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Comment adapter la gestion et la stratégie d'un club professionnel aux nouvelles exigences du football européen ?


par Guillaume Romeyer
Kedge Business School - Master 2019
  

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Introduction

Afin d'introduire ce sujet, il convient d'expliquer le choix et la motivation qui m'a animé tout au long de l'année. D'abord l'enthousiasme ; le football est un sujet qui me passionne depuis toujours et l'étude de son modèle économique représentait pour moi une formidable opportunité de recherche. Ensuite d'un point de vue professionnel ; mon objectif à terme est de travailler dans l'industrie du sport et spécifiquement dans le football, ce mémoire fait donc office de première expérience sur la question.

Au-delà du football et des matches en eux-mêmes, le véritable axe de recherche de ce mémoire se concentre sur le côté business de cette industrie du divertissement et du spectacle. Le football a connu de nombreuses mutations depuis la création du premier club professionnel en Angleterre. Il est devenu une véritable industrie générant des milliards d'euros chaque saison. Les clubs sont devenus des entreprises voire même des multinationales pour certains. Les modèles économiques ont évolué, les acteurs aussi. La grande popularité de ce sport à l'échelle internationale a provoqué l'arrivée de nouvelles parties prenantes, entrainant de profonds changements. Il a fallu aux clubs une grande adaptation pour répondre aux nouveaux besoins de cette nouvelle industrie. C'est ce que nous allons tenter de décrire dans ce mémoire en s'appuyant sur le cas de l'Olympique Lyonnais, club symbolique de cette nouvelle ère par sa gestion et l'audace de ses choix.

Nous nous attacherons donc à comprendre comment adapter la gestion et la stratégie d'un club professionnel aux nouvelles exigences du football européen.

Pour y répondre, nous analyserons dans un premier temps l'évolution de l'industrie footballistique en Europe et plus spécifiquement son passage d'une ère industrielle à une ère financiarisée au travers de la revue de littérature.

Ensuite, nous étudierons la gestion d'un club de football français. Pour ce faire, il conviendra d'analyser les spécificités du football français avant de se pencher sur la gestion des activités sportives.

Enfin, nous nous concentrerons sur le cas de l'Olympique Lyonnais, pour comprendre le modèle économique mis en place par Jean-Michel Aulas et les résultats de celui-ci.

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1. Le passage d'une ère industrielle à une ère financiarisée du football

1.1. Le passage à un modèle d'économie de marché

1.1.1. D'associations à sociétés commerciales : l'évolution juridique des clubs français

Depuis la création en 1863 de la Football Association à Londres qui a marqué l'unification du règlement, le football a connu de nombreuses révolutions. Cette rencontre entre les différents clubs londoniens scelle la séparation entre le football et le rugby.

Avant de devenir le sport le plus populaire au monde, un des premiers faits marquants fût la professionnalisation du football permise, encore une fois par les anglais en 1885. Les premières intentions furent motivées par la volonté des instances d'éviter les scandales liés aux rémunérations illicites des joueurs amateurs par les clubs. Avec le statut professionnel, les joueurs pouvaient être rémunérés légalement par les clubs qui avaient très tôt perçus les gains potentiels d'une activité comme le football.

Dès lors, les Anglais tentent d'exporter ce sport à travers le monde et c'est - paradoxalement lorsque l'on connait le contexte depuis - aux États-Unis que sera créée en 1894 la première ligue professionnelle hors des frontières britanniques. Plusieurs problématiques institutionnelles et financières viendront sceller le sort de la « American League of Professional Football » dès la saison suivante.

Entre temps, des Britanniques travaillant au port du Havre entament la création d'un club en France : le Havre Athletic Club devient ainsi le premier club de football français en 1872. La professionnalisation du football français a été entérinée en 1932, après la vague qui a commencé par toucher les pays de l'Est et du Sud de l'Europe ainsi que ceux d'Amérique du Sud (« la Tchécoslovaquie en 1925, l'Autriche en 1926, la Hongrie en 1926, l'Espagne en 1929, l'Argentine en 1931, le Brésil en 1932, le Chili en 1933 et le Portugal en 1934 »1) Les pays du nord de l'Europe entameront ce processus après la Seconde Guerre Mondiale (« les Pays-Bas en 1954, l'Allemagne en 1963, la Belgique en 1974, le Danemark en 1985, la Finlande en 1990 et la Norvège en 1992 »).

1 Drut B., 2011, Économie du football professionnel

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Ce passage au professionnalisme n'a été suivi que par très peu de clubs qui passèrent le cap, essentiellement à cause des rémunérations que le statut induisait. Ainsi, très peu de clubs connurent le professionnalisme avant la création du Groupement des Clubs Autorisés, l'ancêtre de la Ligue de Football Professionnel (LFP). Cet organisme avait notamment pour mission de sélectionner les clubs qui auront droit au statut professionnel. Cet autoritarisme sera levé en 1970 lorsque le seul déterminant pour le passage du statut amateur à professionnel sera le critère sportif.

Cette démocratisation du statut professionnel donné aux clubs a entrainé des changements de cadre juridique.

Initialement, les clubs de football en France sont juridiquement considérés comme des « associations à but non lucratif ». De nombreuses évolutions juridiques ont été menées durant les décennies 70 et 80, pour au final permettre aux clubs de rester des associations à statuts renforcés. Ces lois ont permis aux clubs d'adopter des statuts avec des particularités juridiques qui ont pris fin en 1999, avec un texte qui abrogea ces statuts. Ce changement de législation engendre une transformation amorcée auparavant, qui voit les clubs adopter un modèle qui se rapproche d'un fonctionnement capitaliste.

Depuis 1999, quasiment tous les clubs de Ligue 1 et Ligue 2 ont adopté le statut de Société Anonyme Sportive Professionnelle (SASP). Ce statut d'exception a été créé dans l'objectif de permettre aux clubs d'avoir plus de flexibilité. En effet, les deux autres statuts autorisés pour les clubs professionnels - à savoir l'entreprise unipersonnelle sportive à responsabilité limitée (EUSRL) et la société anonyme à objet sportif (SAOS) - ne leur permettent « ni de verser des dividendes, ni de rémunérer leurs dirigeants ». Ces deux facteurs apparaissent aujourd'hui obsolètes au vu de l'évolution et de la professionnalisation du secteur.

Le statut SASP est donc plébiscité par la grande majorité des clubs professionnels français, qui se voient ainsi donner plus de flexibilité, notamment en ce qui concerne l'accès au capital, qui est libre. Cette forme juridique s'est progressivement répandue afin d'apporter une réponse plus adaptée aux nouveaux besoins de financement des clubs. Les investisseurs ont ainsi la possibilité d'acheter des actions du club et obtenir les droits sociaux en conséquence. Avant la création de ce statut, la recherche d'investisseurs était difficile pour les clubs français car tous les bénéfices découlant des activités d'un club devaient obligatoirement « être affectés à la constitution de réserves qui ne [pouvaient] donner lieu à aucune distribution » 2. Les

2 Loi du 16 juillet 1984

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investisseurs privés n'avaient donc pas ou très peu d'arguments pour investir dans un club. De plus, la rémunération des dirigeants a été rendue possible avec cette évolution. En effet, auparavant, les dirigeants de chaque club étaient considérés comme bénévoles. Sachant que la gestion d'un club professionnel est un métier à part entière, il était difficile pour ces dirigeants de s'investir pleinement sans percevoir de rémunération. Cette question a donc évolué avec l'objectif d'attirer des dirigeants plus compétents et ainsi amener une gouvernance et une gestion plus rationnelles. Ces transformations règlementaires ont été menées dans l'objectif de permettre aux clubs de répondre plus efficacement aux exigences nouvelles d'un football européen de plus en plus concurrentiel. Il ne manquait alors qu'une étape pour faire basculer le football français en pleine économie de marché : la possibilité d'introduction en bourse des clubs. Ce fut chose faite en janvier 2007 avec une loi permettant la cotation boursière des clubs sportifs, sous quelques réserves « l'acquisition d'actifs destinés àÌ renforcer leur stabilité et leur pérennité, tels que la détention d'un droit réel sur les équipements sportifs utilisés pour l'organisation des manifestations ou compétitions sportives auxquelles elles participent ».3 Les clubs qui veulent tenter l'aventure doivent ainsi justifier une volonté d'acquérir des actifs tangibles, notamment un complexe sportif, ce qu'a mis en pratique l'Olympique Lyonnais par exemple.

Le statut juridique des clubs à travers l'Europe suit des cadres législatifs très similaires aux sociétés anonymes classiques, avec quelques spécificités régionales. Un rapide tour d'horizon sur l'évolution des statuts des quatre grands championnats européens permet de distinguer ces subtilités.

En Italie, les clubs ont le statut équivalent de celui de « Société Par Action » (« societa per azioni »), à la nuance près qu'ils ont obligation de réinvestir les bénéfices de l'exercice dans le développement du sportif du club.

Ce même modèle (SPA) est suivi par les clubs anglais dès le début du XXe siècle. La seule différence avec le fonctionnement italien intervient dans la redistribution des bénéfices sous forme de dividendes : les organisations anglaises ont plafonné ces indemnités à 15% de la hauteur des bénéfices.

Concernant l'Espagne, la structure actuelle de quasiment tous les clubs professionnels (à l'exception de 4 clubs pour lesquels nous reviendrons plus tard) est la conséquence d'une crise

3 Loi n° 2006-1770 du 30 décembre 2006

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financière qui toucha les clubs espagnols au cours des années 1980. Les déficits étaient tels qu'il a été imposé aux clubs l'adoption d'un statut très proche des SASP françaises en 1990 ; les « Sociedad anonima deportiva ». Seuls quatre clubs ne bénéficient pas de ce statut : le Real Madrid, le FC Barcelone, l'Athletic Bilbao et Osasuna. Ces derniers ont la particularité d'avoir pu garder leur statut précédent car ils étaient les seuls à ne pas présenter de déficits entre 1985 et 1990. Ils sont considérés comme des sociétés civiles sans but lucratif. Il est donc impossible pour un investisseur d'en devenir propriétaire en rachetant les parts ; le club appartient donc aux « socios », des membres qui payent une adhésion annuelle. Cette dernière permet aux à ces adhérents de jouir d'un pouvoir de décision et élisent tous les deux ans et demi le président du club.

Enfin, le modèle allemand s'apparente à une sorte de variante édulcorée de ce qui est pratiqué par les quatre clubs espagnols cités plus haut. Ainsi, les membres de l'association gardent 50+1% des droits de vote ; un investisseur privé ne peut donc pas détenir plus de la moitié du capital-actions du club et en devenir le propriétaire. Seules exceptions en date : le Bayer Leverkusen et VFL Wolfsburg qui ont respectivement été fondés par les groupes Bayer et Volkswagen.

Il est dont aisé de constater qu'au fil des époques, la volonté de chacun fut de faciliter le passage d'un modèle associatif à un modèle libéral, où l'économie de marché prédomine. Cela a eu pour effet de professionnaliser la gestion et la gouvernance des clubs concernés, qui sont devenus de vraies entreprises, au point de devenir pour certains de véritables multinationales. Une autre conséquence de ces mouvances se trouve dans la modification des structures actionnariales constatée dès lors.

A l'origine de la professionnalisation du football, nombre de clubs étaient implantés dans des bassins industriels. Ce phénomène est présent aussi bien en Europe qu'en France où l'on peut constater de grands clubs actuels basés dans des villes industrielles (Manchester, Liverpool, Dortmund, Turin ...). Des clubs très importants du paysage footballistique français prennent également racine au sein de régions industrielles et étaient liés étroitement à de grandes entreprises ; le club de l'A.S Saint-Etienne a été fondé en 1933 par le Groupe Casino, le F.C Sochaux-Montbéliard est le fruit de la création du Groupe Peugeot, tout comme le RC Lens qui provient de la compagnie des mines de Lens.

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Ces entreprises n'avaient pas la possibilité d'être les propriétaires de ces clubs officiellement. Néanmoins, il était aisé pour ces dernières de subventionner à souhait les clubs et donc en détenir le contrôle implicitement. Ainsi, au fur et à mesure des évolutions juridiques évoquées ci-dessus, les entreprises ont pu devenir propriétaires de ces clubs, et nombre d'entre elles n'ont pas hésité à entrer au capital des clubs. Les motivations des compagnies en question sont souvent d'associer leur image à un sport populaire.

Plus tardivement (années 1990), il y a eu une vague de rapprochement entre clubs et chaines de télévision. En effet, ces deux parties prenantes sont étroitement liées car le secteur de l'audiovisuel a rapidement compris les potentiels revenus que pouvaient générer les retransmissions des matches. Les diffuseurs ont tout intérêt à ce que les clubs soient les plus attractifs possibles : il est donc dans leur intérêt d'investir des sommes importantes pour booster les revenus des clubs. Le football est devenu un générateur d'intérêts puissant pour les diffuseurs, qui considèrent alors les clubs comme les « producteurs de contenu télévisé » diffusé sur ces chaines de télévision. C'est pourquoi des diffuseurs ont même été jusqu'à rentrer au capital de certains clubs ; cela a été le cas pour Canal + qui a investi dans le PSG pour en devenir le propriétaire de 1991 à 2006 et du groupe M6 qui a racheté le club des Girondins de Bordeaux en 1999 avant de le céder au fonds d'investissement General American Capital Partners. Par ailleurs, le cas particulier du groupe BeIn Media Group est très intéressant ; ce dernier est devenu l'un des diffuseurs importants des compétitions européennes à travers l'Europe, propriété de l'État Qatari dont le PDG n'est autre que Nasser Al-Khelaïfi, président du PSG. Nous reviendrons dans la section ii. Une financiarisation du football sur le phénomène des droits TV.

Le développement et la professionnalisation du football en Europe a pris ses racines durant l'âge industriel, pourtant les évolutions marquées par une libéralisation de notre économie à toutes les échelles marque s'inscrivent dans la financiarisation. Tout ceci couplé aux récentes évolutions juridiques concernant les statuts des clubs en France, qui a eu pour conséquence une augmentation des capitaux dans les clubs. En effet, la facilitation pour les investisseurs de s'immiscer dans les clubs a eu pour effet une financiarisation des structures.

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"Soit réservé sans ostentation pour éviter de t'attirer l'incompréhension haineuse des ignorants"   Pythagore