenue la priorité. Par conséquent, les marques n'ont pas eu d'autres choix que d'accepter de conquérir de nouveaux marchés, comme la Chine, et d'appliquer de nouvelles méthodes de marketing et de management en dépit de certaines conventions établies par le marché. Le secteur quitte alors son statut d'activité artisanale pour devenir une industrie.

Il ne faut pas croire que la démocratisation du marché du luxe est seulement due au fait que les points de ventes se soient multipliés, elle s'est aussi ouverte en raison de la publicité. La surexposition de grandes Maisons de luxe dans les magazines « Elle » ou « Vogue » a banalisé le luxe. En effet, ces groupes financiers, à la fois propriétaires des marques de luxe et des marques de masse, ont réduit leur différence de communication, ce qui a favorisé la ressemblance des campagnes publicitaires. Nous constatons que des marques de luxe se retrouvent dans un paradoxe : d'une part, leur volonté de se démocratiser et, d'autre part, les

1 Le luxe moderne de 1980 à 2001 est un luxe pour autrui. Alexandre De Sainte Marie ; Luxe et marque / Identité, stratégie, perspectives. P35.

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marques de mass market qui utilisent les mêmes codes du luxe. Ces marques de mass market associent leur image à celle d'une célébrité venue de l'univers de la mode des métiers du spectacle, du sport, ne correspondant pas forcément au « standing » de la marque.

De plus, l'arrivée de la « génération Y » a bousculé le luxe traditionnel ; elle compose actuellement 40% des actifs en France née entre 1980 et 2000. Moins statutaire que « la génération X »2, la génération Y et demain Z s'affirment davantage, connectée en permanence avec sa communauté, elle s'identifie plus à la montée des influenceurs que les stars. Elle est une grande consommatrice de marques « prémium » mais n'est pas forcément intéressée par l'hyper luxe. Elle recherche un luxe plus libre, plus décomplexé dans le mélange des genres, il est ressenti comme un style de vie, comptant comme une expérience, plutôt que la possession.

De ce fait, pour toucher une population plus large et augmenter ses parts de marché, les marques de luxe se sont ainsi diversifiées pendant la première décennie 2000, en élargissant sans cesse leurs gammes de produits. Par cette technique de mass-marketing, il faut bien différencier « l'extension » de « l'expansion ». L'extension qui est légitime pour se développer, consiste à appliquer une stratégie de luxe à un nouveau marché, en contrôlant tout le processus de fabrication et de distribution, et « l'expansion » qui nuit à l'image de marque du luxe, consistant à exploiter un nouveau marché sans appliquer une stratégie de luxe mais une stratégie de mode ou prémium.

Le modèle d'expansion ne nécessite pas d'investissement élevé, seulement un fort capital identitaire de la marque. Les licenciés deviennent alors les fabricants et les distributeurs, ils offrent sur le marché des produits qui ne sont pas traditionnellement du luxe mais permettront d'accélérer la croissance de la marque, sans avoir besoin de prendre le temps d'acquérir tout un savoir-faire. Le « stretching » de la marque s'est donc amplifié, il est devenu vecteur de démocratisation et d'exposition sur le marché international, en quête d'un luxe pour tous, peu sensible à ses anciens codes d'expression et pour laquelle ses produits ont tout d'une consommation extraordinaire. Cette association entre marque de luxe et mass marketing a donné naissance à ce qu'on appelle aujourd'hui « le mass-tige »3 (mass-market + prestige), qui

2 http://www.cultivezvostalents.fr/developpement-personnel-efficacite-professionnelle/generations-x-et-y-quelles-differences/ Une génération plus discrète, plus fonctionnel dans l'achat, construite dans le respect des règles sociétales en vigueur.

3 http://www.e-marketing.fr/Definitions-Glossaire/Masstige-ou-mass-tige--242295.htm#tgMBDiyjo7Bl3XZY.97. Masstige désigne la commercialisation de produits de luxe et/ou hauts de gamme à des prix anormalement bas et donc plus accessibles à la masse des consommateurs.

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est en quelques sorte l'état transitoire de la marque, qui ne tardera pas à perdre son statut de marque de luxe.

Par le fait de sa démocratisation, le luxe a segmenté son offre en trois niveaux de produits qui sont : le « luxe accessible » par des produits fabriqués en série, plus abordables pour la classe moyenne. Dans ce domaine, nous pouvons citer les parfums, la cosmétique, le prêt-à-porter, et d'autres accessoires divers. Ce sont des produits qui n'ont pas pour vocation de durer.

En outre, le « luxe intermédiaire » est considéré comme de grande qualité, n'ayant aucun défaut, il lui manquera ce brin de folie pour être considéré comme du luxe. Il peut se reposer sur un concept original tel que des produits prestigieux de jeunes créateurs, convenant à la classe moyenne supérieure, laquelle souhaite se distinguer socialement.

Le « luxe inaccessible », de surcroît, correspond à des produits de qualité exceptionnelle, des plus précieux, fabriqués en petites séries. Concernant ces points, nous pouvons mentionner la haute couture de Chanel, la maroquinerie de Hermès, les oeuvres d'art de Picasso et les belles automobiles accessibles à une élite dite « traditionnelle ». Les marques de luxe se diversifient aussi vers d'autres activités : Hôtels, spas de luxe, espaces surfant sur le « bien-être » ou création de fondation pour l'art contemporain.

Aujourd'hui, le luxe contemporain4 doit se réinventer autour de nouvelles stratégies de développement devenues indispensables pour maintenir leur potentiel de croissance et pour se démarquer des concurrents. Selon l'Ipsos, « La possession n'est plus un moteur principal pour l'achat de produits de luxe. Les consommateurs veulent rêver, s'échapper. 76% des répondants déclarent qu'en achetant une marque de luxe, ils souhaitent vivre une « expérience inoubliable ». L'expérience « client » en lien avec l'évolution technologique, et des différentes motivations d'achat, doivent être l'une des priorités stratégiques des marques de luxe. La montée en puissance du marketing digital oblige les marques à avoir plus d'innovation et de créativité. Ordinateurs portables, smartphones, tablettes, partage des données via e-mails, SMS, MMS, réseaux sociaux, blog et autres plateformes d'échanges sont devenus une source privilégiée d'information pour les marques. Cette stratégie e-commerce doit, impérativement, être optimisée en proposant le maximum de fluidité dans le parcours d'achat, un véritable

4 Luxe contemporain de 2008 à aujourd'hui. Un luxe pour soi, intimiste. Sur les marchés une rupture avec les caractéristiques qui définissaient le luxe moderne. https://www.dunod.com/entreprise-economie/luxe-et-marque.

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service autour de l'offre, tout en racontant une histoire crédible sur le produit mais aussi de l'entreprise. Actuellement, les clients s'informent en ligne avant d'acheter en boutique, témoignent de l'accueil qu'ils ont reçu et informent de leur expérience d'un service après-vente. De cette façon, l'expérience d'achat proposée en ligne ne doit pas être négligée au détriment de l'expérience physique en boutique. La mise en place d'un marketing one-to-one va permettre de répondre plus facilement aux attentes de chaque client, notamment par la personnalisation des produits et des services.

Face à cette mutation des comportements d'achat et des nouveaux développements de canaux de distributions, les grandes marques doivent réfléchir à adapter la relation client et de son suivi. Le client n'est plus forcément consommateur de la boutique la plus proche de chez lui, mais consommateur de la marque n'importe où. En même temps, les marques doivent faire face à un changement de priorité de la consommation du luxe par la société.

La surabondance de l'offre, l'accélération des modes de vie, la crise financière, la crise écologique, la menace terroriste, définissent un nouvel environnement peu propice à la prolifération des logos. La recherche du plaisir lié à l'achat, l'excitation de l'achat est toujours d'actualité mais le consommateur se recentre davantage sur ses fondamentaux : il est plus sensible aux valeurs de plaisir et de bien-être personnel auxquelles il peut accéder.

La consommation du luxe d'aujourd'hui est au contraire un luxe « pour soi », répondant à la montée de valeurs hédonistes et dont les démonstrations sont bien plus intimistes. D'ailleurs, l'accès au produit n'a plus nécessairement besoin de se montrer ; la notion du « paraître » est en déclin, la relation d'achat est devenue plus liquide. Cette nouvelle orientation « pour soi » est une véritable rupture par rapport aux années précédentes.

Concomitamment, nous assistons à une bascule dans les critères d'évaluation des entreprises et des marques, en se fondant plus sur leurs valeurs écologiques, leurs notions d'éthique et d'humanisme que sur ce qu'elles produisent concrètement. Cette domination collective passée laisse place à une montée de l'éthique individuelle. Les grandes marques de luxe l'ont bien comprises et ont ajusté, voire redéfini leurs valeurs du luxe passées de mode, pour maintenir le désir d'achat. Les entreprises s'intéressent de plus en plus à l'industrie du sport qui a une place prépondérante dans la société actuelle. Elle retrace les mêmes valeurs recherchées par la société : dépassement de soi, respect, solidarité. Le sport est également symbole de beauté, d'élégance, d'exclusivité, de précision ou encore d'exigence, des valeurs qui se rejoignent avec le luxe. Des points sur lesquels les entreprises peuvent se reposer. Nous

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comprenons alors pourquoi le sport est devenu pour les marques de luxe un support idéal pour la mise en place de stratégies marketing sportif et digital telles que : le Co-branding, le multi-branding, le marketing relationnel ou bien le sponsoring sportif ou d'événements. L'intérêt des stratégies mentionnées ci-dessus est d'améliorer la notoriété et l'image de marque des entreprises, de démocratiser leur relationnel. Ce partenariat peut également faire évoluer vers de nouveau segment de marché ou de positionnement tout en élargissant les cibles de consommateurs.

Problématique

Dans ce mémoire nous tenterons de répondre aux questions soulevées à savoir : Pourquoi dans un monde d'hyper concurrence et face à la démocratisation du luxe et aux besoins nouveaux des consommateurs, l'industrie du sport est devenue attrayante pour le marché du luxe. Pour répondre à cette question, il ne suffit pas de traiter seulement l'attrait de l'industrie du luxe pour l'industrie du sport. Mon but est d'abord de comprendre les évolutions du luxe assimilées aux mutations sociétales en constantes renouvellements. Pour ce faire, en première partie nous étudierons l'histoire du luxe de ses origines à nos jours, les codes marketing et stratégiques et son processus de démocratisation.

La deuxième partie portera sur les changements de valeurs de la société contemporaine et des nouveaux besoins d'achat. Cette étude est essentielle dans la mesure où elle vise à comprendre les différences générationnelles et les rapports opposés au luxe qu'elles impliquent. Si bien qu'il est aujourd'hui stratégique pour le marché du luxe de se renouveler vis-à-vis de l'évolution des codes sociétaux. Nous verrons donc les quatre principaux enjeux du luxe actuels en regard des nouveaux comportements d'achat.

Enfin, devant la compétition exacerbée que se livrent les acteurs du luxe pour continuer à se démarquer encore plus, en troisième partie, nous comprendrons pourquoi le sport devient bien plus qu'une simple activité physique pour les marques de luxe. Pourquoi ont-elles besoin de s'allier au sport dans leur processus de renouvellement stratégique ? Par conséquent, nous nous intéresserons à la croissance de ce marché, aux valeurs sportives qui inspirent et influencent le marché du luxe, et le retour à « l'événementiel » qui permet à l'industrie du sport de valoriser ses produits, contrôler son image et atteindre un coeur de cible si cher au marché du luxe. Pour compléter notre étude nous analyserons la stratégie des groupes de luxe Kering et LVMH, deux mastodontes qui se lancent dans le secteur sportif.

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I. Le secteur du luxe et ses caractéristiques

« Nous sommes entrés dans l'âge de l'individualisation du luxe, qui marque à bien des égards une rupture avec la logique de la distinction sociale. Ce qu'on achète dorénavant c'est un style de vie, ce qui nous distingue et nous met en valeur personnellement et non plus seulement socialement »

Gilles Lipovetsky

1.1 Histoire, origine et modernité a) Etymologie et définition.

Définir le luxe peut, dans un premier temps, paraitre chose facile, mais le luxe, au-delà d'un simple mot, est considéré comme un concept subjectif mêlant la sensibilité et les préférences de chacun. Dans un souci d'objectivité, nous allons, tout d'abord, revenir à son étymologie. Le mot « luxe » vient du latin « Lux », la lumière, l'éclat brillant. Une différence de connotation varie selon les époques, en effet une signification plus péjorative du terme, à partir du XIIe siècle, donnera naissance au mot luxure, du latin « Luxuria » d'abondance, de dépravation, d'excès, et dérivé de « Luxus » pour la débauche et l'ostentatoire.5

Les parutions sur le luxe se multiplient tout au long de l'âge classique, notamment au tournant des XVIIe et XVIIIe siècles, et témoignent de cette ambivalence sémantique. Le mot « luxe » à partir du XVIIe siècle, représentera tout ce qui est faste, coûteux, somptueux, superflu, mais nécessaire selon Voltaire (poème mondain, 1736). A cette époque, le luxe était réservé à une élite, il était rare, d'un prix relativement élevé, que l'on s'offrait sans vraie nécessité vitale. Nous savons aujourd'hui que cette définition ne correspond plus exactement aux réalités du marché. De nos jours, le mot luxe est d'emploi très courant et ce n'est pas forcément péjoratif (on parle de l'industrie du luxe) à la différence du terme « luxure », au sens immoral fort.

Au-delà de ce début d'analyse culpabilisante, se trouve la réalité de l'univers du luxe. Le luxe est une expérience ou une rêverie générée par différents éléments qui sont notamment

5 http://www.institut-numerique.org/1-luxe-origine-et-signification-503cbc7e99a3f

: l'univers métier et humain, un savoir-faire, une ambiance, des matériaux, une architecture, des beaux produits, des rencontres, l'attitude et l'élégance du personnel. Le luxe est devenu aujourd'hui une industrie bien singulière qui, au-delà d'une relation de vente, exprime tout un univers de désir, d'identification, un plaisir solitaire ou de partage, d'image et de sérénité.

En effet, le mot et le concept sont en train de changer. Les experts du marché s'accordent sur le fait que le nouveau consommateur du luxe est moins intéressé par une accumulation de produits révélateurs d'un besoin de stratification sociale (appartenance à une classe supérieure), mais plus sensible à des expériences immatérielles, émotionnelles et novatrices. Il cultive un style de vie équilibré qui laisse beaucoup de place aux instants dédiés à la famille, aux amis ou à une communauté6. Le luxe englobe, désormais, davantage de petits luxes personnels qu'au passé : un thé l'après-midi, une promenade dans le parc à l'heure du déjeuner, un ballet au théâtre, de la méditation, prendre des cours ou du temps pour soi sont devenus un vrai luxe. Et lorsqu'il s'agit de consommer des produits haut-de-gamme, le consommateur envisage davantage le luxe suivant les critères de valeur intrinsèque en s'interrogeant de la manière suivante : « Ce produit a-t-il une valeur d'éthique ? », « Suis-je en phase avec la façon et l'endroit où il a été fabriqué ? », « Est-il agréable au toucher et à l'oeil ? » et « Est-ce qu'il me ressemble ? » Ces nouvelles perspectives ont élargi la définition même du luxe dans ces dernières années. Cette facture générationnelle ne cessera pas d'évoluer la définition du luxe dans les décennies à venir.

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6 http://www.e-marketing.fr/Thematique/etudes-1000/Breves/Quel-est-comportement-consommateurs-marques-luxe-259765.htm#bhzclbfxoewlsc5t.97

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Illustration 1 : la frise nous montre l'évolution du luxe de sa naissance en 3150 avant Jésus-Christ

jusqu'en 20097.

b) Histoire du luxe et son évolution

Vieux de 30000 ans avant J.C, le luxe était d'abord une culture avant d'être un métier ou un marché. Dès l'aube de l'humanité, il apparaissait des sociétés organisées, des groupes dirigeants, des objets, des signes, des modes de vie réservés aux individus socialement dominants. Les anthropologues ont même démontré que, chez les chasseurs-cueilleurs du paléolithique, existaient les premières expériences du luxe sous la forme de fêtes, de festins, et de parures. Il paraît alors évident de penser que l'esprit du luxe existait avant même l'objet du luxe. Ce « luxe ancien » provient d'une nécessité sociale et profonde puisqu'il s'agissait de gagner honneurs et titres, d'assurer les liens communautaires, ou de construire des temples. Il s'agissait d'un luxe concret et utile.

v Le luxe pharaonique des Egyptiens

Outre la Préhistoire, la civilisation ayant accordé une importance au luxe était l'Ancienne Egypte sous l'Antiquité, 3 200 ANS AV.J.-C. En effet, les privilèges réservés aux pharaons et aux personnes de pouvoir dépassaient la simple acquisition d'objets beaux et rares. Leur ultime privilège était de bénéficier d'une infinité de rituels et de techniques dans le but de passer d'un monde à l'autre en toute sérénité (le processus de momification). Les pharaons

7 http://tout-sur-le-luxe.over-blog.com/2016/06/les-origines-du-luxe.html

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étaient glorifiés par de gigantesques pyramides et tombeaux alors que la population devait se contenter d'être enterrer sous le sable égyptien. C'est ainsi qu'ont été construites les pyramides, les tombeaux de la Vallée des Rois et de la Vallée des Reines. Un luxe qui était synonyme de croyances, de lieux et d'objets précieux, ou symboliques et réservés à une petite élite dirigeante.

v De l'antiquité grecque jusqu'au XIXème siècle

Dans la Rome antique, les Gréco-Romains avaient eux aussi une approche du luxe manifestée notamment par les bijoux, les poteries, les villas et les palais. Tous ces biens précieux étaient réservés à une élite et permettaient de distinguer socialement les familles nobles et le peuple. Les tables gastronomiques étaient signes de richesse sur lesquelles l'on observait des poissons relevés d'épices, des fruits exotiques, des vins rares consommés sans modération. Les plus pauvres ne pouvant pas se payer ce luxe, se contentait d'une bouillie, faite de farine d'orge délayée dans de l'eau. En traversant le temps, le luxe est devenu un moteur puissant de découvertes artistiques et techniques, mais également un sujet conflictuel du fait d'une noblesse qui le consomme extensivement. En effet, du XVIème au XVIIIème siècle, le luxe est au centre de débats philosophiques, religieux, économiques et moraux. Seule la noblesse des cours européennes et les bourgeois, avides de pouvoir et de reconnaissance, pouvaient s'offrir des parfums, des étoffes précieuses et autres denrées rares venues de pays lointains. Déjà, à cette période-là, l'on voit un changement de paradigme mais surtout un changement de mentalité : la bourgeoisie, qui joue un rôle économique de plus en plus important, accepte mal qu'une partie des richesses de la société soit avalée par une noblesse devenue totalement inutile. Elle veut devenir la seule classe dominante de la société.

v Révolution Industrielle du XIXème

Il est tout à fait accepté que les prémices de la démocratisation du luxe ont été amorcés par la transition démocratique moderne (fin XVIIIème, début XIXème siècle), période qui met fin à la monarchie à la révolution et confirme l'émergence de la bourgeoisie. Cette classe sociale, qui s'est construite sur plusieurs décennies, s'est renforcée sous la Révolution Industrielle du XIXème. A cette époque, la bourgeoisie comprend aussi bien les grands propriétaires, ceux qui ont fait fortune dans les affaires, les professions libérales, ou ceux qui tiennent une boutique en ville. Cette classe sociale affiche en façade les signes de sa réussite et de son enrichissement en consommant des produits de luxe (symbole de privilège historique). Nous pouvons citer en exemple des maisons qui naissent comme : Guerlain (1828), Baume &

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Mercier (1830), Hermès (1837), Cartier (1847), Louis Vuitton (1854), Boucheron (1858), ou encore les champagnes Laurent Perrier (1812).

Concomitant à cela, cette révolution industrielle s'est caractérisée par le passage d'une société à dominante agricole et artisanale à une société commerciale et industrielle. Les populations ont alors migré vers les villes du fait des salaires plus élevés et des professionnels qualifiés de plus en plus nombreux. L'industrialisation a radicalement transformé le processus de production par la mécanisation et s'est ouverte à une production à plus grand échelle, se traduisant par la baisse du prix des marchandises auparavant inaccessibles. Cette vague d'industrialisation a favorisé la hausse du pouvoir d'achat contribuant ainsi à la naissance d'une nouvelle classe, laquelle s'est détachée de la classe ouvrière : la classe moyenne.

Cet enrichissement lui a permis de s'ouvrir à une nouvelle économie de consommation, et donc d'avoir plus facilement accès à des objets de luxe. L'accès au luxe n'est donc plus restreint à une élite dominante de « droit divin » mais aux élites dominantes (celles qui disposent du pouvoir et/ou des richesses) et aux personnes ayant suffisamment de revenus pour y prétendre8. Le luxe a donc suivi les évolutions sociétales et n'est plus seulement symbole de stratification sociale naturelle. Il symbolise dorénavant davantage l'accomplissement professionnel (l'ascension sociale) que le statut naturel d'une personne bien née.

Illustration 2 : 7 octobre 1873 : Lundi Exposition d'hiver, beau temps très chaud9

8 https://fr.scribd.com/doc/104997484/Julie-Dumaine-Memoire-Luxe-et-Internet

9 http://lesgravereaux.marret.co/index.php/jules-gravereaux/jules-gravereaux-au-bon-marche/

v 16

Les tournants du XXème siècle

Comme nous l'avons vu, le luxe a évolué au cours de ces siècles, et son évolution suit les modifications des comportements sociaux. D'ailleurs, afin de ne pas perdre leur clientèle, dès les années 1920, les fondateurs des marques de luxe comme : Louis Vuitton, Guerlain, Cartier, se sont regroupés en « clubs » pour échanger les informations nécessaires à leur développement respectif puis suivre et satisfaire l'évolution des goûts de leur clientèle.

La guerre de 1939-1945 a affaibli le développement de l'industrie de luxe en France mais la fin des années 40 peut être qualifiée comme la libération du luxe : 106 maisons sont labellisées Haute-Couture et le secteur de la parfumerie explose. L'automobile avec la naissance de Ferrari (1939), arbore aussi une nouvelle image haut de gamme, devenant la convoitise internationale des grands noms de l'époque. La France a repris sa première place de leader au moment de la libération, grâce en partie à la mode de Christian Dior (1946). Il a été le premier à imaginer sa marque de façon globale et transversale. Il déclina sa marque sur différents supports et appliqua le système des licences dans la mode. Ainsi en 1951 on trouve des bas, de la maroquinerie, des foulards, des chemises, des cravates avec la griffe Christian Dior. En 1983, 90% des ventes de la marque Christian Dior étaient réalisées sous licence. Quant à la marque Gucci, maroquinier au départ, elle a multiplié les licences en 1990, avec 22 000 produits différents. Mais cette vision a connu bien des limites et ce processus de « diversifications » n'a pas été toujours légitime et a altéré considérablement l'image de ces marques.

C'est d'ailleurs véritablement à cette période de fin du XXème siècle que le luxe a commencé à se démocratiser, devenant un secteur économique et industriel à part entière. Au passage, il intègre une double logique financière et de management, qui lui était jusqu'ici inconnue, sous l'impulsion de grands groupes de luxes comme : LVMH créé en 1987, autour d'un portefeuille diversifié de marques : Louis Vuitton, Chaumet, Céline, Kenzo, Moët et Chandon, Hennessy, Dior ou de Richemont créé en 1987, qui possède les marques de luxe : Cartier, Chloé, Mont-Blanc, Lancel, Van Cleef & Arpels. Le luxe passe progressivement : d'une culture de « maisons » à une industrie de marques. Une reconnaissance visuelle de la marques (logo, formes, matériaux, couleurs), afin de rassurer les clients sur la visibilité de leur achat : ostentatoire, le luxe continue d'être acheté pour être vu pour autrui et donc jouer le rôle de marqueur social.

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Illustration 3 : LVMH 1987 ; Richemont 1988 ; Kering (PPR) 1963.

v La crise économique du XXIème siècle

Cette crise historique de 2008 est à l'origine de nombreuses mutations dans le secteur du luxe. Des mutations face aux changements dans l'attitude du client, et dans son rapport avec les grandes marques. En premier lieu, le client est devenu beaucoup mieux informé, frivole, et exigeant, et les grandes maisons ont dû désormais se plier à leurs attentes. Là où le consommateur s'offrait cinq produits, la crise n'a laissé qu'un ou deux dans le panier, choisis avec précaution après délibération. Il s'agit désormais de « consommer moins pour consommer mieux », de nouvelles valeurs, liées au contexte de crise, se sont ancrées dans l'inconscient collectif : les notions de futur, de durabilité et de proximité.

En second lieu, le consommateur a démontré un intérêt renouvelé pour une consommation de produits plus sobres, évitant d'acheter des produits trop ostentatoires ou tape-à-l'oeil. Des questions ont ainsi émergé, devenant le centre des préoccupations des consommateurs, mais également des clients traditionnels du luxe : ces questions portent sur le prix des objets, sur le rôle des décideurs, et sur la valeur réelle des choses. Le niveau de vie s'est ainsi transformé, éloignant la classe supérieure du luxe ostentatoire et du contact populaire. Ces changements comportementaux ont ainsi poussé les marques de luxe à se repositionner, lors de cette période de transition.

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Le luxe, qui avait connu une démocratisation dans les années 1995 à 2008, a dû se recentrer sur ses valeurs originelles, et s'adapter aux nouvelles caractéristiques de ses consommateurs pour perdurer. Le luxe a ainsi de tout temps été le reflet des évolutions sociales : de nos jours, avec les nombreuses évolutions technologiques et l'explosion des réseaux de communication, de transport, et d'information l'accompagnant, le luxe peut désormais bénéficier d'une gestion rationalisée, avec un potentiel de croissance exponentiel.

Illustration 4 : consommation collaborative dans la mode10.

2.1 Prestige du luxe : les « codes » du marketing du luxe a) Les racines de la marque

De nos jours, imagine-t-on le luxe sans marques ? La marque est inséparable du produit de luxe, mais non des concepts de luxe, qui eux, sont plus profonds. La marque est l'âme d'une maison de luxe, elle décrit les valeurs et les promesses de la maison, mais surtout ce qui la rend unique, d'où elle vient et vers quelle direction elle tend. La marque de luxe va au-delà de l'objet, elle se construit par la réputation faite à ses objets et à son service. Le client désire être reconnu par la marque non comme membre indifférencié d'une communauté d'acheteurs, mais comme individu au milieu de ses semblables. Une signature reconnue du beau et de l'exceptionnel par le produit et le service, la marque de luxe se chargera alors d'une signification particulière : elle renvoie à l'aspect de stratification sociale et culturelle, et fait du porteur et de l'acquéreur, une personne à part. De plus, elle remplit la fonction de reconnaissance essentielle du luxe : recréer cet écart, qui la distingue du prémium11. L'image de la marque doit permettre à l'entreprise d'affirmer son identité et par la même occasion de se distinguer de ses concurrents. Elle

10 http://mooc.politechnicart.net/moderecup/

11 https://memoires.sciencespo-toulouse.fr/uploads/memoires/2013/5a/memoire_gaudin-anne%20charlotte.pdf

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constitue une réelle source de valeur si elle est cohérente, en harmonie avec son identité de marque et qu'elle ne stagne pas.

Il est aussi nécessaire de comprendre que la marque de luxe est d'abord marque et ensuite luxe. Prenons l'exemple de l'Inde qui n'a pas véritablement de marque de luxe alors qu'elle dispose d'un artisanat séculaire de haute qualité (tisserand de soie, tailleur de pierre, etc.). En effet, son manque d'infrastructures (route et réseau électrique défaillants, distribution, etc.) empêche son industrie du luxe de se développer correctement. Les artisans craignent même la disparition de leur artisanat d'ici une génération par la fabrication industrielle et de la concurrence chinoise, si l'Etat n'intervient pas. Par ailleurs, la notion de marque n'est pas encore comprise, le côté luxe se tient seulement à la poly sensorialité de produit (vue, toucher, odeur), ce qui l'accompagne (sur les matières, la finition, la coupe) et à l'importance de la signature du créateur qui atteste de l'authenticité du produit12.

L'idée d'investir dans des écrins somptueux, des emballages qui participent à la mise en beauté de l'objet, de s'inventer, surprendre, raconter une histoire (story teilling), et de communiquer un message vivant, clair et cohérent pour une image de marque de luxe est encore méconnue. C'est ce qui est repris par toutes les grandes marques pour créer la différence, créer une véritable valeur d'attachement et permettre ainsi son développement économique.

v L'intemporalité de la marque de luxe

Cependant, face à un environnement économique devenu incertain et à une consommation de masse qui peut influer sur le monde du haut de gamme/luxe, la marque de luxe ne peut plus vraiment se contenter d'exprimer la seule dimension constante de son identité pour conserver son statut d'intemporalité. Il est désormais indispensable, en ce XXI siècle, de combiner les dimensions variables et constances de son identité. La marque doit performer en même temps sur le « soi » et le « même » si elle veut respecter le bon équilibre par rapport aux attentes du client contemporain, lequel a aujourd'hui une extrême diversité dans ses aspirations13.

Ce client est sensible à l'ouverture et la mobilité de l'ancienne structure sociale cloisonnée et statique. Il est, dès lors, beaucoup moins motivé par son éventuelle appartenance

12 http://www.lexpress.fr/actualites/1/styles/inde-la-survie-des-tisserands-de-soie-ne-tient-qu-a-un-fil_1537390.html

13 Luxe et Marque, identité, stratégie, perspectives. Alexandre de sainte marie. P107

à tel ou tel groupe que par son accomplissement personnel et la qualité de ses expériences de luxe. Les relations deviennent plus superficielles voire éphémères, l'e-réputation peut se défaire très rapidement sur internet, la reconnaissance peut s'essouffler en une saison, le succès est donc faillible.

L'exemple de Louis Vuitton, reprit par Alexandre de Sainte Marie dans le livre Luxe & marque (2015) peut illustrer mes propos. Si nous remontons en arrière, au milieu des années 1990, la marque s'est élevée au rang de marque globale et mondiale. Elle est devenue désirable aux yeux des jeunes femmes qui rêvaient du sac monogrammé, la marque était devenue le signe extérieur de réussite pour des catégories sociales. En 1997, la mode devient l'accélérateur d'une stratégie d'intemporalité, une extension de l'offre produits, combinée à un déploiement international sans précédent des opérations de vente. Cette stratégie d'intemporalité est exemplaire par l'inventivité et du second degré dont la marque témoigne dans la mise en scène de ses codes stylistiques, variations à l'infini de ses matériaux, et ses motifs iconiques. Louis Vuitton entre 1990 et aujourd'hui a multiplié par dix son chiffre d'affaires, bondissant de 678 millions de plus de 7 milliards d'euros14. Pour autant, l'année 2012 marque un coût d'arrêt de la croissance exponentielle de Louis Vuitton, qui doit se contenter de taux de progressions de ses ventes à un chiffre. Constat partagé par tous les observateurs, cette stratégie d'intemporalité était attachée au luxe moderne, un luxe pour autrui privilégiant une consommation de nature ostentatoire15.

A l'heure du luxe contemporain « pour soi », recentré sur une expérience individualisée et intimiste, les produits, trop signés, paraissent avoir fait leur temps. Les marques ne laissent guère place à l'imagination, ni à un réel supplément d'âme puisqu'elles sont copiées, trop vues et trop portées. Dans l'urgence, de nouvelles stratégies doivent être repensées : intemporalité, renouvellement, refondation, rupture ou stratégie de l'océan bleu.

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14 https://www.challenges.fr/entreprise/yves-carcelle-l-artisan-de-la-transformation-de-louis-vuitton-est-mort_142690

15 Luxe et marque : identité et stratégie de marque de luxe moderne. Alexandre de Sainte Marie. P101.

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Illustration 5 : Kering 2025 : Crafting Tomorrow's Luxury (Kering 2025 : Créer le luxe de demain)16.

b) Le produit et/ou service de luxe

Dans le luxe, tout commence par le produit. Il peut prendre le terme de « produit » au sens large : il peut s'agir d'un produit concret, comme l'achat d'un bijou, d'un tableau ou d'un bien culturel comme un concert, d'un service comme un séjour dans un Spa.

La notion de produit de luxe fait référence à « six caractéristiques ». En effet le produit doit être doté d'une qualité d'excellence, conférée soit par la singularité des matières (comme dans le cas du diamant), soit par son caractère (le cas d'une montre de renom qui peut être tout sauf une montre parfaite), ou bien soit par l'expertise d'un processus d'élaboration (comme dans le cas d'un grand restaurant). Malgré la mondialisation, le produit de luxe doit perpétuer une certaine rareté, elle est centrale à l'identité du luxe, à la différence des autres objets produits massivement. Un produit rare procure une expérience unique de celui qui le possède. Autrement dit, la rareté a toujours eu une connotation positive en termes de qualité et de valeur.

Le produit de luxe est également poly sensoriel (vision, toucher, ouïe, etc.), le produit doit jouer avec les émotions, avec la sensualité, l'éthique, l'optimisme et l'éphémère, il fait vivre au consommateur une expérience hédoniste. Dans ce sens, ce n'est plus le produit qui est rare et cher : c'est l'individu. C'est grâce à ces différences que la confiance et la fidélité sont davantage présentes dans la marque de luxe.

De plus, le produit de luxe a un rapport avec son passé. L'héritage et le prestige de la marque du luxe sont créateurs du mythe. L'ancienneté n'est pas seulement le seul privilège des produits du luxe, pourtant elle permet de donner une légitimité aux clients, cela suppose tout de même que le storytelling fasse rêver une histoire crédible, non seulement sur le produit, mais

16 https://journalduluxe.fr/kering-2025/

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aussi sur la maison. Le produit de luxe résulte d'un savoir-faire artisanal, culturel puisqu'il est l'oeuvre d'un artiste. Le savoir-faire de l'artisan sublime la matière première pour en faire un produit unique, affecté de sa signature, d'un poinçon ou bien d'une marque, de sorte à être classé et garanti et reconnu par le grand public.

Pour terminer, je dirais que le luxe est également « éthique » par le respect du produit d'origine, le respect de l'humain et de son travail, comme son refus de la délocalisation, le mettant à l'abri des dérives de la mondialisation.

c) Fixer le prix dans le luxe

« Ce n'est pas le prix qui fait le luxe, mais le luxe qui fait le prix »17 (luxe oblige 2009).

Le prix d'un objet de luxe est étudié en fonction de ses caractéristiques. Il ne suffit pas d'être le plus cher restaurant de Paris ou la voiture la plus chère du monde pour être du luxe. Le luxe est un marketing de l'offre, on fabrique d'abord le produit et après on voit à quel prix on peut le vendre. Le prix n'est pas le facteur majeur de la stratégie de luxe et non le critère principalement recherché par le client, puisque, plus le prix augmente pour un produit de luxe et plus le désir pour le produit augmente aussi. Nous savons qu'un produit très cher comme un foulard de soie Hermès n'est pas à la portée de tout le monde. C'est une stratégique volontaire de la marque qui, hors coûts de production, souhaite par-dessus tout obtenir du client, qu'il se sente hors norme, membre d'une élite, très valorisé et qu'il perçoive cette offre comme du luxe. Le prix aura peu d'importance pour ce consommateur de luxe car l'achat de ce produit se relèvera être un désir. De plus, les professionnels du secteur considèrent qu'un produit de luxe ne se vend pas, c'est le client qui l'achète.

v Quelle stratégie de prix ?

De façon générale, une marque de luxe doit voir son prix croître continuellement afin de recréer l'écart ainsi le renforcement de la demande : la dynamique de développement de sa clientèle n'est pas l'augmentation du nombre de clients par la baisse du prix d'accès qui dévalorisera le produit et la marque, mais par la hausse du nombre de clients qui sont prêts à payer pour accéder à la marque.

17 http://www.marketing-professionnel.fr/bibliographie/critique-luxe-oblige-bastien-kapferer-eyrolles.html P.396

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Néanmoins, si l'on décide d'augmenter continuellement son prix et que l'on souhaite maintenir les ventes, il faut veiller à augmenter progressivement le prix du produit, en apportant si nécessaire une amélioration à l'offre, contrôler en parallèle la valeur perçue par le client (part de rêve, satisfaction du produit) et s'assurer qu'il est prêt à payer pour. Il faut enfin bien connaître la zone de prix dans laquelle on est légitime, jusqu'à trouver la zone d'équilibre entre le volume et la marge, jusqu'à que la demande cesse d'augmenter pour ne pas en sortir par le haut, auquel cas, les clients vous abandonnent et les ventes s'effondrent. Une fois que l'on découvre à combien se chiffre cette valeur symbolique, à partir de là, on peut adopter ses prix aux contraintes économiques de la société et à sa stratégie (croissance, rentabilité, image, etc.).

Concernant le lancement de produit d'entrée de gamme, il n'est pas incompatible avec une stratégie de luxe, à conditions que ces produits soient d'une grande qualité. Le but n'est pas d'en vendre beaucoup mais d'initier de nouveaux clients à l'univers de la marque. C'est typiquement l'exemple de Louis Vuitton avec la petite maroquinerie, Tiffany avec ses bijoux en argent ou Pierre Hermès avec ses petits macarons. Il est également acceptable d'introduire une ligne moins chère qu'une précédente version comme c'est le cas dans l'industrie automobile avec BMW ou Porsche ; en revanche, il faut qu'il soit clair pour tous qu'il ne s'agit pas d'une stratégie de faiblesse de la marque, mais d'une stratégie de force par l'innovation.

En résumé, selon l'auteur de luxe Oblige de Vincent Bastien, la clé du succès du prix tient en quelques mots : « savoir vendre cher et avoir un client plus que satisfait ».

d) La distribution dans le luxe

La distribution est une des parties les plus délicates à manager dans la stratégie de luxe, en effet, une trop grande diffusion nuit à l'image du produit et/ou du service, en le privant d'un élément essentiel de sa valeur, sa rareté. La rareté doit être perceptible à tous les niveaux : peu de points de vente, emplacements précis, personnel de vente de qualité, magasin écrin, merchandising ou e merchandising comme mise en scène. Ainsi, la plupart des maisons de luxe choisissent de mettre en place des canaux de distribution très spécifiques en résistant le plus longtemps possible aux pressions de la grande distribution. L'apparition des formes de distribution modernes, et surtout de la grande distribution, provoque un débat très vif, entre une production qui ne veut pas banaliser ses produits, et des distributeurs qui se doivent de commercialiser de gros volumes, et donc de faire pression sur les prix pour assurer une rotation des produits.

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Illustration 6 : »Island Maison», la boutique Vuitton de Singapour, semble flotter sur la marina de

l'île18.

La boutique en propre

Le premier canal de distribution est le canal de la boutique en propre - le retail - C'est le premier système de distribution de luxe, et le plus cohérent avec la conception du luxe et sa notion de rapport personnelle.

Ces avantages sont considérables : Un parfait contrôle de la distribution pour garantir l'image et la réputation de la marque - Le point de vente permet une grande efficacité économique - Une boutique en propre permet de savoir exactement et en temps réel, quels sont les produits leader, d'où le pilotage très précis de sa chaine logistique. La stratégie poursuivie par Vuitton est contrôlée : aucun produit de la marque ne doit être vendu dans un point de vente qui n'est pas contrôlé, au moins à 51 %, par la société19. Cela permet d'éviter les intermédiaires qui coûtent cher en point de marge, en gâchis de produits, en mauvaise gestion des stocks, et de réapprovisionnement aléatoire - L'univers humain est l'atout majeur, le personnel de vente est l'ambassadeur de la marque pour tout client. Il y a une maîtrise totale du recrutement, de la formation, de la rémunération, et de la promotion du personnel de vente et des responsables de boutiques au niveau mondial - La boutique en propre est le seul système qui permet une distribution qui protège totalement le client de la contrefaçon.

Cela dit, ce système intégré verticalement est très rigide, il demande une gestion réactive et anticipatrice, une gamme de produits stables vendue en quantités suffisantes, et à une cadence

18 http://www.capital.fr/entreprises-marches/les-marques-de-luxe-reprennent-le-controle-de-leur-distribution-847942

19 https://memoires.sciencespo-toulouse.fr/uploads/memoires/2013/5a/memoire_gaudin-anne%20charlotte.pdf

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permettant aux magasins d'être rentables (maroquinerie, parfumerie, cosmétique). Cela exclut un métier comme la joaillerie où les quantités vendues et la cadence de vente ne sont pas excessives. De cette manière, l'industrie des produits de luxe est partagée entre deux tendances opposées : d'un côté, le besoin d'aller à la rencontre de la nouvelle classe moyenne, qui demande des articles haut-de-gamme et, de l'autre côté, la nécessité de préserver son image d'exclusivité, de raffinement, de produits et articles dont la composante immatérielle de rêve est un élément fondamental.

v La distribution exclusive

Le second canal est celui de la distribution exclusive, elle s'adapte parfaitement à la stratégie de luxe, elle implique une sélection quantitative des distributeurs liée à l'attribution d'un territoire exclusif. Cette méthode de distribution permet au fournisseur de protéger la relation personnelle de la marque, sous réserve que l'accord de distribution stipule bien que le produit ne peut être commercialisé que dans le lieu spécifié, et que le personnel soit qualifié par la marque. De plus, la distribution exclusive garantit la maîtrise des coûts logistiques de la marque, le contrôle de la disponibilité du produit (la rareté d'un produit ayant une image prestigieuse, et qui ne peut être trouvé ailleurs, augmente la demande et la fidélité), le suivi de ses clients (CRM), ainsi que de ses offres exclusives.

Les exemples les plus connus en la matière sont l'horlogerie et l'automobile dont les secteurs nécessitent de fortes contraintes d'après-vente. Rolex, par exemple, a réussi à devenir la première marque au monde d'horlogerie de luxe, et la plus rentable, sans développer de magasin en nom propre, mais en s'appuyant sur tout un réseau de distributeur exclusifs de haute qualité. Il est tout de même important de bien connaître sa concurrence locale et de ne pas compter sur un seul point de vente, il serait alors difficile de maintenir le prestige de la marque de luxe.

v La distribution sélective.

Le troisième canal qui s'est développé durant le processus de démocratisation du luxe est la distribution sélective. La stratégie de distribution passe de l'exclusivité à la sélectivité, un vecteur de croissance qui est choisi en fonction de critères qualitatifs, comme par exemple les capacités et qualités commerciales des détaillants. Il s'agit de la rencontre entre des producteurs de haut niveau et des détaillants très qualifiés, aussi bien par leur image vis-à-vis de la clientèle

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que par leur professionnalisme. Ce système présente l'avantage d'une grande distribution du produit accessible adapté aux achats fréquents comme les parfums, les cosmétiques, les accessoires de cuir ou même le prêt-à-porter.

Illustration 7 : Neiman Marcus Fondé à Dallas en 1907, occupe la première place des grands magasins pour le luxe aux États-Unis20.

Cependant, ce vecteur de croissance peut affaiblir la marque de luxe si la sélection des partenaires n'est pas suffisamment crédible pour maintenir l'avantage compétitif de la marque. En effet, le client devient celui du point de vente, et non plus de la marque, le lien entre le client et la marque est rompu. L'exemple de Marionnaud ou Sephora peut illustrer mes propos : des « gift with product » envahissent le marché du parfum, illustrant la baisse du statut produit, telle marque offre des échantillons, telle autre un sac « made in china » pour l'achat d'un flacon de parfum. Nous remarquons que la différence entre le produit prémium et de luxe devient de plus en plus mince, on peut donc se demander combien de temps encore le parfum restera dans l'univers du luxe. Il faudra alors dépenser de plus en plus d'argent en communication et en publicité pour recharger l'image du produit, alors même que les marges continueront à baisser.

v La distribution numérique

Enfin, le tout dernier canal de distribution est la distribution numérique, un secteur dont les marques de luxe ont longtemps hésité avant de dire « oui ». En cause, un sentiment d'incompatibilité entre les valeurs d'exclusivité, d'exception et de qualité associées au luxe et l'effet « mass-market » d'un Internet symbole de gratuité et de transparence. Pour de nombreuses marques, il reste encore un véritable obstacle à franchir entre l'utilisation du web comme instrument marketing et la mise en place de la vente en ligne. Même si le e-commerce

20 http://www.altaviawatch.com/tag/omni-canal/

représente déjà 5 % des achats du secteur luxe dans le monde (dont 32 % lors de ventes en soldes), sur 127 marques de luxe recensées, seulement 52 marques proposent de la vente en ligne21. Pour autant, l'industrie de luxe ne peut plus se contenter de subir la transformation du numérique ou de résister passivement. Elle doit s'emparer des différents leviers d'innovation avant que les nouveaux entrants comme Burberry qui investit 60% de son budget marketing sur le digital, la marque Tiffany qui a signé un partenariat d'exclusivité avec la plateforme en ligne Net-à-Porter, ou encore Louis Vuitton qui fait bénéficier à ses clients du « Click & Collect » - ne l'impose et qu'elle ne soit ringardisée. Elle doit continuer son évolution et s'adapter aux nouveaux comportements générationnels (génération Y et Z) ; une clientèle contemporaine née avec les nouvelles technologies qui les maîtrise parfaitement et qui souhaite dorénavant acheter n'importe où, à tout moment et surtout sur n'importe quel support d'achat. C'est pourquoi je pense que la digitalisation du parcours client en boutique propre et e-commerce est une évolution indiscutable pour le secteur du luxe.

Le réel challenge aujourd'hui pour les entreprises est de réussir à faire vivre une vraie expérience digitalisée encore plus extraordinaire qu'en boutique physique. Concevoir des applicatifs qui consomment le moins de puissance informatique possible. Les phénomènes de 3D, de réalité augmentée ou de technologies sans contact font partie de ces nouveaux applicatifs qui permettent de superposer des éléments virtuels aux éléments réels, et ce de manière simple et intuitive. Une plateforme de commerce agile, qui propose un nouveau modèle d'interactions multiples avec le client et permet une gestion unifiée de la navigation, du merchandising, du catalogue, de la transaction, ainsi que du CRM et de la web-analyse. En offrant au client une expérience cohérente à travers les différents canaux (site web, point de vente, centre d'appel, catalogue papier, mobile), la solution de commerce connecté apporte aux marques et aux enseignes les réponses fonctionnelles et techniques les plus efficaces aux problématiques de croissance de chiffre d'affaires et d'optimisation de la productivité.

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21 http://www.capital.fr/entreprises-marches/lvmh-va-vendre-ses-produits-sur-son-propre-site-1212741

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Illustration 8 : Clos19, tel est le nom de la première plateforme e-commerce (vins et spiritueux) lancée

par LVMH22.

e) La communication du luxe

Selon Kapferer et Bastien23, « dans le luxe on communique pour créer le rêve et recharger la valeur de la marque, non pour vendre », l'ambition première pour les marques de luxe ne serait donc pas de vendre leurs produits ou de toucher une grande masse de la population mais de faire son audience et de susciter l'impression d'inaccessibilité. « Oui », cela fait bien partie de l'ADN d'une marque de luxe.

Néanmoins, aujourd'hui les marques de luxe doivent suffisamment métamorphoser leur communication afin de fidéliser leur clientèle et séduire des cibles nouvelles comme l'exemple d'Hermès qui a joué le jeu de la transformation, en proposant du « brand content » - une série de 5 web épisodes appelés petit H et qui nous permet d'entrer dans les coulisses de l'organisation d'un évènement et de vivre de l'intérieur le travail des équipes - ou encore la marque de luxe italienne Gucci, qui, à l'occasion de la sortie de son nouveau parfum Guilty, n'a pas hésité à laisser le contrôle de son compte Snapchat à l'acteur Jared Leto pour 24h pour une série de story décalée - et le dernier mais surement le plus inspirant - Burberry qui a récemment lancé « L'art du Trench », une campagne qui rassemble des photos de professionnels et de consommateurs portant le « Burberry trench »24. Cette campagne se concentre sur le produit mettant en scène les gens de partout dans le monde et a eu un effet viral sur les réseaux sociaux - tout en intégrant dans sa démarche une volonté de conserver sa singularité. D'autre part, les marques de luxe ont très souvent recours au mécénat et au sponsoring dans l'univers de l'art, du sport et de la culture, plutôt qu'à la publicité même.

22 http://www.vitisphere.com/actualite-85167-Avec-Clos19-LVMH-se-lance-dans-le-e-commerce.htm

23 http://www.eyrolles.com/Entreprise/Livre/luxe-oblige-9782212554656

24 https://www.1min30.com/inbound-marketing/5-marques-de-luxe-et-leur-strategie-de-contenu-29341

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Hermès ayant un lien patrimonial avec l'équitation, a décidé durant les Jeux olympiques de Rio, de sponsoriser la Fédération brésilienne d'équitation en fournissant des selles équipées, ainsi que tout ce qui concerne la briderie. De même, Louis Vuitton qui a conçu lors de la Coupe de monde de rugby en 2015, une malle qui a transporté le fameux trophée lors de la finale à Twickenham.

Illustration 9 : comme Simon Delestre la Fédération brésilienne bénéficiera de selles Hermès. (A.
Martin-L'Equipe)25.

Par ailleurs, selon Vincent Bastien et Jean-Noël Kapferer, voici les éléments indispensables que l'on doit retrouver dans sa communication : pas de personnages publics dans la publicité ou seulement en arrière-plan, seule la domination de la marque compte - Le rôle respectif « des témoins » qui signe le luxe et non celui des « ambassadeurs » c'est le cas de Mikhaïl Gorbatchev dans sa voiture devant le mur de Berlin, utilisant un produit courant de Louis Vuitton, le sac Speedy - Communiquer le rêve de la marque par l'utilisation des nouveaux outils de communication technologique, les consommateurs de luxe voyagent souvent, pour le business ou le plaisir, et se reposent sur leurs smartphones pour passer le temps - Ne jamais mentir, internet est dans le domaine de la transparence, le mensonge y est très vite repéré - Avoir un blog ou collaborer avec les influenceurs et bloggeurs de préférence en toute sincérité - Pas de site web plutôt qu'un site médiocre, l'imperfection est à bannir- Savoir innover pour rester en avance, il faut être « poly sensoriel » original dans ses animations - Créer du « contenu de marque » c'est le rôle du brand content, son historie, ses légendes, ses aventures, ses rumeurs - Créer et animer des communautés de fidèles à l'image de la stratégie de Nike qui à cimenter sa communauté autour de ses produits.

25 https://www.lequipe.fr/Equitation/Actualites/Partenariat-entre-hermes-et-la-federation-bresilienne/644424

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Nous pourrions rajouter trois nouvelles tendances observées ces dernières années : en premier lieu, les marques de luxe qui évoquent et promeuvent leurs valeurs et leurs engagements. L'exemple de la marque de montres Oméga26 qui insiste sur l'histoire du savoir-faire maison et notamment la vente de montres aux femmes. Oméga cherche ainsi à se positionner comme vendeur de montres pour femmes, mais espère aussi démontrer avec ses racines féminines et son engagement envers la cause féministe.

Ensuite, l'arrivée des marques de luxe sur les médias sociaux permettent leur évolution, aujourd'hui, 75 % des acheteurs du secteur du luxe utilisent les réseaux sociaux. Le luxe est le deuxième sujet le plus présent sur Instagram, avec pas moins de 2,6 millions d'images échangées tous les mois et aux quatre coins de la planète sur la plateforme. Les images les plus échangées concernent la joaillerie-horlogerie (44%), les chaussures (36%), la maroquinerie (15%) et enfin les vêtements (5%). Les marques générant le plus d'images spontanées sur Instagram sont Channel, Dior, Prada, Hermès. Ce qui a engendré une révolution digitale.

Enfin, le luxe du 21ème siècle se doit d'être éthique, d'aborder les questions environnementales au travers de sa communication. Ses clients privilégiés exigent que les marques reflètent leurs ambitions (valorisation du développent économique local, respect de la planète, etc.) Cette politique de communication devra être associée et cohérente avec les trois autres éléments du mix marketing.

3.1 Le marché du luxe et sa clientèle a) La croissance du marché du luxe

Le marché du luxe en 2016 est estimé par la compagnie Bain & Company à 249 milliards d'euros ; une croissance de 13% par rapport à 2014 malgré un contexte géopolitique incertain. Certains effets comme le Brexit, les élections présidentielles américaines et le terrorisme en Europe, ont influé sur la consommation et eu un impact négatif sur les flux touristiques en 2016.

En Europe, la croissance du marché du luxe a ralenti du fait des attaques terroristes et par les nouvelles exigences de visas biométriques. Mais la reprise de la consommation locale a permis de maintenir le niveau de performance dans les différents marchés et catégories du luxe avec une croissance de 1% à taux de change constant (-1% à taux de change courant). La dépréciation de la livre sterling a dopé la croissance des achats touristiques au Royaume-Uni.

26 Luxe et expérience client, Auteur = Wided Batat ; pages 96

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A contrario, l'Allemagne et la France ont été négativement impactées par le terrorisme. L'Espagne et l'Europe du Nord ont mieux résisté grâce à un sentiment d'insécurité plus faible.

Dans la région Amérique, le marché des Etats-Unis est victime d'un dollar fort entraînant la baisse de la fréquentation touristique et d'un niveau de dépense local faible, les marques de luxe sont en difficulté avec une baisse 2% à taux de change constant (-3% à taux de change courant). En Amérique Latine, les acheteurs de luxe se concentrent sur des dépenses locales, ceci permet d'inverser la tendance générale au Brésil et maintient, au Mexique, les perspectives positives pour l'année. Au Canada, les dépenses de produits de luxe sont restées stables.

En Asie, l'année 2016 a été globalement positive surtout pour l'Asie du Sud-Est qui a connu une croissance de 3% à taux de change constant (1% à taux de change courant). Singapour a attiré les dépenses provenant des villes chinoises de taille moyenne. Ces signes de reprise de la dépenses chinoises ont stimulé également les performances de la Thaïlande et de la Malaisie. Mais les marchés de Hong-Kong et Macao continuent de décroître, en baisse de 15% à taux de change constant (-16% à taux de change courant) en 2016 ; Sur le long terme, les dépenses chinoises dans le luxe et la contribution du pays à la consommation des produits personnels de luxe devraient connaître une tendance à la hausse. Cela est en grande partie dû à une classe moyenne grandissante voyant son revenu disponible augmenter. Le Japon remporte de nouveau le titre mondial de marché du luxe, le plus performant en termes de croissance (5% à taux de change courant, 7% à taux de change constant). Néanmoins, par rapport à 2015, le marché montre des signes de ralentissement en raison d'un Yen plus fort qui entraîne une réduction du nombre de touristes chinois. Les clients locaux ne pourront pas dépenser suffisamment à domicile pour compenser cette baisse.

Concernant le reste, le Moyen Orient reste en déclin, malgré un fort intérêt porté à l'Iran. En Australie, le marché du luxe restera porteur. A noter que l'Afrique a le potentiel d'être une nouvelle vedette dans les années à venir.

Les prévisions à l'horizon de 2020 restent rassurantes, le secteur du luxe connaîtra une croissance de 2 à 3 %, pour atteindre entre 280 et 295 milliards d'euros de chiffre d'affaires. Mais cette performance dépendra de la croissance des classes moyenne de la Chine Continentale qui devraient normalement représenter 34% des achats de luxe dans les quatre prochaines années, bien au-delà de ceux réalisés par les consommateurs américains et européens.

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Illustration 10 : « les échos » / source : Bain & Company pour la Fondazione Altagamma27.

b) Les choix nouveaux des clients du luxe

La clientèle du luxe a beaucoup évolué au cours de ces 20 dernières années : massification, démocratisation, mondialisation. Dans une analyse menée en 2014 auprès d'environ 10 000 consommateurs de luxe, l'étude du cabinet de conseils Bain & Company, déclare que « la catégorie homogène de consommateurs aisés du monde entier, est en train de se transformer en une classe plus large et très hétérogène d'acheteurs »28. Le luxe doit désormais satisfaire une clientèle de plus en plus diversifiée, mais aussi de plus en plus renseignée, exigeante, volage, mobile et éthique ; Selon la maturité du continent, les manières de consommer le luxe ont changé de marqueur social, il est devenu un marqueur d'identité, une manière de mettre en avant son bon goût et sa connaissance très prisée de ce milieu. Des dépenses réorientées vers des expériences haut-de-gamme nouvelles et plus personnelles telles que les voyages de luxe, la gastronomie et le vin, et même les beaux-arts.

Une clientèle qui s'est aussi digitalisée, pour atteindre un taux de pénétration dans le monde de 7% en 2016, l'e-commerce est en tête des canaux d'achat dans le luxe, à contrario, la vente physique qui gagnait encore des parts de marché en 2015, a baissé drastiquement avec l'apparition des premiers signes de rationalisation du marché. Le marché du luxe à prix réduit continue de croître du fait de la démocratisation, mais est davantage contrôlé par les marques.

27 https://www.lesechos.fr/21/10/2016/LesEchos/22303-094-ECH_le-marche-mondial-du-luxe-devrait-retrouver-la-croissance.htm

28 http://www.bain.fr/publications/communiques-de-presse/zoom-sur-les-330-millions-de-consommateurs-qui-depensent-217-milliards-d-euros-en-produits-de-luxe-dans-le-monde.aspx

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Aujourd'hui, les produits de luxe au rabais représentent 35% du marché de produits personnels de luxe. Ces chiffres risquent d'augmenter sous la pression des consommateurs de plus en plus exigeants sur le rapport qualité-prix. Selon le rapport du cabinet Bain & Company « Ce sont les marques de luxe qui arriveront à gérer, de façon stratégique plutôt que tactique, le canal des outlets, tout en minimisant les baisses de prix en boutique, qui tireront leur épingle du jeu ».

Autre fait d'une stratégique contrôlée « L'accessoirisation » du luxe est une des tendances de fond du marché. Des produits d'entrées de gammes comme un flacon de Chanel N°5 à un portefeuille carré et élégant de Dupont, permettent aux marques de luxe d'élargir leur clientèle, de dynamiser leur image et d'augmenter leurs marges29. Les marques de joaillerie comme Cartier, Van Cleef & Arpels et Piaget restent des valeurs sûres, leurs ventes ont augmenté de 11% sur les neuf premiers mois de l'année 2015 ; ils restent les principaux contributeurs au chiffre d'affaires de Richemont30

c) Typologie des clients du luxe

Selon Gilles Lipovtsy disait en 2003 « nous sommes entrés dans l'âge de l'individualisation du luxe qui marque une inflexion et non une rupture avec la logique de distinction sociale théorisée par Veblen et reprise par Bourdieu »31 En effet, d'après lui, bien que l'idée du luxe « ostentatoire » basé sur la consommation visible de produits de luxe ayant pour finalité d'appartenir ou de se démarquer d'un groupe social fera toujours partie d'une forme de consommation, notamment pour les strates de populations nouvellement riches comme celles d'Inde, de Russie, de Chine, la tendance de ces dernières années d'hyper modernité mène le client du luxe à préférer des objets lui apportant une jouissance intérieure plutôt que sociale. Il précise alors que « la distinction est alors plus narcissique que sociale ». Les acheteurs réguliers du luxe privilégient aujourd'hui davantage le bien-être, la sécurité, la qualité de vie. Gilles Lipovetsky appelle cela « l'esthétisation des comportements de consommation ».

29 http://www.lemonde.fr/m-mode-business-of-fashion/article/2016/01/14/luxe-petits-accessoires-grands-enjeux_4847349_4497393.html

30 https://www.letemps.ch/economie/2016/01/14/fin-annee-richemont-confirme-frein-demande

31 G. Lipovetsky et E. Roux - Luxe Eternel : de l'âge du sacré au temps des marques. Collection Le Débat, Gallimard, 2003

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Illustration 11 : le shopping de luxe, prisé des touristes chinois. (c) Reuter32.

Selon Bain & Company : « 10 millions de nouveaux consommateurs entrent chaque année sur le marché du luxe ». Au regard de cette évolution, les grandes marques doivent adapter leur stratégie pour prendre acte de cette diversité croissante, en analysant des courants de tendance, et cela passe par le décodage des habitudes de consommation de tribus bien identifiées.

De cette façon, Bain & Company a identifié les « 7 nouveaux visages de la consommation mondiale de luxe » :

v L'omnivore 25%

Il est caractérisé comme un nouvel entrant sur le marché du luxe. Acheteur compulsif, généreux dans ses achats, en majorité des femmes actives, qui ne veulent négliger ni vie de famille, ni vie professionnelle et désireux de tester les produits et les marques. L'omnivore veut tout réussir, il se met sous pression. C'est pourquoi, en compensation, il a besoin de s'accorder des gratifications personnelles comme des séances de SPA, massages et beauté. Il répond au phénomène de la « collectionnite ». Ces clients spécifiques aiment des produits à prix élevé et se concentrent sur les bijoux et les montres. L'omnivore privilégie les magasins en propre et fait surtout ses achats lors de voyages. Sa loyauté est cependant assez faible. Ses marques fétiches sont Balenciaga, Giorgio Armani et Bottega Veneta.

32 http://www.lopinion.fr/edition/economie/luxe-l-eldorado-chinois-se-merite-100941

v 35

Le Smarty 20%

Moins de 35 ans, ou pour la plupart étudiants, adeptes des nouvelles technologies, ces acheteurs sont très informés, issus des générations X et Y, ils privilégient les produits high-tech, la qualité irréprochable des produits et la pérennité des biens. Ce profil accorde une importance certaine au service dispensé en magasin et à l'histoire de la marque. Il est fidèle aux marques qu'il affectionne et réitère son achat plusieurs fois par an. Comme l'omnivore, il fait souvent ses achats en ville, est accessible aux informations qu'il reçoit en ligne et sur les réseaux sociaux. Il lit la presse sport, loisirs et automobile. Il domine les villes chinoises urbaines et est très présent en Europe occidentale et aux Etats-Unis. Ses marques fétiches sont Céline, Berluti, Brunello, Cucinelli. Il est particulièrement représenté aux Etats-Unis, en Europe Occidentale et en Chine.

v L'investisseur 13%

Il reste attaché aux traditions, aux racines et aux valeurs sûres, il cultive un art de vivre centré autour de la famille qui s'enrichit par l'intérêt qu'il porte à la gastronomie, la politique, l'économie, le bien-être, l'art, l'histoire, la littérature, la décoration. Cette catégorie d'acheteurs prête une grande attention à la qualité et à la durabilité des matériaux de luxe. Selon Bain & Company, « Il privilégie les cuirs très résistants et les montres qui peuvent se transmettre de génération en génération. Il agit avec prudence en matière d'achats de luxe, se renseigne et se réfère à l'expérience d'autres consommateurs » Cette catégorie concerne les acheteurs du Japon, d'Europe de l'Est et des marchés matures, où la dépense discrétionnaire se fait avec plus de prudence. Il privilégiera des enseignes comme Ermenegildo Zegna ou Jaeger-Lecoultre.

v L'hédoniste 12%

Largement tourné vers l'ostentation, il aime consommer des marques facilement reconnaissables par tous, avant d'être des produits qualitatifs. Achetant souvent en groupe, il aime avoir l'approbation sociale et la reconnaissance de ses pairs avant de choisir son produit. A l'affût des tendances, il consomme du shopping de luxe sur ce qui est mode, art, voyages et design, dont une grande partie des achats s'effectuent dans la catégorie des accessoires. Il est très attaché aux logos des marques qu'il considère comme structurant socialement. Il est particulièrement influencé par la publicité. C'est la seule typologie représentée dans toutes les

36

nationalités et générations. Ses marques préférées sont Gucci, Coach ou Burberry. C'est la seule typologie représentée dans toutes les nationalités et générations.

v Le conservateur 16%

Appartement à la génération X, la cinquantaine, il est très concerné par l'actualité culturelle, l'art, le cinéma et la politique. Il est le consommateur habitué du luxe, mature, classique, privilégiant des biens durables (montres, joaillerie, maroquinerie), le service clientèle de qualité, les marques reconnues comme Rolex, Valentino, Alfred Dun Hill. Le luxe pour lui est très personnel, il correspond à une quête individuelle, la recherche de l'original, du créatif, du produit exclusif. Il préfère les montres et les bijoux de grandes marques davantage dans un objectif de se faire plaisir avec intensité, plus que de se distinguer. Autant masculin que féminin, le conservateur privilégie les magasins multimarques dans lesquels il a le choix et demande souvent l'avis de ses pairs. Ils se trouvent principalement sur les marchés matures, mais aussi en Chine.

v Le déçu 9%

Cette catégorie profite pour voyager, pour se cultiver, pour pratiquer des loisirs. Ils sont les adeptes des vacances dans des lieux d'exception. Selon Bain & Company « Ce sont des acheteurs de la génération du baby-boom, en quelque sorte lassés du luxe. Ils achètent des produits de maroquinerie et des produits de beauté ». Le déçu recherche des articles qui durent une saison ou plus, et les achète, lorsqu'il le peut, en ligne. Il est peu sensible aux messages des marques et à la publicité, majoritairement des femmes, cette typologie de clients du luxe est issue d'Europe, des Etats-Unis, du Japon et privilégie les marques dites traditionnelles et reconnues comme Chanel, Hermès ou Cartier.

v L'aspirant 5%

Il s'agit majoritairement des femmes qui recherchent des articles accessibles en termes de valeur, sur les secteurs des produits de beauté et des chaussures mais qui est tout à fait susceptible de combiner les produits de luxe avec d'autres produits. « C'est une catégorie d'acheteurs impulsifs qui montrent peu de fidélité à la marque, influencés avant tout parce que disent leurs amis et ce qu'ils voient dans les magazines de mode. Ils sont issus de la classe moyenne mondiale et se trouvent surtout aux Etats-Unis, en Europe occidentale et depuis peu

37

en Europe orientale », écrit Bain & Co. Louis Vuitton, Prada et Dior s'affichent en tête des marques préférées de cette tranche d'acheteurs du luxe.

d) Synthèse

Nous constatons qu'il existe un nombre important de profils de consommateurs du luxe positionné sur trois types de zones géographiques : les « nouveau marché » comme la Chine, le Brésil, la Russie ; les « marché mature » tels que les USA, la Grande-Bretagne, la France, l'Allemagne et l'Italie ; le « marché spécifique » du Japon où les clients sont plus sélectifs dans leur démarche d'achat.

Ces typologies de consommateurs peuvent varier au sein d'un même pays ou d'une même génération. Cette étude confirme que le marché du luxe est toujours entre les mains des baby-boomers représentant 45% de la consommation du luxe dans le monde. Leurs comportements et leurs préférences restent très différents de ceux de leurs enfants (la génération Y), futurs acheteurs du luxe. Cette génération a une attitude positive du luxe mais présentent des profils particulièrement hétéroclites : des novices aux experts, du très classique au très pointu, des enthousiastes aux réfractaires. La maitrise de cette génération fragmentée est assurément l'un des grands défis actuels pour les maisons de luxe.

Dans l'avenir, les jeunes générations dépenseront plus que la génération du baby-boom dans toutes les catégories de produits personnels de luxe. L'augmentation des dépenses de la Génération X, est liée à l'évolution des habitudes de consommation, et la croissance constante de la Génération Y qui se verra augmenter d'environ 50 millions de nouveaux consommateurs dans le marché. Nous remarquons que certaines marques commencent déjà à s'intéresser à la génération suivante, la Génération Z, qui regroupe toutes les personnes nées entre 1995 et 2000, dont la part des dépenses « luxe » reste encore faible, mais dont les nouvelles pratiques de consommation sont passionnantes. Ces trois générations de consommateurs représenteront les trois quarts du marché mondial du luxe d'ici 2020. Le marché ne peut pas se permettre de les ignorer ni d'ignorer leurs préférences pour des produits et marques à prix accessibles, mais riches en contenu.

38

4.1 Stratégie de démocratisation du luxe : une réalité a) Le processus de démocratisation du luxe

Après avoir expliqué en début de partie les prémices de la démocratisation du luxe à travers son histoire, voyons maintenant de façon plus théorique, ce que veut réellement dire ce sens « démocratisation du luxe ». Par définition, la démocratisation consiste de mettre à disposition des produits de luxe pour un plus grand nombre de personnes, c'est-à-dire, offrir l'accès à des produits de luxe à un plus large public, à un prix abordable. En effet, à l'intérieur de cette concurrence mondialisée, se trouvent des groupes puissants, ingénieux, qui ont jugé nécessaire de s'adonner à cette stratégie de croissance pour tirer leur épingle du jeu. Conséquence d'une centralisation du luxe devenu à la mode, cette opération intègre des maisons indépendantes dans des grands groupes financiers afin de conforter leurs positions à l'international, d'étendre leur visibilité sur des territoires et de s'agrandir à la fois au niveau des produits et des activités. Cette économie de marché oblige les industriels du luxe à mettre en place une politique stratégique notamment en poursuivant le désendettement par un accroissement de la capacité financière, une modernisation des outils de production, un déploiement des réseaux commerciaux, plus de création et d'innovation pour se démarquer des concurrents.

De plus, au cours des vingt dernières années, le luxe a intégré une nouvelle ère. Les produits de luxe se sont progressivement intégrés à la population. Par exemple, un sac créé par une marque de luxe ou certains produits comme les accessoires, sont occasionnellement consommés par le plus grand nombre. Certaines maisons de luxe ont démocratisé leur offre afin d'élargir leur clientèle, espérant par-là faire du volume. La longévité des marques luxe repose sur une contradiction : mettre en scène des produits luxueux réservés à l'élite, pour vendre en toute simplicité des produits banalisés au plus grand nombre. Prenons l'exemple de Louis Vuitton qui a d'ores et déjà commencé à se placer dans cette optique. Pour combler la baisse de la demande des consommateurs chinois qui compte toujours pour plus de la moitié du marché mondial du luxe, la marque phare de LVMH propose davantage de sacs accessibles et des produits de petite maroquinerie aux consommateurs. Le sac accessible de Louis Vuitton appelé « Sac Alma BB » est vendu pour 1 210 euros33. Ce fut notamment le cas pour les marques, Gucci et Prada, lesquelles ont en effet davantage alimenté leurs gammes de sacs vendus entre

33 https://journalduluxe.fr/luxe-accessible/

39

2 000 et 3 500 euros. Un autre exemple concernant la marque Mercedes-Benz34 qui a lancé en 2014 sa petite berline CLA, vendue à partir de 29 700 $ aux États-Unis. Il insiste sur le fait que ce modèle ne menace en rien son image ou son précédent modèle d'entrée de gamme, la classe

C, qui représente son plus gros volume de ventes à travers le monde. Près de 80 % des acheteurs de CLA sont des nouveaux clients pour la marque. Nous constatons que le luxe n'est donc plus tant destiné à la seule clientèle d'élite, mais à chacun des consommateurs qui souhaitent y accéder. La démocratisation de ce marché va engendrer un bouleversement : la naissance du nouveau luxe. La réalité contemporaine de la notion de luxe repose désormais sur la cohabitation de différents niveaux de luxe.

Mais attention, élargir son bassin de clientèle n'est pas sans risque si les frontières de la stratégie de luxe sont mal maitrisés. Cela a été le cas de la société Italienne Gucci : elle avait tellement multiplié les licences qu'en 1995 on ne reconnaissait plus son appartenance au monde du luxe. A grands coups de marketing, de fermetures et d'ouvertures de flagships (immenses boutiques phares et froides, emblèmes de la marque), le créateur Tom Ford et son PDG Domenico de Sole veulent vendent le rêve Gucci : sacs, chaussures, costumes, chemises, robes, pulls, lunettes, bonnets, jouets, matériels de bureau, os pour chien, balles pour chat, guitares et autres pares-feux de cheminée, tout cela hors de prix. En moins de 10 ans, M. Ford a répandu sa marque dans toutes les soirées, les diners, pour arriver à saturation et au n'importe quoi. Cela a marché pendant 3 ou 4 ans (il fallait porter du Gucci pour faire bien), et puis les clients se sont lassés, les prix ont augmenté, la qualité a baissé et les ventes ont chuté, aujourd'hui, Gucci ne fait plus vraiment rêver.

Illustration 12 : Avril 2017 ; quand Balenciaga copie l'homme de la rue qui sort du magasin35.

34 http://www.ledevoir.com/economie/actualites-economiques/397380/salon-de-detroit-quand-le-luxe-se-democratise

35 https://creapills.com/moquerie-sac-ikea-balenciaga-20170426

40

Par conséquent, pour conserver une stratégie de luxe, il est nécessaire de bien manager le capital humain de la maison, maximiser les valeurs de la marque, diffuser tout en préservant la rareté de l'objet, de produire sans délocaliser, de promouvoir sans se compromettre, satisfaire sa clientèle sans espérer nécessairement la retenir. En effet, un produit de luxe est par définition un produit rare alors que l'essence même du marketing est de garantir une diffusion en continu du produit auprès du grand public.

b) Différencier les trois niveaux du luxe et les stratégies marketing adaptées

Comme nous l'avons évoqué dans la définition, l'achat d'un produit de luxe est stimulé par un désir de satisfaction personnelle et sociale mais il est aussi encouragé par une stratégie de communication et de marketing. Néanmoins, une source d'ambiguïté tient à la multiplication des concepts marketing tels que « massluxury » « hyper luxe », « vrai luxe » « luxe prémium » « masstige » qui lui fait perdre tout son sens et amène à l'anarchie. Cette multitude d'appellation, à la fois source d'ambiguïté et de confusion, reflète en fait deux stratégies : une volonté de montée de gamme de la part de marques premium et une certaine dérive des marques de luxe qui cherchent à élargir leur clientèle afin de réaliser des profits que leur activité d'origine, le luxe, ne leur permet plus d'atteindre.

Fortement préjudiciable au vrai luxe, cette confusion viserait à faire croire qu'il existerait une échelle du prestige entre la marque de masse et le luxe, que l'on pourrait gravir. Or cela est absurde. Une marque est luxe ou ne l'est pas. Cela démontre que la frontière parfois mince entre luxe et premium n'est autre que le fait des grandes marques à l'image de l'Oréal ou Procter & Gamble qui ont intérêt à brouiller les pistes. Ces confusions sont préjudiciables tant d'un point de vu conceptuel que managérial : on ne gère pas le luxe comme le non-luxe, ou du haut de gamme. Selon, l'économiste Danielle Allérès, spécialiste des métiers du luxe « il existe au sein du nouveau luxe trois catégories de luxe auxquels elle associe des classes sociales d'une part et des différents types de marketing d'autre part : luxe inaccessible, luxe intermédiaire, luxe accessible ».

v 41

Le luxe accessible

Il suit un modèle de marketing scientifique par la production industrielle en grande quantité et produit rapidement (parfums, cosmétiques), ce qui diminue les coûts d'exploitation.

Politique de produit : ce sont des produits réalisés et pensés par des marques prestigieuses, mais qui cherchent à toucher un public plus large et représentatif d'une classe sociale moins aisé. C'est un marché ultra concurrentiel. Ses produits restent tout de même de bonne qualité face au luxe intermédiaire et le luxe inaccessible. En exemple pour se produit j'ai choisi les parfums « J'adore » de Christian Dior.

Politique de prix : la marque s'adresse à un large public, le prix est plus accessible bien qu'encore chère. La stratégie de base est le rapport qualité-prix afin d'augmenter la quantité de ventes.

Illustration 13 : 2016, une respiration Nature et une nouvelle posture anti
BlingBling pour le parfum Dior J'adore36.

Politique de communication : la communication de la marque s'adapte à sa cible féminine. En

effet, la publicité de ce parfum lancée en 1999 est toujours présente, et de qualité recherchée. Le mode de communication change selon les périodes de l'année avec beaucoup de campagnes publicitaires, télévision, dans les magazines.

Politique de distribution : le circuit de distribution est plus large et plus abondant, les produits sont souvent présente dans les magasins multimarques mais il existe tout de même des boutiques exclusives propres à la marque.

36 http://www.beautydecoder.com/pub-dior-jadore-gold-anti-bling-bling-nature/

v 42

Le luxe intermédiaire

Il suit un modèle de marketing élaboré par la production à moitié industrielle de produits de qualité haute gamme.

Politique de produit : ce produit correspond principalement aux produits de la mode, plus contemporains et moins affirmés, vendus en séries limités.

Politique de prix : les prix sont très élevés et cela est dû à la qualité et les coûts de fabrication qui sont très lourds. Les clients s'offrent l'image de marque.

Politique de communication : les clients du luxe intermédiaires sont à la fois sensibles au prestige de la marque et à la qualité des produits. Cela réclame la mise en place d'une stratégie offre demande, plus élaborée, des campagnes de communication sélective mettant en exergue autant la marque que le produit. Forts investissements en communication pour augmenter la notoriété à l'international.

Politique de distribution : on peut trouver des points de vente notamment dans les grandes villes avec l'ouverture de franchises et d'espaces réservés à la marque.

Illustration 14 : ADN sportif. « Lacoste, c'est le sport chic, jamais le sport pour la performance »37.

v Le luxe inaccessible

Il suit un modèle de marketing intuitif, par des marques célèbres dans la réalisation de produits les plus précieux, effectués en petites séries dans le cadre d'un haut artisanat artistique et prestigieux.

37 https://business.lesechos.fr/directions-marketing/marketing/positionnement/0203503401645-pourquoi-lacoste-se-remet-au-sport-64163.php

43

Politique de produit : la plus grande sensibilité des demandeurs de produits inaccessibles repose sur son patrimoine culturel, sa rareté, une culture du désir, parfois l'originalité de ces produits et sur le prestige souvent mondial de la marque.

Politique de prix : le prix est fortement élevé, car l'usage des matériaux est rare, les méthodes de fabrication sont difficiles, ce qui nécessite de profondes recherches tant sur l'image de la marque que la rareté du produit.

Politique de communication : la communication est simple, sélective et fermée qui se fait à travers le produit. Pour ce type de produit nous allons prendre comme exemple le nouveau yacht crée par la nouvelle société créée par Hermès. Fruit de la collaboration avec yacht Wally (constructeur de yacht italien). C'est un produit qui est très limité, ils sont fabriqués seulement sur commande. D'autre part la production du produit a duré 3 ans.

Politique de distribution : La distribution est captive, elle peut se fait pendant les grands évènements et les produits ne sont pas sous-traités.

Illustration 15 : Van Cleef & Arpels - Midnight Planetarium. £187,300.00 TTC38.

c) Les deux modèles stratégiques du luxe

Jusqu'au début du XXe siècle, le luxe fleurissait dans un monde cloisonné et structuré par des professions réglementées de la même manière que les avocats et les médecins ou association de coopération. Un monde qui a duré jusqu'à la période de « la belle époque »39, puisque le nouveau modèle de consommation d'après-guerre à participer à l'élargissement des activités des maisons de luxe. Cet accroissement économique encourage les grandes maisons à

38 http://www.vancleefarpels.com/eu/fr/collections/watches/poetic-complication/vcaro4j000-midnight-planetarium-watch.html

39 http://www.persee.fr/doc/xxs_0294-1759_1995_num_47_1_3179

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mettre en place des stratégies de développement en se mettant à fabriquer ou signer ce qu'elles ne savaient pas faire à l'origine.

v L'extension de marque

De fait, le luxe a été transformé par la pratique de l'extension de ces marques ou « brand extension ». Cette stratégie consiste à appliquer la stratégie de luxe de la marque à un nouveau territoire conquis. C'est précisément la stratégie qui a pu être prolonger par le Joaillier Cartier en devenant Horloger, le Maroquinier Hermès en s'appropriant le marché de la soie, le Malletier Louis Vuitton en devenant Maroquinier, Chanel en devenant propriétaire de champs de jasmin à Grasse pour produire son parfum Chanel N°5, et enfin Christofle bien connu pour sa haute orfèvrerie française.

v L'expansion de marque

Bien plus tard, quand les maisons sont devenues des « marques », beaucoup ont tenter l'expérience de de l'expansion ou « brand stretching » afin d'accroitre les retombées commerciales de leur notoriété sans avoir besoin d'investir ou de prendre le temps d'acquérir ses savoir-faire. Cette stratégie consiste donc à exploiter la marque dans un nouveau territoire du marché du luxe sans y appliquer une stratégie de luxe. On utilise aujourd'hui le terme une stratégie « mode » ou « premium ». Cette distinction est nécessaire afin d'appréhender les différentes nuances de diversification de marques. C'était précisément la stratégie qu'a pu suivre Cartier en produisant des stylos et des parfums et Louis Vuitton du prêt à porter. Dans le livre luxe oblige, l'auteur affirme que c'est « la phase d'adolescence du luxe, ou beaucoup de marques tentent des incursions tous azimuts. Elles se sont mises à fabriquer elles-mêmes ou signer ce qu'elles ne savaient pas faire à l'origine quitte à chercher des partenariats pour ce faire »40.

Il faut noter que l'examen de ces deux modèles d'extension se fera par deux approches différentes : soit la marque recherche l'extension verticale, dans ce cas elle recherchera plus d'accessibilité en prix et descend donc en prix absolu, via, les accessoires pour séduire la vaste clientèle visiteur du luxe. Nous pouvons citer l'exemple d'une extension vers le bas : les Must de Cartier lancées en 1973, répondant à un désir de de pénétrer une cible moins aisée et occasionnelle ; à l'inverse, l'extension verticale peut se faire par le haut, comme Armani

40 Livre Luxe Oblige / Vincent Bastien, Jean-Noël Kapfferer, p219

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qui a lancé la marque Armani privé afin de séduire une clientèle élitiste et conserver un écart avec la clientèle occasionnelle. Cette extension par le haut permet à la marque de luxe de recréer des barrières à l'entrée par le prix, et la création d'un univers culturel ; Armani a ainsi ouvert un hôtel à Dubaï en 2010, dans la tour la plus haute du monde41.

Illustration 16 : L'entrée de l'hôtel Armani le 27 avril 2010 à Dubaï Karim Sahib AFP42.

Quant au second modèle, la marque s'étend horizontalement en gravitant autour d'un centre, sans changer son niveau de prix, déployant son style de vie dans d'autres univers de vie du client. Nous pouvons citer le modèle d'extension de Ralph Lauren qui vend en effet de tout, sans que rien soit vraiment luxueux (prêt-à-porter, accessoires, parfums, cosmétiques, mais aussi meubles, peintures, café, restaurant). Un lifestyle de la marque qui se décline selon les moments de la journée ou de la semaine, selon les occasions et les situations d'usage, en vue de faire plonger le consommateur dans le cosmos de la marque.

Pour résumer, nous voyons dans le premier cas que l'extension de la marque devient un véritable acteur du luxe sur le nouveau marché conquis, en contrôlant tout le processus de fabrication. Dans le second cas, l'expansion de la marque se rapproche plus d'une stratégie de licence que d'une stratégie de luxe. On fait appel à un designer ou une société indépendante de conception de parfums et on recherche des fournisseurs. Cependant, pour être légitime, une stratégie de diversification (extension ou expansion) devra être faite avec un minimum de cohérence pour ne pas altérer le capital d'origine de la marque (nature et fonction différentes par rapport aux catégories de produits originelles de la marque) perçu par le public et les

41 http://www.ladepeche.fr/article/2010/04/27/824621-dubai-inauguration-hotel-armani-nouvelle-destination-luxe.html

42 http://www.ladepeche.fr/article/2010/04/27/824621-dubai-inauguration-hotel-armani-nouvelle-destination-luxe.html

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extensions envisagés. La marque se verrait alors sortir du luxe en se lançant par facilité dans ce système de licences, en mettant des produits qui ne seraient pas du luxe. De la même manière qu'une trop grande diversité de produits dans des univers différents peut, à long terme, affaiblir la marque. Dans une logique de minimisation des risques d'endommagement d'une marque mère forte et d'économie des coûts de lancement, les extensions de marque devraient se faire davantage dans des marchés en phase de maturité.

d) Modèle stratégique d'extension réussi

Voici maintenant un modèle d'extension réussi : comment la maison Montblanc s'est imposé comme une marque globale ? Montblanc est perçu comme un cas typique de marque qui a su utiliser les extensions avec doigté, sans enfreindre à son identité, ses valeurs, et en gardant comme objectif de croître et surtout de survivre.

Diagnostic SWOT et vision stratégique : La marque doit faire face en 2013, à une baisse de 20% de ses ventes en Asie, et doit réagir vis à vis des nouveaux modes de communication, tels que, les courriels et SMS qui tendent à démoder définitivement le stylo Montblanc43. Pour renouer avec la croissance, Montblanc a choisi de devenir une marque globale par la diversification, tout en conservant cette image de luxe artisanal, de manufacture.

Repositionnement : Une connaissance approfondie des territoires de la marque est indispensable pour savoir vers quels nouveaux domaines elle peut légitimement s'étendre. La marque doit s'interroger sur son orientation à venir, au regard de son histoire, sa culture et ce qu'elle incarne auprès du public.

Ciblage : il faut croiser les pistes envisagées avec les clients visés. Qui sont ces clients ? Comment sont-ils segmentés ? Quelles sont leurs attentes, quels sont leurs besoins et leur appétence dans les domaines d'extension considérés ? Quelles sont leurs habitudes de consommation ? Où achètent-ils ? Quelles sont les spécificités socioculturelles et comportementales des clients de chaque pays ou région. Les réponses à ces questions permettent de segmenter la clientèle et de décliner les offres. D'ailleurs, les femmes constituaient la nouvelle cible de la marque. Une stratégie réussie, aujourd'hui, 48 % des clients

43 https://www.challenges.fr/entreprise/comment-montblanc-veut-renouer-avec-la-croissance_152621

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sont des femmes. « Un club privé et élitiste leur est dorénavant dédié », souligne Mirabelle Jubert, directrice Marketing de Montblanc44

Développement de la gamme : Montblanc met en place un processus de développement de type concentrique45. Dans le premier cercle de Montblanc se trouvent les objets autour de l'écriture : serviettes de cuir, range-documents, blocs de bureau, un univers pour le bureau. Le deuxième cercle correspond aux objets plus intimes, personnels : bouton de manchette, portefeuilles, enveloppes de cuir iPod, iPhone ou BlackBerry. Le troisième cercle correspond à celui des montres, des bijoux pour l'homme et la femme. Enfin le quatrième cercle, très immatériel, est celui des parfums.

Développer un mix marketing cohérent : La réussite d'une stratégie d'extension de marque dépend de la capacité à maîtriser la cohérence du mix marketing. Celle-ci repose sur quatre dimensions : la cohérence du produit par rapport au portefeuille de marques existant, la stratégie de pricing46 des nouveaux produits, la stratégie de communication associée, et la maîtrise du réseau de distribution. Il s'agit de bien conjuguer les « 4P » du marketing, de façon à ne pas diluer ou dégrader l'image globale de la marque. La maison Montblanc a décidé de reprendre la main sur son réseau de distribution en ouvrant ses propres magasins et se montre de plus en plus drastique dans la sélection de ses revendeurs indépendants. Quant à la communication de ses extensions, elle fait appel à des célébrités du monde des arts et du cinéma qui par leur personnalité renforcent l'identité de la marque.

Illustration 17 : « Le design, c'est créer des objets à l'épreuve du temps. Des objets intemporels de
haute qualité - des valeurs qui riment avec Montblanc. » Marc Newson47.

44 http://www.actionco.fr/Action-Commerciale/Article/Montblanc-veut-feminiser-sa-clientele-18145-1.htm#4IyI3PBut6yktmKh.97

45 http://diversification.insa-rennes.fr/i/

46 Def Pricing = Le terme anglais « pricing » désigne une discipline à part entière qui consiste à définir les prix de vente. « Tarification » est le terme français au sens le plus proche.

47 http://www.montblanc.com/fr-fr/discover/specials/montblanc-m.html

II. Les nouveaux besoins des consommateurs de luxe

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1.1 Changement de valeurs de la société contemporaine

Les acteurs du luxe font face à un environnement économico-financier, socioculturel et technologique de plus en plus complexe qui appelle un certain nombre d'interrogations. Nous avons pu voir précédemment que la crise historique de 2008 était en partie à l'origine de nombreuses mutations dans le secteur du luxe. De nouvelles valeurs sont en vogue depuis 2008 : les notions de futur, de durabilité, de proximité, de sobriété, qui devraient s'ancrer durablement dans l'inconscient collectif.

Nous avons également une nouvelle phase où les codes se transforment, les contextes de consommation varient : l'explosion d'internet, les smartphones, les réseaux sociaux, le e-commerce, l'économie de partage. Une naissance d'une nouvelle clientèle internationale issue en majorité des BRICS, des pays du Moyen Orient et de l'Asie mais aussi par certains clients issus des pays de l'Afrique du Nord. Enfin de nouvelles marques (chinoises, russes, indiennes) qui tentent de concurrencer les marques de luxe françaises.

Un constat qui pousse aujourd'hui les marques de luxe à se repositionner, et à repenser leurs orientations stratégiques. C'est pourquoi nous étudierons les nouvelles habitudes de consommation et les différences générationnelles dans le rapport opposés au luxe qu'elles impliquent. De cette façon, nous répondrons aux quatre principaux enjeux du luxe face aux nouveaux comportements d'achat et à leurs attentes.

Illustration 18 : Les espèces qui survivent ne sont pas les espèces les plus fortes, ni les plus
intelligentes, mais celles qui s'adaptent le mieux au changement. Charles Darwin48.

48 http://www.ladn.eu/nouveaux-usages/etude-marketing/quel-consommateur-en-2020/

49

a) L'hédonisme : la recherche du plaisir

L'industrie du luxe, qui a été créée par les baby-boomers en Europe, rencontre aujourd'hui sa première crise structurelle. Le luxe a été au départ localisé sur un marché très local, celui de l'Europe. Grâce au développement des marchés émergents comme la Chine et le Brésil, le luxe a échappé à la crise. La conquête de la clientèle issue des marchés en pleine croissance compense en partie la baisse de consommation des pays acheteurs traditionnels de luxe impactés par la crise financière en Europe et aux États-Unis. Mais si l'impact économique est moindre aujourd'hui, le ralentissement mondial a eu d'autres répercussions plus inattendues comme celles de changer les habitudes d'achat des consommateurs en général et des clients du luxe en particulier.

Les experts du marché s'accordent pour affirmer que la recherche d'une expérience ostentatoire des années 90 et 2000 est révolue. De nombreux acheteurs reviennent aujourd'hui aux fondamentaux : savoir-faire, artisanat et qualité du produit. Le nouveau consommateur du luxe est moins intéressé par une accumulation de produits révélateurs d'un statut, que par vivre de manière profonde l'instant présent et d'y trouver un plaisir immédiat. Là où l'ostentation se révélait jusque dans l'acte d'achat, à travers la visite de boutiques prestigieuses, l'expérience se vit désormais pour soi. L'accès au produit n'a plus nécessairement besoin de se montrer. Parallèlement, le droit aux loisirs est considéré comme aussi important que le droit au travail et l'individu a tendance à travailler moins pour privilégier une qualité de vie meilleure. Il cultive de plus en plus un style de vie équilibrée qui laisse beaucoup de place aux instants dédiés à la famille et aux amis, les voyages, le déplacement et le sentiment de liberté.

Les professionnels du tourisme l'ont bien compris et ont vu leurs ventes exploser en proposant des week-ends à l'étranger de dernière minute. Alors qu'avant un voyage s'organisait à l'avance, le consommateur d'aujourd'hui n'hésite plus à faire des économies au jour le jour pour s'offrir des séjours improvisés quand l'envie lui en prend. De même, cette tendance a de forts impacts à travers la multiplication des achats impulsifs et la recherche d'émotions sensorielles. Une recherche de plaisir qui englobe maintenant des petits luxes personnels : un thé l'après-midi, une promenade dans le parc à l'heure du déjeuner, un spectacle dans un lieu atypique, une exposition culturelle, de la méditation le matin. Ces nouvelles perspectives ont

50

élargi la définition même du luxe ces dernières années, affirme Gregory J. Forman, le fondateur et président du groupe de conseil Luxury Marketing Council49.

b) L'argent n'est plus une valeur en soi

La société contemporaine est aussi de plus en plus porteuse de valeurs potentiellement critiques pour cet univers qui a longtemps incarné l'argent, l'ostentatoire, et le statut social. L'argent, par exemple, n'est plus une valeur en soi. Ce n'est qu'un outil qui permet d'accéder à la consommation. Selon Ford qui identifie les tendances marquantes de la consommation de 2017 et les années à venir « 68% des adultes disent qu'ils prêtent moins attention à l'aspect matériel des choses et à la possession qu'auparavant »50 Le plaisir réside souvent autant dans le fait d'utiliser que dans celui de posséder. Et lorsqu'il s'agit de consommer des produits haut-de-gamme de nouvelles valeurs sont entrées dans l'inconscient collectif : les notions de futur, de convivialité, d'humanisme, de développement durable, d'éthique.

Illustration 19 : l'éco-conception, cycle de vie des produits.
Le pot est nettoyé puis rechargé de la fragrance51.

On assiste aujourd'hui à une bascule dans les critères d'évaluation des entreprises et des

marques en se fondant plus sur leurs valeurs, leur éthique que sur ce qu'elles produisent globalement. Pour confirmer ces propos, toujours selon Ford « Dans le monde, 67% des adultes pensent que boycotter une marque peut avoir un impact positif et 86% reconnaissent faire plus

49 http://www.rubel-menasche.com/fr/industrie/entreprises/la-definition-du-luxe-pour-le-consommateur-du-xxie-siecle/

50 http://www.strategies.fr/actualites/marques/1053566W/10-tendances-pour-definir-le-consommateur-en-2017-selon-ford.html

51 https://www.lvmh.fr/groupe/engagements/environnement/leco-conception-chez-guerlain/

51

attention à l'éthique des marques lorsqu'ils achètent un produit ou service »52. Puis selon Stéphane Truchi, président du directoire de l'IFOP et du club luxe de l'Adetem, il constate un changement de paradigme depuis une dizaine d'années. « Le schéma porteur pour le luxe où le travail, l'argent, et la consommation sont intimement liés, évolue. Les valeurs à la hausse sont la convivialité, l'échange et les «temps vides». Le riche en tant que consommateur recherche du fonctionnel intelligent, novateur et plus éco-conscient. Les marques de luxes, même si elles se sentent encore peu menacés sur le terrain de l'écologie et le développement durable, devront par conséquent s'y mettre plus que jamais, pour éviter de faire naître la suspicion de plus gros clients. Certaines ont déjà commencé intuitivement, en revalorisant notamment leurs racines et leurs valeurs fondatrices53.

Enfin, le consommateur est en attente d'une relation plus étroite avec la marque, plus horizontale. Il faut qu'elle se positionne dans un mode plus conversationnel, plus proche du consommateur et qu'elle parvienne à l'engager. L'engagement est un élément très important pour susciter le désir des consommateurs. Le luxe s'est astreint, paradoxalement, à devenir plus global.

Illustration 20 : cours de savoir-faire dans l'atelier de joaillerie Van Cleef & Arpels54.

c) La génération Y et le luxe

Le luxe a toujours l'image d'un secteur impénétrable dans lequel la sélection des consommateurs se veut constant et drastique. Certes, le luxe par définition serait sélectif et élitiste et les barrières à l'entrée y seraient plus fortes que dans d'autres domaines. Néanmoins,

52 http://www.strategies.fr/actualites/marques/1053566W/10-tendances-pour-definir-le-consommateur-en-2017-selon-ford.html

53 http://www.ifop.com/media/pressdocument/920-1-document_file.pdf

54 http://www.vancleefarpels.com/eu/fr/la-maison/icons/legends-of-van-cleef---Arpels/lecole-van-cleef-arpels.html

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de nouveaux enjeux et de nouveaux acteurs ont fait leur apparition et ont bouleversé les codes et les caractéristiques de ce secteur. Analysons les caractéristiques clés de comportement d'achat et des nouveaux besoins de la cible « Y » et « Z » devenu un enjeu majeur pour les marques.

La génération Y concerne les personnes nées entre 1980 et 200055. Il s'agit d'une génération sociologique, c'est-à-dire un ensemble de personnes qui ont à peu près le même âge, et ont vécu des expériences et des événements historiques communs qui leur ont conféré une vision du monde et un mode de pensée similaires. Cette génération est également liée par la conscience d'appartenir à un même groupe social et différencié des autres générations. Selon les auteurs du livre « la génération Y et le luxe » cette génération serait un phénomène social interplanétaire. Mais pourquoi avoir choisie le nom génération « Y » ? Certains disent que la lettre Y a été choisie pour succéder au X qui définit la génération X (celle de nos parents), d'autres disent que ce nom vient de la phonétique anglaise de l'expression Y qui signifie « pourquoi » ? Enfin, Selon les auteurs du livre, le Y représenterait la forme des écouteurs branchés à chacune de leurs oreilles, forme un Y sur leur poitrine.

v Les grandes caractéristiques de la génération Y

Demain la génération Y constituera une véritable opportunité pour les marques. Un tiers de la population mondial active sera issue de la Génération Y en 202056. C'est donc un marché qui se dessine pour les entreprises à condition qu'elles s'adaptent à ces nouveaux modes de consommation fortement influencés par les nouvelles technologies. La génération Y, appelée parfois « Digital Natives », vit depuis toujours dans un environnement numérique comme celui des ordinateurs, d'internet, des téléphones mobiles, et connectée aux réseaux sociaux. Quant aux médias plus classiques comme la télévision et la radio, ils sont aujourd'hui jugés « obsolètes ». Les entreprises doivent donc utiliser les nouveaux moyens de communication pour atteindre leur cible. La génération Y ayant grandi au milieu de services et d'applications nomades, rapides et individualistes, accorde une grande importance aux critères d'illimité et de rapidité, c'est la première génération pour qui les nouvelles technologies sont naturelles et vont de soi. Il s'en est suivi de nouveaux usages et de nouvelles habitudes de consommation. Les jeunes de cette génération n'ont pas appris à être patients et ils s'attendent à ce que tout bouge rapidement.

55 http://www.journaldunet.com/management/expert/54153/la-generation-y--une-definition-contextuelle-avant-tout.shtml

56 https://blogs.mediapart.fr/lesaviezvous/blog/260716/quelle-sera-la-proportion-de-generation-y-en-2020

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Un concept du temps caractérisé par l'instantanéité ou l'immédiateté et cela est valable pour tous. Ainsi les cartes de fidélité qui demandent 6 mois avant d'être récompensé de ses achats, ne les intéressent plus, le bénéfice doit être immédiat ! Aussi les « digital natives » sont moins fidèles que la génération précédente, car ils apprécient davantage l'innovation et désirent toujours mieux. Les entreprises doivent donc s'adapter en termes de promotion et de fidélisation.

v La génération Y consomme le luxe

La génération Y consomme le luxe autant que la génération précédente, mais différemment. Moins statutaire que pour la génération X, le luxe devient plus libre, davantage transgressif et personnel. Au-delà des produits, il s'agit d'abord d'un lifestyle, un luxe avant tout immatériel que matériel, il réside dans le privilège de vivre des expériences extraordinaires plus que la possession bête et inutile. Nous sommes clairement dans quelque chose d'intime, un besoin de se sentir valorisé pour se détourner de cette crise.

En vrai expert, la génération y attend d'un produit qu'il soit innovant et qu'il lui facilite la vie, mais aussi qu'il soit personnalisable pour se l'approprier ! En effet, à l'instar de l'industrie automobile ou du mobilier, le phénomène devrait s'étendre notamment à l'habillement, aux loisirs et à l'information comme pour exemple de Nike ou Louis Vuitton. Plus globalement, afin de capter l'attention de la génération Y, la marque de luxe doit s'adapter en proposant une expérience renouvelée et un véritable service autour de son offre, tout en racontant une histoire crédible non seulement sur le produit, mais aussi sur l'entreprise dont le produit est issu. Les Y attendent du luxe qu'il soit à la pointe des combats en matière de développement durable tant sur le plan écologiques, éthiques et sociétale, son activisme en la matière est déjà un élément clé de sa valeur perçue.

Tel un véritable investisseur averti, le client Y cherche un véritable retour sur investissement. Il veut être un « smart shopper » qui sera jugé par ses amis sur son talent à dénicher un produit de qualité. Sa vision iconoclaste à fait exploser les frontières entre le luxe, le premium, et la mode, pour autant les marques ne sont pas sans responsabilité. Une stratégie de « masstige » et une politique généralisée d'offres « ultra prémium » mise en place dans les années 2000 à portée à confusion les différents modèles stratégiques. Ce qui oblige aujourd'hui les marques à se justifier sur sa valeur et à garantir une grande transparence pour contrer la méfiance de ses consommateurs. Par ailleurs, la génération Y est plus sensible au rapport

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qualité-prix et le qualitatif l'emportera sur le quantitatif. Malgré une forte consommation, la génération Y achète peu le luxe à crédit, ainsi 54% affirme avoir économisé pendant quelques mois pour acheter du luxe. D'un tempérament rebelle, cette génération n'a aucunement l'intention d'être la victime consentante de la crise. D'autre part la génération Y achète moins et loue plus, comme le préfigure par exemple le site de location de produit de luxe « SacDeluxe » ou « Collectionist » pour la location de villas de luxe

Illustration 21 : les Locations de Yachts aiguisent l'appétit de la génération Y57.

La génération Y aime l'information en temps réel et veut y contribuer. Elle aime créer le buzz, le « lol » est le lien social de cette génération, elle aime qu'on lui demande son avis et qu'on le prenne en compte. A l'heure d'Instagram, Snapchat ou de YouTube, elle est informée comme jamais et utilise toutes les ressources d'internet. Il suffit de voir l'explosion et le succès des blogs modes, qui commentent, décryptent les marques, leur communication et leurs produits. Prenons l'exemple de Lacoste, qui en 2014, avait fait une opération intéressante baptisée #spotthecroc58. Les utilisateurs devaient trouver des crocodiles cachés dans des vidéos éphémères. Les gagnants bénéficiaient d'un bon de réduction de 20 % sur leur prochain achat. La dimension commerciale et ludique était pertinente car elle parlait à une cible jeune. L'engouement a été total.

En résumé, la génération Y devient le coeur de cible des entreprises et représente un enjeu considérable. Cette génération a bouleversé les modes de consommations traditionnels et ce sont tous les aspects du mix-marketing qui doivent être repensés par les marques pour ne pas rater leur cible. Le produit doit être plus personnalisable avec un souci constant d'inventivité

57 https://www.luxurychartergroup.com/fr/post.php/location-de-yachts-de-luxe-et-generation-y-184/

58 http://madame.lefigaro.fr/style/snapchat-nouveau-terrain-de-jeu-des-marques-de-luxe-071116-117674

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de qualité, d'éthique et d'écologie. Une nouvelle politique de prix s'avère nécessaire pour cette génération, plus sensible au rapport qualité-prix.

Afin de toucher le consommateur « génération Y », la marque doit adopter une stratégie de communication « omnicanal » et créer un rapport intime avec lui, notamment via les réseaux sociaux. Elle doit également lui montrer qu'il joue un rôle important dans la notoriété et l'évolution de la marque. Cette génération complexe, subtile et parfois paradoxale prend elle aussi place à l'écriture des codes très sophistiqués du luxe.

c) La génération Z et le luxe

Malgré les quelques années qui les séparent, la Génération Z est différente de son aînée. La génération Z regroupe toutes les personnes nées après 1995 et avant 2010 qui ont grandi avec les nouvelles technologies et les réseaux sociaux sans avoir connu le monde avant les crises économiques et identitaires que nous connaissons59. Contrairement à la génération Y qui s'est adaptée à la révolution numérique, la génération Z est née dedans. Selon une étude définie par des sociologues, ethnologues et historiens, la génération Z est marquée par deux marqueurs générationnels.

D'une part la rupture technologique, les jeunes de la génération Z n'ayant pas connu un monde sans Internet contrairement à leurs aînés, et toutes les spécificités qui s'y rapportent : les réseaux sociaux, l'économie collaborative ou encore la globalisation de la culture. De l'autre, la situation de crise permanente qui a débuté en septembre 2001 et se poursuit encore récemment, et qui s'étend à d'autres sphères comme le réchauffement climatique, les scandales sanitaires et bien sûr la précarité professionnelle. C'est pour cette raison que l'intérêt d'une telle adaptation est doublement source de nouveaux marchés : en touchant les Z, on touche en réalité à tous ceux qui sont le produit de nos sociétés modernes.

v Les grandes caractéristiques de la génération Z

Le marché des Z est considérable pour les prochaines années : avec 16 millions de Z en France en 2014 (20 millions aux États-Unis, 7millions au Canada), il est en passe de devenir la prochaine source de rentabilité des entreprises qui sauront traiter avec eux60. A ce titre une étude complète de la cible est nécessaire afin de mettre en oeuvre les stratégies adéquates. Pour le

59 http://www.influencia.net/fr/actualites/media-com,luxe,nouveau-luxe-pour-generation,6210.html

60 http://cdn-actus.bnpparibas.com/files/upload/2015/01/20/docs/lagrandeinvazionbnpparibastbpweb.pdf

56

décryptage, on pourra se référer à plusieurs études réalisées par des organismes privés ou public de sondage ou de statistiques. Il conviendra d'établir un profil type, indispensable à l'ajustement des stratégies marketing. Selon une étude faite par Google et l'agence de conseil NellyRodi : la génération Z graviterait autour de 7 valeurs et 5 mots d'ordre.

Nous commençons par le mot : « Now » Instantanéité & Fluidité, s'il y a bien une chose que déteste les jeunes, c'est l'attente. Nés dans une société de consommation et d'information du « tout de suite », il est de plus en plus difficile de saisir leur attention.

« Care » Engagés & Responsables, une valeur qui s'inscrit bien dans le mouvement Slow Made61 qui prône le respect de l'environnement pour la création des produits. Les acteurs du luxe auraient donc une carte à jouer dans la production « éthique » de leurs produits. Certaines marques commencent d'ailleurs à l'assimiler, notamment en ce qui concerne l'utilisation de la fourrure pour les produits de luxe.

« Clan » Echange & Communauté, moins individualistes que leurs grands frères, les génération Z abordent la société de consommation à travers le prisme de l'horizontalité. Le web 2.0 est devenu le terrain d'échanges de ces consommateurs. En donnant leurs avis, ils influent sur la notoriété d'un produit. L'influence des « consom'acteurs » se retrouve également dans leur tendance à exposer leur personnalité sur la toile. En entretenant continuellement et parfois inconsciemment une stratégie de personal branding, les membres de la Génération Z deviennent de véritables vecteurs de communication.

« Show » Exposition & Déconnexion, le personal branding est une discipline qu'ils maîtrisent parfaitement. Ni trop ni pas assez, les codes des médias sociaux n'ont pas de secrets pour eux. Quitte à opter pour la déconnexion lorsqu'elle est nécessaire.

« Trans » Genre & Culture, les frontières culturelles n'ont plus lieu d'être pour cette génération qui refuse de se plier aux carcans qui briment leur identité. 80% des générations Z n'estiment plus que le genre permet d'identifier une personne. Une valeur d'ores et déjà exploitée dans l'univers de la mode, Louis Vuitton ayant fait porter une robe au jeune rappeur Jaiden Smith à l'occasion d'une campagne de communication. Enfin, les cultures de la Génération Z aux quatre coins du monde sont amenées à se mélanger par l'intermédiaire d'internet. En résulte une culture de singularisation sur laquelle les marques de luxe peuvent s'appuyer pour cibler leurs nouveaux clients.

61 https://journalduluxe.fr/luxe-generation-z/

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« Niche » Alternatifs & Singuliers, la globalisation a permis aux cultures de niche de gagner en visibilité et en viralité. En mélangeant les cultures, la Génération Z crée la sienne et affirme ainsi sa singularité.

« Work » Entrepreneurs & Sérieux, 8 jeunes américains sur 10 veulent être leur propre patron. Une statistique qui suffit à caractériser cette population travailleuse, réfléchie et ambitieuse. Une génération qui n'hésitera pas à créer son métier plutôt que d'espérer en trouver un qui réponde à toutes ses attentes !

Et pour finir les valeurs « d'engagement », de « dialogue », « d'audace », de « personnalisation » et « d'efficacité » sont les mots d'ordre de cette génération Z en mouvement permanent62. En effet, cette génération souhaite un véritable échange avec les marques, que cela soit pour participer à la création d'un produit, donner son avis ou participer à un événement organisé par la marque. Dans cette nouvelle ère de l'engagement client, ce qui pourra faire la différence sera une expérience unique avec une personnalisation convaincante de la marque quel que soit l'endroit où le client est.

Illustration 22 : une génération connectée et solidaire ; CoolMatters : sport, technologie et musique ; Logophobie : vers un luxe sans marque63.

v La génération Z consomme le luxe

Nous remarquons que la génération Z consomme le luxe de façon immatérielle en donnant la priorité à l'expérience plutôt qu'à la possession. « Le luxe c'est l'exceptionnel » résument NellyRodi et Google. Un constat illustré par le voyage, désigné en première position

par les français et les américains interrogés comme le luxe qui fait rêver. Cet univers reste

62 http://lareclame.fr/nellyrodi-google-generationz-149356

63 https://www.actu-marketing.fr/actu/%C3%A9tude-google-ce-qui-est-cool-pour-la-g%C3%A9n%C3%A9ration-z/

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néanmoins toujours associé à l'exclusivité pour un jeune sur trois, et à un prix élevé, premier élément qui vient à l'esprit en pensant au luxe. La Génération Z est loin d'être blingbling puisqu'elle considère à 85% que le luxe n'est pas une fin en soi64. L'ostension, le « luxe de papa » est désuet. En effet, les jeunes choisissent des objets statutaires et symboliques comme par exemple les montres et les bijoux et les objets technologiques pour 21% des américains, 14% des français et 12% des japonais plutôt qu'un sac iconiques plébiscité par seulement 11% des français interrogés et 6% des japonais interrogés. Les marques de luxe doivent aujourd'hui avoir conscience qu'aucune d'elles ne fait « rêver » les jeunes, même s'ils affichent chez les femmes une certaine préférence pour la maison Chanel, Dior qui revient le plus, citée à la fois en France, aux États-Unis et au Japon. Pays par pays, Michael Kors et Louis Vuitton plaisent aux américaines tandis que les japonaises adopterait Hermès et Tiffany. Chez les hommes, les réponses varient : Dior, Rolex et Apple en France, Rolex, Gucci et Ferrari aux États-Unis, et Chanel, Hermès et Louis Vuitton au Japon.

v Expérience en boutique physique

Le magasin physique et la place de l'e-commerce ne sont pas boudés par cette génération. Selon la dernière étude US de IBM Institute for Business Value & la National Retail Federation auprès de 15 000 Génération Z, « 67 % de la Génération Z fait souvent ses achats en boutique et 31 % de temps en temps. 98% des membres de la Génération Z préfèreraient réaliser leurs achats en boutique plutôt qu'en ligne, mais exigerait des interactions hautement personnalisées. 76% d'entre eux ont toutefois déclaré réaliser leurs achats sur internet et 48% via les applications mobiles. ». L'achat en magasin est privilégié pour l'essayage, première raison citée par le panel, et pour sa praticité selon 25% des français et des américains. En revanche, le personnel de vente souffre d'une perte de crédibilité : seulement 18% des français attendent des conseils de la part d'un vendeur, un chiffre qui descend à 11,3% au Japon et 8% aux États-Unis65. Une étude complémentaire d'IBM sur l'expérience client en magasins révèle que seulement 19% des commerçants sont en mesure de fournir une expérience d'achat numérique personnalisée. Par exemple, seules 17% des marques peuvent fournir des informations sur les stocks disponibles aux clients en temps réel, et 84% d'entre elles n'offrent pas de services mobiles en magasin.

64 https://journalduluxe.fr/luxe-generation-z/

65 http://www.generationy20.com/boutique-avenir-generation-z

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Les autres résultats obtenus montrent que 26 % de la génération Z désire des magasins physiques avec des parcours shopping personnalisés en fonction de leurs habitudes et leurs préférences et le tout baigné avec la technologie comme par exemple des tablettes tactiles, des bornes interactives, du réseaux Wi-Fi offert, des cabines d'essayage connecté ,des scanner « QR » codes attaché aux vêtements, des murs d'écrans vitrines, voire des dispositifs de projection avec lesquels il est possible de créer des expériences clients uniques, sensorielles et émotives. La digitalisation du parcours d'achat peut être associés à des systèmes de CMS magasin qui peuvent servir à piloter les écrans de TV connectés et gérer leur contenu, notamment émotif. Ces nouvelles solutions technologiques doivent permettre de ré enchanter l'acte d'achat en magasin et de fidéliser les consommateurs. D'un point de vue économique et financier, les vendeurs gagnent en productivité et en crédibilité. Certaines marques de luxe ont déjà compris ces enjeux et déploient une stratégie digitale qui booste leur efficacité commerciale.

Illustration 23 : le digital et la mobilité ont imposé l'omnicanal en boutique66.

v Phénomène du e-commerce

Quant au phénomène du e-commerce, les pourcentages sont en croissance constante et ne cessent d'augmenter d'année en année. Il suscite d'ailleurs beaucoup de questionnements et de bouleversements pour les marques de luxe. Selon l'institut BI Intelligence : la génération Z est celle qui accorde la plus grosse part de son budget aux achats en ligne, bien devant la génération Y et encore plus loin devant les autres générations. Les membres de cette toute jeune génération, âgés de 16 à 24 ans, dépenseraient ainsi 8,75% de leur budget sur internet, contre

66 http://www.entreprendre.fr/e-commerce-omnicanal

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5,33% pour la génération Y et 3,85 pour la génération X67. Selon cet institut, cette cible doit constituer la nouvelle cible privilégiée des marketeurs puisque, avec l'âge avançant et le revenu augmentant, elle risque fort de devenir une cible capitale.

Sur la toile, la génération Z privilégie l'instantanéité, l'adoption immédiate des nouvelles technologies. Elle est exigeante, volatile et impatiente. Elle exige des temps d'affichage rapides, des catalogues produits exhaustifs, une navigation fluide, un moteur de recherche performant, un « shopping expérience » autant d'éléments déterminants le site e-commerce d'une marque de luxe. Pour preuve, la tolérance moyenne pour l'affichage d'une page web était de huit secondes en l'an 2000. Elle est maintenant de moins d'une seconde. Le réel challenge aujourd'hui pour les marques de luxe est de s'orienter vers des applicatifs qui consomment le moins de puissance informatique possible. Les phénomènes de 3D, de réalité augmentée ou de technologies sans contact font partie de ces nouveaux applicatifs qui permettent de superposer des éléments virtuels aux éléments réels, et ce de manière simple et intuitive.

Dans le même temps, l'on constate une autre particularité, la génération Z est véritablement accro à son mobile comme le constate une étude scientifique parue en 2014 par Ahn et Jun : 80% des jeunes américains âgés de 15 à 18 ans reconnaissent être accros à leur smartphone en le consultant plus de 150 fois par jour, contre 65% des Y (25-35 ans)68. En France, les chiffres sont aussi élevés : 78% des moins de 25 ans (contre 42% des Français) se considèrent comme accros à leur téléphone mobile (IFOP, février 2014). Des signaux faibles qui ne trompent pas, dès qu'elle le peut, c'est sûr, cette génération fait son shopping avec leur smartphone. Elle fait d'ailleurs très attention aux critiques présentes sur des plateformes telles que Tripadvisor, Facebook, Instagram, les blogs et autres forums d'échanges avant de passer à l'acte d'achat. La Génération Z est prête à toutes les expériences à partir du moment où l'achat est facilité, c'est avant tout une communauté pragmatique, qui accepte les nouveaux moyens de paiement sans défiance.

En résumé, la génération Z répond à des particularités spécifiques, entre aspirations contradictoires, personnalités nouvelles reflétant une nouvelle société de consommation et moyen de communication digitaux et continue. Les marques ont donc tout intérêt à prendre en

67 https://www.airofmelty.fr/e-commerce-la-generation-z-depense-la-plus-grosse-part-de-son-budget-en-ligne-une-cible-a-privilegier-a336058.html

68 http://www.influencia.net/fr/actualites/design-lab,conversation,nomophobie-mal-generation-accro-smartphone,6705.html

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compte les spécificités de cette génération dans leur stratégie de communication pour toucher au mieux cette cible. Témoigner de son engagement, se mettre sur un pied d'égalité avec les clients, oser une approche radicale et différente du marketing traditionnel, s'orientant vers un marketing davantage numérique et personnaliser son offre sont autant de pistes à explorer pour séduire cette nouvelle génération de consommateurs.

2.1 Les quatre principaux enjeux du luxe face au nouveau comportement d'achat

Après les années de démocratisation, puis de globalisation, l'industrie du luxe qui a étendu son influence et gagné de nouvelles clientèles doit aujourd'hui envisager de nouveaux leviers de croissance et de développement. Les marques doivent ainsi s'adapter à l'évolution des attentes d'une clientèle toujours plus exigeante et à la recherche de nouvelles expériences, en adaptant notamment leur stratégie de communication pour attirer de nouvelles cibles générationnelles mais surtout, mieux fidéliser et engager leur client. Cette problématique d'engagement est aujourd'hui l'une des clés de la réussite d'une stratégie de fidélisation pour une marque de luxe. Pour générer et renforcer cet engagement, les marques doivent innover sur quatre éléments forts. Les marques doivent investir sur les canaux digitaux et les sites d'e-commerce, nouvelles sources de relais, sont aujourd'hui leur priorité.

a) Développement du e-commerce

Selon une étude publiée par le cabinet McKinsey et la fondation Altagamma qui réunit les grands noms du luxe italien. Le e-commerce de luxe (vêtements, joaillerie, horlogerie) a représenté un marché de « 14 milliards d'euros l'année dernière, contre 9 milliards en 2013 et 4 milliards en 2009 ». Toujours Selon l'étude faite par McKinsey et Altagamma, ils estiment que la part du e-commerce dans les ventes totales de luxe va doubler au cours des cinq prochaines années, pour passer de 6 à 12% en 2020. « Et d'ici 2025, elle triplera pour atteindre 18% et 70 milliards, faisant du e-commerce le troisième grand marché mondial du luxe après la Chine et les Etats-Unis », selon l'étude.

Les acteurs du luxe qui étaient auparavant très prudents concernant le e-commerce, internet et le numérique, cèdent donc discrètement aux sirènes de la vente en ligne. Le digital était globalement perçu comme une perte de contrôle sur l'image des marques, et le e-commerce étant considéré comme une menace à cause de plateformes web qui favorisaient le

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développement de la contrefaçon, ou encore des moyens de paiements et des données privées des utilisateurs (vol de données bancaires ou d'informations personnelles) qui n'étaient pas sécurisés. Par la suite, le commerce en ligne s'est démocratisé et est devenu beaucoup plus sûr en termes de confidentialité des données et de la sécurisation des transactions (Paybal,etc). Le digital est devenu aussi synonyme d'une profonde mutation du "business model" du luxe car vendre en ligne n'est pas simple et demande une répartition des produits entre les différents canaux de distribution, gestion des stocks, logistique de livraison. De ce constat, le secteur du luxe tente de rattraper son retard dans le commerce en ligne, canal devenu crucial pour capter davantage de croissance et appréhender une clientèle de plus en plus jeune, volatile et connectée. Pris de vitesse par la rapidité avec laquelle évoluent les nouveaux consommateurs du luxe, les groupes n'ont pas d'autre choix que de s'engager de façon plus volontariste dans le digital, au prix d'importants changements dans leur culture d'entreprise.

A cet égard, Hermès fut en 2001, la première marque de luxe à ouvrir un site de vente en ligne en démarrant avec de la soie et des parfums69. Cela présentait un double intérêt pour la marque : attirer une cible qui n'osait pas pousser la porte du magasin et proposer des articles qui ne nécessitaient pas d'essayage, pour ensuite élargir sa palette de produits. Aujourd'hui, la séparation entre boutiques et magasins en ligne est un concept du passé. Comme précise Thierry Outin directeur du groupe en Suisse « Nous cherchons à passer de la vente multicanale à la vente omnicanal, qui est la convergence entre le magasin et le web ». Hermès a mené l'expérience du « click and collect », qui a particulièrement bien fonctionné en Suisse, où le taux est le double de la moyenne européenne. « Quand le client vient chercher le colis, il est plus rassuré que s'il le reçoit par la poste. Le tout est d'anticiper les besoins du client qui vient chercher ce colis au magasin, et d'enrichir cette expérience. ». De surcroît, le n°1 mondial du luxe s'apprête à miser sur la stratégie du digital. Le groupe LVMH est en train de finaliser un important projet de plate-forme de e-commerce qui devrait accueillir les multiples marques du groupe de luxe et voir le jour d'ici à l'été 2017, ont déclaré à Reuters des sources proches du dossier70. Pour renforcer ses projets le groupe LVMH vient d'ailleurs de faire appel à l'expérience de Kelly McCarthy qui oeuvrait depuis 2014 en tant que directrice senior de la

69 http://france.hermes.com/la-maison-des-carres/echarpe-cachemire-jumping-100-cachemire-70x200cm-98872.html 70 http://www.capital.fr/bourse/actualites/bientot-une-plate-forme-de-e-commerce-dans-le-luxe-griffee-lvmh-1212741

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stratégie numérique mondiale et des partenariats chez Nike. L'expérience de l'américaine permettra à LVMH de germer de nouveaux projets innovants et de s'émanciper sur la toile71.

Aux Etats-Unis, le site de e-commerce de Sephora est le plus actif en termes de ventes en ligne dans un secteur (la cosmétique) de plus en plus digitalisé, est devenu le premier magasin de la chaîne. Selon le directeur général délégué du groupe Antonio Belloni : « les ventes en ligne de LVMH ont totalisé 2 milliards d'euros en 2016 (soit 5% du chiffre d'affaires) » ; McKinsey et Altagamma soulignent également que : « plus une marque propose des produits chers, moins il lui sera facile de les vendre en ligne : Chanel, Cartier ou Dior par exemple ne réalisent que 3,9% de leurs ventes en ligne, alors que Burberry enregistre un taux de 7,5% et que Michael Kors ou encore Longchamp atteignent une moyenne 8,5%. Dans la même logique, les performances sur internet varient aussi selon la typologie de produits : les cosmétiques et le prêt-à-porter peuvent représenter 7,2% des ventes sur internet, mais les montres et les bijoux n'atteindront que 4,1% »72. A l'heure où la croissance du secteur se "normalise" après des années explosives et où les réseaux des magasins des grandes griffes ont atteint leur maturité, l'accélération du e-commerce constitue une nécessité absolue pour l'industrie qui a tardivement pris le chemin du digital.

Illustration 24 : LVMH futur concurrent de Net-A-Porter73.

71 https://journalduluxe.fr/lvmh-strategie-digitale-kelly-mccarthy/

72 http://www.leparisien.fr/laparisienne/mode/les-ventes-en-ligne-de-produits-de-luxe-devraient-doubler-d-ici-2020-17-07-2015-4951977.php

73 https://journalduluxe.fr/lvmh-site-e-commerce/

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b) Développer des partenariats

Le secteur du luxe doit continuellement être fédérateur concernant la valeur stratégique de la marque, à l'égal des savoir-faire d'excellence et de créativité. Cette valeur stratégique est essentielle, elle peut prendre effet par le partenariat sur lequel le secteur du luxe est insuffisamment impliqué. Ce qui fait la réussite d'un partenariat c'est l'innovation du projet et le partage de valeurs qui déterminent le succès. C'est aussi ce qui fait toute la difficulté : savoir trouver un équilibre dans les échanges et dans les associations. Nous pouvons évoquer comme exemple le partenariat marketing par le « co-branding » qui associe deux acteurs, deux marques, de deux secteurs différents dont l'objectif est de pénétrer de nouveaux marchés, de conquérir une nouvelle clientèle ou créer des animations de communauté de fidèles ou encore de (re) dorer son blason. Ce partenariat doit créer de la valeur et renforcer positivement l'image de la marque. Toucher de près ou de loin aux valeurs de la marque en l'associant à une autre n'est pas sans études en amont. Des questions stratégiques doivent se poser pour ne pas dégrader l'image de marque originelle en termes de dimension temporelle, de segmentation marketing, d'objectifs de communication, de choix du modèle de partenariat, d'organisation des opérations promotionnelles, de distribution (collections limitées, points de vente, etc.), de relation client ainsi que de retour d'expérience74.

Nous pouvons prendre le cas de la relation entre l'automobile et le luxe (haute couture généralement) qui a toujours bien fonctionné. C'est en 1956 que le co-branding fait son apparition dans ce secteur entre Renault qui s'était associé au joaillier Van Cleef & Arpels pour le design du tableau de bord de la Dauphine Ondine. Puis des collaborations ont vu le jour et le phénomène s'est intensifié ces dernières années. Dans ce secteur où le consommateur est devenu de plus en plus exigeant et difficile à séduire, le co-branding permet de vendre davantage, à l'image de l'alliance il y a quelques années entre Fiat 500 & Gucci qui a permis au constructeur automobile de prendre un positionnement plus luxueux en se référant à la mode italienne. Une belle réussite stratégique qui permet également à Gucci de donner des gages à ses clients sur le positionnement « sportwear » et à Fiat de contribuer à diversifier son activité en lien avec une image haut de gamme.

Autre réussite pour la marque automobile avec cette fois-ci le parfumeur Guerlain et la Fiat 500 la petite robe noire produit en série limitée à 250 exemplaires. Cette collaboration créative employée périodiquement a permis de séduire la gente féminine et de positionner la

74 http://www.cegid.com/fr/blog/luxe-de-lexcellence-produit-a-lexcellence-de-relation-client/

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Fiat 500 en accessoire mode des fashionistas. Les marques de luxe invitent parfois les constructeurs à co-créer leurs produits. Prenons par exemple Vertu, qui, après un premier partenariat en or et rouge avec Ferrari, s'est associé à Bentley pour le design d'une série limitée de smartphones. Dernièrement, c'est la maison de luxe Louis Vuitton qui a collaboré avec BMW pour le lancement de bagages à mains parfaitement adaptés aux dimensions de la BMW 18.

Illustration 25 : la maison Guerlain et l'équipementier Le Coq Sportif ont réuni leurs talents pour créer Black Perfecto, une déclinaison de la Petite Robe Noire75.

Une autre stratégie adoptée par les marques de luxe est d'établir un partenariat avec les acteurs incontournables de la distribution de produits de luxe, sur lesquels elles peuvent s'appuyer pour relayer une partie de leurs collections. Le but n'est pas d'abandonner la stratégie unique du « stand-alone store », boutique en propre, à laquelle s'accrochent certains dirigeants dans un souci de contrôle absolu. Ce modèle de distribution permet de diversifier sa distribution en conservant plus ou moins une certaine indépendance mais point important, elle permet aussi de tester de nouveaux territoires, pour pénétrer des marchés plus complexes. Selon la stratégique et le secteur d'activité de la marque, les choix de distribution sont multiples pour établir un partenariat profitable. Des corners indépendants comme (Harrods, Galeries Lafayette), en passant par la collaboration avec un « wholesaler ». C'est ainsi que certaines marques comme Berluti choisissent de s'appuyer sur des « wholesalers » de luxe (Neiman Marcus et Berdgorf Goodman) pour s'étendre sur le marché américain et répondre à des habitudes de consommation spécifiques76.

75 http://newpubmarketing.over-blog.fr/2017/05/co-branding-le-coq-sportif-et-guerlain-black-perfecto.html

76 http://www.businessinsider.fr/us/the-difference-between-neiman-marcus-and-bergdorf-goodman-2015-8/

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Comme nous l'avons identifié dans la stratégie de e-commerce, les marques de luxe doivent prendre le virage du digital. Des partenariats permettent également de tester de nouveaux canaux de distribution, comme celle de la vente online. Nous pouvons prendre le cas de Dior vient d'achever sa collaboration avec le grand magasin newyorkais Bergdorf Goodman. La Maison de luxe a présenté en exclusivité 14 modèles de souliers de la collection `croisière' 2016 qui ont été vendus en exclusivité auprès du site internet du distributeur. Dior, qui n'avait jusqu'alors jamais vendu de chaussure « on line », que ce soit directement, ou même par le biais d'intermédiaires sélectionnés, a pu donc effectuer un test. La limitation dans le temps de l'opération avait pour but d'accroitre la désirabilité de cette collection et de booster les ventes du site internet Bergdorf Goodman pendant la période de Noël. Afin de promouvoir cette collaboration, les marques ont réalisé une vidéo avec la participation de It girls. Des bandeaux publicitaires ont aussi été diffusés sur le site du magazine `The Cut'.

c) Constituer une communauté engagée sur les réseaux sociaux

L'industrie du luxe a bien compris que pour engager une communauté, il était nécessaire d'investir dans les réseaux sociaux. Aujourd'hui, on recense une population de 3,025 milliards d'internautes, 2,060 milliards d'individus actifs sur les réseaux sociaux, soit 68% des internautes et 28% de la population mondiale77. On comprend bien que ce mode de communication ne peut plus être exclu des stratégies marketing. De ce fait, la transformation digitale se poursuit chez les marques de luxe, on constate que 99% des maisons de luxe ont un site internet de marque, 97% des marques de luxe sont inscrites sur au moins un réseau social et 88% des maisons de luxe possèdent une application mobile. Quant à l'investissement 54% des marques de luxes allouent plus de 30% de leur budget marketing au digital, et 70% prévoient d'augmenter ce poste de dépenses de manière significative.

Le réseau social le plus utilisé par les marques de luxe est Instagram suivi ensuite de Facebook, Twitter, Google +, Snapchat et Pinterest. Les marques de luxe les plus actives sur ses réseaux sociaux sont Burberry, Chanel, Louis Vuitton et hermès78 ; les plus populaires en 2017 sont Chanel, Louis Vuitton, Christian Siriano et Puma du groupe Kering79. Chaque maison calibre sa politique de réseau social en fonction de son identité et adapte son discours

77 http://www.bridge-communication.com/2016/03/07/reseaux-sociaux-quelle-est-votre-plateforme/

78 http://digitaluxury.fr/wp-content/uploads/2013/01/Digitaluxury-Trend-Report-Infographie.pdf 79 http://www.puretrend.com/article/les-10-marques-les-plus-populaires-sur-les-reseaux-sociaux-en-2017_a183604/1

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aux différents réseaux sociaux. Chaque contenu doit être complémentaire, et c'est bien là toute la complexité d'une relation client digitale.

Il faut bien comprendre que les marques de luxes ne sont pas là seulement pour montrer leur connectivité mais cherchent à explorer de nouveaux territoires pour communiquer directement avec les clients, et leur donner une sensation de proximité. Les réseaux sociaux challengent les marques de luxe à interagir avec leur communauté à l'image de ce qu'a fait Burberry en retransmettant pour la première fois son défilé « Burberry Prorsum » en direct et en 3D sur son site, sur Facebook, Twitter et YouTube et lors de projections privées organisées simultanément à Paris, Tokyo, Dubaï, Los Angeles et New York : jamais un défilé de mode n'avait bénéficié d'une telle visibilité. C'était en 2011, il était d'ailleurs possible de commander les vêtements directement à partir du défilé, livrables en sept semaines80.

De plus, le digital pousse aussi le luxe dans une direction d'ouverture et de créativité, comme la marque Jimmy Choo qui a l'occasion du lancement de la première collection de tennis a organisé une chasse au trésor dans les rues de Londres. Grâce au réseau de géolocalisation Foursquare, les paires de tennis pouvaient être localisées, les lieux choisis comme le Ritz par exemple, était en cohérence avec l'image de la marque. La première personne à se rendre sur place gagnait la paire de chaussures. 4000 personnes ont participé en moins de trois semaines. Les informations étaient relayées sur les réseaux sociaux par des bloggeurs avant d'être reprise par les médias. Enfin, les réseaux sociaux permettent également de créer et mesurer l'engagement des internautes vis-à-vis des marques de luxe, en facilitant le dialogue et l'échange via les différents contenus proposés notamment par la possibilité de suivre les marques en s'abonnant, en dialoguant, en recommandant les contenus et les informations qui leurs sont proposés ou par une plus grande proximité en découvrant le quotidien des grandes maisons.

Tel est le cas d'Olivier Rousteing, directeur artistique de Balmain qui publie régulièrement sur Instagram des photos prises dans les coulisses des défilés. Une parfaite adéquation avec une stratégie de « See now, buy now » comme le souligne l'intéressé 81. En effet, un nouveau dispositif permet aux utilisateurs d'acheter plus facilement. Désormais, un bouton est placé dans le coin inférieur gauche de l'application Instagram, permettant aux utilisateurs d'en savoir plus sur les produits, leur composition et de leur prix. Ils peuvent par la

80 http://comdeluxe.fr/le-marketing-digital-selon-burberry/

81 https://journalduluxe.fr/classement-marque-luxe-instagram/

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suite être redirigés sur le site de la marque par le biais du bouton « acheter maintenant ». Avec le développement de cette nouvelle fonctionnalité, les marques de luxe sont en mesure d'accroître leurs ventes. Les réseaux sociaux comme Instagram ne sont plus seulement une plateforme de visibilité mais un véritable pilier dans la stratégie commerciale des marques de luxe. L'enjeux de la digitalisation du marché du luxe a donc de belles perspectives d'évolution et représente de bonnes opportunités de développement pour des marques de luxe en contact constant avec l'international.

Illustration 26 : luxe et réseaux sociaux : Burberry sur Snapchat depuis 201582.

d) Le défi du développement durable (RSE)

Face à des valeurs de durabilité fortement ancrées dans la consommation, les marques de luxes ont dû prendre de nouvelles décisions stratégiques. Le développement durable est devenu un facteur essentiel, l'industrie du luxe témoigne d'une vraie prise de conscience sur l'obligation d'agir pour l'avenir de la planète, accélérée par la loi sur les nouvelles régulations économiques, votée en 2001, qui oblige les entreprises cotées en Bourse à publier un rapport de développement durable83. Par ailleurs, c'est aussi une convergence d'intérêts qui participe à valoriser l'image de l'entreprise, à construire sa réputation, et les entreprises qui s'engagent dans cette voie réussissent mieux que les autres à attirer les meilleurs talents, les investisseurs, les partenaires et les consommateurs. C'est aussi une prise de conscience des organisations pour pérenniser les activités actuelles et ouvrir de nouvelles opportunités économiques différenciante. Selon le dernier rapport Global Corporate Sustainability 2015 de Nielsen, « les marques qui mettent la responsabilité sociétale des entreprises (RSE) au coeur de leurs activités

82 https://siecledigital.fr/2015/05/04/luxe-reseaux-sociaux-burberry-snapchat/

83 http://www.portail-rse.fr/actualite-rse/formation-developpement-durable-entreprise/reporting-rse-obligatoire-pour-les-entreprises-le-grenelle-2-entre-en-vigueur-38.html

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connaissent un développement de leur chiffre d'affaires de +4% contre moins de +1% pour les autres marques »84.

Par nécessité ou obligation, un grand nombre d'entre elles se sont donc lancé vers la « croissance verte », solution à beaucoup de problèmes. En effet, face à la mobilisation active de la population et une réorientation des intérêts des dirigeants politiques sur la question de la sauvegarde de la planète pour les générations futures, ne cesse d'influencer la place de l'entreprise dans les stratégies de développement durable. Mise en avant du respect des ressources locales, préservation du savoir-faire, délocalisation responsable, meilleure utilisation des matériaux naturels sont autant de défis urgents pour les grands groupes du luxe. Toujours Selon cette étude, Nielsen a interrogé 30 000 internautes dans 60 pays sur les critères intervenant dans leurs décisions d'achat. « 66% des consommateurs dans le monde se déclarent prêts à payer plus cher pour des produits issus d'entreprises engagées dans le développement durable (contre 55% en 2014). Une attente particulièrement forte au sein de la génération Y (21-34 ans) d'où ce pourcentage atteint » ; « Pour un nombre croissant de consommateurs dans les pays développés, l'engagement durable est plus qu'une valeur ajoutée, c'est un réel impératif » ; « Le développement durable est une préoccupation mondiale qui continue à prendre de l'ampleur, surtout dans les pays où l'augmentation de la population ajoute une pression supplémentaire sur l'environnement »85 Ces consommateurs attendent des entreprises qu'elles se montrent pionnières en matière de durabilité puis qu'elles reviennent à des pratiques commerciales durables inhérentes aux principes fondamentaux du luxe, valorisant par exemple l'artisanat et la qualité. Ces attentes ne concernent pas uniquement les catégories les plus favorisées des pays développés. Les consommateurs sont bien prêts à payer plus pour rester fidèles à leurs valeurs, quels que soient leurs revenus.

Les entreprises doivent ainsi privilégier la responsabilité sociétale des entreprises, afin de donner de la valeur à leur image de marque et pouvoir être à la hauteur des défis imposés. Par exemple le groupe Kering met à la disposition des marques du groupe des matières premières responsables à intégrer dans leurs collections. Une bibliothèque de tissus et de fibres alternatifs a ainsi été élaborée : elle contient actuellement plus de 2000 tissus, la mise au point d'un procédé innovant de tannage du cuir sans métaux pour réduire la consommation d'eau et

84 http://www.nielsen.com/fr/fr/insights/reports/2015/la-rse--un-avantage-competitif-pour-les-marques-de-grande-consom.html

85 http://www.nielsen.com/fr/fr/insights/reports/2015/la-rse--un-avantage-competitif-pour-les-marques-de-grande-consom.html

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d'énergie, une évaluation des fournisseurs clés au moins une fois tous les deux ans, notamment pour veiller à l'application des principes du code d'éthique du groupe.

Illustrations 27 : actions du groupe Kering sur les émissions de CO2, réduction des déchets, une bibliothèque de 2000 tissus et de fibres alternatifs, une évaluation des fournisseurs clés, l'élimination du PVC dans l'ensemble des collections et des produits chimiques dangereux86.

III. Luxe et sport : nouvelle stratégie

Dans la deuxième partie de ce mémoire, nous étudierons les nouveaux besoins des consommateurs de la société contemporaine, nous permettant de définir les nouveaux défis qui émerges - démocratisation des produits de luxe suite à l'émergence de classes moyennes dans les pays émergents - nouveaux canaux de distribution et vente de produits par le biais d'internet - développement des partenariats / Co-branding - constituer une communauté engagée sur les réseaux sociaux - séduire une nouvelle génération d'actifs plus intéressée par un mode de vie « life style » que des produits logotés - le défi du développement durable (RSE). Face à cette compétition exacerbée que se livrent les acteurs du luxe et face à l'infidélité de cette nouvelle génération qui suit une mode en perpétuel changement, toutes ces marques cherchent à se démarquer encore plus afin de répondre aux nouveaux besoins.

Les grands groupes de luxe sont continuellement obligés de renforcer leur potentiel de croissance soit en diversifiant leur portefeuille d'activités par l'acquisition de nouvelles marques ou par la collaboration dans le cadre d'un cobranding. Ces stratégies ont pour but d'enrichir ou d'élargir les produits des activités existantes, d'améliorer son positionnement en se bâtissant une réputation sur le marché, et d'aider à conquérir et fidéliser une clientèle en

86 https://www.sciencesetavenir.fr/nature-environnement/luxe-kering-ambitionne-de-reduire-de-50-ses-emissions-de-co2-d-ici-2025_110055

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insufflant au consommateur la confiance dans les biens et services qu'elle fournit. De ce fait, l'industrie du sport peut être un virage stratégique pour les groupes de luxe et simultanément répondre aux défis de demain. Il faut comprendre que le luxe et le sport ont la même chaine de valeur, le même segment de l'habillement et de l'accessoire. Et quand vous regardez ces deux segments, ils sont basés sur les mêmes données macroéconomiques. Quand les gens commencent à disposer de temps et d'argent, ils se font plaisir et commencent à désirer à jouer au golf, jouer au tennis, faire du yoga, veulent s'habiller pour sortir le soir, veulent se faire plaisir, veulent se faire des cadeaux. L'industrie du sport a une réelle base commune de ressources et de compétences clés et un fort pouvoir d'influence sur les communautés de fans et de passionnés que les marques de luxe d'ailleurs jalousent. Nous verrons dans cette troisième partie comment les marques de sport ont réussi à développer une stratégie gagnante et comment le luxe envisage de prendre ce même visage.

1.1 Le sport, un marché en pleine croissance

Si le sport est reconnu pour ses vertus en termes de développement personnel (dépassement de soi, contrôle de soi, respect) et vecteur de partage de valeurs universelles (partage, solidarité, cohésion sociale), il se révèle également être un puissant moteur économique, créateur de richesses et d'emplois. Avec près de 1 200 Mds€, le secteur du sport génère près de 2% du PIB mondial, ce qui, à titre d'exemple, le place en position intermédiaire entre des secteurs économiques tels que ceux de la culture (3% du PIB mondial) et du luxe (1,6%)87. Au vu de sa relative résistance aux chocs conjoncturels et des externalités qu'il engendre, le sport est régulièrement présenté par l'OCDE comme une nouvelle source de croissance. Le sport est aujourd'hui devenu bien plus qu'une simple activité physique. C'est devenu un concept, qui s'est installé dans de nombreux secteurs.

Le premier secteur qui m'a particulièrement intéressé est l'habillement puisque c'est dans le segment « sportwear » que les groupes de luxe souhaitent investir. Le luxe voit dans ce nouveau mode vestimentaire la possibilité d'avoir une image plus cool, touchant un public plus large, plus jeune et plus international. Le sportswear est un bon moyen de donner un peu de souplesse et de sortir d'un côté trop traditionnel. Aujourd'hui, on évalue à seulement 33% la part des achats de chaussures destinées à un usage strictement sportif. A tel point que la pratique

87 http://admin.tousprets.sports.gouv.fr/sites/default/files/atoms/files/tricolore_economiqu_fev2016_bd.pdf

devient plus rare que l'usage des signes de sportivité. Le marché de la distribution d'articles de sport a généré en France 10 milliards d'euros de chiffre d'affaires en 2014, avec une dépense moyenne des français de 253€ chaque année pour leur équipement sportif. Quant à son marché global, il a atteint 37 milliards d'euros en 2016, soit près de 2 % du produit intérieur brut (PIB) national88.

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Illustrations 28 : collections capsules, des produits en édition limitée. Une logique de toucher des
micromarchés à fort pouvoir de prescriptions, mais également assurant un excellent retour RP89.

Le sport est devenu donc un enjeu économique de taille et c'est le segment de la femme qui tire la croissance vers le haut, avec une augmentation annuelle de 5 % en volume, selon NPD Sport Tracking Europe90. Désormais selon l'Ipsos, près de 80 % des femmes pratiquent un sport, la marche figure en tête des pratiques (44 %), suivie du fitness et du sport en salle (30 %), devant le running (21 %). La danse, la zumba et le yoga sont aussi au programme, un peu moins les sports de combat (2 %). Cette montée en puissance de la gente féminine intéresse au plus haut point les marques qui en font aujourd'hui sa cible principale. Cette accélération s'est faite depuis trois ans, notamment chez les moins de 30 ans qui adoptent un mode de vie « lifestyle » ; génération « Y » étudié dans le chapitre précédent.

a) Sportives coeur de cible des marques

Pour mieux répondre à leurs attentes, les femmes sont désormais chouchoutées par les marques de sport qui voient en ce segment un véritable relais de croissance. Pour les séduire, plus question de cosmétique : désormais, il faut conjuguer technicité, mode et performance, et

88 https://www.lesechos.fr/19/09/2014/LesEchos/21775-083-ECH_le-sport-pese-35-milliards-d-euros-en-france.htm

89 https://blog.emakina.fr/2012/01/03/les-collaborations-vers-plus-de-marketing-communautaire/#.WWQJ0ojyjDc

90 http://www.e-marketing.fr/Marketing-Magazine/Article/Quand-le-sport-se-fait-glamour-17099-1.htm#ydRyoWziw5Ymy0Oh.97

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sur cet aspect, les marques de sport ne manquent pas d'innover. Elles se lancent tous azimuts dans la création de gammes féminines : lignes de raquettes, skis, vélos, surf wear et tenues de golf. Tout se décline au féminin. Dans le textile également, dès les années 2000, les créateurs s'inscrivent dans une double culture, entre l'héritage de la maison pour laquelle ils travaillent et leur culture urbaine. Les créateurs de grandes maisons de luxe sont sollicités par les griffes sportswear, à l'image de Riccardo Tisci et Olivier Rousteing (Balmain) pour Nike, ou de Stella McCartney, Rick Owens et Alexander Wang pour Adidas. En effet, c'est Stella McCartney pour Adidas qui porte le nouveau concept de la marque : le prêt-à-sporter91. Des tenues et accessoires de sport haute performance pour femme conçue pour des sportives fashionistas. Sa ligne de vêtement est distribuée dans vingt-cinq points de vente sélectifs et reste 30 % plus cher que les autres articles. Depuis son lancement, la part de marché du textile femme pour Adidas a augmenté de 40 %, ce qui a prolongé le contrat de la créatrice pour 10 ans92. Une autre marque à avoir adopté cette stratégie de partenariat est la marque Puma, filiale du groupe Kering, qui s'est associé avec Alexander McQueen et Christy Turlington pour développer des collections où les matières et les détails en font de véritables produits hybrides, à la croisée du sport et de l'Urban wear. Enfin, Lacoste qui s'est allié avec le designer Cristophe Lemaire, venu de chez Thierry Mugler, pour lancer une collection tennis preppy pop.

Illustration 29 : Un blason signé « OR », pour Olivier Rousteing : la collaboration du directeur93.

91 http://www.sportetstyle.fr/mode/breve/pourquoi-les-marques-de-sport-s-arrachent-les-top-modeles/3504

92 http://www.e-marketing.fr/Marketing-Magazine/Article/Quand-le-sport-se-fait-glamour-17099-1.htm#IOZITDJxiGIV6wuB.97

93 http://www.vogue.fr/vogue-hommes/mode/diaporama/olivier-rousteing-nike-collaboration-nikelab/34198

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Illustrations 30 : Adidas by Stella McCartney, créatrice secteur du luxe et sport94.

Concernant les maisons de haute couture, rares sont celles qui n'ont pas investi le marché : Chanel, Armani, Versace, Prada, toutes ont pris les devants et ont leur ligne « sportive ». Cependant beaucoup de ces maisons ont des difficultés à trouver des distributeurs à leur image qui leur permettent d'exprimer pleinement leur concept, notamment par le besoin d'espace et de merchandising spécifique. A l'instar des boutiques « Sweaty Betty » à Londres qui présentent des tenues de fitness, de danse ou de yoga dans des échoppes aux couleurs blanches et roses, aux éclairages doux et aux cabines spacieuses. Ces derniers ont décidé de faire de leur magasin un croisement entre une salle de danse et une boutique de lingerie où les femmes trouveront des articles grandes tailles ou pour femmes enceintes, des grandes marques ou des plus confidentielles et des collections exclusives. Une étendue de choix qu'on rencontre encore difficilement ailleurs. Nous constatons que les distributeurs des marques de luxe ne répondent pas suffisamment vite à l'évolution du marché en comparaison des marques de sport qui gèrent naturellement leur collection comme le prêt-à-porter et adoptent les mêmes codes stratégiques que le luxe. Le sportswear apparaît comme une évolution naturelle pour le luxe. Un besoin de nouveautés tant le luxe a été stéréotypé depuis le XIX siècle. Il doit continuer à exprimer une recherche élégante et de confort pour ne pas devenir trop sportswear qui risquerait de banaliser le luxe avec une redondance de basiques, tee-shirts, sweats, coupe-vent, facilement copiable. C'est maintenant aux marques de luxe de continuer à innover

b) Devenir l'égérie d'une grande maison de sport

A un autre niveau, des collaborations se font avec les égéries des maisons de couture plutôt qu'avec les ambassadrices des marques de sport. L'heure est au mixage des genres. Finie

94 http://www.gallery.ad/fr/marques-de-createurs/nouveau/article/adidas-by-stella-mccartney

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l'ère des mannequins inaccessibles et secrètes, les top-modèles du moment s'exposent et sont très suivies sur le web, devenant aussi populaires, voire beaucoup plus que les sportives de haut niveau. Les mannequins s'imposent des entraînements drastiques n'ayant rien à envier à celles de certains athlètes : gymnastique, TRX, pilates, arts martiaux. Un engouement pour le muscle dessiné qui va de pair avec une tendance « healthy » de la nouvelle génération « Z ». Facebook, Snapchat et Instagram permettent aux fans d'entrer dans leur quotidien, et de s'identifier à ces jeunes femmes qui gèrent leur image comme une marque. Ainsi, Puma s'offre Cara Delevingne qui réunit pas moins de 37,4 millions d'abonnés sur Instagram, qui fut notamment égérie de la prestigieuse enseigne Burberry et défila avec d'autres grandes marques comme Dolce & Gabbana, Yves Saint Laurent ou Chanel. De la même manière pour l'égérie Karlie Kloss qui réunit 6,7 millions d'abonnés sur Instagram, un des tops les mieux payés au monde. Karlie Kloss est passée chez Nike avant de rejoindre Adidas, qui a aussi foulé les podiums pour Balmain, Versace ou encore Kenzo. Nous pouvons apercevoir un effacement des frontières qui légitime le recrutement plus large des labels sportifs. En revanche, les marques de sport n'abandonnent pour autant les sportives de haut niveau. Mais cherchent simplement à diversifier leur armada d'ambassadrices, pour concerner toutes les sportives (apprenties et confirmées), et donc recruter toujours plus de potentielles clientes.

Illustration 31 : les marques sportswear, nouvel eldorado des mannequins / Puma (Kering)95.

Concernant la communication, les marques de sport réinventent le marketing au travers d'activités sponsorisées. Les marques rivalisent aussi d'imagination grâce aux retours d'événements ludiques et communautaires qu'ils organisent. Reebok a décidé de s'associer à « La Parisienne », une compétition sur route réservée aux femmes, en dépliant des banderoles sur le parcours, mais aussi en coachant 200 participantes. Elles ont reçu un « carnet

95 http://www.ladepeche.fr/article/2016/10/12/2437923-les-marques-sportswear-nouvel-eldorado-des-mannequins.html

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d'entraînement » qui mêle programme sportif, conseils diététiques et astuces délivrées par un podologue. Chez Puma, c'est le lancement du raid européen baptisé « 4some » dont l'objectif est d'attirer ses consommatrices vers la compétition. Ce sont 48 équipes composées de 4 femmes lesquelles vont se mesurer à travers 4 épreuves, une course de 2 kilomètres, un relai de natation, un relai VTT de 4 kilomètres et un match de football pour se qualifier pour la finale européenne. A la clé, pas de médailles mais un diamant, une prime et des cadeaux. Enfin Nike organise la Nike Women's, une course de 10 ou 15km dans les rues de Paris entièrement réservée aux femmes ou lors de la Journée internationale de la femme des animations étaient dans les boutiques afin de faire tester ses chaussures et accessoires de fitness. Ce retour à « l'événementiel » permet aussi aux marques de d'obtenir un niveau d'engagement supérieur. Il permet de créer des souvenirs positifs et d'associer «un bon moment» à un lieu, à la marque, au produit, au concept. Autant d'arguments qui en font un média à ne pas négliger.

Illustration 32 : Nike Women's Race Paris96.

2.1 Le sport et ses valeur retranscrites au luxe a) Sport et luxe : des valeurs qui gagnent

Les valeurs associées au sport sont nombreuses et facilement identifiables. Ces valeurs sont la politesse, le respect, l'honneur, le contrôle de soi, le courage, l'amitié et la modestie. Nous pouvons ainsi citer de nombreux sports. Le Judo, par exemple, a un code moral. Le respect de ce code est la condition première, la base de la pratique du judo. Le rugby, quant à lui, suppose la coopération entre les partenaires, mais aussi le respect d'autrui à travers l'arbitre et les adversaires. Quant au tennis, un sport de face-à-face, suppose le respect des règles du jeu, de l'adversaire dans la victoire comme dans la défaite. Le sport est donc perçu comme une véritable école de la vie, il porte des valeurs indispensables à la cohésion sociale

96 http://www.nike.com/fr/fr_fr/c/women/events

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d'une société. Ce qui fait du sport un support idéal pour les marques de luxe en quête de valeur émotionnelle, et renouvellement d'image, face à des nouveaux consommateurs plus intéressés par un style de vie que de possession.

D'ailleurs le luxe et le sport se rejoignent sur plusieurs plans. Tous deux provoquent l'exaltation. Leurs valeurs se rejoignent : beauté, élégance, émotion, pureté ou encore exigence. Les marques de luxe se retrouve désormais au centre de nombreuses transactions commerciales dans le domaine du sport, notamment sous forme d'accords de parrainage sportif, d'un événement ou l'exploitation de produits dérivés. Elles aident la marque à se bâtir une réputation sur le marché et à conquérir et fidéliser une clientèle en insufflant au consommateur la confiance dans les biens et services qu'elle fournit. Elle permet aussi d'affuter une stratégie de prix plus élevés stimulant les recettes et la croissance de l'entreprise. L'affichage des marques de luxe lors de manifestations sportives renforce les ventes en éveillant les aspirations et les émotions des amateurs de sport qui sont attirés par des signes liés à tel ou tel club ou support. Les marques de luxe peuvent également devenir des symboles d'un mode de vie ou d'un comportement particulier.

b) Le luxe au coeur des évènements sportifs

Nous constatons, qu'à ses débuts, le sponsoring sportif était réservé pour la plupart du temps à une élite sportive. Cette quête d'innovation conduisait les marques à investir seulement dans les sports de haut niveau, notamment le groupe LVMH qui a signé son premier contrat en de partenariat en 2005 avec les écuries de F1 McLaren Mercedes, mais encore l'horloger Tag Heuer qui à travers la voile montrait la résistance de ces montres à l'eau ou rolex qui se présentait déjà à des évènements sportifs les plus prestigieux : tournois de golf et de tennis, concours hippiques97. Des sports qui sont plus proches du luxe que les sports de rue, tels le football ou le basket-ball. Cependant la société évolue et certaines maisons de luxe ont continué d'opérer sa démocratisation à travers des sports plus populaires. C'est ainsi que le parrainage d'une manifestation sportive prestigieuse telle que la Coupe du Monde FIFA World CupTM ou les jeux olympiques, peut associer une marque ou un produit au prestige, à la jeunesse et au dynamisme liés à cette manifestation. On peut citer l'exemple avec le maroquinier Louis Vuitton, qui a habillé d'un écrin la Coupe du monde de football de 2012. De son côté, la

97 https://www.lesechos.fr/05/08/2005/LesEchos/19471-051-ECH_le-sport-de-haut-niveau-courtise-par-le-luxe.htm

créatrice britannique Stella McCartney supervisera la confection des tenues des athlètes de Grande-Bretagne aux Jeux olympiques et paralympiques de 2012, à Londres.

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Illustration 34 : la malle de transport Louis Vuitton a entièrement été réalisée à la main par un maître artisan pour l'évènement de la coupe du monde de football en Afrique du Sud, 98.

Illustration 35 : la Coupe Louis-Vuitton est l'une des coupes les plus prestigieuses du monde de la

voile99.

De nombreuses marques de luxe font également appel à des célébrités, plus particulièrement des sportifs reconnus et se servent de leurs images dans les publicités. Les marques de luxe peuvent adopter aux grés des évènements une stratégie destinée à un large public pour communiquer sur leurs produits plus accessibles. Christiano Ronaldo pour Emporio Armani, Olivier Giroud pour le parfum Hugo Boss. Les nombreux spectateurs et amateurs s'identifient inévitablement à leurs sportifs préférés. Non seulement la présence de ces visages familiers rassure les destinataires des publicités, mais ces sportifs de haut niveau symbolisent la force, le courage, l'endurance, le dynamisme ou encore l'élégance qui leur ont permis de se hisser parmi les élites. L'exemple de David Beckham qui est le héros pour Breitling et Bentley, ambassadeur de la marque depuis 2012100.

La publicité concerne aussi les équipes de sport et peuvent être une activité commerciale importante et de viabilité financière. Plus une équipe a du succès, plus sa marque a de la valeur et plus les recettes seront importantes. Aux Jeux olympiques de Rio, la société avait annoncé la signature d'un accord de partenariat avec la Fédération brésilienne

98 http://www.luxuo.fr/sport/malle-louis-vuitton-coupe-du-monde.html

99 https://what.isup.ws/fr/tag/coupe/20170525

100 http://www.eurosport.fr/economie/david-beckham-heros-tenebreux-pour-breitling-et-bentley_sto4867208/story.shtml

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d'équitation. La démocratisation du luxe est donc évidente dans ses relations avec le marché du sport. Mais cette démocratisation est encore très timide concernant les sponsors de luxe derrière un joueur de basket-ball.

c) Co-branding : l'alliance du luxe et de la sportivité

Le cobranding est une stratégie marketing qui séduit de plus en plus les marques de luxe. Elle désigne dans son sens strict, l'association entre deux marques distinctes et généralement indépendantes à créer ensemble un produit afin que celles-ci gagnent en image de marque, et par conséquent en volume de ventes. De nombreuses collaborations se font, notamment dans l'automobile « sport de prestige » et « l'horlogerie » comme Jaeger-Lecourbe et Aston Martin, Breitling pour Bentley ou encore entre des maisons de vins et spiritueux d'exception telles que Dom Périgno et Aston Martin, Bollinger et le constructeur britannique Land Rover. Pouvons-nous parler là d'un partenariat sportif ? pas réellement, mais les critères de sportivité sont présents : puissance, élégance, détermination. En revanche, nul n'était mieux placé que le sportif « David Beckham » pour incarner cette alliance, une icône mondiale devenue le symbole par excellence du chic britannique.

Illustration 37 : Reitling for Bentley montre bien l'étroite relation que partagent ces deux boites.
Ingéniosité et exploit en sont les principes directeurs101.

Illustrations 38 : le constructeur a imaginé en 2016 une mini-cave à vin en insérant trois bouteilles de champagne Dom Pérignon de 1998102.

101 http://blogs.ionis-group.com/iseg/mcs/paris/marketing-marques-innovation/2012/04/breitling-for-bentley.html

102 http://blogdupartenariat.typepad.fr/le_blog_du_partenariat/2016/01/top-10-des-partenariats-de-2015.html

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Dans ce secteur où le consommateur est devenu de plus en plus exigeant et difficile à séduire, l'alliance il y a quelques années entre Fiat 500 & Gucci a permis au constructeur automobile de prendre un positionnement plus luxueux en se référant à la mode italienne. Une belle réussite qui permet également à Gucci de marquer des points sur le positionnement « sportwear » et à Fiat de contribuer à diversifier son activité en lien avec une image haut de gamme.

Illustrations 39 : Gucci a lancé tout un univers « sport wear » (ligne d'accessoires en cuir, des
survêtements, etc.). L'objectif est de monter en gamme (en 2011 ses prix ont augmenté de 30%)103.

3.1 Stratégie de Kering et de LVMH

a) Kering se met au sport

L'ancêtre de Kering, Pinault a été fondé en 1963 par François Pinault. A l'origine c'était une entreprise spécialisée dans la production et la commercialisation du bois. En 1994, le groupe devient Pinault-Printemps-Redoute, un acteur majeur de la distribution. En 1999, le groupe entre dans le secteur de la mode et du luxe avec l'achat de Gucci qui regroupe maintenant toutes ses activités de la mode et luxe. En 2005, le groupe devient PPR après la cession du Printemps puis, en 2013, Kering (la redoute et la Fnac sont cédées la même année). Ce changement de nom et d'identité visuelle est concomitant d'un changement en profondeur de la structure du groupe devenu de plus en plus international et qui souhaite réorganiser ses activités en un pôle « luxe » d'une part (Gucci, Saint Laurent, Balenciaga, Bottega Veneta, ou encore le joaillier Pomellato, Boucheron, etc.) et d'un pôle « sport & lifestyle » d'autre part (l'achat de Puma en 2007 et de sa marque Golf cobra en 2010 et Volcom en 2011, sa marque de surf, de skate et de snowboard)104.

103 https://modeactuelle.wordpress.com/2012/04/

104 http://www.kering.com/fr/marques/sport-lifestyle/cobra

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À cette époque pour Kering, le but était de redresser la marque Puma et devenir un vrai groupe industriel avec des structures centrales permettant aux futures acquisitions de bénéficier de l'effet Kering pour accélérer leur croissance. Le groupe continue sa mission de favoriser les échanges de savoir-faire entre les marques, son engagement en matière de développement durable et d'encourager l'innovation et la création. Chacune de ses marques emblématiques constituent l'univers des mondes du sport, de l'outdoor ou des sports extrêmes. Elle définit un certain style d'une vie ou lifestyle pour une nouvelle génération, toute représente un potentiel de croissance sur les marchés de l'habillement, de la chaussure et des accessoires. Une stratégie qui a bien fonctionné pour le groupe Kering qui démarre l'année 2017 avec des ventes historiques. Le pôle « sport & life style » est seulement représenté par trois marques maison et affiche une hausse de 16,5% de ses ventes, porté par l'équipementier sportif « Puma ». Son chiffre d'affaire trimestriel a atteint pour la première fois le milliard d'euros105.

Illustration 40 : en 2014, Kering et Kelly Slater alliés pour lancer la griffe Outerknown106.

Par zone géographique, les performances commerciales ont été particulièrement exceptionnelles en Europe (+50%) et Asie Pacifique (+47%), très solides en Amérique du Nord (+30%), seul le Japon se contentant d'une hausse modeste (+4%). Concernant le pôle luxe, il représente plus des deux tiers des ventes avec ses dix-sept marques maison, a particulièrement brillé (+34% en données publiées), avec une performance "exceptionnelle" de Gucci, sa marque phare (+51,4%) et sa principale source de profits. Les ventes en ligne se sont envolées (+60%). Ce qui fait un résultat net record pour l'année 2016, avec un bénéfice net de 813,5 millions d'euros, en hausse de 16,9%, et des ventes franchissant le cap des 12 milliards d'euros, en progression de 8,1%, croissance la plus élevée depuis sa réorganisation en 2012107.

105 http://www.boursier.com/actions/actualites/news/croissance-historique-pour-kering-au-1er-trimestre-725167.html

106 http://www.lefigaro.fr/societes/2014/09/09/20005-20140909ARTFIG00098-kering-et-kelly-slater-allies-pour-lancer-la-griffe-outerknown.php

107 http://www.lavoixdunord.fr/153453/article/2017-04-25/kering-demarre-l-annee-avec-des-ventes-historiques

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Outre les questions marketing, Kering a également créé à son nom une fondation engagée dans la promotion de certaines plateformes et des programmes qui luttent contre les actes de violence perpétrés à l'encontre des femmes. Le groupe participe aussi à des projets « Sport intégration et lien social » avec l'association l'ELA dont le parrain est Zinedine ZIDANE. Les actions sociétales de Kering mobilisent les parties prenantes du groupe comme cette opération faite au siège. Le principe de l'opération est simple : le collaborateur reçoit un podomètre pour compter les pas effectués durant une journée normale de travail. Pour chaque pas, l'entreprise s'engage à reverser 1 centime d'euro à ELA. Comme Puma fait partie du groupe Kering, le groupe a choisi d'offrir, le matin même de l'opération, une paire de baskets de la marque à tous les participants. L'uniforme, ce jour-là, était donc « costume-baskets » ! L'objectif était de faire grimper le nombre de pas. A la fin de la journée, les compteurs ont été relevés. Depuis 2011, le groupe Kering a collecté 58 500 € pour ELA108.

Illustration 41 : Zinedine Zidane, parrain d'honneur de l'association ELA109.

b) LVMH : le sport, le bien-être, les loisirs et les JO 2024

Nous avons pu constater que le groupe LVMH s'investissait dans de nombreux projets sportifs comme le sponsoring, des contrats publicitaires et la signature de trophées. En revanche, le groupe ne s'était encore lancé dans l'aventure de l'acquisition de marques sportives. C'est dorénavant chose faite puisque le groupe LVMH réoriente sa stratégie d'acquisition et devient propriétaire majoritaire depuis décembre 2016 de la marque italienne et familiale Pinarello, société productrice de vélos haut de gamme. Dans ce groupe, on y retrouve déjà plusieurs marques investies dans le sport dont Peloton (spécialiste en vélo d'intérieur) mais aussi la compagnie australienne spécialiste dans les besoins vestimentaires du triathlète soit 2XU. Le fabricant italien bénéficie d'une grande expertise en équipant de grands noms comme Miguel Indurain ou encore Chris Froome et Bradley Wiggins de l'équipe « sky »,

108 http://ela-asso.com/evenements/francois-henri-pinault-pdg-du-groupe-kering/

109 http://ela-asso.com/fiche_parrain/zinedine-zidane/

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une des meilleures équipes au monde. La marque Pinarello commercialise des produits qui peuvent dépasser les 10 000 euros.

Après Pinarello, LVMH serait cette année intéressé pour racheter Rapha. La marque britannique excelle sur le marché de vêtements de luxe destinés aux cyclistes. Le chiffre d'affaires de Rapha s'est élevé à hauteur de 57 millions d'euros en 2015. Ce potentiel de rachat marquerait la deuxième acquisition d'une marque sportive haut de gamme par LVMH et s'inscrirait dans la continuité de la stratégie d'acquisition de marques sportives haut de gamme du groupe de luxe110. Cette entrée dans le sport via le cyclisme est bien calculée, LVMH serait intéressé par l'image que renvoient les créations de Pinarello et de Rapha : elles se fondent sur le loisir premium, avec des univers proches du sport et du voyage. En effet, Rapha se positionne sur le marché des voyages de luxe et ambitionne d'ouvrir des clubhouses à travers le monde111. Pour LVMH, la stratégie est désormais d'acquérir de nouvelles marques « art de vivre » à l'image de RIMOWA également acquise par le groupe en 2016 (fabricant de valises, un concentré de technologies), des marques capables d'offrir une expérience sensorielle aux consommateurs et plus seulement un objet matériel haut de gamme qu'il faille posséder.

Illustrations 42/43 : le fabricant de vélo italien Pinarello et la marque de vêtements cyclistes Rapha112.

Dans sa lancée sportive, le géant français du luxe LVMH a officialisé lundi 30 mai 2017 son soutien à la candidature de Paris à l'organisation des jeux Olympiques 2024. Un « ticket d'entrée » fixé à 2 millions d'euros par entreprise pour devenir partenaire de Paris-2024. LVMH devient ainsi le douzième partenaire de l'événement et rejoint AccorHotels, la MAIF, Orange,

110 https://journalduluxe.fr/lvmh-rachat-rapha-2016/

111 https://fashionunited.fr/actualite/business/lvmh-s-interesse-de-plus-en-plus-aux-marques-de-loisirs-premium/2016121112085

112 https://journalduluxe.fr/lvmh-rachat-rapha-2016/

Vivendi, La Française des Jeux, la RATP, la Poste, BNP Paribas, JC Decaux, la Caisse des dépôts et consignations et Elior. Doit-on imaginer une planification stratégique de la part de LVMH ? Marc-Antoine Jamet, Secrétaire Général du Groupe, a déclaré au cercle des Partenaires : « Nous sommes les ambassadeurs de la France et de son art de vivre partout dans le monde grâce à Paris. Il était normal, il était logique que nous soyons, partout dans le monde et pour la France, les ambassadeurs de Paris et de son envie de gagner. C'est un nouvel engagement au service de l'excellence, de l'innovation et de la créativité, des valeurs qui rassemblent LVMH et Paris113. » Des mots qui font référence au segment sport « art de vivre » que LVMH tente bien d'exploité.

Illustration 44 : LVMH soutient la candidature 2024 de Paris114

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113 https://www.lvmh.fr/actualites-documents/communiques/lvmh-soutient-paris-2024-integre-cercle-partenaires-paris-2024/

114 http://www.capital.fr/entreprises-marches/jo-2024-lvmh-soutient-la-candidature-de-paris-1133326

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