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La MONUSCO dans le résolution des conflits: entre contestation locale et légitimation global


par Bernard POPO-E-POPO
Université Paris 8 Vincennes Saint Denis - Master 2 2020
  

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1.2. Les milices insurrectionnelles et contestataires

Le changement de modèle de conflit a eu des conséquences considérables dans le fonctionnement de la société congolaise. En effet, seul la zone ethnique Lubero-Beni résiste encore en maintenant malgré plusieurs événements malheureux de violences et massacres de la population par les milices rebelles. Les deux autres zones en l'occurrence Goma-Masisi-Walikalé et Rutshuru sont aujourd'hui compléments déstabilisés principalement à cause de l'impact négatif des événement de Banyarwanda. La majorité des Tutsis du groupe social Banyarwanda vivent encore au Rwanda, tandis que les Hutus ont payé cher leur alliance avec les forces négatives au cours de la première guerre du Congo.

Il convient de préciser ce que l'on entend par milices insurrectionnelles à la différence des groupes armés que j'aborde dans les lignes qui suivent. En effet, comme le montre bien Jasons Stearns, si les groupes armés sont étroitement intégrés aux sociétés dont ils sont issus et sont en constante interaction avec l'État auquel ils s'opposent, les milices insurrectionnelles s'inscrivent quant à elles dans « le spectre de la contestation populaire, aux côtés des mouvements sociaux et protestataires »143. Pour comprendre les milices qui perpétuent les violences à l'Est de la RDC, je métrai l'accent sur l'interaction entre trois facteurs. Le premier facteur est celui des opportunités politiques disponibles pour la mobilisation. Ces opportunités sont relatives à un contexte politique caractérisé par des clivages et des divisions au sein des élites ; par une capacité plus ou moins importante du système politique congolais à intégrer la contestation ; par une instabilité de l'appareil d'État souvent propice à l'émergence de mouvement sociaux contestataires. Le deuxième facteur est celui de la présence de la structure de la mobilisation de ces violences. Enfin, le troisième facteur est celui du processus de cadrage. Ici, la mobilisation opère ainsi autant par le haut que par le bas tout en s'appuyant à la fois sur les opportunités politiques pour procurer l'encrage nécessaire à la mobilisation, sur le tissu social pour se développer, et sur un cadrage culturel ou idéologique approprié pour rallier des partisans. Il ne s'agit pas de faire une histoire de ces mouvements mais de comprendre plutôt leur dynamique social.

143 Jason Stearns, Traduction de Christine Mercier, Avec l'appui de Nicolas Donner, « L'ancrage social des rebellions congolaises. Approche historique de la mobilisation des groupes armés en République démocratique du Congo », In Afrique contemporaine 2018/1 (N° 265), pages 11 à 37, p. 12.

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En effet, au début des années 1960 l'État n'avait presque plus le monopole de l'extraction minière. Cette perte du monopole de l'État était la conséquence de l'effondrement des entreprises publiques et parapubliques. Du coup, l'exploitation artisanale prendra son essor pour suppléer à l'exploitation industrielle. Dans ce contexte, les jeunes, généralement majoritaires et issus de l'immigration seront exploités dans le commerce transnational très lucratif et bien souvent illégal. Après la crise des réfugiés rwandais que j'ai déjà mentionnée et l'invasion de l'AFDL de Laurent désiré Kabila, les groupes armés vont se multiplier considérablement. Ceux-ci vont s'impliquer de manière considérable dans « une économie de guerre qui se nourrissait de l'impôt illicite, de la contrebande et racket »144. Du coup, cette situation entraine une transformation radicale du cadrage de la mobilisation de milices contestataires. Les conflits communautaires qui avaient autrefois marqué le début des années 1990 cèdent la place au repli identitaire et au renouvèlement du sentiment d'appartenance à la nation congolaise en défense contre l'agression étrangère145. C'est dans cette perspective que les milices Maï-Maï prendront de l'ampleur en s'exprimant à travers la rhétorique d'autodéfense. Les Maï-Maï renforcent ainsi leur encrage social dans les régions ayant une histoire d'insurrection armée, notamment dans les territoires de Masisi, Bunyakiri, Ruwenzorie et Fizi. Dans cette perspective, Jasons Stearns considère que « l'ethnicité fut cependant de plus en plus exprimée en termes abstraits et réifiés - `'l'agression Tutsi» devant un prisme dominant pour de nombreux Mai-Maï, alors même que les groupes rwandophones développaient une rhétorique de la victimisation, mêlant souvent les expériences de leurs communautés avec le génocide rwandais »146. La capacité des groupes Maï-Maï demeure toutefois limitée dans le sens qu'ils sont essentiellement incapables de peser sur le événement au-delà de communautés ethniques ou sociales qui les soutiennent.

C'est précisément lors de la deuxième guerre du Congo qui eut lieu entre 1998 et 2003 que les groupes armés et les milices contestataires dans les Kivu ont proliféré en bénéficiant généralement des appuis et collaboration extérieur. Plusieurs études sur les milices à l'Est de la République Démocratique du Congo, notamment celle de Jason Stearns que j'ai largement mobilisée montre que cet appui venait du Rwanda, tandis que les Maï-Maï étaient soutenu par les acteurs politiques de Kinshasa147. Et l'important de ce soutien extérieur, renchérit Reyntjens

144 Jason Stearns, Traduction de Christine Mercier, Avec l'appui de Nicolas Donner, « L'ancrage social des rébellions congolaise... », Op. Cit., p. 24.

145 Ibid.

146 Ibid.

147 Jason Stearnrs, Op. Cit., p. 25.

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s'est affirmé à la suite de l'accord de cessez-le-feu de Lusaka en 1999148. Par conséquent, les deux guerres du Congo ont totalement modifié l'encrage social de la mobilisation armée dans le sens qu'elles ont transformé les groupes armés qui étaient au départ des milices d'autodéfenses inscrites dans la réalité de la vie rurale, en acteurs étroitement mêlés aux élites politiques et au monde des affaires. Pour Jason Stearns, « la montée des hommes forts militaires qui s'impliquèrent dans l'administration locale, éroda davantage les structures de l'autorité coutumière et de la cohésion sociale »149. Il montre de ce fait, que si dans la première vague de milices qui s'étaient formées dans les années 1990 comptait fortement sur l'appui des chefs coutumiers et les communautés locales, ces liens s'élargirent lorsque les chefs militaires ont commencé à se construire de bases autonomes de revenus et de soutiens à travers leurs liens avec Kinshasa, des groupes armés étrangers et des réseaux commerciaux transnationaux. Du coup, les chefs coutumiers vont être aussi intimidés, remplacés ou même assassinés par divers groupes rebelles actifs dans l'Est de la République Démocratique du Congo. Et dans le même temps comme le souligne Vlassenroot, le recrutement des jeunes va ainsi donner naissance à une génération militarisée qui se détache de plus en des chefs coutumiers, des anciens et des parents150. C'est dans cette perspective qu'il faut comprendre la logique des milices rebelles et contestataires qui prolifèrent aujourd'hui à l'Est de la République Démocratique du Congo.

Toujours dans une logique contestataire, l'Est de la République Démocratique du Congo avait été en avril 2012 le théâtre d'une escalade de violence. Cette violence présentait les mêmes caractéristiques communes avec CNDP151. Ces milices rebelles et contestataires, composées généralement des chefs de la rébellion du M23 étaient des officiers de l'ex- CNDP, que les Forces armées de la République démocratique du Congo avaient tenté de redéployer loin de Kivu depuis leur intégration en 2009. Comme l'explique Janson Stearns, les grandes irrégularités des élections de 2011, qui incitèrent les donateurs étrangers à intensifier leurs pressions sur le président Joseph Kabila et séparèrent sa légitimité nationale, vont amener le gouvernement congolais à redoubler d'efforts dans l'objectif de démanteler ces réseaux de l'ex-

148 Cfr. Reyntjens, F., The Great Africa War. Congo and Regional Geopolitics (1996-2006), Cambridge, Cambridge University Press, 2009.

149 Janson Stearns « L'ancrage social des rebellions congolaises », Op. Cit. p. 25.

150 Cfr. Vlassenroot Koen, Raeymaekers Timothy, «Kivu's Intractable Security Conundrum», In African Affairs, vol. CVIII, n°432, p. 475-484.

151 Le Congrès nationale pour la défense du peuple (CNDP en sigle) est l'administration rebelle établie par Laurent Nkunda dans la région du Kivu de la République démocratique du Congo. Le CNDP s'était battu contre les Forces armées congolaise dans le conflit du Kivu.

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CNDP152. Il va s'ensuivre une mutinerie que l'on appelle également « mutinerie préventive » d'un groupe d'officiers qui annonçaient la création du M23153.

En fait, la crise de M23 aura pour résultante la formation ou pour ainsi dire le renforcement de plusieurs groupes contestataires dans la région, notamment Rutshuru. L'intensification de la mobilisation résultait également des efforts du M23 et les alliées au Rwanda dans l'objectif de construire des alliances ou même de créer de nouveaux groupes dans le territoire orientale congolais tels que l'Alliance pour la libération de l'Est (ALEC) dans le territoire d'Uvira, et la Force oecuménique pour la libération du Congo (FOLC), dirigée par les militaires qui avaient désertés des FARDC dans la région de Beni, dans le Nord-Kivu. Dans ces mouvements, l'on retrouve les politiciens marginalisés jouant un rôle crucial dans cette entreprise.

Après la défaite du M23 suite au mouvement de contre-insurrection lancée par les Forces Armées de la République Démocratique du Congo avec l'appui de la Monusco, on assistera à des nouvelles séries d'opérations contre les groupes armés étrangers. Les opérations « Sukola I et Sukola II » auront par exemple pour cible dans un premier temps l'insurrection des Forces démocratiques alliées (Allied Democratic Forces, ADF en sigle) autour de Beni, ensuite il sera question de la poursuite des FDLR dans le Nord-Kivu et dans le Sud-Kivu. Le groupe d'études sur le Congo documente que les opérations menées contre ces deux groupes que je viens d'évoquer avaient montré leur ancrage dans la société. À Beni, les ADF vont se joindre aux groupes armés locaux pour perpétrer une série de massacres en riposte à l'offensive des Forces armées de la République Démocratique du Congo154. Pendant cette campagne contre le FDLR, il est documenté également que l'armée congolaise n'avait pas hésité à nouer les alliances avec les milices locales, tandis que les FDLR en firent autant avec d'autres milices, notamment les divers groupes de Nyatura. Jason Stearns précise que les FDRL s'associaient aux groupes Nyatura qui sont des milices locales qui recrutent au sein de la communauté hutue congolaise155.

Les études menées en 2017 par Jason Stearns et Christoph Vogel montrent que depuis la fin du M23, plusieurs tendances nouvelles se sont ainsi faites jour dans le conflit à l'Est de

152 Jason Stearns « L'ancrages social des rebellions congolais », Op. Cit. p. 29.

153 Groupe d'experts des Nations unies sur la République démocratique du Congo, « Final Report of the UN Group of Experts on the Democratic Republic of the Congo, UN/S/2012/843 », Nations Unies, p. 10-12.

154 Cfr. Congo Research Group «Mass Killings in Beni Territory. Political Violence, Cover Ups and Cooptation», New York, Congo Research Group, Center on International Cooperation, 2017.

155 Janson Stearns, « L'ancrage social des rebellions congolaises... », Op. Cit., p. 30.

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la République Démocratique du Congo156. On note premièrement qu'avec la chute de M23, le conflit a considérablement diminué dans sa dimension régionale d'une part, et d'autres part les arènes de mobilisation sont apparues. Plusieurs groupes rebelles étrangers persistent cependant, en l'occurrence l'ADF, les FDLR.

Aujourd'hui, l'on assiste plutôt à un changement de paradigme des conflits. Même si le rôle de soutiens étrangers semble visiblement diminuer, en réalité ils impactent tout de même la situation conflictuelle à l'Est du Congo. Ce qui parait tout au plus évident dans ce changement de paradigme c'est le fait que l'agitation politique nationale a offert une motivation et des opportunités pour des nouvelles alliances. On peut ainsi lier dans cette tendance la violation armée à la lutte pour la succession à la tête du pays. L'exemple de la lutte pour la succession du président Joseph Kabila en 2016 semble assez éloquent pour le signaler. En effet, ayant été empêché par la constitution de la République Démocratique du Congo de briguer un troisième mandat, le président Kabila avait utilisé les manoeuvres dilatoires pour reporter les élections dans l'optique de se maintenir au pouvoir. Dans une perspective contestataire marqué par l'extrême violence, en début d'année 2017, les groupes armés locaux de l'Est reformulaient de plus en plus leurs objectifs en faisant référence à la question des élections nationales. De telles réclamations faisait dans le même temps occulter par conséquent la rhétorique omniprésente de l'agression étrangère. Dans ce contexte de tension, Jason Stearns souligne que les réactions du gouvernement congolais avaient été également influencées par la politique nationale157. L'extrême brutalité de la répression qu'on avait constatée et la participation de certains haut gradés de l'armée nationale aux massacres de Beni nous permettent de penser que le gouvernement n'est pas totalement innocent concernant l'instabilité à l'Est. On a assisté par exemple à la gratification des officiers loyaux dans le cadre de la stratégie visant à diviser les opposants. Division qui aura comme conséquence la réactivation des conflits locaux qui sera un argument de taille pour prétexter le report des élections. Du coup, l'armée nationale congolaise qui était jadis sollicitée pour distribuer des privilèges et coopter de potentiels rivaux, parait au contraire muer en force de répression. On se demande alors si la force militaire ne pourrait pas redevenir un moyen de contester le contrôle de l'État.

Ce que l'on remarque encore ces dernières années comme quelque chose de plus visible, c'est le fait de la fragmentation des groupes armés et de la prolifération des milices contestataires à l'Est du pays. Dans la dernière cartographie des groupes armés dans l'Est du

156 Cfr. Jonson Stearns, Vogel, « The Landscape of Armed Groups in Eastern Congo. Fragmented, Politicized Networks », Congo Research Group, New York University, 2017.

157 Janson Stearns, « L'encrage social de rebellions congolaise... », Op. Cit., p. 31.

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Congo réalisée par le Groupe d'étude sur le Congo et le Baromètre sécuritaire du Kivu en février 2021, on compte en 2020, plus ou moins 122 groupes armés dans tout l'Est de la République démocratique du Congo (Nord-Kivu, Sud-Kivu, Ituri et Tanganyika)158. Ce rapport récent examine les principales dynamiques de la mobilisation armée et de l'insécurité dans l'Est de la République Démocratique du Congo dans l'objectif de mieux contextualiser la cartographie des groupes armés. Il illustre pour ainsi dire les différentes tendances en examinant plusieurs zones géographiques et en analysant certaines zones des développements politiques et sociaux plus large qui façonnent la violence. Plusieurs facteurs expliquent la prolifération de ces groupes armés. Il importe de souligner que la plupart des groupes armés subissent peu de pression de la part de l'armée congolaise qui est d'ailleurs hyper sollicitée et le programme de démobilisation nationale n'a pas du tout été véritablement opérationnel depuis plusieurs années.

Aujourd'hui, bien au-delà des nouvelles causes ou des nouveaux déclencheurs, il semble pertinent de souligner les caractéristiques permanentes et persistantes des conflit et violences. Le dernier rapport du Groupe d'étude sur le Congo souligne qu'« une partie de la violence dans l'Est du Congo est motivée par le besoin des groupes armés de survivre en extrayant de ressources et se battent pour conserver le contrôle de territoire »159. Force est de constater que les interventions extérieures visant à rompre cette inertie ont largement montré leurs limites. L'arrivée au pouvoir du président Felix Tshisekedi n'a fait qu'aggraver la situation d'insécurité à l'Est du pays. Malgré les deux ordonnances présidentielles que j'ai évoquées à l'introductions déclarant « l'état de siège » dans le Nord-Kivu et en Ituri, une grande partie de la population pense même l'actuel président, Félix Tshisekedi, s'est trop peu intéressé au début de son mandat à la tête du pays aux conflits à l'Est de la République Démocratique du Congo et les désaccords politiques entre le CACH du président Tshisekedi et le FCC de l'ancien président Joseph Kabila dans un gouvernement de coalition n'ont fait qu'entraver toutes les pulsions de réforme dans le domaine de la sécurité du pays en 2019 et en 2020. De l'autre côté, la Mission de l'Organisation des Nations unies pour la stabilisation du Congo (Monusco) a été réduite suite aux contestations locales. Du coup, l'absence d'opérationnalisation du programme de démobilisation, la reddition de dizaine de groupes armés au cours de ces deux dernières années n'a eu que peu d'impact.

158 Groupe d'étude sur le Congo, Baromètre de sécurité du Kivu, Center on International Cooporation, « La cartographie des groupes armés dans l'Est du Congo. Opportunité manquées, insécurité prolongée et prophétie

auto-réalisatrices », Février, 2021.
https://kivusecurity.nyc3.digitaloceanspaces.com/reports/39/2021%20KST%20rapport%20FR.pdf, Consulté le 03 juin 2021.

159 Groupe d'étude sur le Congo, Baromètre sécuritaire du Kivu, Center on International Cooporation, « La cartographie des groupes armés dans l'Est du Congo, Op. Cit., p. 8.

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Ce qui a occasionné la réactivation au sein de la communauté locale de la thèse l'ingérence étrangère dans les conflits congolais.

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"Il ne faut pas de tout pour faire un monde. Il faut du bonheur et rien d'autre"   Paul Eluard