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La situation de la femme marocaine en général et le travail de terrain des associations féminines dans la région du nord du Maroc


par Fadma Ouaiaou
ULB / BRUXELLES - Master 2011
  

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V.1.2.1.Le mouvement féministe islamiste marqué par l'année 2000

L'année 2000 est une année forte pour le mouvement féministe islamiste. En effet, cette année-là, comme expliqué dans le chapitre deux, le mouvement a pris une ampleur inattendue. Le 12 mars 2000, à l'occasion de la journée des femmes fêtée quatre jours plus tôt, une grande marche a été organisée à Rabat en faveur de l'adoption du PANIFD192. Cette marche a été mise en place par les associations appartenant au courant féministe universaliste, elle coïncidait avec l'adoption du PANIFD par le gouvernement marocain en faveur des droits de la femme.

En parallèle, à Casablanca, une autre marche a lieue. Mais celle-ci, à l'inverse de la marche de Rabat, est contre l'adoption du PANIFD, notamment à cause de la composante juridique de ce plan car selon, ses manifestants, celle-ci déforme les textes religieux. Cette initiative vient des associations du mouvement féministe islamiste. Cette marche a mobilisé énormément de monde, plus que ce que le gouvernement avait prévu. Face à un tel dilemme, le gouvernement a décidé de faire appel au roi pour arbitrer la situation. Ce dernier a décidé de séparer la composante juridique du PANIFD et de constituer une commission royale chargée de la réforme du code de statut personnel (la composante juridique). En 2004, est né le code de la famille tel qu'expliqué dans le chapitre précédent.

Ce qui est frappant, c'est que la commission royale n'a finalement pas apporté de grands changements à la composante juridique du PANIFD. Et pourtant, elle était en grande partie composée de membres du mouvement islamistes et conservateurs. On pourrait se demander pourquoi avoir fait un tel chahut si au final, ils ont eux-mêmes gardés les principales idées de la composante juridique. Est-ce par stratégie politique ? Est-ce pour avoir une idée de l'ampleur du nombre de leurs partisans ?

190 Réalités requit lors de la phase de l'observation entre 2000 et 2007.

191 Mouvement islamique, dont fait parti Nadia Yassine (fille du comandant du mouvement Cheikh Yassine) fondatrice de section femme au sein du mouvement.

192 Voir chapitre III ?

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Ces questionnements sont plus que légitimes quand on sait qu'ils préparaient les élections politiques 2002. Ainsi, le féminisme islamique connu en tant que féminisme islamiste vu sa référence religieuse et sa participation au sein de partis politiques gagne du terrain et se présente comme une alternative au féminisme universaliste sur la scène associative du Nord du Maroc.

En conclusion, nous pouvons dire que l'année 2000 a marqué un tournant majeur au sein d'organisations islamistes comme le mouvement justice et bienfaisance et le parti de la justice et du développement, (PJD). Effectivement, celles-ci, s'engagèrent publiquement sur la « question féminine en défilant dans la capitale économique du Pays193. Ensuite, cette année-là, a fait sortir les associations islamistes de l'ombre. Ce qui est marquant dans la naissance et la montée des mouvements féministes islamistes au Maroc, c'est que contrairement à l'Iran, le Pakistan ou même l'Occident, l'émergence de ce mouvement a été réalisée sur le terrain. Autrement dis, par le bas et pas au niveau des universitaires et intellectuels. Cette réalité a été constatée lors de nos entretiens.

Ainsi, lors de l'entretien avec la présidente de l'association « Mawadda pour le développement de la femme et la protection de la famille » Latifa Bousaid, à la question suivante : « Est-ce que vous connaissez le féminisme islamiste ou islamique ? » a répondu: « Je n'en ai jamais entendu parler, nous travaillons avec la référence islamique, mais je n'ai jamais entendu parler d'une quelconque émergence de ce féminisme ».

Surprise de sa réponse car cette association fait partie officiellement des mouvements féministes islamistes, nous avons tenté d'éclaircir notre question à travers la réflexion suivante : Le « Forum Fatima Zahrae » de Rabat dont fait partie votre association Mawadda travaille en réseautage national dans le but d'étendre nationalement le féminisme islamiste. L'une de ses fondatrices, Asmae Merabet est même présidente du réseau international GIERFI194 dont le combat est d'imposer une troisième voie basée sur des valeurs islamiques tout en tenant compte de la référence universelle des droits humains de la femme. La présidente de l'association Mawadda n'avait pas l'air de comprendre. Est-ce par stratégie ou pouvons-nous en déduire que les motivations des décisions prises par les intellectuels du pôle marocain (Rabat et Casablanca) ne sont pas celles des petites associations locales ?

En effet, Latifa Bousaid, nous a répondu qu'elle n'avait jamais entendu parler du mouvement islamiste. Cet entretien nous a permis de constater qu'au Nord du Maroc, comme dans d'autres

193 EDDOUADA et PEPICELLI, 2010

194 Groupe international d'Etude et de Réflexion sur la Femme en Islam voir : www.gierfi.wordpress.com

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régions (hors Casablanca-Rabat), le travail se fait directement sur le terrain, et le débat intellectuel est laissé aux leaderships, qui pour la plus part, sont installés dans la capitale ou à Casablanca. Force est donc, de constater que l'idéologie est encore loin d'être généralisée. En effet, même si le travail est le même partout, les motivations ne le sont sans doute pas. Cependant, au niveau de la pratique, les idées des féministes islamistes sont largement diffusées sur tout le territoire marocain.

Les recherches précédentes, nous ont permis de prendre connaissance de la base théorique du féminisme islamiste qui se résume en l'invention d'une troisième voie.

V.1.4. Troisième voie du féminisme islamiste

Selon Asma Lamrabet195, qui représente le féminisme islamiste au Maroc, le mouvement a adopté une troisième voie, celle-ci est bien plus nuancée que les principes du féminisme universaliste et que la perception islamique traditionnelle des droits de la femme. « Ce féminisme islamique se présente donc comme une alternative entre une option religieuse traditionaliste rigide et un mimétisme aveugle du modèle occidental érigé comme unique voie de libération possible et imaginable. C'est entre ces deux voies qu'il a fallu trouver une troisième, à même, de concilier les privilèges et les acquis de l'un et de l'autre»196. Pourtant, cette troisième voie a été à plusieurs reprises dérivée vers une approche basée sur le référentiel uniquement religieux.

En effet, les observations directes et participatives accumulées lors de mon travail sur le terrain et l'analyse de l'approche que prônent les centres d'écoute pour les femmes victimes de violence (la majorité est victime de violence conjugale), ont pu montrer que l'approche appropriée par ces centres varie selon la vision des responsables et leurs appartenances politiques.

De plus, comme expliqué dans le chapitre précédent, les associations islamistes adoptent l'approche qui a pour objectif l'unité de la famille et ce quelque soit, la gravité de la situation. Selon cette vision, la priorité est donnée à une réconciliation entre l'agresseur (l'époux) et la victime (l'épouse). La punition et la criminalisation de la violence conjugale ne sont donc pas au premier plan. Force est de constater que malgré les discours tenus par ces centres, leur combat quotidien rejoint celui des féministes islamistes. Leur vision est construite sur le principe de « complémentarité » entre les hommes et les femmes et pas sur le principe de l'égalité197. Par ailleurs,

195 Présidente du réseau GIERFI.

196 Asma Lamrabet, Le Coran et les femmes : une lecture de libération, Lyon. Tawhid, 2007

197 Margo BADRAN, où en est le féminisme islamique ?, critique international, n° 46, janvier-mars 2010, Paris, sciences Po les Presses, p : 25-44.

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l'instrument IJTIHAD198 reste très restreint car plusieurs islamistes insistent sur la nature sacrée de quelques versets coraniques comme celui sur l'héritage. L'ORCF, rapporte « Nous n'acceptons pas une lecture moderne mais une lecture correcte qui respecte notre référence islamique et l'identité de notre société »199 selon la charte de l'organisation renouvellement de la conscience féminine.

L'analyse des objectifs du féminisme islamiste nous a conduits à nous poser des questions sur leur vision des théories fondamentales du féminisme universaliste. Comment le mouvement féministe universaliste perçoit les problématiques de la société marocaine ? Est-ce de la même manière que les féministes islamistes ?

Prenons comme exemple, la dichotomie dans le domaine du privée/publique. Le féminisme islamiste marocain doit encore répondre à une question importante dans la démocratisation de la société : « l'inégalité au sein de la famille est-elle compatible avec la démocratie dans la sphère publique ? »200. Ainsi, la visibilité des femmes dans la sphère publique en tant que participantes au sein des associations caritatives est très forte. Mais, en tant que citoyennes à part entière, la participation des femmes dans la sphère publique est peu marquée, pour ne pas dire, inexistante.

Le féminisme islamiste prône la complémentarité au sein de la sphère privée et rejette toute égalité homme-femme au sein de celle-ci. Il est important de retenir que par « complémentarité », les adeptes du mouvement pensent hiérarchie au sein du couple avec l'homme comme maître à bord et garant de son foyer. À l'inverse, les universalités prônent l'égalité autant au sein de la sphère privée que dans la sphère publique. C'est à partir du slogan « le privé est politique » revendiqué par les féministes universalistes que le progrès de la condition des femmes a pu être réalisé. Ces progrès se sont fait ressentir au niveau de l'adoption du Code de la famille, au niveau du droit de vote des femmes, etc.

En conclusion et selon des féministes islamistes européennes, le féminisme islamique est «un féminisme à l'intérieur du « féminisme» et qui part d'une appartenance religieuse pour arriver à des principes universels »201. Cela explique donc pourquoi le féminisme islamiste n'a de féminisme que le nom et n'est pas un mouvement féministe comme on pourrait le définir en Occident.

198 Interprétation avancée des textes religieux.

199 ORCF : la vision et la charte in « le mouvement féminin au Maroc contemporain, tendances et questions, Jamila MOSALI, Rabat. Top Presse, 2011, p 289.

200 BERKALILI, N, 2003 P 13.

201 HAMIDI, M, Féministes musulmanes : De la réappropriation du religieux aux stratégies de libération fidèles aux valeurs universelles.

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V.2. REPERTOIRE D'ACTIONS DES FEMINISTES ENTRE UNIVERSALISME ET ISLAMISME

Au cours de nos recherches et surtout lors de notre étude de terrain, nous avons pu constater que dans la région du nord du Maroc, il y a une forte présence de deux courants de féminisme marocain, ces deux derniers sont totalement différents l'un de l'autre. En effet, l'approche des problèmes sociaux, économiques, juridiques et culturels des femmes se fait de manière différente selon le courant.

Pour rappel, dans les faits, le premier mouvement a pour objectif de se baser sur les textes religieux, tandis que le second a pour seul référence, les textes universels des droits de l'Homme malgré qu'ils prétendent l'un et l'autre avoir comme référence la religion et les textes universels.

Le peuple marocain est en grande partie partagé entre les deux courants et ces derniers semblent cohabiter parfaitement ensemble, voire même être complémentaires. Toutefois, malgré des apparences de paix et même d'une coordination entre les deux courants, leurs rapports sont continuellement et quotidiennement en opposition. Et parfois même, en confrontation qui peut se manifester par une guerre froide et silencieuse. Par exemple, à Larache, ville à forte activité associative, les courants sont souvent en opposition. Ils doivent même faire face à des débats et à des conflits pouvant aller jusqu'à la destruction du travail associatif. Aussi, les réponses données par les responsables des associations féminines par rapport au travail de coordination et de réseautage local sont plus que décevantes.

Par conséquent, lors de l'entretien avec la directrice du centre d'écoute (Mains Solidaires) de Larache, cette dernière a expliqué « Malgré que l'association organise des activités auxquelles sont invitées toutes les associations travaillant avec les femmes et ce, quelque soit leur référence, la coordination ne va pas plus loin que la simple présence aux activités. En plus, au sujet du travail quotidien, il y a une contradiction de visions des associations vis-à-vis des différents problèmes dont doit faire face une association. Par exemple, pour la violence conjugale, selon le courant auquel appartient l'association, le problème est traité différemment. Nous pouvons donc dire qu'en pratique il n'y a pas de coordination »202.

Cette divergence pose un gros problème d'orientation pour les femmes, allant même jusqu'à une déstabilisation pour elles, et plus particulièrement, chez les femmes victimes de violence. Par

202 Entretien réalisé le 28 décembre 2010 à Larache.

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exemple, cette problématique sera abordée de manière totalement différente en fonction du mouvement auquel s'adresse la femme violentée. Les membres du mouvement universaliste tenteront de déculpabiliser la femme quant à l'acte commis et sur l'utilité de dénoncer l'acte de violence. Leur préoccupation majeure est la sécurité de la femme. Alors que les membres du mouvement islamiste auront tendance à directement tenter une réconciliation au sein du couple. Leur préoccupation majeure est à l'inverse des universalistes, de préserver une unité familiale alors que le rôle des centres est censé être de protéger les victimes des menaces de l'agresseur (le mari), qui doit être jugé.

L'observation des divergences au sein des actions des mouvements féminins marocains nous conduit à constater que la multiplicité des actions ne joue pas en faveur de l'unité du mouvement féministe marocain, « La segmentation du mouvement féministe au Nord du Maroc, n'est pas due uniquement au problème du référentiel entre les universalistes et les islamistes mais aussi, à une aliénation politique au sein même des universalistes »203.

L'échec des expériences de réseautage et de partenariat témoigne de la densité des conflits idéologiques qui détruisent l'unité et même l'identité du féminisme marocain comme un mouvement social selon la conceptualisation de Touraine204. En effet, l'obsession idéologique peut détruire l'unité du féminisme marocain, et nuire à son identité commune. Force est de constater que le féminisme universaliste perdra de vue le véritable adversaire et le meilleur allié. Ainsi, au printemps 2000, « les alliances contre le PANIFD étaient marquées par une contradiction de référentiel, mais étaient unifiées sur le but de préserver les traditions d'une société patriarcale »205. Cependant, nous ne nous attarderons pas sur les autres causes de ces divergences car ce n'est pas le but de cette présente recherche.

En conclusion, ces conflits ont produit une segmentation du féminisme marocain alors que les universalistes venaient à peine de construire une identité propre, indépendamment des partis politiques et de toute autre institution étatique ou religieuse. Il est également important de noter pour la suite de la présente recherche que les changements de lois, (code de la famille, levé des réserves sur CEDAW, la loi sur la nationalité, une loi contre le harcèlement sexuel) ainsi que les politiques publiques d'Etat basées sur l'approche genre ont pu créer une relation de réciprocité entre les tendances du féministe et l'Etat.

203 L'entretien avec la présidente de la section de Larache de LDDF le 27 décembre 2010.

204 Alain Touraine, la voix et le regard, Paris, Seuil. 1978.

205 Propos accueillis de l'entretien avec la présidente de la section de LDDF à Larache le 27 décembre 2010

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De ce fait, cela a permis la renaissance du féminisme d'Etat déjà inauguré la veille de l'indépendance par le code du statut personnel visant à instaurer l'autorité du Makhzen à travers la cellule familiale.

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"Aux âmes bien nées, la valeur n'attend point le nombre des années"   Corneille