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La MONUSCO dans le résolution des conflits: entre contestation locale et légitimation global


par Bernard POPO-E-POPO
Université Paris 8 Vincennes Saint Denis - Master 2 2020
  

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2. Contestation de la Monusco par la population : Société civile, Mouvements citoyens

Les mobilisations des mouvements contestataires à l'égard de la Monusco deviennent de plus en plus nombreuses en République démocratique du Congo. Depuis 2010 les manifestations contre « l'inaction » des forces onusiennes ont pris une proportion forte au sein de la société civile mais également dans les communautés diasporiques de la République démocratique du Congo. Jadis, apanage des acteurs politiques qui cherchaient à s'éterniser au pouvoir en s'en prenant aux responsables de la mission qui leurs exigeaient le respect des principes démocratiques, notamment l'alternance au sommet de l'État, aujourd'hui la contestation contre la Monusco est devenue le combat des mouvements citoyens, de la diaspora congolaise, généralement pilotés par des jeunes. Ces contestations trouvent leur source de légitimation sur ce que certains chercheurs appellent « l'inefficacité de la Monusco ». Ces mouvements contestataires qui se mobilisent contre l'incapacité de la force onusienne à mettre fin aux massacres des civiles à l'Est de la République démocratique du Congo ont pris ces dernières années une proportion nationale alors qu'au départ, ils étaient beaucoup plus visibles à l'Est du pays. Si les manifestions organisées contre la Monusco sont d'abord des manifestations pacifiques, elles dégénèrent très souvent par la violence ou même par l'extrême violence.

En effet, la contestation autour de Mission de l'ONU au République démocratique du Congo est né par ce que l'on pourrait appeler la crise d'autorité de la Monusco. Par autorité, je n'entends pas seulement des personnes titulaires de statuts, mais de façon plus générale tous ceux que l'on doit croire, comme écrit Georges Lavau, parce qu'ils font autorité en tant que représentation du vrai. De ce point de vue, la contestation nait ici de ce que les autorités n'ont plus de signification : on leur adresse le défi de faire la preuve de leur fidélité à leur propre principe et leur mission qui est premièrement celle de la protection de civils comme décrit à l'alinéa i) du paragraphe 29 de la résolution 2502 (2019) et appuyer la stabilisation et le renforcement des institutions de l'État en République démocratique du Congo ainsi que les principes de la gouvernance et de la sécurité, comme décrit à l'alinéa ii) du paragraphe 29 de la même résolution44. Parlant de la croyance en l'autorité, Michel de Certeau écrit : « pour être crues, les autorités doivent être vérifiées et qu'elles n'ont de légitimité que par les adhésions qu'elles reçoivent et les participations dont elles bénéficient »45. Commençant parfois par une manifestation banale, la perte de confiance dans les autorités de la Mission de l'Organisation

44 Cfr. Nations-Unies, S/RES/2502 (2019).

45 Michel de Certeau, Les révolutions du croyable, Esprit, Février, 1969, pp. 190-202.

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des Nations Unies pour la stabilisation du Congo s'est convertie en contestation lorsque les autorités onusiennes auxquelles la population avait d'abord fait confiance étaient précisément celles qui paraissaient les mieux qualifiées pour mettre réellement en ouvre les valeurs politiques auxquelles sont attachés les contestataires, à savoir le retour de la paix dans le Kivu et l'instauration d'un État de droit et démocratique.

En effet, la mort des civils tués par les rebelles ADF à quelques mètres des forces onusiennes a été un facteur aggravant de la contestation à l'égard de la Monusco. Le 22 novembre 2019, la Monusco faisait face à une contestation populaire d'une grande envergure dans le Nord-Kivu qui s'est rependu dans d'autres grandes villes du pays, notamment à Kinshasa. Quelques jours plus tard, le 25 nombre, un des camps de la Monusco à Beni, notamment dans le quartier de Boikene avait été détruit et incendié par des manifestants qui l'accusent de passivité et de complicité lors des massacres des civils. D'ailleurs le Baromètre sécuritaire du Kivu (KST) avait recensé la mort d'au moins 123 civiles du fait des groupes armée depuis le 5 nombre sur le territoire de Beni46. Plusieurs sources attribuent la majorité de ces exactions aux rebelles des Forces démocratiques alliées (ADF), considérés comme un groupe islamique. Dans son compte-rendu du 27 novembre 2019, l'ONU attribue plusieurs attaques contre les civils au ADF : « Nous tenons à réaffirmer que nous ne sommes ni résignés ni indifférents aux terribles agissement de ADF. 14 attaques attribuées aux ADF et 80 morts depuis le 30 octobre : cette situation est inacceptable et nous tenons à redire que la Monusco comprend la colère et la frustration de la population et fait tout son possible, en collaboration avec les FARDC et la PNC, pour limiter les atteintes contre les populations civiles »47. Ces propos tenus par les responsables de l'ONU s'inscrivent dans le cadre d'une manifestation marquée d'extrêmes violences où l'on voit s'établir le rapport de force entre les forces onusiennes et les manifestants dans lequel on avait enregistré des morts aussi bien du côté des manifestants que du côté des Forces armées congolaises. Dans ces affrontements d'extrêmes violences, un jeune homme avait été tué dans un échange avec les Casques bleus alors qu'il s'apprêtait, selon le compte-rendu de la Monusco, de lancer un cocktail molotov. Cet épisode avait d'ailleurs contribué encore à la radicalisation de la contestation. Celle-ci a même gagné plus du terrain en s'exportant dans d'autres grandes villes du pays où des rassemblements ont été organisés par des mouvement citoyens tels que la Lucha, à Goma et Kinshasa scandant des

46 KIVU Security Tracker, La Monusco peut-elle réellement quitter la RDC, KST on december 6, 2019. https://blog.kivusecurity.org/fr/la-monusco-peut-elle-reellement-quitter-la-rdc/, consulté le 29 avril 2021.

47 Organisation des Nations Unies, Compte-rendu de l'actualité des Nations Unies en RDC à la date du 27

novembre 2019. https://monusco.unmissions.org/sites/default/files/compte-
rendu_de_lactualite_des_nations_unies_en_rdc_a_la_date_du_27_novembre_2019_final.pdf.

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pancartes qui appellent au « dégagisme » de la Monusco, si elle n'était pas capable d'agir contre les massacres. Les images en annexe témoignent de la colère des manifestants.

Ces différentes images montrent combien la confiance des congolais dans les capacités de la Mission à assurer la sécurité des civils s'est en réalité érodé. Elles rappellent un malaise profond et le sentiment de méfiance contre la Monusco. Cette crise de confiance survient au moment où les discussions sur l'avenir de la Mission était au siège de Nations-Unies autour du nouveau mandat qui était adopté à la fin de compte en décembre. Dans ce climat morose, le Conseil de sécurité n'avait renouvelé le mandat de la Monusco que pour neuf mois (Résolution 2502 (2019)), alors qu'habillement, les mandats de la mission dans d'autres résolutions sont d'une durée de douze mois. Ce mandat, le Conseil de sécurité le prenait comme un moment de transition. Dans son intervention au le Conseil de sécurité lors de renouvellement du mandat de la Monusco, le Ministre français de l'Europe et des Affaires Étrangères, Monsieur Jean-Yves Le Drian déclarait : « Le mandat qui vient d'être adopté marque tout d'abord une transition. Ce délai de 9 mois laissera le temps au Secrétariat d'effectuer une revue statistique de la mission, dans l'objectif de bénéficier d'une meilleure compréhension des enjeux et des besoins et d'adapter le mandat de la mission »48. Dans l'entre-temps, une revue stratégique de la mission a été conduite par le diplomate tunisienne. Dans son rapport, Yossef Mohamoud préconisait le retrait de la Monusco dans un délai de trois ans. Ce rapport souligne « offrir une analyse indépendante des défis et opportunités en RDC et sur la pertinence du mandat de la Monusco ». Il contient également « des paramètres pour assurer une transition responsable et efficace, indépendamment de considérations financières, de préférences institutionnelles ou d'intérêts géopolitiques »49. Cependant un tel retrait ne peut être envisageable que dans le meilleur scénario, à savoir si le gouvernement congolais prend le relais au fur et à mesure des missions assurées par la Monusco. Le rapport établit ainsi trois types de repères et d'indicateurs devant guider une telle transition. Il s'agit des repères fondamentaux sur lesquels la mission a un contrôle, des indicateurs sur la paix et la sécurité dépendant des parties locales, et des lignes rouges qui pourraient amener l'ONU à suspendre son désengagement.

Face aux contestations grandissantes à l'égard de la Monusco, contestation qui génèrent très souvent les violences, les points de vue divergent. Certains, y compris quelques membres

48 Mission permanente de la France auprès des Nations Unies à New York. Représentation permanente de la France, Renouvèlement du manda de la Monusco. Intervention de M. Jean-Yves Le Drian, Ministre de l'Europe et des Affaires Étrangère. Conseil de sécurité - 29 mars 2019. https://onu.delegfrance.org/Le-Conseil-de-securite-renouvelle-le-mandat-de-la-MONUSCO, Consulté le 30 avril 2021.

49 Jeune Afrique, RDC : un rapport de l'ONU propose un retrait des casques bleus sur trois ans, publié le 06 novembre 2019. https://www.jeuneafrique.com/852338/politique/rdc-un-rapport-de-lonu-propose-un-retrait-des-casques-bleus-sur-trois-ans/, consulté le 30 avril 2021.

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de la mission sont démoralisés tant ils ont l'impression de devenir des boucs émissaires. Ceux qui soutiennent ce point de vue estiment que la Monusco n'est pas à l'origine de la nouvelle spinale de violences. Et le fait de « s'attaquer aux installations de la Monusco, s'attaquer aux bâtiments institutionnels, ne fait qu'affaiblir la lutte contre ce groupe et contre les autres groupes armés »50. Dans une conférence de presse au palais de la Nation le 29 avril 2021 à Kinshasa, le président Félix-Antoine Tshisekedi, affirmait contre les contestations à l'égard de la Monusco ceci :

« A propos de la Monusco, je crois que les jeunes gens sont emportés par les émotions d'une part, et d'autres part, je suppose qu'il y quelque part de la manipulation des adultes. La Monusco est venue en partenaire en RDC pour nous aider à éradiquer les violences, à stabiliser le pays et surtout à protéger les populations... Mais ce n'est pas la Monusco qui est responsable de ces violences. Cette violence est aveugle, elle est lâche, elle est sournoise. On ne la voit pas venir. Et ce n'est pas la Monusco qui la suscite. Et donc vous devez comprendre que la Monusco est là pour nous accompagner dans les efforts que nous fournissons »51.

Ce propos du président de la République, tenu dans un contexte où la contestation avait atteint le monde scolaire, notamment les écoliers qui manifestaient pour réclamer non seulement le retour de la paix à Beni mais également le départ de la Monusco, permet de poser la question de la source de violence. Pour le président de la République, les manifestations contestataires à l'égard de la Monusco relèvent non seulement d'un sentiment de frustration mais également de la manipulation de la catégorie sociale des jeunes par adultes. Cependant, de mon point de vue, ses propos relèvent de l'ordre de la croyance et de la supposition parce qu'il utilise le verbe « croire » d'une part, d'autre part le verbe « supposer ». Ce qui plane le doute sur les sources de la violence avec comme objectif le dédouanement de la Monusco en vue redorer l'image de celle-ci afin renforcer sa légitimité. Si la Monusco est le partenaire privilégié de la République démocratique du Congo comme l'affirme le président Félix-Antoine Tshisekedi dans son discours et que sa mission est celle d'aider l'État congolais à éradiquer la violence, à stabiliser le pays et à protéger les civils, pourquoi les mouvements citoyens et contestataires s'en

50 Organisation des Nations Unies, Compte-rendu de l'actualité des Nations unies en RDC à la date du 27 novembre 2019. Op. Cit.

51 Radio Okapi, Félix Tshisekedi : « La MONUSCO est venue en RDC pour nous aider à éradiquer les violences et à stabiliser le pays », publié le 29 avril 2021. https://www.radiookapi.net/2021/04/29/actualite/securite/felix-tshisekedi-la-monusco-est-venue-en-rdc-pour-nous-aider-eradiquer, Consulté le 01 mai 2021.

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prennent-ils à la Mission ? Dans quel but ces mouvements contestataires auraient-ils chercher à attiser l'hostilité contre la Monusco ?

Il y a lieu de remarquer ici que le fait de faire de la Monusco le centre des critiques pourrait faire passer au second plan la responsabilité de l'État congolais qui est le premier responsable de la sécurité de la population. Ensuite, la plupart des responsables de l'armée congolaise entretiennent des rapports de méfiances avec les Casques bleus. Dans l'un de mes entretiens réalisés avec deux officiers militaires de la FARDC, l'un d'eux n'hésitait pas de dire : « Mon cher, même si aujourd'hui les relations semblent être au bon fixe avec le gens de la Monusco à travers les opérations conjointes que nous menons, nos relations demeurent compliquées. Normalement, certaines attaques des ADF contre les civils pouvaient être anticipées si nous actions étaient coordonnées et si les casques bleus étaient là uniquement pour nous soutenir, mais malheureusement cela n'est toujours pas le cas... ». Pourtant dans une enquête réalisée par Hans Hoebeke, Jair Van Der Linje, Tim Glawion et Nikki De Zwaan, on peut lire que la population locale a généralement critiqué la Monusco affirmant que même lorsque la Monusco est présente et prévenue d'un incident par un réseau d'alerte précoce, une réaction dans le temps est hautement improbable52. Dans cette étude, les auteurs reprennent les propos d'un responsable de Rutanga sur l'inaction de la Monusco : « personnellement, je ne vois pas ce que fait la Monusco. Son rôle est censé être de protéger la population, mais nous mourrons en sa présence. Et lorsque nous demandons de l'aide, elle arrive 30 minutes ou une heure après le départ de l'ennemi »53. Le climat de méfiance qui s'est installée au sein des institutions en charge de mettre fin à l'insécurité ne favorise pas l'opérationnalisation du maintien de la paix et la protection de civils qui est l'une des deux priorités principielles de la Monusco avec le soutien aux institutions congolaises. Parfois les troupes sur le terrain, rappelle un officier de l'armée congolaise, ne semblent pas « s'adapter en réalité dans le territoire de Beni ». De l'autre côté, les Casques bleus affirment que la question de l'insécurité à l'est de la République démocratique est due à l'impossibilité des hauts responsables de l'armée congolaise à y mettre terme, car souvent impliqués dans l'exploitation des matière premières54. Du coup, l'extrême violence à l'Est de la République démocratique du Congo est, selon le président Tshisekedi, le fruit de la « sournoiserie » et de « l'aveuglement ». Cette violence est de l'ordre

52 Cfr. Hans Hoebeke, Jair Van Der Lijn, Tim Glawion et Nikki De Zwaan, Garantir la stabilité légitime en RDC : Hypothèses extérieurs et perspectives locales. Étude politique, In Sipri, Stockholm international peace researche

institute, Septembre 2019. https://www.sipri.org/sites/default/files/2020-
01/garantir_la_stabilite_legitime_en_rdc.pdf, Consulté le 03 mais 2021.

53 Agent de l'État de plus de 55 ans, Rutanga, traduction des auteurs. In Op. Cit.

54 Jeune Afrique, RDC : faut-il en finir avec la Monusco ? Publié le 23 juillet 2019. https://www.jeuneafrique.com/mag/806091/politique/rdc-faut-il-en-finir-avec-la-monusco/

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de l'inattendu parce qu'on ne la voit pas venir. Alors comment doit-on parler d'une violence imprévisible alors même qu'elle est devenue depuis des décennies une normalité ? Si la contestation contre la Monusco est-elle aveugle, peut-on estimer qu'elle constitue l'une des modalités de la gestion politique en République démocratique du Congo ? Telles sont les questions auxquelles je tenterai de répondre dans le point sous dessous.

B. LA CONTESTATION COMME MODES DE GESTION POLITIQUE EN RD CONGO

Je pars d'un constat très contrastant : Tout porte à croire que la République démocratique du Congo est en perpétuel mouvement contestataire. Parfois on n'arrive pas à faire la différence entre le haut et le bas. Une telle ambivalence fait penser comme écrivent Pierre Englebert et Denis Tull, que « la certitude n'est pas de mise au Congo »55. Dans cette perspective, je montrerai dans ce point comment la contestation contre la Monusco peut-elle s'inscrire dans la logique des modalités de la politique en République Démocratique du Congo. Cette contestation comme modes de gestion politique passe par la résistance à la gouvernances locale. Ce qui fait que la Monusco soit régulièrement dans un processus de négociation et en quête de légitimation permanente.

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"Il faut répondre au mal par la rectitude, au bien par le bien."   Confucius