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Le personnel politique et diplomatique camerounais dans le fonctionnement et le processus de prise de décision à l'assemblée générale des nations-unies (1960-2017)


par Ezekiel ZANG NGBWA
Université de Yaoundé I - Master 2021
  

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2. Les facteurs stratégiques

Comme il avait déjà été mentionné plus haut, la naissance en 1919 de la Société des Nations marque une toute nouvelle ère dans l'histoire des relations internationales contemporaines, à savoir l'avènement d'une société internationale organisée. Avec la naissance de l'Organisation des Nations-Unies (prolongement de la SDN) le 26 Juin 1945 et la fin de l'affrontement entre les deux blocs (Guerre froide) en 1989, on assiste à l'avènement d'une toute autre ère dans la géopolitique mondiale, laquelle n'est rien d'autre que la suite logique de la première : le multilatéralisme. Il ne faudrait pas oublier un autre élément qui n'est pas de moindre importance par rapport aux deux facteurs suscités : la naissance de nouveaux Etats dans les quatre coins du monde en général, et en Afrique en particulier à partir notamment des années 1960. Le défi des nouveaux Etats est dès lors de s'affirmer sur la scène internationale. Ceci va, entre autres, se matérialiser par l'adhésion de ces derniers à des organisations et mouvements internationaux divers. Outre les organisations à caractère universel comme les Nations-Unies, vont donc naître des organisations intergouvernementales tenant le plus compte des facteurs régionaux, ethnico-identitaires, économiques et stratégiques. On peut entre autres citer les organisations régionales et sous régionales africaines (OUA, UA, UDEAC, UEAC, CEMAC, CEEAC, CEDEAO, UEMOA, SADC...), la Ligue arabe, l'Organisation de la Conférence islamique, 109(*) la Francophonie, le Commonwealth, l'OPEP...110(*)

Toutefois, cette pléiade d'organisations internationales n'enlève pas à l'ONU sa place cardinale dans les relations internationales modernes. L'ONU demeure en effet le socle du multilatéralisme. Vue sous cet angle, l'adhésion audit système d'organisations et à son Assemblée répond donc à un certain nombre d'objectifs et d'enjeux. Avant donc d'entrer de pleins pieds dans les fondements stratégiques de la diplomatie onusienne du Cameroun, nous tenons à préciser que nous analyserons simultanément les fondements globaux de la politique onusienne du Cameroun, ainsi que les fondements spécifiques de ladite diplomatie au sein de l'Assemblée générale.

De prime abord, la diplomatie onusienne du Cameroun s'articule autour des objectifs suivants :

- Assurer la consolidation de l'image de marque du Cameroun sur la scène internationale ;

- Veiller à ce que les positions du Cameroun soient clairement énoncées sur les questions débattues et prises en compte dans les résolutions adoptées ;

- consolider l'amitié et la solidarité avec différents pays du monde.111(*)

Cette panoplie d'objectifs assignés par les politiques camerounais à la diplomatie du pays au sein de l'organisation mondiale dégage également un certain nombre d'intérêts du point de vue de ces dirigeants, à savoir :

- Le rayonnement et la promotion de l'image de marque du Cameroun ;

- De la sauvegarde de l'intégrité territoriale et de la souveraineté de l'Etat ;

- De la participation du pays à certains organes de l'ONU ;

- de la présence des Camerounais dans les rouages de l'organisation...112(*)

Tels sont donc les objectifs et les intérêts de la diplomatie de l'Etat camerounais dans le système onusien, déroulés par des canaux officiels. Ils paraissent donc assez exhaustifs et explicites pour qu'on ne s'y attarde plus. Néanmoins, il serait utile et nécessaire de se pencher davantage sur quelques points.

Le premier élément qui attire l'attention ici est la question de l'image, dont le prolongement est le concept de l'image de marque. Jean Saucin définit l'image d'une organisation (organisation entendue ici comme Etat) comme «la représentation qu'a le public de l'organisation à travers les différents signes que celle-ci émet». Il poursuit en disant que « c'est l'élément le plus tangible et qui persiste le plus auprès du public `'113(*) Ainsi, le facteur de l'image peut justifier la diplomatie onusienne du Cameroun dans un sens double : la recherche de la reconnaissance auprès de ses pairs (les autres membres de l'Assemblée générale, et plus globalement, du système onusien), et la recherche du rayonnement, ces deux éléments étant intimement liés.

Il convient de rappeler d'emblée que le Cameroun est un jeune et nouvel Etat dans le système international.114(*) Ayant déjà obtenu la reconnaissance de l'ensemble de la communauté internationale, il a donc pour défi et enjeu majeurs de se faire remarquer par celle-ci comme entité distincte et spéciale de la géopolitique internationale. L'Assemblée générale des Nations-Unies, rassemblement de la quasi-totalité des Etats de la planète, apparaît de ce fait comme une plateforme idéale. Ceci sans oublier que, comme tout Etat dans le monde, le Cameroun peut connaître des moments de crise, lesquelles crises peuvent parfois aller jusqu'à altérer son image et sa réputation auprès de l'opinion publique internationale. Vue sous cet angle, l'Assemblée générale de l'ONU apparaît également comme un lieu par excellence d'éventuelles communications de crise, visant à protéger, à préserver et à restaurer en tant que de besoin l'image du pays.

Le deuxième élément sur lequel il serait judicieux de s'attarder ici est le deuxième objectif ci-haut déroulé, à savoir « veiller à ce que les positions du Cameroun soient clairement énoncées lors des questions débattues et prises en compte dans les résolutions adoptées `'. De cet objectif ainsi formulé, il ressort que le Cameroun entend, par son adhésion au système des Nations-Unies et par ricochet à son Assemblée générale, influencer le cours des relations internationales. L'Organisation de New-York devient donc de ce fait pour les autorités de Yaoundé un instrument de ce qu'on pourrait appeler à juste titre « la diplomatie de puissance `'.

Par ailleurs, l'Assemblée générale de l'ONU regroupe quasiment tous les Etats de la planète. Certains de ces Etats ont des particularités bien précises : d'aucuns sont des puissances économiques et technologiques (Japon, Allemagne, Corée du Sud...) ; d'autres sont à la fois des puissances économiques, technologiques, politiques et militaires (USA, Chine, Russie, France, Royaume Uni). Ainsi, la présence du Cameroun aux Nations-Unies lui offre donc non seulement l'occasion de faire d'utiles rencontres, mais également l'opportunité de nouer des partenariats stratégiques avec des puissances stratégiques, lesquelles puissances peuvent concourir non seulement à l'accompagner dans sa politique de développement, mais peuvent aussi lui être utiles pour d'éventuels lobbyings, en tant que de besoin. Tout ceci explique donc le désir de Yaoundé de «consolider l'amitié et la solidarité avec différents pays du monde».

De plus, cette idéologie s'impose d'autant plus que depuis son accession à l'indépendance, le Cameroun fait face à plusieurs contraintes intérieures : rébellion upéciste durant les onze premières années de son existence, récession économique depuis la fin des années 1980, et très récemment, des crises sécuritaires dans différents coins du pays.115(*) La présence du pays à New-York lui offre donc l'occasion d'accéder aux partenaires bilatéraux en matière économique et sécuritaire, aussi bien qu'elle lui ouvre l'accès à des partenaires économiques et financiers onusiens de choix tel que le Fonds Monétaire International et la Banque mondiale.

Nicolas Machiavel disait en son temps que le système international était essentiellement dominé par la loi du plus fort. Selon lui, «c'est chose vraiment tout à fait naturelle et ordinaire que de désirer d'acquérir (...)».116(*) Ainsi, selon le philosophe et conseiller politique florentin, le système international est essentiellement caractérisé par le désir constant des plus forts de dominer les plus faibles. Même si de nos jours cette dynamique n'a plus pour objet final la conquête par une grande puissance d'un territoire ou d'une portion de territoire appartenant à un Etat faible (du moins le principe n'est plus officiel et légitime), elle n'est pas moins ardente et continue de se manifester sous des formes tout aussi flagrantes tel que les ingérences et les interventions diverses dans les affaires internes de ces Etats. C'est conscient de cette dure réalité de la vie internationale que le Cameroun s'appuie sur les principes de sauvegarde de la souveraineté et de l'intégrité territoriale comme fondement de sa politique onusienne.

Dans le même ordre d'idée, le Cameroun est également conscient que ce fait n'est pas un apanage à lui tout seul. C'est pourquoi il se veut également porteur au sein de l'Assemblée générale onusienne, de la voix de l'Afrique opprimée et dominée. Écoutons à ce propos le président Paul Biya : «En définitive, la politique étrangère du Cameroun s'impose comme une exigence de contribution courageuse et généreuse de libération des peuples».117(*)

En ce sens, pour autant que la politique onusienne du pays est donc concernée, le chef de l'Etat camerounais entend donc faire de son pays « la voix des sans voix `'. Pour parler comme Yves Alexandre Chouala, l'Assemblée générale des Nations-Unies se présente pour le pays de Paul Biya comme « un creuset des nationalismes `' et `' un cadre idéal pour la libération et le progrès `'. 118(*)

Enfin, le dernier facteur stratégique qui peut justifier la présence camerounaise à l'ONU est la coercition. En effet, selon Guillaume Devin et Marie-Claude Smouts, « la coopération (multilatérale) peut être aiguillonnée par des dispositions de nature coercitive. Un acteur plus puissant et/ou un régime de sanctions contraignent d'autres acteurs à rallier un jeu coopératif qui n'était pas souhaité initialement ou à s'y maintenir malgré les velléités de défection `'.119(*) L'Organisation des Nations-Unies, point de rencontre entre les puissances du globe, apparait ainsi comme une garantie pour Yaoundé contre toute velléité préjudiciable d'une de ces puissances.

En grosso modo, les fondements de la diplomatie onusienne du Cameroun peuvent se résumer dans les quatre mots suivants : image, rayonnement, sécurité et développement Parler des généralités de la diplomatie onusienne du Cameroun sans en évoquer les bases fondamentales n'eût été qu'incongruité, tant cet aspect est crucial pour la compréhension des faits qui vont être évoqués et analysés dans la suite de cette étude. Toute aussi cruciale est la connaissance des différentes chaînes d'acteurs qui interviennent dans ladite diplomatie. Car, faudrait-il le rappeler, «il n'est de richesse que d'hommes».

* 109 Aujourd'hui Organisation de la Coopération islamique.

* 110Il faut relever que certaines de ces organisations, au-delà de leur essence fondamentale, ont souvent des natures cachées. L'Organisation des Pays exportateurs de pétrole (OPEP) par exemple, fondamentalement une organisation de coopération économique et commerciale, peut également apparaître comme un puissant instrument de lobbying, premièrement dans le sens où elle vise à contrecarrer le diktat des puissances occidentales par rapport aux cours du pétrole, et deuxièmement quand on sait qu'elle sert souvent de moyen de pression aux Etats arabes (qui en sont les membres les plus nombreux et les plus influents) par rapport à certaines problématiques internationales. La crise du Yom Kippour et ses suites sont à ce propos très édifiantes.

* 111 Archives du Cabinet Civil de la Présidence de la République du Cameroun, « Intervention de S.E. M. Paul Biya à la 72ème session de l'Assemblée générale des Nations-Unies », dossier de presse, archives numériques consultées le 2 mai 2019.

* 112 Ibid.

* 113 J. Saucin, Cours sur La communication de crie, Institut des Hautes Études des Communications Sociales de Bruxelles, 2015, 1ère édition, p. 6

* 114 Nous parlons ici du Cameroun au lendemain de son accession à la souveraineté internationale.

* 115 Attaques de la secte terroriste Boko Haram dans l'Extrême-Nord ; crise sécessionniste dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest ; crise des réfugiés centrafricains à l'Est ; phénomène des preneurs d'otages dans l'Adamaoua...

* 116 Cité par Marchstein, Introduction aux relations internationale... p. 19.

* 117 Biya, Pour le libéralisme communautaire... p. 26.

* 118 Chouala, La politique extérieure du Cameroun...

* 119 Devin et Smouts, Les organisations internationales... p.15.

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"I don't believe we shall ever have a good money again before we take the thing out of the hand of governments. We can't take it violently, out of the hands of governments, all we can do is by some sly roundabout way introduce something that they can't stop ..."   Friedrich Hayek (1899-1992) en 1984