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La protection du droit de manifester dans l'espace public


par Charles ODIKO LOKANGAKA
Université de Kinshasa - Doctorat 2020
  

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1. Une reconnaissance unanime

Explicitement consacré par la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948, le droit fondamental au juge fait également l'objet d'une reconnaissance sans équivoque à l'échelle régionale et nationale852(*). A cet endroit, il importe toutefois de préciser que la situation française étonne considérablement par rapport à celle de l'Espagne et du Bénin. Ces pays consacrent explicitement le droit à une protection juridictionnelle effective tant au sein de leur texte constitutionnel que par la progression de la jurisprudence. En RDC, l'article 19 de la constitution du 18 février 2006 consacre, sans équivoque, le droit au juge. Or, cette reconnaissance unanime de ce droit participe sans nul doute d'une recherche d'effectivité de la protection juridictionnelle des droits de la personne humaine.

En effet, ainsi consacré au rang de norme supralégislative, le droit à un recours juridictionnel se voit placé hors de portée des majorités politiques et, ce faisant, jouit du même régime de protection que les autres droits fondamentaux853(*). Les différentes déclinaisons du droit au juge, précisées par les jurisprudences nationales, offrent à ce droit fondamental un champ d'application particulièrement large, source de confirmation de la recherche d'effectivité de la protection juridictionnelle.

2. Un champ d'application large

Postulant « la possibilité d'avoir accès à un juge de qualité, c'est-à-dire le droit à une protection juridictionnelle effective à tous les stades du procès »854(*), le droit au juge repose sur un triptyque selon lequel tout individu doit pouvoir librement accéder à un tribunal répondant à certains standards de bonne justice et dont les décisions sont effectivement exécutées855(*). De cette acception particulièrement étendue du droit au juge découle une volonté de consolidation de la garantie juridictionnelle et, par là-même, de l'ensemble des droits et libertés. Puisque, dès l'instant où la protection juridictionnelle se trouve renforcée, les droits fondamentaux, dont la concrétisation est largement conditionnée par la capacité du juge à en sanctionner les atteintes, ne peuvent que gagner en effectivité856(*).

Le droit d'accès à un juge et le droit à une bonne justice tombant sous le coup des sens, ne feront pas l'objet d'amples développements. Notre attention va se focaliser sur l'impérieuse nécessité de l'exécution des décisions de justice comme composante indispensable du droit au juge.

3. Le droit à l'exécution des décisions de justice

Conscient que « le droit d'accès à un tribunal serait illusoire si l'ordre juridique interne d'un État contractant permettait qu'une décision judiciaire définitive et obligatoire reste inopérante au détriment d'une partie [...] »857(*), le juge européen considère, depuis son arrêt Hornsby c. Grèce du 19 mars 1997, « [...] que la notion de procès équitable couvre non seulement l'accès au juge et le déroulement de l'instance, mais également la mise en oeuvre des décisions judiciaires »858(*). Autrement dit, il découle de l'article 6§1 de la Convention européenne une obligation pour les autorités étatiques d'exécuter les décisions de justice rendues contre elles.

Cette position de principe, loin d'être spécifique à la Cour de Strasbourg, se trouve au contraire relayée par les juridictions nationales. Le Tribunal constitutionnel espagnol considère par exemple que le droit fondamental à un recours juridictionnel effectif implique, au-delà du droit à une décision, soit-elle favorable ou défavorable859(*), le droit à son exécution et à son intangibilité860(*). Dans un sens similaire, le juge constitutionnel portugais précise qu'à partir du moment où la décision du tribunal est prononcée, le justiciable est en droit de revendiquer son exécution et son effectivité861(*). Et si la jurisprudence française semble moins aboutie sur ce point, le Conseil constitutionnel a tout de même donné une force particulière au droit à l'exécution des décisions de justice lors de l'examen de la loi relative à la lutte contre les exclusions. Il a effectivement affirmé que seules « des circonstances exceptionnelles tenant à la sauvegarde de l'ordre public » sont susceptibles de permettre une dérogation à la règle selon laquelle tout jugement peut donner lieu à une exécution forcée862(*).

La Constitution congolaise du 18 février 2006 n'est pas restée en marge de cette évolution. Les alinéas 1 et 2 de l'article 151 tendent à donner un contenu au principe de l'indépendance du pouvoir judiciaire en ces termes :

« Le pouvoir exécutif ne peut donner d'injonction au juge dans l'exercice de sa juridiction, ni statuer sur les différends, ni entraver le cours de la justice, ni s'opposer à l'exécution d'une décision de justice. Le pouvoir législatif ne peut ni statuer sur des différends juridictionnels, ni modifier une décision de justice, ni s'opposer à son exécution ».

De l'analyse de cette disposition on peut inférer que le droit à l'exécution des décisions de justice est consacré au bénéfice des citoyens en République Démocratique du Congo. On relève cependant dans les faits des obstructions récurrentes - ouvertes ou voilées - à l'exécution des décisions justices dont se rendent coupables les autorités relevant tant du pouvoir exécutif et du pouvoir législatif que du pouvoir judiciaire lui-même.

Quoi qu'il en soit, cette extension du droit fondamental au juge s'inscrit, une fois de plus, dans une perspective de renforcement de la protection juridictionnelle des droits fondamentaux étant donné qu'elle tend à s'assurer que les décisions de justice, dont celles touchant au domaine des droits et libertés, ne demeurent pas purement déclaratoires et théoriques. L'objectif ici poursuivi est on ne peut plus clair : permettre au justiciable de jouir effectivement de la protection des droits fondamentaux offerte par le juge. Car, à quoi bon affirmer le droit à recours juridictionnel, aussi respectueux soit-il des exigences que sont celles d'une justice de qualité, si les décisions rendues par le juge ne sont pas respectées.

Animé par le souci d'assurer l'effectivité de la protection juridictionnelle des droits et libertés, le droit au juge, de par ses différentes déclinaisons que sont la possibilité d'accéder à tribunal, le droit à un « bon » juge et l'obligation d'exécution des décisions de justice, favorise non seulement le libre accès des individus à un tribunal, mais également le développement d'une justice de qualité. En cela, l'accession de la garantie juridictionnelle au rang de droit fondamental contribue à asseoir un peu plus encore le statut privilégié du juge au sein du système institutionnel de protection des droits fondamentaux.

Avec un ton sévère, Omeonga Tongomo clame la gravité de la non-exécution des décisions de justice. Cet auteur suggère que soit engagée la responsabilité pénale de l'agent public réfractaire à l'autorité de la chose jugée par la juridiction administrative. Il s'inscrit dans un schéma de criminalisation de tout refus d'une autorité administrative d'exécuter la décision rendue par le juge administratif863(*). Dans le contexte de la liberté de manifestation en RDC, cette suggestion reste d'une redoutable validité. En effet, l'expérience récente du contentieux des élections des gouverneurs et vice-gouverneurs du Sankuru et du Sud-Ubangi démontre à suffisance la réticence des agents publics à déférer aux injonctions du juge administratif. Certes, cette attitude des autorités de la CENI a été quelque peu sous-tendu par l'inoffensivité de la décision administrative à l'égard de l'auteur d'un acte litigieux. Des poursuites pénales à l'encontre des auteurs de pareils actes sont de nature à dissuader avec efficacité.

* 852La Charte africaine des droits de l'homme et des peuples le consacre en son article et la Constitution du 18 février 2006 en son article 19, alinéa 2.

* 853 SERRANO ALBERCA (J.-M.), Las garantías jurisdiccionales como derechos fundamentales : un anális del artículo 24 de la Constitución española, Anuario de derechos humanos, n° 3, Ed. de la Universidad Complutense, Madrid, 1985, p. 439 p. 449.

* 854 POLLET-PANOUSSIS (D.), Les actes inattaquables devant le juge administratif, Thèse dactylographiée, Université de Lille II, 2006, p. 298.

* 855 Ce triptyque est celui proposé par le professeur Serge Guinchard à travers son ouvrage de droit processuel (GUINCHARD (S.)(Dir.) et alii, Droit processuel. Droit commun et droit comparé du procès équitable, Paris, Dalloz, Précis, 5ème éd., 2009, pp. 467-1037).

* 856 En ce sens, RENOUX (T-S.), « La constitutionnalisation du droit au juge en France », Op. cit., p. 115.

* 857 C.E.D.H., 19 mars 1997, Hornsby c. Grèce, req. n° 18357/91.

* 858 SUDRE (Fr.), Droit européen et international des droits de l'homme, Op. cit., p. 344.

* 859 STC 37/1982 du 16 juin 1982, B.O.E. du 16 juillet 1982, FJ 1.

* 860 STC 207/2003 du 1er décembre 2003, B.O.E. du 8 janvier 2004, FJ 2.

* 861 Acórdão 24/1988 du 20 janvier 1988, D.R. série II du 13 avril 1988).

* 862 Cons. const., décision 98-403 DC du 29 juillet 1998, Loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions, Rec. p. 276, J.O. du 31 juillet 1998, p. 11710.

* 863 OMEONGA TONGOMO (B.), Le contrôle juridictionnel de l'administration, Op. cit., p. 370.

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"I don't believe we shall ever have a good money again before we take the thing out of the hand of governments. We can't take it violently, out of the hands of governments, all we can do is by some sly roundabout way introduce something that they can't stop ..."   Friedrich Hayek (1899-1992) en 1984