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Comment adapter la gestion et la stratégie d'un club professionnel aux nouvelles exigences du football européen ?


par Guillaume Romeyer
Kedge Business School - Master 2019
  

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2. La gestion d'un club de football français

Le football français, de par certaines spécificités structurelles, se différencie de ses voisins européens. Cette partie tentera de répondre aux enjeux sur lesquels les clubs français doivent se pencher dans un futur proche au vu des caractéristiques intrinsèques de l'environnement français. Les différences législatives, fiscales, historiques et même culturelles engendrent des visions hétérogènes entre les pays européens quant à la gestion d'un club de football. Il conviendra de revenir sur les caractéristiques propres au football français, avant de s'intéresser à la gestion des activités sportives des clubs.

2.1. Caractéristiques du football français

Le football français reste une anomalie à l'échelle européenne. Très souvent considérée comme la cinquième nation européenne au niveau des clubs, la France n'en reste pas moins un nain sur l'échiquier européen. Avec seulement deux Coupes d'Europe - dont une n'existant même plus (la Coupe des Coupes remportée par le PSG en 1996) - à son palmarès et seulement six finales de la plus prestigieuse des compétitions la LDC (Reims en 1956 et 1959, Saint-Etienne en 1976, l'OM en 1991 et 1993 et Monaco en 2004), la France fait pâle figure. De nombreuses nations, très fortement affaiblies depuis l'arrêt Bosman, la supplantent au palmarès. Selon la LFP, cette absence de résultat serait la contrepartie d'un manque de moyens financiers et d'une concurrence fiscale biaisée par rapport à ses voisins. Il est donc intéressant de se pencher sur les caractéristiques qui font le football français.

2.1.1. Contrôle financier et audit annuel : une meilleure gouvernance que ses voisins ?

Le football français a connu diverses crises depuis sa professionnalisation en 1932. L'une d'elles a pris ses racines au début des années 1980 avec plusieurs sombres histoires qui affectèrent des clubs historiques du championnat de France : Saint-Etienne en 1982, Bordeaux en 1990 ou encore l'Olympique de Marseille en 1993. Ces scandales liés à des détournements de fonds, des fausses transactions, l'existence de caisse noire ou encore sur des matches arrangés ont révélé des dysfonctionnements graves au sein de la gouvernance des clubs. Pour remédier à ces problèmes, les autorités françaises ont décrété la création d'un organe de contrôle

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financier chargé de superviser la gestion des clubs. La Direction Nationale du Contrôle de Gestion (DNCG) est ainsi créée en 1984 avec comme mission la responsabilité d'auditer et de surveiller les résultats comptables des clubs professionnels français. Cette instance indépendante, chapeautée par le LFP a été créée dans l'objectif de promouvoir une meilleure gouvernance au sein des clubs professionnels français. Elle dispose d'importants pouvoir auprès des clubs. Ainsi, après avoir analyser les comptes et vérifier « notamment que les investissements sportifs n'excèdent pas les capacités financières »57 des clubs professionnels, elle donne des directives et des instructions aux clubs en déficit pour les aider à mieux gérer leurs dépenses. Selon la DNCG elle-même, son objectif est de « s'assurer qu'un club qui démarre une saison sportive aura les moyens financiers suffisants pour la terminer et participer ainsi à un championnat régulier, en toute équité avec les autres clubs »58. Ensuite, si les déficits continuent, la masse salariale des clubs en question sera expertisée plus amplement pour comprendre la provenance des déficits persistants.

Si les comptes des clubs présentent des déficits, le gendarme du football français a alors un pouvoir de sanctions envers les clubs. Parmi celles-ci, les clubs en déficit peuvent se voir interdits de recruter pour une période donnée. La DNCG a même un pouvoir de sanctions sportives : elle peut décider de l'interdiction d'un club de participer à un championnat ou même rétrograder administrativement un club dans des divisions inférieures. Les exemples ne manquent pas. Ainsi, rien qu'au cours de la saison 2017/2018, l'organisme a procédé à « l'interdiction de recrutement » couplée à une « rétrogradation à titre conservatoire » contre Lille et Sochaux, à « l'encadrement de la masse salariale » de huit clubs de Ligue 2, à la rétrogradation en National du SC Bastia.

Toutefois, en dépit de ces mesures visant à améliorer la gouvernance des clubs français, le dernier rapport en date de la DNCG montre un déficit de 176 millions d'euros pour la saison 2017/2018. Ces chiffres illustrent une anticipation de la hausse des droits TV français à compter de la saison 2020 qui augmenteront significativement les recettes des clubs. En attendant l'effet

de cette hausse, les clubs n'ont pas hésité à investir pour renforcer leurs fonds propres. Les
chiffres fournis par le rapport montrent que les fonds propres des clubs de Ligue 1 ont augmenté de 42% pour s'élever à 1.332 millions d'euros, dont 732 millions d'euros de capitaux propres (111 % d'augmentation). Attention néanmoins à ne pas omettre l'hétérogénéité des clubs dans

57 https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2014/07/17/la-dncg-le-gendarme-meconnu-du-football-

francais44590304355770.html, consulté le 12 mars 2019

58 RAPPORT FINANCIER DU FOOTBALL PROFESSIONNEL FRANÇAIS Saison 2017/2018

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ce domaine : le PSG et l'OL comptent 85% des 732 millions d'euros de capitaux propres. Dans le même temps, les charges ont elles aussi largement augmenté (+22%). C'est précisément sur cette variable que la DNCG intervient en influant sur la masse salariale d'un club ou sur les dotations aux amortissements des indemnités de mutation (transferts).

L'objectif de cet organe est d'éviter les énormes dettes des clubs européens (espagnols et italiens principalement). Beaucoup d'observateurs vantent la méthodologie et les contrôles effectués de la DNCG ; elle est censée apporter rigueur et discipline financière aux clubs. En effet, une des principales difficultés pour un club est de s'engager sur des dépenses (salaires ou indemnités de transferts) en connaissant les répercussions seulement en fin de saison. C'est là qu'intervient la DNCG ; elle doit intervenir pour apporter de la rationalité dans la gouvernance des clubs. Est-ce que pour autant les clubs français sont mieux gérés que leurs acolytes européens ? Pas si sûr au regard des résultats déficitaires des récentes saisons, qui touchent le point culminant lors du dernier exercice enregistré, et ce en dépit d'un chiffre d'affaires record de 2,8 milliards d'euros. Toutefois, une des composantes de ce chiffre d'affaires provient d'un record des montants des plus-values réalisées sur les ventes de joueurs (929 millions), qui est le couvert de fluctuations, sur lesquelles les clubs ne peuvent se permettent de s'appuyer durablement.

La volonté affichée par la LFP d'appliquer une meilleure gouvernance est vantée par de nombreux autres pays européens. C'est dans ce sens que l'UEFA a instauré le FPF ; apporter une meilleure gestion financière au sein des clubs. Apporter une contrainte financière crédible au football européen devient indispensable. La DNCG a donc été précurseuse sur la question, même si les deux organismes ne s'attaquent pas à la même question : le FPF de l'UEFA se penche sur la rentabilité financière tandis que la DNCG s'intéresse à la solvabilité des clubs. Ainsi, un club comme le PSG n'a pas été inquiété par la DNCG lors de la saison 2013/2014 alors que dans le même temps, il se voyait infliger une amende de 60 millions d'euros pour non-respect des règles du FPF. Et c'est sur ce point que la DNCG ne prépare pas les clubs français au règlement européen ; son objectif est de s'assurer de la solvabilité des clubs, et ce même si ces derniers font appel à des apports en capitaux. Pendant que l'UEFA, par l'intermédiaire du FPF, encourage le principe selon lequel les clubs doivent financer leurs propres activités opérationnelles à partir de leurs propres ressources, les actionnaires n'étant autorisés à contribuer qu'au financement des investissements à long terme des clubs (construction d'infrastructures sportives ...). Ainsi, le champ d'action du gendarme financier

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du football français ne se penche que sur le court-terme ; les clubs ne sont pas encouragés à opérer des investissements de long-terme. Des travaux menés par Nadine Dermit-Richard, Nicolas Scelles et Stephen Morrow montrent que les clubs français font des pertes que les actionnaires couvrent pour respecter les contraintes imposées par la DNCG. Par conséquent, les contributions des actionnaires servent principalement à financer les indemnités de transfert plutôt que les investissements à long terme (infrastructures sportives notamment). D'une manière générale, les résultats de leurs travaux tendent à démontrer que les clubs français ne se conforment pas vraiment aux principes du FPF. À ce titre, les exigences de la DNCG en matière de rôle des actionnaires ne sont pas suffisamment contraignantes pour inciter les clubs français à adopter un modèle viable et ainsi se conformer au FFP.

En somme, il serait intéressant de se pencher sur cette double « contrainte » imposée aux clubs français engagés en Coupe d'Europe. Ne vaudrait-il pas mieux abandonner les principes de la DNCG pour s'adapter à ceux de l'UEFA ? Quid de la pertinence des critères de la DNCG ? Pourquoi ne pas harmoniser les règles du FPF à l'ensemble des clubs professionnels européens plutôt que se contenter de ceux jouant la Coupe d'Europe afin de leur apporter une contrainte financière plus dure ? Il y a de nombreux questionnements qui découlent quant à la pertinence de ces deux organismes de contrôle. Pour en revenir au football français, une extension du FPF à l'ensemble des clubs pourrait permettre d'assainir une gestion parfois archaïque que la DNCG n'a pu que partiellement corriger (preuve en est, la DNCG n'a pas pu empêcher des clubs de faire faillite et les déficits restent récurrents). Pour finir, le contrôle financier annuel imposé aux clubs français les contraint à un objectif de solvabilité et les encourage à tenir des comptes positifs sous peine de sanctions, encourageant une meilleure gouvernance en théorie. Les faits illustrent cependant des défaillances dans la gestion financière de nombreux clubs, les clubs français ne faisant pas exception à l'échelle européenne.

2.1.2. Un retard sur ses voisins européens

Le football français n'a jamais, au cours de l'histoire, approché le niveau de ses voisins européens (Italie, Espagne, Allemagne, Royaume-Uni). D'un point de vue financier ou sportif, la France s'est toujours trouvée à la traine. Comment expliquer ce retard, au-delà du fait que l'Hexagone n'a jamais été un véritable pays de football, du moins au sens culturel du terme. Ainsi, avant les premiers succès de l'équipe de France lors de l'Euro 1984 puis surtout lors de

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la Coupe du monde à domicile en 1998, le football n'intéressait guère la population. Toutefois, malgré le palmarès très flatteur de la nation tricolore depuis 1998 (2 coupes du monde et une finale perdue, un Euro et une finale perdue), le football de club n'a jamais été à la hauteur. La France fait figure de nain à l'échelle européenne, et ce pour plusieurs raisons. L'une d'elles renvoit au retard financier des clubs français qui ne pourraient pas rivaliser avec leurs homologues européens.

2.1.2.1. Un retard financier sur ses voisins européens

Le manque de vision stratégique long-terme et l'incompétence des dirigeants des clubs français leur a coûté un retard important sur le plan financier. Mais, au-delà de ces agissements, certaines raisons exogènes à la direction des clubs expliquent une partie de ce constat.

2.1.2.1.1. Des billets à prix réduits et de faibles affluences

Pour commencer, un des premiers éléments d'explication concerne la taille du marché français. Paradoxalement, la France est le deuxième pays européen en termes de population, néanmoins, les grandes agglomérations ne sont pas légions (seulement trois villes qui dépassent le million d'habitants) et nombre de clubs professionnels prennent place dans des villes moyennes. A l'étranger, les grandes métropoles abritent au moins deux clubs professionnels. Les exemples ne manquent pas : Barcelone, Madrid, Séville, Londres, Manchester, Liverpool, Turin, Milan, Rome, Berlin, Hambourg, Lisbonne, Istanbul... La France fait figure d'exception, même si le Paris FC et le Red Star font office de représentant francilien en Ligue 2 depuis peu. Le manque d'engouement pour le football de clubs en France (peu de clubs parviennent déjà à remplir leur stade) et le manque de grands bassins urbains entravent cette survenance. Les spécificités françaises ont toujours limité l'émergence de deux clubs dans la même ville. Le chercheur Loïc Ravenel tente d'apporter une réponse en mettant en exergue l'organisation même du sport français, « qui s'est de plus en plus municipalisé depuis les années 1960. Les mairies préfèrent privilégier un seul club de football ou bien se diversifier avec plusieurs sports différents, au lieu de se disperser dans plusieurs clubs de football. »59 Les municipalités restent majoritairement propriétaires des infrastructures sportives et sont responsables de l'entretien de celles-ci, un poids important pour ces dernières. Dans ce contexte, il est alors difficile d'encourager

59 https://www.lemonde.fr/sport/article/2013/08/09/une-ville-un-club-de-foot-pro-l-autre-exception-francaise34594893242.html, consulté le 28 mars 2019

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l'émergence de plusieurs clubs considérant les coûts structurels que cela engendre. Un modèle où l'importance des villes n'est pas si importante est plus prompt au développement de plusieurs clubs au sein d'une même agglomération.

La taille des agglomérations accueillant les clubs professionnels fait également figure d'exception européenne. C'est ainsi que nous retrouvons de nombreux clubs professionnels français dans des villes très faiblement peuplées : Guingamp (6 900), Auxerre (34 583), Lens (30 413), Sochaux (3 978), Monaco (38 695) ... Ce constat alimente les faibles affluences dans les stades en France. Néanmoins, sur ce dernier point, l'affluence (même si elle reste très inférieure par rapport à l'Allemagne par exemple) est en hausse quasi constante depuis quelques années. La rénovation des stades pour l'Euro 2016 a certainement joué dans cette tendance. L'amélioration de la capacité des stades couplée à des meilleures prestations au sein de ceux-ci est sans aucun doute une des sources de cette hausse de l'affluence.

Affluence moyenne Ligue 1

30000

25000

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

21155

22362

20894 21208

22544

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

18869 19261

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

20000

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

15000 10000 5000 0

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

2011/12 2012/13 2013/14 2014/15 2015/16 2016/17 2017/18

Source : Auteur, d'après LFP

Malgré cette hausse, les taux de remplissage des stades restent très inférieurs à ceux constatés en Angleterre ou en Allemagne (68% contre plus de 90% en Allemagne). Pourtant, les prix des billets et des abonnements sont nettement moins élevés qu'en Premier League. Les revenus commerciaux provenant de l'exploitation des stades sont en hausse mais sont à des années lumières de ce qui est pratiqué en Premier League et même en Espagne. En dépit de cela, les clubs de Ligue 1 n'attirent pas les foules ; symptomatique d'un manque d'engouement (les spectateurs sont moins enclins à payer un prix élevé pour un match de football) et d'un possible

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manque de spectacle et d'intérêt des matches. Enfin, les décisions ubuesques prises par les autorités préfectorales concernant les interdictions de déplacement et les sanctions disproportionnées prises à l'encontre des supporters par les instances dirigeantes nuisent clairement aux affluences et au spectacle en tribunes, autre facteur qui améliore l'expérience au stade. La quasi systématique utilisation de sanctions collectives (huit clos partiel ou total, interdictions de déplacement...) ne pousse pas l'affluence à la hausse. La France accuse un retard colossal sur d'autres pays quant à la gestion de ses supporters. Le dialogue semble rompu entre des instances dirigeantes toujours plus répressives et des groupes de supporters revendiquant le droit d'exister dans la vie du club. Cette répression n'a pas porté ses fruits et il est dommageable de voir les instances continuer dans cette voie en restreignant toujours plus les libertés des supporters, parfois jugés comme des « sous-citoyens » (avec notamment l'interdiction administrative de stade promulguée en 2006 qui permet aux préfets de décréter des interdictions de stades à l'encontre de supporters sans passer par la voie judiciaire). Une justice préventive et arbitraire testée sur les supporters, cette catégorie de citoyens dont il peut sembler normal qu'ils disposent de moins de droits. Il n'est bien entendu pas question de remettre en cause les sanctions face à des comportements violents. Néanmoins, les moyens actuels permettraient d'individualiser ces sanctions sans nuire au spectacle en tribunes. L'expérience répressive contribue à la baisse du spectacle et influe négativement sur l'affluence.

Les revenus commerciaux tirés de l'exploitation des stades restent ainsi en France un talon d'Achille que seuls le PSG et l'OL parviennent à réellement tirer profit, grâce à des stratégies différentes.

2.1.2.1.2. Peu de clubs sont propriétaires de leur stade

L'exploitation des stades en France nuit clairement à la compétitivité des clubs. L'absence de clubs propriétaires de leurs stades (hormis Lyon) contribue aux très faibles immobilisations corporelles des clubs français comparé à leurs voisins. Le stade représente l'outil de production du club ; être propriétaire de son stade dilue le risque financier et permet de décorréler ses résultats commerciaux à ses performances sportives. Le club propriétaire est également maitre dans l'adaptation de son enceinte à ses stratégies marketing et commerciales. Plusieurs raisons expliquent cette absence d'investissements en infrastructure sportive : la faiblesse des capitaux propres des clubs français en est une. En dépit d'une amélioration de la structure financière des

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clubs, marqué par une hausse des fonds propres de 24% en 2017 (919 millions d'euros de fonds propres pour les clubs de Ligue 1 lors de la saison 2016/17) et des capitaux propres (346 millions d'euros), les écarts abyssaux suivant les clubs ne doivent pas masquer cette faiblesse structurelle (78% de l'ensemble des fonds propres des clubs professionnels français sont le fruit de quatre clubs : PSG, OL, OM, Monaco). Ce manque de capitaux propres limite les capacités d'endettement des clubs (auprès d'établissements de crédit) pour développer des immobilisations corporelles, au contraire de l'OL qui a su profiter de ses bons résultats sportifs, de sa régularité, d'un centre de formation efficient lui assurant des revenus importants et d'une gestion rigoureuse pour pouvoir construire son nouveau complexe sportif. L'Allemagne a grandement bénéficié de l'organisation de la Coupe du Monde 2006 pour moderniser son parc des stades. Elle n'a pas hésité à mettre les clubs au milieu des discussions pour éviter les « surdimensionnements d'investissement »60 afin d'accroitre la compréhension des enjeux d'exploitation. Avec l'organisation de l'Euro 2016, les clubs français ont pu bénéficier d'infrastructures rénovées, parfois neuves (Nice, Bordeaux, OL, Lille). Cette évolution des infrastructures ne s'est malheureusement pas accompagnée d'une meilleure collaboration entre les acteurs publics et les clubs au niveau des enjeux d'exploitation. Les clubs sous-estiment encore trop souvent les compétences potentiellement déployables au sein des enceintes sportives : tout ce qui concerne les processus de gestion de la billetterie, le merchandising, la relation client ... La faible implication des clubs français sur ces problématiques leur vaut un retard important sur ces voisins européens, qui dégagent des revenus beaucoup plus importants en exploitant à 100% leurs enceintes. Le fait de posséder son complexe sportif oblige le club à en professionnaliser son exploitation et à axer davantage ses pratiques sur ces sources de revenus.

Les taux bancaires très bas et la revalorisation des droits TV à venir pour les clubs sont d'autant plus de raisons pour les clubs de se pencher sur la question d'investir dans une nouvelle enceinte ou dans le rachat de leur enceinte existante. En effet, la vision court-termiste de nombre de directions de clubs les a plusieurs fois empêchés d'orienter leurs investissements sur des véritables stratégies de croissance viable. Une réorientation des objectifs structurels permettrait de se pencher sur la question. Néanmoins, le manque d'historique sur ce type d'opérations ne permet pas d'estimer le prix d'un stade, qui s'avère extrêmement onéreux. Le club de Jean-

60 Rapport Pour un modèle durable du football français remis au Ministère des Sports, de la Jeunesse, de l'Éducation populaire et de la Vie associative le Mercredi 29 janvier 2014 par Jean GLAVANY

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Michel Aulas constitue donc une singularité au sein du football français ; la réussite économique du stade, trois ans seulement après son ouverture pourrait donner des idées à d'autres clubs...

2.1.3. Un système de formation reconnu : les clubs français sont des exportateurs de talents à l'international mais restent dépendants des ventes de joueurs

La jeunesse française du football a la côte en Europe depuis quelques années. L'été 2018 a marqué l'avènement de cette formation florissante avec le couronnement en Russie d'une sélection relativement jeune : 15 des 23 joueurs sélectionnés lors du mondial avaient 25 ans ou moins (plus jeune sélection du Mondial). Selon les données de Transfermarkt, l'effectif des Bleus était le plus cher au monde (1,08 milliard d'euros de valorisation). Il n'est plus à démontrer la qualité de la formation française depuis la mise en place en 1973 de la charte du football professionnel. Cette dernière constitue le point de basculement de la formation française vers une plus grande technicité. Cette convention collective a servi de socle à l'instauration des centres de formation pour les clubs professionnels. La formation des joueurs a subi un changement radical pour suivre un modèle ordonné et méthodique. La formation est dès lors au coeur de la politique stratégique de la FFF. Par la suite, s'ajoutent les pôles espoirs, en charge de préparer les jeunes joueurs (U14/U15) aux exigences des centres de formation. L'importance accordée aux centres de formation se matérialise par le nombre de joueurs professionnels expatriés. La France se situe à la deuxième place sur cet indicateur derrière le Brésil, comme vu précédemment (se référer à l'annexe n°15).

Plusieurs facteurs existent pour tenter d'expliquer ce phénomène. Tout d'abord, la richesse du bassin parisien qui n'est pas loin d'être le premier bassin de recrutement mondial. La densité de talent unique de la région a permis aux clubs français de recruter des jeunes joueurs pour leurs centres de formation. Ces jeunes joueurs, issus souvent de quartiers populaires n'hésitent pas à tenter leur chance loin de leur foyer pour bénéficier d'une formation de qualité et ainsi avoir une chance de signer un jour un contrat professionnel. La mixité sociale et culturelle des jeunes joueurs couplée à la spécificité du système de formation français forment un bon ensemble permettant l'éclosion de talents. De plus, l'ancienneté du système comprend lui aussi ses avantages : les effets d'apprentissage et l'expérience accumulés sont d'autant plus de facteurs de performance. Par ailleurs, les clubs ont obligation de consacrer un budget à la

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formation. Il est fondamental pour un club de disposer d'installations de qualité pour accueillir les jeunes dans les meilleures conditions.

Victimes de leurs succès, les clubs français se voient « pillés » de leurs meilleurs joueurs. Pour combler les nombreux départs à l'étranger, les clubs professionnels français se voient dans l'obligation de faire confiance aux jeunes issus du centre de formation. En effet, ne bénéficiant pas des moyens des clubs de Premier League, les clubs sont parfois dans l'incapacité financière de recruter de nouveaux joueurs. Ils ont alors recours à la formation et ont la nécessité de lancer des jeunes issus de leur centre pour compenser cette impossibilité financière. Les jeunes joueurs français ont donc plus de chance d'avoir du temps de jeu en Ligue 1 et en Ligue 2 que des jeunes issus de centres de formation anglais ou italien par exemple. Hubert Fournier, le Directeur Technique National explique les bons résultats des centres de formation par cette faculté des clubs à lancer tôt les jeunes dans le grand bain : « les dirigeants ont compris que la pérennité de leur projet sportif et financier passait par la formation. Du PSG jusqu'à la Ligue 2. La Ligue 1 donne vite la possibilité aux jeunes de prendre de l'expérience. C'est une spécificité française d'accélérer le développement »61.

Pourtant, les meilleurs joueurs du championnat partent fréquemment à l'étranger pour donner une autre ampleur à leur carrière. Le prestige et le niveau des autres championnats les poussent à s'exporter pour gagner en visibilité, en salaire voire en trophée. Cette réputation peut s'avérer problématique pour le bon développement du championnat de France. Aujourd'hui, ce dernier est parfois perçu comme un championnat de « passerelle » au sein duquel les joueurs ne perçoivent qu'un moyen d'exposition pour attirer l'oeil de recruteurs étrangers.

Les clubs ont bien compris l'attractivité de la marque « Ligue 1 » auprès des clubs étrangers, et ils n'hésitent pas à miser sur ce modèle pour dégager des sommes importantes en transferts de joueurs. Attention toutefois à ne pas se rendre tributaire à cette source de financement, qui reste aléatoire. Le rapport financier du football professionnel français de la saison 2017/1862 nous apprend que les plus-values successives aux opérations de cession de joueurs ont atteint un montant record de 929 millions d'euros contre 302 millions d'euros lors de la saison précédente. La dangerosité se situe dès lors dans la faculté des clubs à « déconnecter » leurs dépenses au maximum de cette source de revenus.

61 http://www.leparisien.fr/sports/football/formation-des-footballeurs-aujourd-hui-on-ne-raterait-plus-griezmann-07-08-2018-7846230.php, consulté le 3 avr. 19

62 RAPPORT FINANCIER DU FOOTBALL PROFESSIONNEL FRANÇAIS Saison 2017/2018, DNCG

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Même s'il impossible de savoir si cette dynamique ralentira dans les années à venir, la dépendance de certains clubs à ce poste de revenus peut s'avérer problématique. Le modèle économique de ces derniers est dorénavant trop sensible aux transferts de leurs joueurs. Il conviendrait pour ces clubs de profiter de cette richesse pour renforcer leurs fonds propres et améliorer leur structure financière. Ce réajustement permettrait de réduire le risque économique que fait peser le modèle actuel.

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"Il y a des temps ou l'on doit dispenser son mépris qu'avec économie à cause du grand nombre de nécessiteux"   Chateaubriand