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Le personnel politique et diplomatique camerounais dans le fonctionnement et le processus de prise de décision à l'assemblée générale des nations-unies (1960-2017)


par Ezekiel ZANG NGBWA
Université de Yaoundé I - Master 2021
  

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11. Cadre théorique

De façon globale, une théorie peut être définie comme étant une grille d'analyse d'un phénomène donné. C'est donc une approche idéologico-philosophique qui se propose d'expliquer et de faire comprendre les différents aléas de tout domaine pouvant intéresser la science, ou mieux, des sciences, que ce soient les sciences exactes ou les sciences humaines. Pour autant que la science des relations internationales est concernée, on distingue deux grandes catégories de théories : les théories globales et les théories spécifiques. Dans le cadre de notre étude, nous nous intéresserons à trois théories globales (le réalisme, le libéralisme et l'idéalisme), et à deux théories spécifiques (l'idéalisme et l'inter gouvernementalisme).

De prime à bord, il faut comprendre par théories globales l'ensemble des théories qui expliquent le fait international dans toute sa diversité, sans tenir compte des spécificités de formes, de typologie, et des aires anthropologiques et culturelles. Concernant cette étude, cette approche convoque trois grands courants de pensée, à savoir le réalisme, le libéralisme, et l'idéalisme.

De façon globale, le réalisme peut se définir par les quatre paradigmes suivants : l'anarchie de la société internationale, qui entraîne l'état de guerre, un état de guerre incontrôlable par quelque organisation supranationale que ce soit ; la centralité des acteurs étatiques ; la recherche de l'intérêt national par la puissance ; l'équilibre de puissance comme solution idéale de la stabilité internationale.44(*)

S'inscrivant dans la logique hobbesienne sus-évoquée, le théologien et pessimiste Reinhold Niebuhr estime que l'homme, de par sa nature pécheresse, est égoïste et calculateur. Cette nature pécheresse l'amène à toujours vouloir usurper du pouvoir de Dieu, en tentant de s'assurer la mainmise sur les autres. Sa volonté de survie (will to live) n'a d'égale que sa volonté de puissance (will to power).45(*)

Ainsi, selon Niebuhr, la nature pécheresse de l'homme est à l'origine de son égoïsme. Cet égoïsme, qui est la caractéristique générale de l'être humain, s'élargit également aux Etats. Ceci implique donc un certain nombre de conséquences sur la politique internationale menée par ceux-ci, la première conséquence logique étant la recherche par chaque Etat de son intérêt individuel.

Comme deuxième implication de la nature pécheresse de l'Homme, on peut également évoquer le désir par chaque Etat d'acquérir la puissance internationale. C'est de cette implication qu'est sans doute née la doctrine impérialiste, qui prône la domination des Etats forts sur les Etats faibles. Ces velléités de domination (ayant généralement pour corollaire le désir d'exploitation), ont conduit à des tragédies historiques tel que la traite négrière et la colonisation qui, somme toutes, se sont avéré être une honte pour l'humanité.

Dans le même esprit, Edward H. Carr estime que « l'harmonie générale et fondamentale des intérêts est une utopie. Bien plus, toute diplomatie, bien qu'idéale, ne fait que traduire l'intérêt de l'Etat `'.46(*) Ainsi, selon Carr, l'idéologie diplomatique d'un Etat, même si elle revêt a priori une diplomatie de bonnes intentions, traduit, parfois inconsciemment, les intérêts particuliers de cet Etat. Il faut noter, au demeurant, que cette conception s'inscrit de prime à bord en faux contre l'idéalisme wilsonien.

En fin de compte, il faudrait retenir que, du point de vue réaliste, la politique étrangère, au même titre que la diplomatie, vise essentiellement le triomphe des intérêts nationaux, dans une société internationale essentiellement anarchique et belliqueuse. Cet intérêt national se traduit notamment par la conquête de la puissance internationale, laquelle renvoie beaucoup plus à des velléités hégémoniques.

Prenant absolument le contre-pied des réalistes, les libéraux donnent quant à eux la priorité à la liberté de l'Homme. Même si le libéralisme s'inspire dans ses grandes lignes des idéologies des pères de la démocratie grecque tel Platon et Aristote, il se démarque cependant de ces idéologies dans ce sens qu'il ne considère pas l'Homme comme un « animal politique `', mais comme un être libre de tout lien social et apolitique.47(*) Il prend également le contre-pied de Hobbes en détruisant l'essence de son mythe de l'état de nature. En effet, selon la doctrine libérale, avant l'avènement d'une communauté organisée, les hommes vivaient, non pas dans une société comparable à une jungle, mais dans un état de liberté, d'égalité et d'harmonie relative.48(*)

De plus, selon la théorie libérale, les relations internationales sont essentiellement pacifiques. Ce pacifisme de la scène internationale est justifié et stimulé par l'entretien, entre les Etats, de relations économiques et commerciales. D'où le paradigme de la « paix par le commerce `'.

Enfin, la théorie libérale privilégie la considération des acteurs secondaires tel que les firmes multinationales, les organisations internationales, les collectivités locales...

En gros, l'idéologie libérale des relations internationales se distingue de l'idéologie réaliste sur trois points majeurs : les facteurs, la nature de la scène internationale, et la nature des acteurs. Concernant les facteurs, les libéraux donnent la priorité aux facteurs socio-économiques, tandis que les réalistes accordent la primordialité au facteur politique. De même, le libéralisme réfute la nature belliqueuse de la société mondiale, estimant que celle-ci est essentiellement pacifique grâce aux facteurs économiques et commerciaux.

Enfin, la théorie libérale s'inscrit en faux contre l'approche stato-centrée du réalisme, préférant donner la priorité aux acteurs économiques et sociaux.

De tout ce qui précède, l'on peut donc retenir que, du point de vue libéral, la diplomatie et les relations internationales sont l'ensemble des rapports multiformes qu'entretiennent entre eux les différents membres de la société internationale. La politique étrangère devient donc un système reposant sur des instruments et acteurs divers, tel que la politique, la diplomatie, l'instrument militaire, les firmes multinationales, les personnalités charismatiques... On peut donc dire que le libéralisme est la théorie de la diversification des partenaires.

Comme paradigme parallèle à la théorie libérale, il y a la théorie idéaliste. Elle a pour principal pionnier l'ancien président américain, Thomas Woodrow Wilson. En effet, ce dernier, à travers ses célèbres Quatorze Points qui, en passant, ont conduit à l'avènement de la Société des Nations, prône un monde pas très différent de celui des libéraux. À ce propos, on retient de ces Quatorze Points le libre-échange (abolition des droits de douane, ouverture des marchés de capitaux et de marchandises), le libre accès à la mer, la démocratie, l'abolition de la diplomatie secrète, le désarmement, la restitution de la souveraineté sur les terres occupées, et le droit à l'auto-détermination des peuples.49(*) 

Les Quatorze Points du président Wilson apparaissent donc de ce fait comme un idéal moral, politique et économique de la vie internationale. Ils prônent un monde sans barrières économiques, sans barrières frontalières, un monde de liberté, d'égalité, et de respect de la personne humaine (notamment en tant qu'animal politique). Ainsi, l'idéalisme, tout comme le libéralisme, réfute les principales thèses réalistes à savoir la recherche de l'intérêt individuel par chaque Etat au détriment des autres, et l'anarchie de la scène internationale. Ainsi, l'idéalisme prône une politique étrangère axée sur la recherche de la paix, l'usage et l'exploitation maximale et presqu'exclusive de l'instrument diplomatique, et ayant, comme objectif ultime la recherche du bien-être collectif.

En définitive, les théories générales des relations internationales s'opposent globalement sur trois points : la nature et la qualité des acteurs, et l'esprit de la société internationale. Cependant, elles s'accordent sur l'adoption par chaque Etat, d'une idéologie diplomatique. Cependant, ladite idéologie peut être teintée d'une recherche subtile d''intérêts inavoués.

Comme on l'avait déjà relevé à l'entame de cette partie, la présente étude convoque aussi des théories spécifiques des relations internationales, en plus des théories générales sus-évoquées. Cette étude qui, faudrait-il le rappeler, est centrée sur la diplomatie multilatérale, convoque précisément les théories de la coopération et de l'intégration, dont deux particulièrement attireront notre intérêt ici : le fonctionnalisme et l'inter gouvernementalisme.

D'après les fonctionnalistes, la coopération vise, pour les Etats, la résolution avantageuse de conflits d'intérêts dans le cadre d'un jeu répété.50(*) Ainsi, d'après ce courant de pensée, l'adhésion des Etats à une organisation internationale est généralement stimulée par l'actualité d'un conflit. Les organisations internationales sont donc présentées comme le cadre idéal de résolution de ces conflits pour le bien-être et l'intérêt de tous.

Les fonctionnalistes présentent également les organisations internationales comme étant un cadre propice de coopération technique et de régulation dans différents domaines tel que les sciences, les technologies, les transports et la communication. Ces organisations internationales, qui soit dit en passant sont multiformes et multidimensionnelles, sont très souvent créées en fonction des besoins qui se posent au fil du temps, et au regard de l'évolution observée dans divers domaines.

Dans les deux cas, on peut citer un certain nombre d'illustrations : l'OTAN, créée dans le contexte de la Guerre Froide, et visant à la fois à contrer l'expansion soviétique en Europe et à assurer la sécurité collective dans ledit continent ; la Commission du Golfe du Golfe de Guinée, qui vise la régulation de la circulation et les activités économiques et commerciales dans ladite zone, en même temps qu'elle constitue la principale plateforme de coopération sécuritaire entre les Etats membres. Toujours dans le même sciage, nous pouvons enfin évoquer les cas d'organisations comme l'OACI, l'UIT, l'AIEA, et l'OMPI. On peut, bien évidemment, étendre ce champ d'illustrations à des organisations à étendue universelle tel que la SDN et les Nations-Unies.

Il faudrait donc retenir que, pour les fonctionnalistes, les organisations internationales ne sont qu'une plateforme de coopération ayant pour principaux objectifs la régulation, la préservation des intérêts de tous, et, de façon plus élargie, la recherche de la préservation de la paix internationale. On peut aussi voir en ces objectifs les déterminants fondamentaux de la diplomatie multilatérale des Etats.

Les inter gouvernementalistes quant à eux conçoivent la coopération multilatérale comme étant « un procédé rationnel destiné à optimiser l'emploi des moyens mis en commun par les Etats-membres `'.51(*) Cette doctrine, qui a pour pères fondateurs Stanley Hoffman et Robert Keohane est née dans les années 1960, suite à l'engagement des deux auteurs à étudier la construction européenne, et se rapproche de la doctrine fonctionnaliste en ce sens qu'elle considère les organisations internationales comme une plateforme de mutualisation et d'optimisation des intérêts des Etats. Toutefois, elle diffère de celle-ci par son esprit libéral, et même dans une certaine mesure, socialiste, car l'intérêt recherché ici n'est plus celui de la seule classe dirigeante, mais celui des populations.52(*)

Comme on le verra plus loin, la diplomatie onusienne du Cameroun en général, et à l'Assemblée générale en particulier, repose a priori sur des déterminants historiques, psychologiques, et même sentimentaux. Cette diplomatie se joue très souvent sur plusieurs fronts, impliquant plusieurs catégories d'acteurs, dont certains n'appartiennent pas forcément à la classe dirigeante. Toutefois, comme on s'évertuera à le démontrer tout au long de cette analyse, l'action des dirigeants et diplomates camerounais au sein de l'auguste instance onusienne, tout comme l'adhésion du Cameroun à ce système d'organisations, est essentiellement basé sur la recherche de l'intérêt national à travers notamment une « diplomatie de positions sur mesure », ainsi que les velléités de rayonnement, autrement dit, les velléités d'empowerment. Ainsi, même si toutes les théories évoquées et étudiées plus haut reflètent, chacune à sa manière, des réalités pertinentes des relations internationales en général et de la coopération multilatérale en particulier, il nous semble que la théorie réaliste est celle qui épouse le mieux l'esprit de la politique onusienne du Cameroun. Elle apparaît donc, ès qualité, comme la grille doctrinale la mieux appropriée pour cette étude.

* 44 Marchstein, Introduction aux relations internationales... p. 35.

* 45 Ibid.

* 46 E. H. Carr, The twenty years crisis. 1919-1939. An introduction to the Study of International relations, New York, Harper and Row, 1964, pp. 87-88.

* 47 mapageweb.unmontreal.ca...

* 48 Ibid.

* 49 Https//. Fr.wipedia.org, « Les Quatorze Points du Président Wilson `', consulté le 09 février 2020.

* 50 Devin et Smouts, Les organisations internationales... p. 14.

* 51 Roche, Théories des relations internationales... p.38.

* 52 Ibid., pp. 139-140.

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"Le doute est le commencement de la sagesse"   Aristote