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Le personnel politique et diplomatique camerounais dans le fonctionnement et le processus de prise de décision à l'assemblée générale des nations-unies (1960-2017)


par Ezekiel ZANG NGBWA
Université de Yaoundé I - Master 2021
  

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3. Les nationalistes du Southerns Cameroons aux Nations-Unies

Comme on l'a déjà souligné plus haut, le principal point qui a attiré notre attention dans les premières interventions des Camerounais britanniques aux Nations-Unies est la réunification. Ainsi, notre analyse va beaucoup plus s'appesantir sur la session de février 1959.

John Ngu Foncha, leader de la première tendance, se présenta devant l'Assemblée comme leader du KNDP.87(*) Il signifia à l'auditoire le programme de son parti, qui, avait remporté les élections législatives au Cameroun britannique. Ce programme s'articulait autour des points suivants :

D'abord, la constitution du Southerns Cameroons en une entité séparée avant l'accession du Nigeria à l'indépendance. Ceci devrait permettre entre autres à ce dernier d'avoir la latitude pour l'option de la réunification avec le Cameroun français. Il faut noter qu'au cours de cette période, cette partie du Cameroun britannique devrait rester sous tutelle (provisoire) des Nations-Unies.

Ensuite, la réunification des deux Cameroun était bel et bien envisageable. Cependant, la condition sine qua none était la séparation préalable du Northens Cameroon de la fédération nigériane.

Enfin, le plébiscite devrait être la voie par laquelle les populations du Southerns Cameroons britannique devaient être consultées sur la question de la réunification.88(*)
De cette intervention de Foncha à la tribune onusienne, quatre points méritent d'attirer l'attention.

Premièrement, le fait de se présenter comme leader du KNDP, parti qui avait remporté les élections législatives au Cameroun sous tutelle britannique. En effet, en se présentant comme le leader de ce parti, il était en train de signifier à l'organisation mondiale que la volonté de réunification des deux Cameroun émane d'un désir populaire. Ceci constitue donc en quelque sorte à prendre le contre-pied de ses adversaires de l'autre tendance dans Southerns Cameroons.

De plus, à travers le deuxième point susmentionné de la pétition du Premier ministre du Cameroun britannique, on peut comprendre une invitation tacite de ce dernier à ses compatriotes du Nord-Cameroun anglophone à s'aligner derrière l'idée de réunification, nonobstant les différents jeux et manoeuvres auxquels s'adonnaient les autorités nigérianes et leurs compères de Londres pour empêcher la matérialisation de cette idée.89(*)

Enfin, presque tous les points de cette allocution traduisaient la volonté du numéro 1 du Southerns Cameroons britannique de ne pas forcer la main aux populations de ce territoire pour ce qui est de la réunification avec le futur Etat indépendant du Cameroun français. En d'autres termes, son souhait était que l'organisation mondiale pût laisser ces populations décider de leur avenir en toute âme et conscience.

À cette même session de l'Assemblée générale, un autre leader nationaliste du Southerns Cameroons, en la personne d'Emmanuel Endeley, se présenta devant le « parlement `' onusien. Il commença d'abord par faire une espèce de rappel implicite de ses réalisations passées pour le Cameroun britannique, exhortant ainsi son auditoire à prendre en considération, et sur cette base, son intervention. À travers cette doléance, Endeley voulait signifier aux uns et aux autres que, bien que n'étant pas une personnalité officielle dans la zone du Cameroun britannique, il y jouissait quand même d'une notoriété qui n'était pas à négliger. Il s'agissait en quelque sorte pour lui de «légitimer son intervention a priori illégitime».

Ensuite, il argua que le Cameroun britannique ne saurait accéder à l'indépendance autrement qu'en tant que partie intégrante du Nigeria, vu que ce n'était qu'avec lui qu'il avait des possibilités d'investissement.90(*)

Allant toujours dans le même esprit, il déclara que, s'il avait été un partisan de la réunification, sa position avait changé. Car non seulement en cette année 1959 cette question était hors contexte et ne faisait pas partie des accords se tutelle, mais ne faisait même pas l'unanimité au sein de l'opinion politique du Cameroun français.91(*)

Il poursuivit son argumentaire en soulignant que la réunification était basée sur de fausses idées sentimentales, car elle apporterait des frontières plus longues que celles qui existeraient entre le Cameroun et le Nigeria. Par contre, elle serait avantageuse uniquement dans le cadre d'une union sud-africaine incluant le Southerns Cameroons. 92(*)

Ainsi, Endeley procéda à un déconstruit des vertus de la réunification tel que ses partisans les présentaient. D'abord, il s'évertua à démontrer que le Southerns Cameroons économiquement ne pourrait s'en sortir en étant uni avec le Cameroun français qui, d'après lui, ne lui offrait pas de possibilité d'investissement, contrairement au Nigéria. Il serait donc de ce fait plus bénéfique pour les «Camerounais britanniques `' d'opter pour la réunification avec la fédération nigériane, s'ils voulaient un avenir certain.

De plus, en soulignant que la réunification ne faisait pas partie des accords de tutelle, le leader du KNC93(*) remettait en cause la légalité et même la légitimité de la réunification. Le jeu consistait en effet à démontrer à l'organisation mondiale que les partisans de cette doctrine étaient en train d'aller à l'encontre de ce qui avait été initialement prévu par elle et les puissances tutélaires. L'aspiration à la réunification apparaissait dès lors comme un défi lancé à l'organisation de New-York...

Enfin, en évoquant les questions culturelles et « sentimentales `', Endeley entendait prouver à tous qu'une réunification entre Camerounais francophones et anglophones serait culturellement incompatible, les fondements ethnologiques d'un tel avenir ne relevant que de la pure illusion. Car on avait affaire ici à deux peuples qui, du fait colonial, n'avaient rien en commun, des points de vue culturel (en l'occurrence linguistique) et politique. En revanche, ils avaient tout en commun avec les Nigérians, imprégnés comme eux de la culture anglo-saxonne...

En somme, les premières interventions camerounaises dans les tribunes onusiennes entre 1952 et 1959 furent centrées autour de deux principaux éléments, à savoir l'indépendance et la réunification. Ces deux thèses créèrent deux grands camps autant au Cameroun français qu'au Cameroun britannique : un camp radicalisé, et un camp modéré. Cependant, les deux idéologies posèrent des problématiques différentes dans les deux parties de ce qui constituera plus tard le territoire camerounais. Si au Cameroun français on parlait des délais de l'indépendance et de la réunification, au Cameroun britannique, on, ne s'entendait même pas sur la nécessité d'une quelconque réunification. Au Cameroun français, la thèse de l'indépendance immédiate finit tout de même par s'imposer, même si cela n'intervint que dans un contexte purement contraignant. Quant à la question de la réunification, elle fut remise à plus tard par l'organisation internationale.

Ainsi s'achève l'étude d'un pan essentiel de la période du Cameroun sous tutelle onusienne. L'histoire se voulant être la science qui étudie le passé pour mieux comprendre le présent et projeter le futur, il ne serait pas judicieux de boucler cette articulation sans passer cette période de l'histoire du Cameroun sous le crible de la critique.

* 87 Kamerun National Democratic Party.

* 88 B. Chem Langhëë, «The Kamerun Plebiscites1951-1961: Perceptions and strategies», thèse de Doctorat/Ph.D en Histoire, University of California, Santa Barbara, 1976, p.141.

* 89 A ce propos, lire Gaillard, Ahmadou Ahidjo...

* 90 Chem Langhëë, «The Kamerun plebiscites...

* 91 Chem Langhee, `'The Kamerun plebiscites''...

* 92 Langhee, The Kamerun plebiscites...

* 93 Kamerun National Congress.

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"Soit réservé sans ostentation pour éviter de t'attirer l'incompréhension haineuse des ignorants"   Pythagore