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Traque aux innovations piscicoles paysannes dans le district de Vatomandry: étude de pratiques piscicoles alternatives aux référentiels techniques proposés par l'APDRA


par Toan Hersant
ISTOM - Ingénieur Agronome 2021
  

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Annexe 9 : Echanges identifiés entre les pisciculteurs de deux groupements avec un ACP pisciculteur au centre

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Annexe 10 : Etude de cas de Victor12 (P2 dans notre étude), un pisciculteur qui n'a pas réussi à devenir alevineur

Caractéristique de l'exploitation :

Victor est un pisciculteur de la commune d'Andasibe, situé à 16 km de Vatomandry en passant par des routes secondaires peu praticables. Il a commencé la pisciculture en 2004 en élevant du gourami pêché dans les cours d'eau mais il a fini par arrêter par manque de connaissances techniques. Il a repris la pisciculture avec l'APDRA en 2017 en rizière puis très rapidement a construit un étang barrage de 5 ares. Il a aujourd'hui près d'un demi-hectare de rizière empoissonné près de sa maison. Il est en train de construire deux étangs barrages supplémentaires. La partie aval de ses rizières est exposée aux risques d'inondation. Victor a des parcelles de café, c'est ce qui lui rapporte le plus d'argent. Grâce à ses rizières, lui et sa famille arrivent à être auto-suffisant en riz.

Conduites d'élevages des espèces piscicoles : (année 2020) Elevage mono spécifique de carpe en rizière :

Victor n'élève que de la carpe depuis qu'il a perdu ses tilapias donnés par l'ADPRA lors d'une inondation. Il utilise ses étangs de service pour séparer ses géniteurs carpes et faire la reproduction de carpe. Cette année, il a fait 3 reproductions de carpes. Il laisse pré grossir ses alevins de carpes dans un étang de service de 2 ares équipé d'un ombrage. Ensuite les alevins continuent leur pré grossissement et le grossissement dans les rizières. Une partie des rizières, situées en aval, est plus exposé aux risques d'inondations. Il peut alors, notamment grâce à des canaux de pêches récupérer ses poissons pour les empoissonner dans les rizières en aval. Initialement, Victor arrivait à faire 3 cycles de riz par an. Depuis qu'il fait de la pisciculture, il ne peut faire que 2 cycles de riz en rizière par an à cause des travaux d'entretiens, notamment le piétinage des rizières par les zébus qui empêchent les activités piscicoles d'avoir lieu.

L'étang barrage lui a servi cette année pour stocker ses géniteurs de carpes d'avril à juillet. En effet, il vivait à ce moment près de son étang barrage et il préférait garder ses géniteurs de carpes près de lui pour éviter le vol. Après le mois d'août, il n'avait plus assez d'eau dans son étang barrage. Il a donc décidé d'y cultiver du riz sur la totalité. Cependant, il est en train de finaliser un étang barrage de 28 ares pour y faire grossir ses carpes partir d'avril 2021. Victor pense que le riz dans les rizières gêne les poissons quand ils sont trop gros (il n'a pas de canaux refuges dans toutes ses rizières).

« Je compte finir mon étang barrage de 28 ares pour y faire séparément le grossissement de 1600 carpes que
j'irai vendre sur le marché de Vatomandry lors des fêtes ».

Production et débouchés :

Victor se trouve dans une zone isolée. Pour l'instant il n'a vendu que localement des petites carpes en tas et en petites quantités car il ne produisait pas beaucoup d'alevins de carpes jusqu'alors.

Cette année, Victor a produit 10 500 alevins en 2 reproductions et les alevins obtenus lors de la troisième reproduction n'ont pas encore été comptés. Il espérait pouvoir les vendre facilement. Cependant, il n'a pas de contact d'acheteurs. Il a réussi à vendre 140 alevins à 400MGA pièce. Cet argent lui a permis de payer de la main d'oeuvre pour la construction de ses deux nouveaux étangs barrages. Il a également reçu une commande de 200 alevins mais il a dû la refuser pour ne pas perdre l'eau de ses rizières lors des pêches. Il se plaint de n'avoir que quelques acheteurs locaux qui ne veulent que des petites quantités d'alevins alors qu'il en a beaucoup à proposer.

12 L'ensemble des noms des pisciculteurs présentés dans ces études de cas ont été changé pour respecter leurs anonymats

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« Les pisciculteurs de la zone ne veulent que des petites quantités d'alevins, moins de 100, mais moi j'ai
beaucoup d'alevins à vendre et je ne sais pas à qui. »

Il sait que s'il obtient des grosses carpes, il pourra les vendre sur les marchés de Vatomandry facilement lors des grandes fêtes de l'année. Il est prêt à transporter 20 kilos de poissons à pied (3 heures de marche).

Evolution de la pratique :

Lors de son premier cycle d'élevage de carpe et de tilapia, il a d'abord laissé ses poissons dans ses rizières pendant 3 mois avant de les transférer dans son étang barrage. Il a remarqué que les poissons grossissaient mieux en étang barrage.

Ensuite, Victor a voulu produire beaucoup d'alevins en espérant les vendre et gagner beaucoup d'argent. Cependant, il se trouve dans une zone reculée dur d'accès et il n'a pas beaucoup de contacts d'acheteurs. Il se retrouve cette année avec beaucoup d'alevins non vendus.

Il a construit deux nouveaux étangs barrage et y prévoit d'y faire le grossissement de ses carpes et des tilapias qu'un ami va lui fournir. Il prévoit de faire le pré grossissement de ses carpes en rizières et le grossissement de 1600 alevins carpes dans son étang barrage de 28 ares. Les tilapias seront empoissonnés dans le deuxième étang afin de tester quels poissons grossissent le mieux.

Evaluation de la pratique :

Victor dit être « heureux » de son activité piscicole, surtout cette année où il a réussi à produire beaucoup d'alevins de carpes mais il est également « triste » de ne pas réussir à les vendre. Il aimerait que l'APDRA lui rachète ses alevins de carpes. Il envisage alors de faire grossir des poissons et de les vendre sur les marchés de Vatomandry où il est sûr de pouvoir écouler toute sa production.

Annexe 11 : Etude de cas de Alex, un grossisseur et un alevineur de carpe et de tilapia Caractéristique de l'exploitation :

Alex est un pisciculteur de la commune d'Antanambao Mahatsara, il travaille avec l'APDRA depuis 2016. C'est un grand propriétaire terrien, il a 30 hectares de terres. La route secondaire qui accède à son exploitation est en mauvaise état (quasiment impraticable en saison des pluies) et il y a plus de 40 km pour rejoindre la route nationale RN11A. Il a commencé par aménager un étang barrage de 20 ares et 3 étangs de service. Depuis 3 ans, il a transformé trois hectares de terrain en une vingtaine de parcelles de rizières de 15-20 ares chacune, dont 2 ha sont maintenant dédiés à la rizipisciculture. Sa femme a également aménagé un étang de 15 ares en amont des rizières, et un troisième étang-barrage de 30 ares a été construit dans un bas-fond à quelques km de ses rizières. Sur ses terres, il cultive également du maïs pour l'autoconsommation et l'alimentation de ses volailles, du girofle, du letchi et des ananas (Mounayar M, 2019). Depuis 2020, il a commencé à cultiver du soja dans le but de produire de l'aliment artisanal pour ses poissons.

Conduites d'élevage des espèces piscicoles : (année 2020)

Alex utilise ses rizières pour le pré grossissement et le grossissement des carpes et dans une moindre mesure, des tilapias. Les 2 hectares aménagés de rizières dont il dispose lui permettent d'avoir une grande surface à empoissonner. Il fait 2 cycles de riz court à paille longue (cycle de 4 mois) par an et 1 cycle de pré grossissement et de grossissement par an (8 mois). Il n'a pas manqué d'eau dans ses rizières cette année. Quand ça lui arrive, il se sert de ses étangs barrages qui ne tarissent pas pour stocker son cheptel (en priorité les poissons les plus gros). Les risques d'inondations en rizières sont plus fréquents (entre janvier et mars), il utilise également ses étangs barrage pour stocker son cheptel. En effet, le système de vidange de l'étang barrage permet de réguler plus facilement le niveau d'eau et le trop plein permet d'éviter les risques de débordements. Après le mois mars, il pêche ses poissons stockés, les vend s'il a des commandes ou les remet en grossissement dans le cas contraire. Sur une partie de ses rizières il ne fait que de la carpe en monoculture car il a observé que les

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carpes grossissaient mieux que le tilapia. Dans les autres rizières, il fait de la polyculture de tilapia et de carpe. Pour les pêches, il récolte d'abord le riz de toutes ses rizières et laisse une lame d'eau pour ses poissons. Ensuite, il fait la pêche de la majeure partie de ses rizières et utilise les rizières restantes (qui ressemble alors à des petits étangs car il n'y plus de riz) pour stocker ses poissons. Cela lui laisse le temps de travailler ses rizières vidées en restaurant les canaux refuge et en piétinant la terre avec ses zébus.

L'année 2019, M. Alex a produit 14 000 alevins de carpes. Pour cela, il utilise ses 3 étangs de service plus facile à fertiliser que les rizières car ils sont plus petit et il y a moins de fuite. Dans un premier temps, il sépare les géniteurs mâles et femelles puis il utilise un étang de ponte pour la reproduction. Ensuite, il amène les larves jusqu'au stade alevins avant de les empoissonner en rizière. Selon lui, il y a des risques de mortalité important si on empoissonne les larves de carpes directement dans la rizière car il y a plus de prédateurs et de poissons sauvages.

Pour le tilapia, Alex a arrêté de faire le sexage des alevins. En effet, cela lui prenait trop de temps et il avait des difficultés à identifier le sexe des alevins du fait de sa mauvaise vue. De plus, les erreurs de sexage amenaient les tilapias à des tailles de 50g tout au plus. En 2019, il a failli arrêter de faire du tilapia mais il a appris que des clients aisés achetaient des alevins de tilapias. L'ACP pisciculteur qui l'encadre lui a proposé de produire 25 000 alevins pour une commande qu'il a auprès d'un cagiste. Le tilapia est alors redevenu un des objectifs de production d'Alex.

Alex fertilise seulement les rizières empoissonnées avec la fiente de ses poules et le fumier de ses zébus. Il embauche de la main d'oeuvre pour fertiliser et déverse environ 30kg de fumier de zébu 1 à 2 fois par an par rizière. De plus, il laisse les pailles de riz quelques jours après le piétinage des zébus. Depuis l'année 2020, il a commencé à fabriquer sa propre provende artisanale à partir de maïs et de manioc qu'il produit et bientôt en ajoutant du soja qu'il compte produire.

Production et débouchés :

Alex est un vendeur d'alevins très réputé dans le district de Vatomandry. Il est connu du directeur du service des pêches pour ses nombreuses ventes d'alevins en dehors du district. Sur les 14 000 alevins qu'il a produits en 2019, il en a vendu presque 12 000. Une petite partie a été vendue localement aux pisciculteurs de la commune. La plus grande partie a été vendue en dehors, notamment à Tsarasambo et Vaotmandry (500 alevins à l'APDRA). Le prix des alevins varie selon la taille et donc selon la durée de pré grossissement. En général il vend à 300MGA l'alevin de moins de 4 mois, entre 400 et 500 MGA 500 l'alevin de 4 à 7 mois et 1000 MGA l'alevin de plus de 7 mois.

Il a empoissonné 2000 alevins dans ses rizières et ils ont grossi jusqu'à 400 à 500g. Une partie a été autoconsommée au fur et à mesure et l'autre partie a été vendue. Il vend en bord d'étang lors des fêtes importantes de l'année, en faisant du « porte à porte » dans les environs de chez lui et en vendant dans les villes de Vatomandry et d'Antsampanana (aux restaurateurs). Il ne vend pas au marché de sa commune car cela lui prendrait beaucoup de temps. Il a également vendu des géniteurs de carpes, notamment à des pisciculteurs de Brickaville de la coopérative de « Tilapia de l'Est » qui cherchent à diversifier leurs productions.

Alex est certain de pouvoir écouler ses poissons sur le marché de Vatomandry. Selon lui, c'est « facile d'y vendre 100 kilos, surtout pendant la période cyclonique car il y a moins de poissons de mer qui approvisionne les marchés des grandes villes de la route nationale ». En effet, à cause des mauvaises conditions météorologiques, les pêcheurs ne vont pas en mer et seules la pêche et la pisciculture d'eau douce alimentent les marchés du district.

Le plus gros problème rencontré par Alex actuellement est le caractère isolé de son exploitation. La route étant quasi impraticable, il transporte ses poissons et ses alevins sur les grands marchés en passant par la voie fluviale. Il paye environ 20 000 MGA pour un trajet avec sa marchandise. Ensuite, une fois sur la route nationale, il doit payer le taxi brousse pour aller dans la ville de son choix.

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Evolution de la pratique :

En 2017, Alex commence la pisciculture dans son étang barrage de 20 ares. Il obtient alors un très bon rendement de plus de 1T/ha/an. Il remarque que les carpes grossissent mieux que les tilapias (100 g en moyenne contre 50) et il obtient une quantité importante d'alevins de tilapias lors de ses pêches.

Il participe ensuite à une visite échange sur les hauts plateaux et se forme en rizipisciculture. A son retour, il aménage une partie de ses rizières et décide de faire de la monoculture de carpe dans une partie de ses rizières. Il arrête le sexage du tilapia qui lui prend trop de temps et ne s'intéresse plus vraiment à cette espèce. Il agrandit petit à petit ses surfaces de rizipisciculture jusqu'à 2 hectares.

Dans le futur, il aimerait aménager quelques autres parcelles rizicoles pour la pisciculture mais elles sont plus petites et plus exposées aux inondations. Il souhaite également acheter sa propre pirogue pour être autonome et limiter ses frais de transport.

Evaluation de la pratique :

L'adoption de la rizipisciculture lui a permis de multiplier par 10 ses surfaces empoissonnées. La mono culture de carpe en rizière permet d'obtenir des poissons de grosses tailles, il a obtenu un rendement allant jusqu'à 1t/ha/an en rizière. La vente d'alevins de carpe est son activité la plus importante car il génère beaucoup d'argent rapidement. Cela lui permet de payer les études de ses 3 enfants à la capitale, Antananarivo.

Annexe 12 : Etude de cas de Christine (P1 dans notre étude), une piscicultrice qui mise sur le grossissement en rizière

Caractéristique de l'exploitation :

Christine a commencé la pisciculture avec l'APDRA en 2016. Elle se situe dans une zone très isolée, difficilement accessible à 2 heures de moto depuis la route nationale. Avec son mari et ses enfants, ils possèdent un étang barrage de 8 ares, 6 étangs de services et plus d'un hectare de rizière aménagé pour la rizipisciculture. Certaines de ses rizières ont été léguées à ses 3 enfants mais c'est toujours elle qui dirige l'activité piscicole sur l'exploitation. Une partie des rizières se trouve plus en amont et est moins soumise aux risques d'inondations que l'autre partie. Elle ne connait pas de problème de tarissement de ses parcelles en saison sèche. Le vol est un problème survenu plusieurs fois : lors de notre échange, le mari était au tribunal pour régler une affaire de vol de carpes.

Conduites d'élevages des espèces piscicoles : (année 2020)

Le grossissement de carpes et de tilapias mâles en rizière et l'utilisation de l'étang barrage comme étang de service :

Christine utilise son étang barrage entre janvier et juillet pour stocker ses géniteurs de carpes et de tilapias et stocker ses alevins de carpes de l'année précédente. Dans le même temps, les géniteurs de tilapias se reproduisent de manière non contrôlée. L'étang barrage est l'endroit le plus sûr sur son exploitation face aux risques d'inondations importants entre janvier et avril. Elle fait une première pêche en mai pour récupérer ses géniteurs de carpes qu'elle sépare avant la reproduction. A ce moment elle récupère également des alevins de tilapias pour les faire pré grossir en étang de service. Au mois de juillet, elle refait une pêche de son étang barrage pour enlever tous les poissons qui s'y trouve : les géniteurs de tilapias sont transférés en étang de service avec les alevins de tilapia et les alevins de carpe sont empoissonnés dans l'ensemble des rizières aménagées de l'exploitation. L'étang barrage sert alors pour la reproduction de carpe à partir du mois d'août car il y a moins de risque de vol qu'en étang de service. Christine place des jacinthes d'eau dans son étang barrage et récupère au fur et à mesure les jacinthes d'eau où sont présents des oeufs de carpes pour les transférer dans un étang de service. Fin novembre, elle fait une pêche de son étang barrage pour récupérer les géniteurs et les alevins de carpe encore présents. Le tout est transféré dans les étangs de services en attendant que l'étang barrage se remplisse.

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Les alevins de tilapias sont produits en étang de service et en étang barrage. Christine fait des pêches de comptage pour sélectionner les plus gros alevins et les met dans une rizière équipée d'une zone de pêche (technique observée sur les hauts plateaux lors d'une visite échange). Elle fait ensuite le sexage des tilapias pour essayer de n'empoissonner que les mâles par la suite. Une vingtaine d'ares sont situés en amont et sont moins exposés aux inondations. Ils sont empoissonnés deux fois dans l'année pendant les deux cycles de riz avec 80 alevins de tilapias mâles et 120 carpes (rizière de 3 à 5 ares). Les 4/5 -ème des rizières restantes ne sont empoissonnés qu'une seule fois par an sur un cycle de 6 mois à cause du risque d'inondation. Lors de l'année 2020, il n'y a pas eu d'inondation dans l'ensemble des rizières aménagées.

Production et débouchés :

Les cycles de 4 à 5 mois de grossissement en rizière lui donnent des carpes de 100 à 200 g et des tilapias. Christine vend la plupart de ses poissons localement en tas.

Elle vend également des alevins de carpes aux alentours et à l'extérieur de la commune. Lors de la pêche de son étang barrage, un pisciculteur du coin venait l'aider pour avoir des alevins à un prix inférieur de 200 MGA/pièce. Sinon, elle les vend à 400 MGA/pièce. Elle a vendu 5000 alevins de carpes en 2019 pour financer la construction de sa maison.

Evolution de la pratique :

En 2016 et en 2017, Christine faisait des cycles de 6 mois de grossissement en étang barrage et obtient des rendements de plus de 500 kg/ha/an. En 2018, avisée par l'équipe de l'APDRA, elle décide de prolonger son cycle de grossissement à 1 an pour augmenter ses rendements car elle n'en était pas satisfaite. Cependant, lors de ce cycle en 2018, elle subit un vol de l'ensemble de son cheptel. Cette même année, Christine participe à une visite échange dans la région Itasy sur les hauts plateaux de Madagascar. Elle y découvre la rizipisciculture qu'elle décide d'adopter dès son retour. Ce nouveau système d'élevage lui permet d'augmenter ses surfaces empoissonnées (multiplier par 12 en 2 ans) et donc d'augmenter le nombre de poissons empoissonnés à l'are et/ou de diminuer la densité de poisson à l'are. Cela permet également de répartir le cheptel dans l'espace et ainsi diminuer les risques de vol.

En 2019, Christine décide de vendre ses alevins de carpes pour avoir de l'argent et finaliser la construction de sa maison en bois avec un toit en tôle. Il lui manque alors des alevins au mois de juillet 2020 pour empoissonner l'ensemble de ses rizières. En 2021, Christine aimerait empoissonner une surface plus importante de ses rizières pendant la saison cyclonique au risque de perdre ses poissons. Son mari s'y oppose et préfère vendre les alevins, une stratégie qu'il juge plus sûre.

A moyen terme, Christine aimerait acheter des grilles pour éviter la perte de poissons dans ses rizières lors des inondations et une décortiqueuse pour leur riz et celui des gens du village. Le son de riz serait alors récupéré pour nourrir les poissons.

Evaluation de la pratique :

Christine a une volonté d'investir du temps et des moyens dans la pisciculture car elle juge que c'est une activité qui peut rapporter beaucoup d'argent, même dans sa zone qui est isolée. Elle est satisfaite de son activité piscicole, surtout depuis qu'elle a adopté la rizipisciculture. En effet, elle pense avoir trouvé une stratégie lui permettant de produire du poisson sur une grande surface en évitant au maximum les problèmes de vol et d'inondation. A l'avenir, elle veut miser de plus en plus sur l'activité piscicole mais son mari semble retissant à quelques-unes de ses propositions (l'achat du grillage, le grossissement plutôt que la vente d'alevin).

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Annexe 13 : Etude de cas de Sylvain, un pisciculteur et un producteur d'huiles essentielles de girofles

Caractéristique de l'exploitation :

Sylvain a commencé la pisciculture avec l'APDRA en 2017. Il habite dans la commune de Ambalamangahazo et se trouve relativement isolé des grands marchés (Ilaka Est est à 2 heures à pied). Il possède un étang barrage de 33 ares et un étang de service idéalement situés tout près du village. A 30 minutes de marche, sa mère possède 60 ares de rizières en bas-fonds. Seule une petite partie est empoissonnée à cause des risques d'inondations (Mounayar, 2019).

Conduites d'élevages des espèces piscicoles : (année 2020) L'élevage mono spécifique de carpe en étang barrage : (SE1)

La conduite d'élevage de Sylvain dépend grandement de la disponibilité en eau dans son étang barrage et du fonctionnement de ses 2 alambics. Quand il a assez d'eau dans son étang barrage, il fait 2 cycles de riz par an et 2 cycles de grossissement de 6 mois d'alevins carpes achetés (élevage mono spécifique). Quand son étang barrage manque d'eau, il choisit de ne faire qu'un cycle de riz (riz de saison) et un cycle de grossissement de carpes d'un an. Il s'assure d'avoir de l'eau dans son étang barrage pour faire fonctionner ses 2 alambics en saison des pluies et 1 alambic en saison sèche. L'emplacement de son étang barrage (juste à côté du village) est idéal pour installer ses alambics et louer leurs utilisations aux villageois pour qu'ils distillent leurs feuilles de girofle.

Cette année, pour financer les études de sa petite soeur, il a dû faire la pêche de son étang barrage en juin avant la fête nationale. Il n'y avait alors plus assez d'eau pour la pisciculture et pour le fonctionnement de son alambic. Il a alors fait un cycle de riz de contre saison sur la totalité de son étang barrage. Pour ses alambics, il a loué l'accès à l'eau du terrain d'un autre agriculteur du village.

L'élevage mono spécifique de tilapia en rizières : (SE3)

Les rizières empoissonnées de tilapia (élevage mono spécifique) appartiennent à sa mère et sont gérées par la famille nucléaire. Ils font 2 cycles de riz par an et 3 pêches dans l'année. Ils réempoissonnent seulement les alevins de petites tailles. Sylvain aimerait gérer les tilapias tout seul pour les laisser grossir plus longtemps et potentiellement les sexer mais les membres de sa famille préfèrent maintenir les 3 pêches par an.

Production et débouchés :

Lors de la pêche de juin, Sylvain a pêché 53 kg de carpe. Il en a vendu 40 à environ 10 000MGA le kg (400 000 MGA soit 90 €). Les plus petits en tas dans son village et les plus gros sur le marché et dans les restaurants d'Ilaka Est. Il a également gardé 10 kilos de géniteurs et a autoconsommé les 3 kilos restants. Les tilapias sont vendus en tas sur le marché et autoconsommé.

Pour la location de ses alambics, Sylvain et le propriétaire du terrain sont payés directement en huile de girofle. Sylvain achète ensuite l'huile de girofle produits par les villageois et va la revendre à l'extérieur de la commune. Il nous dit qu'il achète à 32 000 MGA le litre pour le revendre à 36 000 MGA. Marion Mounayar avait elle relevé le chiffre de 20 000 MGA le litre acheté et 50 000 MGA revendu. Selon elle, la production de girofle représentait 91% de sa marge brute en 2019, soit près de 23 millions MGA (5000 €), une somme très importante (Mounayar, 2019).

Evolution de la pratique :

En 2017 et 2018, Sylvain faisait de l'élevage pluri spécifique de carpe et de tilapia tout venant dans son étang barrage situé à côté du village. Il n'avait qu'un étang de service et peu d'eau disponible donc il n'a pas adopté la pratique du sexage de tilapia. Finalement, lors des pêches, il se retrouvait avec 1000 à 2000 alevins de tilapias de moins de 10g qui freinaient la croissance de ses carpes.

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A partir de 2019, il a décidé de faire du grossissement de carpe uniquement. Le résultat va dans le sens de ses observations car en 2017, le GMQ moyen de ses carpes était de 0,8g/j et en juin 2020, il était de 1,8g/j selon la base de données de l'ADPRA.

Dans le futur, Sylvain prévoit de revenir à l'élevage pluri spécifiques de carpe et de tilapia dans son étang barrage mais en s'assurant de n'empoissonner que des tilapias mâles. Pour cela, il va utiliser une rizière pour produire des alevins de tilapias, les sexer puis les faire pré-grossir de nouveau dans un étang barrage situé à côté des rizières. Enfin il fera un deuxième sexage des alevins de tilapias avant de les mettre dans l'étang barrage situé près du village.

Evaluation de la pratique :

Sylvain est satisfait de l'utilisation qu'il donne à son étang barrage. En effet, en plus de faire fonctionner ses alambics (source principale de revenu économique en 2019), son cheptel de carpe est un capital qu'il peut mobiliser en cas d'urgence comme cette année pour les frais de scolarité de sa petite soeur. Les rizières empoissonnées sont gérées par les membres de la famille nucléaire ce qui fait que Sylvain a moins de liberté dans la gestion du tilapia. Finalement, cette activité reste surtout pour l'autoconsommation de la famille et quelques petites ventes locales.

Annexe 14 : Etude de cas de Melville (P3 dans notre étude), un producteur d'alevins de tilapia pour le projet FORMAPROD

Caractéristique de l'exploitation :

Melville est un pisciculteur de Amboditavolo qui travaille avec l'ADPRA depuis 2016. Son site piscicole se trouve au bord de la route nationale 11A, à 30 km au Sud de Antsampanana, l'embranchement avec la route nationale 2 qui relie les deux plus grandes villes du pays. Sur son exploitation, Melville dispose de peu de surfaces aménagées pour la pisciculture (>15 ares). Il a un bas fond de 50 ares, et sur celui-ci, il dispose d'un étang barrage de 9 ares et de 8 étangs de services faisant entre 1 et 3 ares. Il possède également une pépinière (fruitiers, épices) qui en 2018 lui rapportait 85 % de sa marge brute (Mounayar.M, 2019). En saison sèche, son étang barrage manque d'eau mais il arrive à conserver de l'eau dans l'ensemble de ses étangs de service en la renouvelant très peu. En plus de manquer d'eau, son étang barrage est très peu fertile : entre 2016 et 2019, les 4 cycles de production n'ont jamais dépassé un rendement de plus de 200 kg/ha/an* (Mounayar.M, 2019).

Cette année, Melville a fait un cycle d'un an dans son étang barrage où il laisse se reproduire des géniteurs de tilapia en association avec des carpes. L'objectif est en premier lieu de produire un maximum d'alevins de tilapia. Ensuite, une partie des poissons grossis (carpe et tilapia) servira de futurs géniteurs et l'autre partie sera vendue ou autoconsommée.

Conduites d'élevages des espèces piscicoles : (année 2020)

Melville dispose de 8 étangs de services, dont 7 ont pour objectifs de produire des alevins de tilapias. 2 étangs de service sont mobilisés pour la reproduction (sexe ratio APDRA : 6 mâles et 18 femelles par étang). Il laisse ses géniteurs se reproduire trois fois d'affilée, en retirant à chaque fois la génération de larves naissantes pour ne pas les mélanger entre elles, puis il change de géniteurs. Les larves naissantes sont transférées dans deux étangs de service pour le pré grossissement. En fonction des commandes, les alevins pré grossissent un temps plus ou moins long, la moyenne étant de 2 mois pour un poids final de 20 à 30 g selon le pisciculteur. Il dispose également d'1 ou 2 étangs de service pour stocker les géniteurs s'étant déjà reproduits. Il mobilise également deux autres étangs de service pour le grossissement des futurs géniteurs. Quand il peut séparer les géniteurs mâles et femelles, il le fait pour éviter des reproductions non contrôlées et pour nourrir en priorité les génitrices. A noter, le dernier étang de service, qui est le plus grand (3 ares) et le plus fertilisé (élevage porcin au-dessus de l'étang), est mobilisé pour le grossissement des futurs géniteurs de carpes. Melville a perdu tous ses géniteurs de carpes l'an dernier à cause d'une casse de digue et veut reconstituer son cheptel.

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« Si tu n'as pas assez d'espace, il vaut mieux être producteur d'alevins » Melville, novembre 2020 La production et les débouchés :

Melville s'est constitué un réseau de clients grâce au « bouche à oreille » et au travail qu'il a avec FORMAPROD (projet du MAEP financé principalement par le Fond International de Développement Agricole). Sa proximité avec la route nationale lui a permis d'avoir une grande visibilité et un accès facile pour les acheteurs. Il vend aujourd'hui de Mahanoro jusqu'à Brickaville. Les acheteurs sont des pisciculteurs non encadrés par l'ADPRA : quelques cagistes et grands propriétaires qui ont un étang barrage mais surtout des pisciculteurs possédant des trous qui font partie du projet FORMAPROD. Melville a d'abord travaillé avec FORMAPROD à travers son activité de pépiniériste. Aujourd'hui, il joue un rôle de formateur en pisciculture et fait des prospections de sites pour conseiller les bénéficiaires du projet. En retour, il attend d'eux qu'ils lui achètent ses alevins. Si Melville n'a pas assez d'alevins, il fait appel à d'autres pisciculteurs pour le fournir (notamment des pisciculteurs de l'ADPRA). Il leur achète à 150 MGA pièce pour les revendre 300 MGA pièce aux bénéficiaires de FORMAPROD.

Melville nous dit avoir honoré cette année 5 grosses commandes pour un total de 2000 alevins vendus à 300 MGA, soit un gain annuel de 600 000 MGA (110€). Cependant, il nous dit qu'aujourd'hui, la pisciculture lui rapporte autant que son activité de pépiniériste et que la marge dégagée par sa pépinière est restée relativement stable ces dernières années. Nous émettons l'hypothèse que Melville gagne autant en 2020 avec la pisciculture qu'il ne gagnait avec sa pépinière en 2019, lors de l'étude de cas de M. Mounayar. La pisciculture lui rapporterait dans ce cas 2 800 000 MGA (510€) de marge brute. Cet écart pourrait s'expliquer par le fait qu'il n'ait pas mentionné ses gains auprès de FORMAPROD.

Evolution de la pratique :

Au départ, Melville cherchait à faire grossir des tilapias mâles et des carpes dans son étang barrage. Cependant, celui-ci s'est révélé défaillant car de petite taille, très peu productif et en partie tari en saison sèche. Il a alors changé de stratégie et aménagé une série de 8 étangs de services en aval de son étang barrage dans le but de produire des alevins de tilapias pour la vente. En effet, il a remarqué que la demande en alevins de tilapia a fortement augmenté ces deux dernières années car de plus en plus de gens font de la pisciculture dans la zone. Il prévoit également de produire des alevins de carpes dans le futur car cela se vend à un bon prix (500 MGA pièce contre 200 à 300 MGA pièce pour les alevins de tilapias). Cependant, il souligne qu'il risque de manquer d'étangs de service sur son exploitation et que pour lui, la vente d'alevins de tilapias reste prioritaire car plus sûr en termes de vente.

Evaluation de la pratique par le pisciculteur :

Melville est très satisfait de son système d'élevage. Il estime « qu'un pisciculteur doit s'adapter aux surfaces disponibles qu'il possède » et qu'il a réussi à s'en sortir en devenant producteur d'alevins de tilapia. Une fois que les aménagements sont faits, « la pisciculture ne demande pas beaucoup de temps et rapporte beaucoup ». Sa pépinière lui prend plus de temps car il doit arroser tous les jours. Finalement, son activité de pisciculture lui rapporte autant que sa pépinière, qui était de loin sa principale source de revenus il y a encore deux ans. (Mounayar.M, 2019).

Annexe 15 : Francis, un producteur d'alevins et un prestataire de service pour les grands propriétaires Caractéristiques de l'exploitation :

Francis est pisciculteur avec l'APDRA depuis fin 2015. Il est localisé à Ambohimiadana et son site piscicole se trouve au bord de la route nationale 11A, à 30 km au sud de Vatomandry. Il possède un étang barrage de 37 ares où il cultive du riz de saison sur 12 ares (Mounayar.M, 2019). Il a 3 étangs de services (< 1are) et 3 rizières aménagées pour la pisciculture (< 2 ares). Pendant la saison sèche de 2020, il a connu des problèmes d'eau : une partie de son étang barrage s'est tari ainsi que ses 3 rizières et 2 de ses 3 étangs de service.

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Conduites d'élevages des espèces piscicoles : (année 2020)

Francis empoissonne une partie de ses géniteurs tilapias dans son étang barrage de 37 ares et l'autre partie dans deux de ses rizières (sexe ratio ADPRA). De janvier à juin, les géniteurs de tilapia se reproduisent de manière non contrôlée et les alevins pré grossissent. Dans l'étang barrage, il y a également des carpes de la reproduction de l'année 2019, des hétérotis et des gouramis. Dans les rizières, il a uniquement des tilapias. En juin, il récolte le riz de ses parcelles et récupère les alevins de tilapias produits pour les transférer dans ses étangs de service. Ils sont alors stockés jusqu'à ce qu'un client vienne les acheter. Lors du deuxième cycle de juillet à décembre, Francis n'utilise plus que son étang barrage pour la production d'alevins car il mobilise la rizière où il a encore de l'eau pour stocker ses géniteurs de carpe mâles avant la reproduction.

Cette année, Francis n'a pas fait de reproduction de carpe. En effet, d'août à octobre, il a travaillé sur la construction de l'étang barrage d'un grand propriétaire situé à Ilaka Est et l'a fourni en alevins de tilapia et en carpes. De plus, ses deux étangs de service les plus alimentés en eau étaient mobilisés pour le stockage de ses alevins de tilapia avant la vente. D'octobre à décembre, il n'avait plus assez d'eau dans ses rizières et ses étangs de service et a donc transféré ses géniteurs de carpes dans son étang barrage. Il pense acheter des alevins de carpes en 2021 pour les faire grossir dans son étang barrage.

Francis construit actuellement un petit étang de service situé près du sentier menant vers la route nationale. Il prévoit d'y faire un étang de vente pour ses alevins de tilapias. Cet étang sera alimenté directement par sa source. Il a le projet de cimenter le fond de cet étang pour éviter la boue et ainsi vendre des alevins « plus propres » et « limiter le taux de mortalité des alevins ».

La production et les débouchés :

Francis vend ses alevins de tilapias directement à des personnes qu'il connait. Ce sont majoritairement des propriétaires de cage, notamment à Ilaka Est, à 30 km au sud de son exploitation mais aussi des propriétaires d'étangs barrages.

Nous avons comparé ici deux années de production de ce pisciculteur : En 2017, où il a effectué son meilleur cycle de grossissement en empoissonnant des tilapias mâles ; et en 2020, où la majeure partie de ses revenus piscicoles proviennent de la vente d'alevins.

Pêche
et
vente

Poissons

Poids
moyens
(g)

Poids total
produits
(kg)

Prix de vente et
bénéfice (MGA)

Gain total
(MGA et
euros)

Marché / débouché

Juin 2017 (cycle de 6 mois)

Tilapia
grossis

140

68

(7500MGA/kg)
510 000 MGA

987 000
MGA soit

180 €

Marché de Vatomandry

Carpe

580

53

(9 000MGA/kg)
477 000 MGA

Marché de Vatomandry
(direct au client)

2020

Alevins
tilapias
vivants

Non
estimé

Nombre :

4000

(3500 à 200
MGA et
500 à 100 MGA/
pièce)
750 000MGA*

1 125 000
MGA soit

205 €

2 clients :
- Cagiste (1000 alevins)
-Propriétaire d'étang
barrage (3 000 alevins)

Carpes
vivantes
(futur
géniteur)

100

15

(30 000 ar/kg)
375 000 MGA

A 1 client :
Propriétaire d'étang
barrage

*A noter, il lui restait 700 alevins TN non vendus qu'il pensait vendre à un prix > 200MGA/pièce

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Cette année, Francis a aménagé l'étang barrage d'un grand propriétaire d'Ilaka Est. Il a été payé 275 000 MGA (50€) pour cette prestation de service et a vendu 3000 alevins de tilapia ainsi que 150 futurs géniteurs carpes à ce même propriétaire. Ceci représenterait les trois quarts de son chiffre d'affaire annuel sur les activités liées à la pisciculture (230€).

Evolution de la pratique :

En 2016 et en 2017, FRANCIS cherchait à produire une quantité importante d'alevins de tilapia pour empoissonner des fingerlings mâles dans l'étang barrage. Il a effectué son meilleur cycle de grossissement en 2017 (rendement de 1T/ha/an) qu'il écoula au marché de Vatomandry (voir figure 25). Cependant, il souligne la difficulté qu'il a eu pour produire suffisamment d'alevins mâles. Il a le souvenir de n'avoir obtenu que 300 alevins mâles sur 1000 alevins lors du sexage alors qu'il voulait en empoissonner 1000. Il a également observé que les carpes grossissent plus vite que les tilapias.

En 2018 et en 2019, il a effectué ses premières ventes d'alevins de tilapias à des cagistes d'Ilaka Est. Il a gagné successivement 300 000 MGA puis 500 000 MGA. A partir de là, il a choisi de privilégier la vente d'alevins de tilapia qui permet de générer de l'argent rapidement et facilement.

Evaluation de la pratique par le pisciculteur

Francis est très satisfait de son activité piscicole cette année 2020. Selon lui, c'est l'activité de son exploitation qui lui a fait gagner le plus d'argent, devant les letchis (notamment car les prix ont baissé cette année). Il qualifie la vente d'alevins de « vola malaky » qui veut dire « l'argent rapide ».

Annexe 16 : Etude de cas de Martin (P4 dans l'étude), producteurs de poissons vendus « en tas » sur les marchés locaux

Caractéristique de l'exploitation :

Mr Martin est un ancien fonctionnaire à la retraite, il a 76 ans. Il a commencé la pisciculture avec l'APDRA fin 2014. Son exploitation se situe dans la commune d'Ambalavolo, accessible par une route secondaire difficilement praticable en saison des pluies. C'est un grand propriétaire : 30 hectares de terre dont la majorité se situe sur les coteaux. En bas fond, il possède 3 hectares de rizières en métayage, un étang barrage de 13,5 ares et un étang de service de 3,5 ares (équipé d'un moine). Il a également des cultures de rentes (letchis, vanille) et 3 hectares de maïs en coteaux qui lui rapportait 60% de sa marge brute en 2019 (Mounayar M, 2019).

Conduites d'élevages des espèces piscicoles : (année 2020)

Martin fait de l'élevage pluri spécifique de tilapias, carpes, hétérotis et gourami dans son étang barrage. Dans son étang de service, il élève uniquement des tilapias. Dans ses deux étangs, Martin a un total de 40 géniteurs de tilapia (sexe ration APDRA) qu'il laisse se reproduire de manière non contrôlée en continue dans l'objectif d'obtenir beaucoup de poissons à vendre. Pour la carpe, il n'ose plus faire une ponte maîtrisée dans son étang de service depuis qu'il s'est fait voler 8 géniteurs en 2018. Il laisse alors ses géniteurs carpes dans l'étang barrage et y met des jacinthes d'eau en espérant qu'elles se reproduisent naturellement. Depuis le mois d'août, il teste d'élever séparément la carpe et le tilapia car il pense que la surdensité de tilapia freine la croissance des carpes dans l'étang barrage.

Martin essaie de faire des pêches tous les 4 mois dans ses 2 étangs pour vendre fréquemment ses poissons. Lors de la saison des pluies, Martin peut se permettre de faire plus de pêches car les étangs se remplissent rapidement. Alors qu'en saison sèche, il ne fait pas de pêche entre septembre et décembre.

« Acheter des petits poissons en tas permet à chaque personne de la famille d'avoir son poisson dans
l'assiette » Mr Martin, octobre 2020

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« La pisciculture a pour moi des fins pécuniaires ... avoir des gros poissons ne m'intéresse pas vraiment mais c'est avoir de nombreux poissons car ça sera consommé par les acheteurs de la localité ici » Mr Martin,

novembre 2020

La production et les débouchés :

Lors de la pêche, Martin sélectionne tous les tilapias qui ont atteint une taille vendable (estimée à plus de 50 g) et toutes les carpes de plus de 150 g (estimation). Il réempoissonne tous les poissons plus petits pour un nouveau cycle de grossissement d'environ 4 mois avec les géniteurs. Lors des pêches, les villageois des hameaux environnants viennent acheter la production de Martin au bord de son étang. S'il ne vend pas tout, ses fils vont, en plusieurs fois, vendre ses poissons en petite quantité sur les marchés avoisinants (Ambalavolo, Anosomanasa).

Evolution de la pratique :

L'évolution de sa conduite d'élevage est liée aux problèmes qu'il a rencontrés dans le passé pour écouler ses poissons. En 2016, à ses débuts, Mr Martin a voulu vendre ses poissons à Antananarivo, la capitale, où le prix est plus élevé (150 % du prix à Vatomandry en 2020). Il a fait venir un camion sur son site. Les erreurs de sexage ont entraîné une surdensité des poissons dans son étang barrage réduisant ainsi le GMQ des poissons empoissonnés. Sur les 400 alevins de tilapias mâles qu'il avait empoissonnés, il s'est retrouvé avec 1000 tilapias d'un poids moyen de 40g et 1500 alevins de tilapias de moins de 5g. Les carpes elles avaient plutôt bien grossi (150g). Finalement, Martin n'a pas pu rentabiliser le coût du transport du camion.

Depuis, Mr Martin s'est replié sur les marchés locaux. Il est allé vendre à Vatomandry mais il a rapidement remarqué que le plus avantageux était de vendre dans les hameaux et les petits villages autour de chez lui. En effet, à Vatomandry, il doit parfois brader ses poissons car il ne peut pas revenir avec sa marchandise. Tandis que chez lui, il n'est pas obligé de tout vendre en une seule fois.

Récemment, il a décidé de séparer son élevage de carpe (en étang barrage) et son élevage de tilapia (en étang de service). A partir de 2021, il utilisera quelques-unes de ses rizières pour empoissonner des alevins de tilapias tout venants sur une surface plus grande. On peut s'attendre à une augmentation de sa production de tilapias de petites tailles. Selon lui, la demande locale est importante car « le poisson est la protéine la moins chère ici ».

Evaluation de la pratique par le pisciculteur :

Martin dit être satisfait de la combinaison actuelle qu'il a trouvée car il ne prend pas de risque financier (aucun investissement mise à part la main d'oeuvre familiale), il limite les problèmes de vol (reproduction en étang barrage des carpes) et l'activité piscicole ne lui prend pas beaucoup de temps (3 pêches par an de ses deux étangs). Il aimerait produire et vendre davantage de carpes car c'est un poisson qui grossi bien. Cependant, lors de sa dernière pêche, il n'a trouvé aucun alevin de carpes issu d'une potentielle reproduction naturelle dans son étang barrage. Selon lui, le problème vient des Channa sp. qu'il a retrouvé dans son étang barrage et qui aurait éliminé les alevins naissants.

Annexe 17 : Etude de cas de Bastien, un alevineur qui veut à l'avenir devenir grossisseur Caractéristique de l'exploitation :

Bastien est un jeune pisciculteur de Amboditavolo qui travaille avec l'ADPRA depuis 2018. Son père, décédé, avait commencé la pisciculture avec l'ADPRA en 2015. Son site piscicole se trouve au bord de la route nationale 11A, à 30 km au Sud de Antsampanana, l'embranchement avec la route nationale 2 qui relie les deux plus grandes villes du pays. Près de sa maison, il possède un premier site de 14 étangs de services. Ce site est alimenté par une source en amont à l'aide d'un canal d'alimentation. Il manque un peu d'eau au mois d'octobre et la moitié des étangs de service ne sont pas utilisable en saison sèche. A 5 kilomètres du village, il possède un

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étang barrage de 26 ares construit par son père en 2015. Bastien a le projet de s'installer plus tard près de cet étang barrage et d'en aménager d'autres afin de faire du grossissement de poissons en étang barrage.

Conduites d'élevages des espèces piscicoles : (année 2020)

Bastien fait de la reproduction contrôlée de tilapia dans 2 étangs de service entre octobre et janvier (4 mois). Il n'applique pas le même sexe ratio que celui de l'APDRA, il met 5 femelles pour 1 mâle. Le pré grossissement des alevins de tilapia se fait avec les alevins de carpes. Avant octobre, il n'a pas assez d'eau dans une partie de ses étangs de service et il préfère prioriser la reproduction et le pré grossissement des alevins de carpe. Cette année, il a fait 4 reproductions de carpe, dont 2 pontes multiples, entre le mois d'août et le mois de décembre et a produit 10 000 alevins de carpes sans compter la 4ème reproduction du mois de décembre. Après janvier, il estime que ses capacités de stockage d'alevins dans les étangs de services sont saturées. Les alevins produits sont stockés jusqu'au mois de juin dans les étangs de service et vendus petit à petit. En juin, après la pêche de l'étang barrage il empoissonne les alevins non vendus. A ce moment-là, s'il lui reste des alevins de tilapias, il les sexe et empoissonne les mâles dans l'étang barrage.

Entre le mois de février et le mois de juin, l'étang barrage lui sert principalement à stocker ses géniteurs de carpes et ses géniteurs de tilapias mâles. En effet, ils ont plus d'espace pour grossir et il y a moins de risque de vol. En juin, il fait la pêche de son étang barrage pour récupérer les géniteurs de carpes pour la reproduction débutant au mois d'août.

Entre juillet et janvier, Bastien fait du grossissement dans son étang barrage avec les alevins de l'année N1 non vendus. En 2019, Bastien n'avait mis que 130 alevins de carpes car il avait écoulé tous ses alevins de tilapias. En 2020, il a mis des alevins de carpes et des alevins mâles de tilapia en grossissement.

La production et les débouchés :

Bastien vend en grande majorité à des pisciculteurs en dehors de l'APDRA. Il est surtout connu en tant que producteur d'alevin de carpe. Il a un client à Antananarivo, la capitale, qui lui achète des alevins de carpe. Cette année, il a vendu 2000 alevins de carpes au propriétaire d'un étang barrage à Brickaville. Il donne parfois des conseils techniques à ses clients, notamment lorsqu'il va livrer les alevins (à partir de 500 alevins achetés). Il a déjà eu, mais rarement, des commandes d'alevins de tilapia mâles vendu à 700 MGA/pièce au lieu de 300 MGA pour les alevins tout venant. Bastien a remarqué que beaucoup de pisciculteurs de la zone font leurs pêches pendant la saison sèche, vers le mois d'octobre et attendent que la saison des pluies soit finie pour réempoissonner leurs étangs. Bastien reçoit souvent des commandes au mois de décembre mais les acheteurs ne viennent récupérer leurs alevins qu'à partir de mars-avril quand la période cyclonique est passée.

Pêche
et vente

Poissons

Poids
moyens
(g)

Poids total
produits
(kg)

Prix de vente et
bénéfice (MGA)

Marché / débouché

2020

Tilapia

Non
estimé

5

8000/kg

40 000 MGA

Autoconsommation

Carpe

Non
estimé

5

(10 000/kg)
50 000 MGA

Marché local

Alevins TN
vivants

Non
estimé

Nombre :

2000

(300 MGA/pièce)
600 000 MGA

Marché extérieur :
1 client

Alevins
Carpes
vivantes

Non
estimé

Nombre :

6000

(500 MGA/pièce)
3 000 000 MGA

Marché extérieur :
Brickaville /Antananarivo

Sur l'année 2020, c'est la vente d'alevins de carpe qui a été la plus rentable pour Bastien (près de 3 000 000 MGA), vient ensuite la vente d'alevins de tilapias (600 000 MGA) et enfin la vente de carpes grossies pêchées en octobre 2020 (60 000 MGA). Enfin, 5 kg de tilapia grossis ont été autoconsommés (l'équivalent de 40 000 MGA).

100

Evolution de la pratique :

Bastien a repris l'exploitation piscicole de son père en 2018 avec son grand frère Max. Ils se sont mis à produire des alevins et à ouvrir leur boutique le long de la route nationale. Au départ, il faisait de la reproduction de carpe entre août et décembre et la reproduction de tilapia entre août et mars dans ses étangs de services. En 2020, il a réduit cette durée entre août et janvier. Cela lui a libérer du temps pour d'autres activités : la vente de charbon de bois, l'aménagement de l'autre site où il prévoit de faire du grossissement, la préparation de ses étangs de service pour la prochaine reproduction (mis à sec, fertilisations, défrichage des bords d'étangs et du canal d'alimentation.) et il est également chauffeur de taxi brousse ponctuellement.

Evaluation de la pratique par le pisciculteur :

Bastien est satisfait de son activité de producteur d'alevins car cela lui rapporte beaucoup d'argent (« vola malaky »). Il a connu une casse de digue en 2018 qui lui a fait perdre ses poissons en grossissement. La vente d'alevins est plus sûre que la production d'alevins grossis. Cependant, il constate que la production de poissons grossis est une opportunité intéressante. En effet, sa localisation, à 30km de la route nationale 2, lui donne accès à des marchés prometteurs : la vente de poissons grossis aux restaurateurs d'Antsampanana ou d'Andranamafana. Les tilapias de plus de 200g valent entre 12 et 14 000 MGA/kg et la carpe 16 000 MGA /kg. Il prévoit d'aménager son bas fond en construisant 5 autres étangs barrage, en cascade et alimentés par deux canaux de contournement reliés à deux sources d'eaux différentes. Quand il aura aménagé son bas fond, il léguera l'activité de producteur d'alevins à son petit frère et se concentrera sur le grossissement

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