WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Traque aux innovations piscicoles paysannes dans le district de Vatomandry: étude de pratiques piscicoles alternatives aux référentiels techniques proposés par l'APDRA


par Toan Hersant
ISTOM - Ingénieur Agronome 2021
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

2.2.2 L`adaptation de « la traque à l'innovation » à l'étude

a) Définition d'une innovation dans notre étude

La traque à l'innovation est une méthode qui a été initialement utilisée pour caractériser des systèmes de culture « hors normes » comme c'est le cas de l'étude de Chloé Salembier dans la Pampa en Argentine (Salembier & Meynard, 2013).

Notre étude a pour objectif principal d'enrichir la compréhension de l'APDRA sur les pratiques piscicoles peu connues dans ses zones d'interventions. Nous étudions alors les pratiques piscicoles « hors normes » par rapport aux conseils proposés par l'ONG. Nous considérons une innovation comme étant une pratique piscicole paysanne différente de ce que recommande l'APDRA et susceptible d'être intéressante pour d'autres pisciculteurs encadrés par l'APDRA. Cette définition peut restreindre la traque menée. En effet, les pratiques apportées par l'ONG peuvent être des innovations du point de vue du pisciculteur s'il les intègre durablement dans son exploitation. Ces pratiques innovantes peuvent alors modifier d'autres éléments du système d'élevage de l'exploitation qui seront potentiellement considérées comme des innovations paysannes dans notre étude. De plus, un deuxième point de la définition porte sur le caractère diffusable pour l'APDRA de la pratique innovante étudiée. La demande de l'APDRA est d'étudier des pratiques innovantes qui s'intègrent dans les modèles de pisciculture qu'elle propose. Nous gardons cependant une certaine liberté car des pratiques jugées à première vue trop éloignées du référentiel de l'ONG pourraient tout de même l'intéresser.

b) Une étude impactée par la crise sanitaire du COVID 19

A cause de la pandémie mondiale du COVID 19 qui a également frappé Madagascar, l'APDRA a décidé de réduire ses activités et de limiter au maximum ses déplacements sur le terrain. Les deux stages, initialement prévus de mars à septembre 2020, se sont divisés en deux phases.

Une première phase de télétravail a eu lieu de mars à mai 2020 (3 mois au lieu de 1 mois prévu initialement) en dehors de la zone d'étude et donc déconnectée des réalités du terrain. Nous avons dressé, en équipe avec le deuxième stagiaire, un état de l'art sur l'innovation paysanne et travaillé sur la méthodologie de la traque à l'innovation et son adaptation à nos deux études. De plus, j'ai mis à jour une première version du référentiel technique de l'APDRA sur la Côte Est, réalisé des guides d'entretiens (guide équipe technique de l'APDRA, guide du 1er entretien avec les pisciculteurs) et mené les premiers entretiens téléphoniques avec les membres des équipes techniques de l'APDRA-Côte Est pour identifier et pré caractériser des pratiques paysannes innovantes.

Le stage a ensuite été mis en pause et un autre stage de 2 mois a été réalisé avec une entreprise qui propose un modèle d'algoculture villageoise dans le Sud-Ouest de Madagascar. Cela a marqué une coupure et une certaine déconnexion avec l'étude mais également une prise de recul et l'acquisition de nouvelles expériences.

Une deuxième phase, sur le terrain, a eu lieu d'octobre à décembre 2020. Lors de cette phase, les mesures de restrictions prises par l'ONG ont été assouplies, ce qui a permis une bonne réalisation de l'étude. Cependant, l'APDRA nous a fortement conseillé de rencontrer uniquement des pisciculteurs encadrés par l'ONG en présence d'un Animateur Conseiller Piscicole (ACP), au moins lors de la première visite ; de même l'hébergement chez les pisciculteurs était interdit. De plus, la phase de terrain a été réduite, initialement d'une durée de trois mois et demi, elle est passée à deux mois. Les préparations logistiques, le choix et la formation du traducteur, les phases de capitalisation et de restitution et un arrêt maladie ont diminué le temps d'enquête auprès des pisciculteurs qu'on estime finalement autour d'un mois. Ce temps est relativement court pour mener à bien notre étude.

Définir un projet de traque aux innovations

Repérer des
pratiques
innovantes

c) Les 5 étapes de la « traque à l'innovation » menée sur la Côte Est de Madagascar

Les 5 étapes de la traque à l'innovation (voir Figure 4) ont été adaptées en fonction du contexte du stage (voir Figure 5). La dernière phase de test et de validation des innovations ne relève pas du stagiaire et sera du ressort de l'APDRA.

· Mise à jour du référentiel piscicole de l'APDRA-Côte Est pour définir les pratiques piscicoles jugées "normales": la polyculture en étang barrage ou en rizière

· Les innovations à "traquer" seront les pratiques alternatives à celles du référentiel piscicole

 

· Identification de pratiques piscicoles innovantes et de pisciculteurs innovateurs en enquêtant les équipes techniques de l'APDRA, les pisciculteurs (échantillonnage par méthode « boule de neige ») et

les Services de la Pêche et de l'Aquaculture (SPA) de Vatomandry.

 

·

Test et
validation
(APDRA)

1ère phase terrrain: Caractérisation d'une trentaine d'innovations identifiées --> Restitutions aux équipes APDRA / Discussions des résultats / Choix de 2 innovations à approfondir

· 2ème phase terrain: Caractérisation de deux innovations systémiques (à travers 12 études de cas) --> Restitutions aux équipes APDRA / Discussions des résultats

·

Caractérisation
des pratiques
innovantes

Analyse comparée des pratiques innovantes rencontrées et des pratiques recommandées pa l'APDRA

· Analyse transversale des pratiques innovantes identifiées chez plusieurs pisciculteurs

·

Analyse des
pratiques
innovantes

Analyse zootechnique et analyse des trajectoires des deux innovations systémiques approfondies

· Analyse des marchés de vente auquelles ont accès les 12 pisciculteurs étudiés en études de cas

· Formulation de protocoles tests pour certaines innovations (Recherche-action, CIRAD)

· Validation des innovations par expériences validées ou par le processus d'appropriation sociale de l'innovation (nombre important de pisciculteurs ayant adoptés l'innovation)

· Diffusion via différents canaux (foire aux innovations, échanges entre les pisciculteurs, conseils techniques,...)

16

Figure 5: Les 5 étapes de la traque à l'innovation menée sur la Côte Est de Madagascar

1ère étape : Formuler un projet de traque aux innovations

A/ Le projet de traque a été mené sur les régions d'interventions de l'APDRA à Madagascar pour permettre à l'ONG d'enrichir sa compréhension des pratiques piscicoles innovantes dans les zones où elle intervient. La répartition des deux stagiaires s'est faite entre la zone des Hautes Terres de l'île (4 régions), où l'ONG propose l'élevage mono spécifique de carpe en rizière et la zone Est du pays (1 région) où l'élevage plurispécifique en étang barrage et en rizière sont proposés. L'autre stagiaire a mené une traque dans 3 des 4 régions des Hautes Terres et notre étude, présentée ici, se concentre sur la région de la Côte Est, Atsinanana (voir Figure 6).

17

Figure 6: Régions dans lesquelles ont été menées les deux traques aux innovations parmi les régions d'intervention de l'APDRA-Madagascar

B/ Dans cette étude, le référentiel technique est considéré comme l'ensemble des conseils techniques apportés par les équipes de l'APDRA-Côte Est aux pisciculteurs, en termes d'aménagements et de conduites piscicoles. Définir ce référentiel nous permet de caractériser les pratiques piscicoles considérées comme « normales » pour l'APDRA, pour, par la suite, identifier les pratiques « hors normes » des pisciculteurs enquêtés. Les principaux acteurs de la transmission des conseils techniques de l'APDRA aux pisciculteurs sont les Animateurs Conseillers Piscicoles (ACP).

Encadré n°1 : Le rôle de l'Animateur Conseiller Piscicole à l'APDRA

L'ACP «est à la fois technicien, animateur et catalyseur du développement de l'activité piscicole » (Halftermeyer, 2008).

Missions : Sensibilisation des candidats à la pisciculture, réalisation d'études topographiques, conception d'aménagements piscicoles, formation des pisciculteurs à la construction des ouvrages et aux techniques piscicoles, appui à l'organisation des groupes locaux de pisciculteurs, médiation lors d'éventuels conflits. (Halftermeyer, 2008)

Outils : Référentiels techniques de l'APDRA / Méthode de recherche co-active de solution / Tests et expérimentations avec les pisciculteurs /Formations et appuis du pôle de Recherche-action de l'APDRA et des partenaires (CIRAD, DRAEP).

Conditions : Travail sur le terrain 4 à 5 jours par semaine / hébergement chez les pisciculteurs.

« L'ACP doit tout mettre en oeuvre pour le développement de la pisciculture paysanne dans le territoire, il faut être polyvalent à ce poste » (dires du Responsable de la Composante Côte Est du PADPP3, Zo Andrianarinirina, 2020).

18

L'APDRA-Côte Est ne possède pas de document actualisé que l'on puisse considérer comme le référentiel technique actuel. Une démarche itérative a alors été adoptée pour élaborer ce référentiel articulant successivement :

1/ L'étude des documents capitalisés par l'APDRA, principalement sur la Côte Est de Madagascar. 2/ La modification du référentiel en fonction des différents conseils techniques apportés par les équipes sur le terrain.

1/ Tout d'abord, une première version du référentiel technique a été élaborée en amont de la phase terrain. Celle-ci décrit les deux modèles de pisciculture proposés par l'APDRA sur la Côte Est de Madagascar, à savoir, l'étang barrage et la rizipisciculture.

La pisciculture en étang barrage proposée par l'APDRA sur la Côte Est a été inspirée du référentiel technique développé par l'ONG en Guinée Forestière. Nous avons utilisé différents documents techniques capitalisés par l'APDRA en Guinée et sur la Côte Est de Madagascar. Plusieurs documents, dont le rapport de capitalisation PPMCE-SA (Projet Piscicole Côte Est de Madagascar - Sécurité Alimentaire - 2012-2017) écrit en 2017 font part d'adaptations faites sur la Côte Est de Madagascar du référentiel de Guinée Forestière. De plus, le Responsable de la Composante Côte Est du PADPP3 a apporté d'autres éléments sur les pratiques techniques conseillées par ses équipes aux pisciculteurs. Les informations obtenues ont été recoupées et triangulées entre elles en essayant au maximum de prendre en compte les spécificités de la zone d'étude et les adaptations du système étang barrage sur la Côte Est de Madagascar.

La rizipisciculture proposée par l'APDRA sur la Côte Est est inspirée du modèle développé par l'ONG sur les Hautes Terres de la grande île. Aucun document n'a été trouvé sur l'adaptation de ce modèle sur la Côte Est. Nous nous sommes donc basés sur les informations disponibles sur les Hautes Terres. Celles-ci ont été réunies sous forme d'un référentiel technique par le deuxième stagiaire (S. Gate). Il s'est basé sur les documents capitalisés par l'APDRA sur les Hautes Terres, à savoir principalement les rapports de capitalisation de projets, les fiches techniques et les LVRP2*.

2/ Ensuite, lors du début de la phase terrain, nous avons passé quelques jours à accompagner les ACP dans leurs visites chez les pisciculteurs. Les premières discussions avec les ACP et les pisciculteurs ont révélé l'existence d'un gap important entre les informations présentes dans la première version du référentiel technique élaborée et les conseils techniques réellement donnés par les équipes sur le terrain. De plus, il existe des divergences de discours entre les équipes techniques de la Côte Est sur les conseils à recommander aux pisciculteurs. On peut penser que chacun à une vision partielle de ce que l'on pourrait appeler « le référentiel technique de l'APDRA Côte Est ».

Comment composer un référentiel unique qui nous servira de base de comparaison si le référentiel lui-même n'est que partiellement connu de tous ? Rappelons que ce stage a pour objectif de capitaliser des pratiques piscicoles encore inconnues par tous les membres de l'APDRA, à savoir, les salariés de l'APDRA dans les autres régions de Madagascar mais aussi dans les autres pays. Un choix a été fait de considérer comme faisant partie du référentiel technique toutes les pratiques que le Responsable de la Composante Côte Est du PADPP3, qui dirige les équipes de l'APDRA sur la Côte Est, valide comme faisant partie des conseils techniques à recommander aux pisciculteurs sur le terrain.

2 *LVRP : La Voix des Rizipisciculteurs est un journal trimestriel produit par l'APDRA portant sur différentes thématiques piscicoles et principalement destiné aux pisciculteurs.

Le Responsable de la Composante Côte Est du PADPP3 est en quelque sorte le lien entre l'équipe de coordination nationale et l'équipe technique de la Côte Est. C'est lui qui d'un côté rédige les rapports de capitalisation et de l'autre travaille au quotidien avec les ACP.

Une méthode de validation en 4 phases des conseils techniques faisant partie du référentiel technique a été mise au point :

Phase 1 : Identification des
conseils techniques
recommandés par
l'APDRA dans ses
documents capitalisés (1ère
version du référentiel :
phase pré terrain)

Phase 2 : Identification de
conseils techniques différents de
la 1ère version du référentiel :
- Discussions informelles avec les
ACP
- Discussions informelles avec les
pisciculteurs
- Observations sur le terrain

Phase 3 : Recoupement des
informations obtenues :
Conseils retenus : Les conseils
techniques donnés par la majorité
des ACP
Conseils non retenus : les conseils
techniques identifiés un nombre
restreint de fois sur le terrain

19

Phase 4 : Discussion en réunion des conseils techniques retenus lors de la phase 3 :
- Personnes présentes : ACP, responsable ACP, Responsable de la Composante du PADPP3,
Responsable Suivi-Evaluation (RSE)
- Questions non ciblées sur le conseil retenu : « Quelle pratique recommande l'APDRA pour ... » / « J'ai
repéré ... chez un pisciculteur, est ce que vous le recommandez ? »
-* Si la pratique est acceptée par le Responsable de la Composante Côte Est du PADPP3 comme
faisant partie des recommandations de l'APDRA sur le terrain, alors elle fait partie du référentiel
technique actualisé

Figure 7 : Les 4 phases de validation des pratiques faisant partie du référentiel technique de l'APDRA-Côte Est

La phase 1 consistait à réunir l'ensemble des conseils techniques recommandés par l'APDRA dans les documents que l'ONG a capitalisés. La phase 2 consistait à repérer sur le terrain ou lors des discussions avec les ACP, les conseils techniques donnés par les ACP aux pisciculteurs. La phase 3 différenciait les conseils techniques identifiés un certain nombre de fois, et notamment provenant de plusieurs ACP, des conseils techniques identifiés un nombre restreint de fois. Cela a permis de faire un premier tri et de gagner du temps pour aborder lors de la phase 4, uniquement les conseils qui paraissent « généralisés ». La phase 4 visait, lors des réunions du lundi avec l'ensemble de l'équipe technique de la Côte Est, à aborder les différents conseils retenus lors de la phase 3 pour voir s'ils étaient approuvés ou non par le Responsable de la Composante du PADPP3 et le reste de l'équipe (voir Figure 7). Cette méthode a permis de constituer, tout au long de la phase terrain, une deuxième version du référentiel technique de l'APDRA Côte Est en validant, ajoutant, remplaçant ou en supprimant des éléments issus de la première version.

2ème étape : Repérage des pisciculteurs aux pratiques innovantes A/ Le référentiel technique, un 1er filtre pour identifier les pisciculteurs innovateurs :

L'identification des pisciculteurs innovateurs s'est faite en comparant les pratiques des pisciculteurs et les pratiques recommandées par l'APDRA dans son référentiel technique. Quand celles-ci étaient différentes, une porte s'ouvrait sur une potentielle innovation à étudier. Cependant, comme nous l'avons vu, le référentiel lui-même a évolué tout au long de la phase terrain. Une démarche itérative a été adoptée et les innovations identifiées étaient comparées à la version actualisée du référentiel technique à chaque moment. Certaines innovations identifiées comme telles au départ, se sont alors avérées ne plus en être par la suite.

20

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Des chercheurs qui cherchent on en trouve, des chercheurs qui trouvent, on en cherche !"   Charles de Gaulle