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La protection du droit de manifester dans l'espace public


par Charles ODIKO LOKANGAKA
Université de Kinshasa - Doctorat 2020
  

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A. La stratification sociale

La société coloniale du Congo comportait trois grandes catégories de personnes : les belges, les étrangers et les indigènes. Cette stratification sociale de piètre figure n'a pas été ménagée par Arnaud Lismond-Mertes, lorsqu'il déclare à ce sujet que « jusqu'à la fin, le Congo a été soumis à un apartheid de fait ».

Les belges désignent ici, toute personne de nationalité belge vivant dans la colonie. On peut, entre autres, citer les autorités et autres fonctionnaires belges venus assurer la prétendue mission civilisatrice ainsi que les religieux qui eux aussi par l'évangile devrait contribuer à l'asservissent de l'homme noir par l'évangile du pardon.

Les étrangers sont des personnes des diverses nationalités vivant en République Démocratique du Congo. On pouvait recenser, les arabes, les portugais pour ne citer que ceux-là.

Les indigènes, sont les populations noires constituées des autochtones. Même si parmi les noires, on différenciait les évolués autrement appelés les immatriculés de la première catégorie qui regroupe ceux dont la mission civilisatrice n'avait pas encore affectés sensiblement.

Les villes avaient été conçues pour séparer la ville « blanche » de la ville indigène. A 18 heures, les indigènes qui travaillaient pour les Blancs étaient appelés à rentrer chez eux. À 21 heures, on éteignait les lumières dans la « cité indigène ». Quand un Congolais voulait acheter un morceau de boudin dans une servait à l'extérieur à travers une petite fenêtre »279(*). Ce clivage social n'était sans impact juridique. La jouissance et les catégories des droits subjectifs étaient fonction de ce clivage social.

René Schoentjes illustrait dans son « Schéma de la ville congolaise » que pour « raisons d'hygiène » une « zone neutre » séparait les quartiers « européens » et « indigènes». D'une largeur de 500 mètres, elle correspondait, selon son concepteur, au rayon d'action maximal d'un moustique porteur de la malaria280(*). Ce mode de vie de la société coloniale ne peut augurer, sauf extrême naïveté, une égalité des droits entre les membres de la communauté dont la description venait d'être faite.

B. Une réglementation discriminatoire

L'article 6 de la Constitution belge de 1831 est conçu comme suit : « Il n'y a dans l'État aucune distinction d'ordres. Les belges sont égaux devant la loi ; seuls sont admissibles aux emplois civils et militaires, sauf les exceptions qui peuvent être établies par une loi pour des cas particuliers ».

Deux questions méritent d'être examinées à la lumière de cette disposition, l'une concernant la portée même du principe de l'égalité des belges y consacrée, et l'autre concernant la nationalité des habitants de la colonie, avant de revenir sur l'appréciation de cette règlementation.

B.1. L'égalité des Belges (de la Belgique et du Congo) devant la loi

A l'alinéa premier de l'article 6, le constituant belge énonce que l'inexistence des ordres parmi les belges. Cette consécration n'avait, en Belgique de 1908, qu'une importance historique. Cette disposition avait été introduite pour écarter la distinction féodale des trois ordres des nobles, des villes et des campagnes, représentés, à l'époque hollandaise, dans les États provinciaux. La déclaration, utile au lendemain de la révolution, est devenue superflue, voir obsolète ou tout simplement superfétatoire dans un État acquis aux conceptions de droit public.

Cette répartition tripartite de la population du Congo-belge découle de l'intitulé du chapitre II de la Charte coloniale, « Des droits des belges, des étrangers et des indigènes », même si l'écriture de ce chapitre soulève un certain nombre de constatations :

1° L'article 2, premier article du chapitre, consacre un égalitarisme juridique au profit de tous les habitants de la colonie, qui sera atténué par les dispositions des autres articles dans la suite. Sauf la liberté de la presse et la liberté de réunion et d'association, l'article 2 de la Charte coloniale donne à tous les habitants de la colonie belge les droits publics dont les belges ont la jouissance sur le territoire de la métropole. Les étrangers et les indigènes sont ainsi mis sur le même pied que les citoyens de la mère patrie.

A l'égard des étrangers, il n'était pas permis d'en décider autrement car, héritière de l'État indépendant du Congo, la Belgique était tenue par les stipulations de l'Acte général de Berlin souscrit par cet État.

Pourtant, aux termes de l'article 5 dudit Acte, les étrangers, dans le bassin conventionnel du Congo, « jouiront indistinctement, pour la protection de leurs personnes et de leurs biens, l'acquisition et la transmission de leurs propriétés mobilières et immobilières, et pour l'exercice des professions, du même traitement et des mêmes droits que les nationaux ».

En plus, il est dans les idées en vogue de considérer les garanties de la liberté et de la propriété comme répondant aux légitimes revendications de la nature humaine, abstraction faite de la nationalité des personnes281(*).

À l'égard des indigènes cependant, des débats houleux ont alimenté les travaux préparatoires de la Charte coloniale.

2° Les droits réels et la liberté individuelle des indigènes seront réglés par des lois. Cette habilitation du législateur contenue dans la Charte coloniale dénote des ambitions constitutionnelles de ses rédacteurs. Les rédacteurs de la Charte en parlent avec le ton du constituant, comme si la Charte coloniale était l'oeuvre d'un pouvoir constituant. Son auteur est le parlement belge qui l'a adoptée selon la procédure législative, et le doute n'est pas permis sur la nature législative de la Charte coloniale, car, le Congo-Belge n'étant pas un État, il ne pouvait pas avoir de constitution.

Même si, dans le cadre d'un État fédéral, l'entité pouvait se doter d'une constitution, celle-ci n'aurait pas été l'oeuvre du Parlement de la fédération.

En outre, l'alinéa 2 de l'article 2 indique que le les mots « la loi » mentionnés dans les articles 7, alinéa 2, 8 à 15, 16, alinéa 1er, 17, alinéa 1er, 21, 22 et 24 de la Constitution belge sont remplacés, en ce qui concerne la colonie, par les mots « les lois particulières ou les Décrets ».N'est-ce pas là une manière sournoise de reconnaitre que la Loi sur le gouvernement du Congo-Belge est une loi générale, prise en application de la Constitution belge, notamment de l'article 107, alinéa 2 ?

Il faut noter que le seul fait d'avoir été l'oeuvre du Parlement belge demeure insuffisant pour affirmer avec force la nature législative de la Charte coloniale. Pour avoir été élaborée et adoptée par le Parlement belge, la loi fondamentale du 19 mai 1960 relative aux structures du Congo n'en demeure pas moins la première constitution du Congo indépendant.

Cependant, cette habilitation du législateur par les auteurs de la Charte coloniale n'est pas sans avantage : elle est de nature à préserver les droits réels et la liberté individuelle des indigènes des interférences intempestives de l'administration coloniale.

3° La coutume avait une place dans l'ordonnancement juridique de la colonie. C'est l'article 4, alinéa 2 de la Charte coloniale qui le consacre. Cette disposition, encore que se référant expressément à la matière des droits civils, a été interprétée comme exprimant le principe suivant lequel le droit coutumier continue à régir la vie des indigènes non immatriculés.

De son côté, la législation sur les juridictions indigènes édictait, parmi les règles de fond applicables par lesdites juridictions : Les tribunaux indigènes appliquent les coutumes pour autant qu'elles ne soient pas contraires à l'ordre public universel. Dans les cas où les coutumes sont contraires à l'ordre public universel, comme en cas d'absence de coutumes, les tribunaux jugent en équité. Toutefois, lorsque les dispositions légales ou réglementaires ont eu pour but de substituer d'autres règles à la coutume indigène les tribunaux indigènes appliquent ces dispositions conformément à l'article 18 tel que résultant du décret du 17 mars 1938. Cependant, si le droit coutumier existait légalement et était dès lors, applicable, il était tenu en échec, ainsi qu'il ressort des textes précités, lorsqu'il était contraire soit à la législation écrite soit à l'ordre public.

Devait être écartée toute coutume qui aurait été en opposition avec la législation écrite lorsque celle-ci avait été promulguée à l'intention même de la population indigène soumise au droit coutumier282(*).

* 279 LISMOND-MERTES (A.), Op. cit, p. 15.

* 280 VELLUT (J.-L.), Op. cit, p. 34.

* 281 Le droit naturel veut que l'homme soit propriétaire. Mais, pour John Locke, il ne s'agit pas, ou pas seulement, de la propriété mobilière ou immobilière. Il s'agit de tout ce que l'homme a en propre, biens matériels ou immatériels acquis ou valorisé par lui-même en tant que propriétaire de son corps et de son esprit. WEIL (E.), Le droit naturel aristotélicien et les droits de l'homme, Laval théologique et philosophique, 43(1), 49-65, considère de son côté que les droits de l'homme sont ainsi l'expression de la nature de l'homme, être de besoins, mais aussi de la nature de l'homme, être libre, d'une liberté en situation, d'une liberté qui se rend visible dans l'histoire.

* 282 HALEWYCK DE HEUSCH (M.), Les institutions politiques et administratives des pays africains soumis à l'autorité de la Belgique, Bruxelles, Office de publicité, 1938, p. 15, n° 29 ; VERSTRAETE (M.), Aperçu de droit civil du Congo belge, Anvers, Éditions Zaïre, 1947, p. 45.

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"Ceux qui rêvent de jour ont conscience de bien des choses qui échappent à ceux qui rêvent de nuit"   Edgar Allan Poe